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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1517/2021

DCSO/347/2021 du 16.09.2021 ( PLAINT ) , REJETE

Normes : lp.66.al4.ch3
Résumé : Notification d'un CDP par la voie diplomatique. Durée admissible.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1517/2021-CS DCSO/347/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 16 SEPTEMBRE 2021

 

Plainte 17 LP (A/1517/2021-CS) formée en date du 3 mai 2021 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Alexis SCHOEB, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par pli recommandé du greffier du ______ à :

·      A______

c/o Me Alexis SCHOEB

Rue Michel-Chauvet 3

1208 Genève.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Le 24 février 2021, le Tribunal de première instance a ordonné en faveur de A______, en application de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, le séquestre (n° 1______; cause C/2______/21), au préjudice de B______, domicilié en République de Colombie, d'un compte bancaire détenu par ce dernier auprès de [la banque] C______ à Genève, à hauteur de 31'616 fr. 25 plus intérêts, la cause de l'obligation étant une sentence arbitrale du 10 mars 2017 (frais d'arbitrage).

Le procès-verbal de séquestre a été communiqué à Me Alexis SCHOEB, conseil du créancier, par pli recommandé du 12 mars 2021.

b. Le 22 mars 2021, le créancier, agissant par son conseil, a déposé une réquisition de poursuite en validation du séquestre précité (poursuite n° 3______).

c. La procédure de poursuite susvisée fait suite à deux poursuites antérieures:

c.a La première, soit la procédure de poursuite n° 4______ en validation du séquestre n° 5______, a abouti à une saisie définitive de 662'704 fr. au préjudice de B______, ladite créance étant également issue de la sentence arbitrale susvisée.

Le procès-verbal de séquestre et le commandement de payer relatifs à cette procédure de poursuite avaient été envoyés en Colombie le 23 mai 2017. Le dossier a été retourné aux autorités suisses, non notifié, par pli du 28 juin 2017, les autorités colombiennes requérant une traduction et des précisions sur l'adresse du débiteur. Le dossier a alors été complété par l'Office et renvoyé en Colombie le 3 octobre 2017, puis renvoyé en retour à l'Office le 3 juillet 2018, avec le récépissé attestant de ce que la notification par les autorités colombiennes avait été effectuée le 2 mai 2018.

c.b Dans la poursuite n° 6______ (visant au recouvrement des frais d'arbitrage), validant le séquestre n° 7______, les actes de poursuite ont été expédiés aux autorités colombiennes, en vue de notification au débiteur, le 13 septembre 2018. Sans nouvelles des autorités colombiennes, l'Office leur a adressé trois rappels, les 2 avril 2019, 16 septembre 2019 et 18 février 2020. L'Office a indiqué qu'en raison de la pandémie et de l'interruption du trafic postal, les courriers destinés au débiteur n'avaient pas pu lui être transmis.

Constatant que la notification ne pourrait intervenir dans un délai raisonnable, l'Office, en application de l'art. 66 al. 4 ch. 3 LP, a procédé à la notification des actes de poursuite par publication dans la FOSC du ______ décembre 2020.

Par décision rendue le 22 février 2021 dans le cadre de la poursuite n° 6______, l'Office a refusé de donner suite à la réquisition de continuer la poursuite déposée par le créancier, au motif qu'elle était tardive.

Le séquestre n° 7______ est donc devenu caduc.

d. Parallèlement au dépôt de la réquisition de poursuite en validation du séquestre n° 1______, le créancier a sollicité, par pli du 22 mars 2021, que l'Office procède à la notification des actes de poursuite en cause par voie de publication.

A l'appui de sa requête, il a invoqué les difficultés rencontrées dans le cadre des deux précédentes procédures de poursuite en validation de séquestre (n° 4______ et n° 6______) opposant les mêmes parties, rappelant que la seconde procédure, qui portait déjà sur la créance relative aux frais d'arbitrage découlant de la sentence arbitrale du 10 mars 2017, avait abouti à une notification par voie édictale, après de vaines tentatives de notification pendant plus de deux ans.

e. Par pli du 20 avril 2021, l'Office, tout en se référant au Guide de l'entraide judiciaire de l'Office fédéral de la justice concernant les notifications à l'étranger, a indiqué au créancier que la notification des nouveaux actes de poursuite (soit le procès-verbal de séquestre n° 1______ et le commandement de payer, poursuite n° 3______) interviendrait par le biais des autorités colombiennes compétentes. Par ailleurs, il a rappelé que la comparaison avec une poursuite antérieure était inopportune, puisque la situation était susceptible d'évoluer d'une procédure à une autre.

B. a. Par acte expédié le 3 mai 2021 auprès de la Chambre de surveillance, A______ a formé plainte au sens de l'art. 17 LP contre la décision de l'Office refusant de notifier par voie édictale les actes de poursuite relatifs à la procédure en validation du séquestre n° 3______, et contre la décision de transmettre ceux-ci par voie diplomatique aux autorités compétentes colombiennes en vue de notification. Il a conclu à ce qu'il soit ordonné à l'Office de procéder à la notification des actes concernés par voie de publication et, subsidiairement, à ce que ces actes soient notifiés au débiteur dans un délai raisonnable d'au maximum 12 mois.

Il a fait valoir que les conditions pour admettre la notification par voie de publication étaient réalisées, puisqu'il était établi qu'il était impossible de notifier les actes de poursuite au débiteur, domicilié en Colombie, dans un délai raisonnable, l'intention de ce dernier de se soustraire à la notification étant manifeste.

b. Dans ses observations, l'Office a conclu au rejet de la plainte, puisque les deux expériences passées auxquelles se référait le plaignant ne permettaient pas de retenir d'emblée que la notification ne pourrait pas intervenir dans un délai raisonnable, la première des deux procédures antérieures ayant d'ailleurs abouti à une notification dans un délai d'environ 9 mois par le biais des autorités colombiennes compétentes. Selon l'Office, les problèmes de notification rencontrés dans le cadre de la seconde procédure étaient principalement liés à la pandémie et à l'interruption du trafic postal.

c. Par avis du 10 juin 2021, les parties ont été informées de ce que l'instruction de la cause était close.

EN DROIT

1. La plainte est recevable pour avoir été déposée auprès de l'autorité compétente (art. 17 al. 1 LP; 6 al. 1 et 3 LaLP), par une partie lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), dans le délai utile de dix jours (art. 17 al. 2 LP) et selon la forme prescrite par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LaLP, 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), à l'encontre d'une mesure de l'Office - en l'espèce le refus de procéder à la notification du procès-verbal de séquestre et du commandement de payer en validation du séquestre par voie de publication - sujette à plainte.

2. 2.1. Lorsque le débiteur demeure à l'étranger, il est procédé à la notification par l'intermédiaire des autorités de sa résidence (art. 66 al. 3 LP). S'il existe un traité international, l'office des poursuites doit se conformer à ses dispositions (ATF
122 III 395 consid. 2a p. 396).

L'art. 66 al. 4 LP autorise la notification par publication lorsqu'un débiteur n'a pas de domicile connu (ch. 1), lorsqu'il se soustrait obstinément à la notification (ch. 2) ou encore lorsqu'une notification à l'étranger ne peut pas être obtenue dans un délai raisonnable (ch. 3).

En raison du risque élevé que le débiteur ne prenne pas effectivement connaissance de la publication et parce qu'elle est susceptible de porter atteinte à la bonne réputation du débiteur, il n'est possible de recourir à la notification par voie édictale qu'en ultima ratio, lorsqu'il n'y a pas d'autres moyens d'atteindre le débiteur. Ainsi, il faut qu'en dépit des recherches et des efforts raisonnablement exigibles de la part du créancier requérant et de l'office, une notification effective au débiteur par l'une des voies prévues notamment à l'art. 66 al. 1 à 3 LP s'avère impossible. Cette stricte subsidiarité est une condition générale applicable aux trois hypothèses dans lesquelles l'art. 66 al. 4 LP autorise une notification par voie de publication (Jeanneret/Lembo, Commentaire romand, Poursuite pour dette et faillite, 2005, n. 19 ad art. 66 LP et les références citées).

2.1.1 L'hypothèse du débiteur qui se soustrait obstinément à la notification (art. 66 al. 4 ch. 2) suppose cumulativement l'impossibilité réitérée de remettre l'acte de poursuite au débiteur ou à une personne autorisée et un élément subjectif, à savoir l'intention de se soustraire à la notification. La réalisation de l'élément subjectif peut découler d'expériences précédentes de l'office qui connaît le comportement récalcitrant du débiteur; en revanche, l'office doit s'assurer que les échecs de notification ne sont pas le fruit d'un simple cas fortuit ou d'une banale négligence qui ne réalisent pas la condition d'intention requise par la loi (Jeanneret/Lembo, op. cit., n. 21 ad art. 66 LP).

2.1.2 L'art. 66 al. 4 ch. 3 LP vise non seulement le cas où les autorités étrangères refusent expressément la notification et renvoient les documents non notifiés, mais également celui où elles ne retournent pas l'acte de poursuite notifié dans un délai convenable, sans pour autant refuser formellement la notification (arrêt du Tribunal fédéral 7B.209/2002 du 27 novembre 2002 et les références citées).

Déterminer ce qu'est un délai convenable au sens de l'art. 66 al. 4 ch. 3 LP est une question d'appréciation que l'office doit résoudre de cas en cas, en considération notamment du pays concerné (Jeanneret/Lembo, op. cit., n. 22 ad art. 66 LP).

Selon le Guide de l'entraide judiciaire de l'Office fédéral de la justice, la notification en Colombie s'effectue par le biais de l'autorité centrale de Bogotà et peut prendre entre deux et douze mois.

Le Tribunal fédéral a considéré qu'un délai de cinq à quinze mois prévu pour la notification d'un acte de poursuite à l'étranger, en l'occurrence au Panama, où la notification est réputée difficile, devait être considéré comme convenable au sens de l'art. 66 al. 4 ch. 3 LP et que la notification par voie édictale n'était par conséquent pas ouverte (ATF 129 III 556 consid. 4, in SJ 2004 I 53).

L'office peut d'emblée procéder à une publication s'il dispose d'éléments probants permettant de retenir qu'une notification dans un pays donné ne peut pas intervenir dans ce délai raisonnable. Il faut, a fortiori, assimiler l'impossibilité d'obtenir une notification en temps utile à l'impossibilité totale de notifier l'acte à l'étranger, soit que l'Etat étranger s'y refuse, soit qu'une tentative de notification par la voie diplomatique ait échoué (Jeanneret/Lembo, op. cit., n. 22 ad art. 66 LP et les références citées).

2.2 En l'espèce, le plaignant reproche à l'Office de ne pas avoir donné suite à sa demande de notifier par voie édictale les actes de poursuite relatifs à la procédure en validation du séquestre n° 1______, poursuite n° 3______.

Il se prévaut en premier lieu de l'hypothèse prévue par l'art. 66 al. 4 ch. 2 LP, soit que le débiteur se soustrait obstinément à la notification. Or, in casu, avant de demander la notification par publication, le plaignant a requis deux poursuites contre le poursuivi. Dans le cadre de la première, les actes de poursuites ont bel et bien pu être notifiés au débiteur à son adresse en Colombie, en mai 2018, par le biais des autorités compétentes de ce pays. Les actes relatifs à la seconde poursuite n'ont effectivement pas pu être notifiés au débiteur par la voie diplomatique, mais les raisons de cet échec (qui date déjà d'une période antérieure au début de la pandémie, contrairement à ce qu'affirme l'Office, puisqu'il avait notamment adressé un premier rappel aux autorités colombiennes le 2 avril 2019) ne résultent pas du dossier. Faute d'éléments en ce sens, rien ne permet de retenir que l'élément subjectif - soit l'intention du débiteur de se soustraire obstinément à la notification - requis par la loi soit réalisé.

Par ailleurs, le plaignant fait valoir qu'il y aurait de sérieux doutes que le dernier domicile connu du débiteur soit toujours actuel. Cette simple allégation, fondée sur de simples suppositions, ne permet pas de remettre en cause ce qui précède. Au demeurant, même en cas de domicile inconnu, il appartient en premier lieu au créancier de procéder à toutes les recherches raisonnablement exigibles de sa part  afin de trouver une adresse de notification (ATF 112 III 6 consid. 4), l'intéressé ne démontrant en l'occurrence pas qu'il a satisfait à cette incombance (DCSO/233/2017 du 4 mai 2017 consid. 2.3).

Pour le surplus, l'unique expérience passée invoquée par le plaignant, dans laquelle la notification n'a pas pu aboutir, ne suffit pas, à elle seule, pour retenir qu'il ne serait pas possible d'obtenir à nouveau la notification en Colombie dans un délai convenable, comme cela fut d'ailleurs le cas à l'occasion de la procédure de poursuite n° 4______.

Compte tenu de ce qui précède et dès lors que la voie de la notification par publication n'est ouverte qu'en dernier ressort, c'est à juste titre que l'Office a considéré qu'il ne pouvait pas choisir d'emblée cette voie pour notifier les actes de poursuite considérés, une telle mesure étant prématurée à ce stade.

C'est donc en conformité avec la stricte condition de subsidiarité applicable aux trois hypothèses visées à l'art. 66 al. 3 LP, en particulier celles des ch. 2 et 3, que l'Office a, dans un premier temps, tenté de procéder à la notification du commandement de payer, poursuite n° 3______, et du procès-verbal de séquestre n° 1______ par la voie de l'entraide judiciaire internationale.

Pour le surplus, il n'appartient pas à l'autorité de céans de fixer, dans le cadre de la présente plainte, un délai maximum pouvant être considéré comme raisonnable pour la tentative de notification des actes de poursuite en cause par la voie diplomatique, cette question devant être laissée, à tout le moins dans un premier temps, à l'appréciation de l'Office.

Par conséquent, la plainte sera rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 3 mai 2021 par A______ contre la décision de l'Office du 20 avril 2021 refusant de notifier par voie édictale les actes de poursuite relatifs à la procédure en validation du séquestre n° 1______, poursuite n° 3______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président : La greffière :

 

Patrick CHENAUX Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 


Voie de recours
:

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.