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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/411/2021

DCSO/291/2021 du 08.07.2021 ( PLAINT ) , ADMIS

Descripteurs : Notification CDP; opposition tardive
Normes : LP.65.al1.ch2; LP.74.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/411/2021-CS DCSO/291/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 8 JUILLET 2021

 

Cause A/411/2021; plaintes 17 LP formées les 5 février et 22 mars 2021 par A______ SA, élisant domicile en l'étude de Me Corinne DUFLON-DUCARROZ, avocate.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 8 juillet 2021
à :

-       A______ SA

c/o Me DUFLON-DUCARROZ Corinne

DMS Avocats

Boulevard Georges-Favon 13

1204 Genève.

- B______

______

______

France

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______ SA est une société anonyme inscrite le ______ 2019 au Registre du commerce de Genève, dont le siège se trouve à K______ [GE]. Jusqu'au
4 novembre 2020, l'adresse de la société était située à la 2______[GE]. Depuis cette date, elle est domiciliée 4______ [GE].

C______ et D______ ont été administrateurs de la société, avec signature individuelle, de septembre 2019 à novembre 2020 pour le premier, et de novembre 2020 à février 2021 pour la seconde.

Depuis février 2021, E______ est l'administrateur unique de la société. Il en était précédemment le directeur, avec signature individuelle.

b. Par réquisition du 24 août 2020, B______ a initié une poursuite contre A______ SA, sise 2______ [GE], en recouvrement d'un montant de 48'658 fr. 86 réclamé au titre de plusieurs factures impayées.

A réception de cette réquisition, l'Office des cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) a établi un commandement de payer, poursuite n° 1______, et l'a remis à la Poste pour notification à A______ SA.

L'acte a été distribué au guichet postal le 28 août 2020, sans opposition, en mains de F______ (cf. infra let. B.f).

c. Par courrier du 26 octobre 2020 adressé à l'Office, E______, en sa qualité de directeur de A______ SA, s'est plaint du fait que le commandement de payer, poursuite n° 1______, avait été remis à une personne qui "ne fai[sait] pas partie de la société". Il a précisé qu'en raison de la crise sanitaire, les allées et venues dans les bureaux de A______ SA étaient limitées et qu'il avait récemment pris connaissance du commandement de payer. Il s'y opposait, les factures de B______ étant contestées.

d. Par décision du 27 octobre 2020, l'Office a refusé d'enregistrer l'opposition formée par A______ SA à la poursuite n° 1______, au motif de sa tardiveté, le délai d'opposition prévu par l'art. 74 LP ayant expiré le 7 septembre 2020.

Le pli recommandé contenant cette décision a été distribué au guichet postal le
2 novembre 2020, en mains de G______ (cf. infra let. B.f).

e. Le 19 janvier 2021, B______ a requis la continuation de la poursuite
n° 1______. A réception de cette réquisition, l'Office a établi une commination de faillite et l'a remise à la Poste pour notification à A______ SA – à sa nouvelle adresse 4______[GE].

L'acte a été distribué au guichet postal le 4 février 2021, en mains de E______.

B. a. Par acte expédié le 5 février 2021 à la Chambre de surveillance, A______ SA, représentée par E______, a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP, concluant implicitement à ce que l'Office enregistre son opposition à la poursuite n° 1______. Elle a réitéré ses précédentes explications, à savoir que le commandement de payer avait été remis à une personne inconnue de A______ SA, qui ne disposait d'aucune procuration l'autorisant à recevoir des actes de poursuite au nom de la société. Au surplus, les factures dont le paiement était réclamé par B______ étaient contestées.

Cette plainte a été enregistrée sous le numéro de cause A/411/2021.

b. Dans son rapport explicatif du 3 mars 2021, l'Office a indiqué que la notification du commandement de payer était a priori valable, sauf à démontrer que F______ n'était pas au bénéfice d'une procuration l'autorisant à retirer l'acte au guichet postal.

Le rapport explicatif de l'Office et les pièces annexées à ce rapport ont été transmis à A______ SA le 9 mars 2021.

c. De son côté, B______ a produit, en vrac, plusieurs pièces ayant trait aux montants facturés à A______ SA.

d. Par acte expédié à la Chambre de surveillance le 22 mars 2021, Me Corinne DUFLON-DUCARROZ, avocate, s'est constituée pour la défense des intérêts de A______ SA, avec élection de domicile en son Etude.

Elle a exposé que la plaignante n'avait eu connaissance du commandement de payer qu'en date du 23 octobre 2020, lorsque son administrateur d'alors, C______, avait retrouvé l'acte dans la boîte aux lettres de H______ SARL, société dont il était l'associé et dont le siège se trouvait à la rue 2______,
[GE] (adresse correspondant à ce moment-là au siège de A______ SA). La notification du commandement de payer était viciée, puisque l'acte avait été remis à une personne qui n'était pas employée de A______ SA ni représentante de la société inscrite ès qualités au registre du commerce. Après sa découverte fortuite du commandement de payer, A______ SA avait formé opposition le
26 octobre 2020, soit dans les dix jours suivant sa prise de connaissance effective de l'acte. Contre toute attente, l'Office avait rejeté cette opposition par décision du 27 octobre 2020. A______ SA ne savait pas à qui cette décision – dont elle ignorait tout – avait été communiquée, mais il ne s'agissait pas d'une personne autorisée à représenter la société. Ce n'était qu'à réception de la commination de faillite que A______ SA avait compris que l'affaire n'était pas close, raison pour laquelle elle avait déposé une plainte devant la Chambre de surveillance.

En conséquence, A______ SA concluait à l'enregistrement de son opposition à la poursuite n° 1______, ainsi qu'à la constatation de la nullité de tous les actes de poursuite postérieurs au 26 octobre 2020, en particulier de la commination de faillite du 4 février 2021. A titre préalable, elle sollicitait l'octroi de l'effet suspensif à sa plainte.

e. Par acte du même jour adressé à la Chambre de surveillance, A______ SA, représentée par Me DUFLON-DUCARROZ, a formé une plainte – enregistrée sous le numéro de cause A/3______/2021 – contre la décision de l'Office du 27 octobre 2020 (refusant d'enregistrer l'opposition à la poursuite), concluant à son annulation et à la constatation de la nullité des actes de poursuite subséquents. Elle a exposé que cette décision ne lui était jamais parvenue et qu'elle n'en avait eu connaissance qu'en consultant les pièces produites par l'Office à l'appui de son rapport du 3 mars 2021, dont elle avait reçu copie le 10 mars 2021 (cf. supra let. B.b). A titre préalable, elle a sollicité l'octroi de l'effet suspensif à sa plainte.

f. En parallèle, la Chambre de surveillance a invité l'Office à se renseigner auprès de la Poste pour savoir si F______ disposait d'une procuration l'autorisant à retirer des plis recommandés destinés à A______ SA au guichet d'un office de poste, notamment des actes de poursuite.

Par courriels des 30 mars, 31 mars et 6 avril 2021, la Poste a communiqué diverses informations à l'Office, dont il ressort, en substance, les éléments suivants : le commandement de payer avait été remis au guichet postal à F______, employée de I______ SA – société ayant son siège à la 2______ [GE] – auprès de laquelle A______ SA était semble-t-il domiciliée à la date de distribution; selon les fichiers de la Poste, F______ avait disposé d'une procuration au nom de I______ SA du 18 mai 2020 au 15 janvier 2021. Par ailleurs, le pli recommandé contenant la décision de l'Office du 27 octobre 2020 avait été distribué au guichet postal en mains de G______, administrateur de I______ SA; selon les fichiers de la Poste, le précité disposait d'une procuration au nom de cette société depuis le 15 janvier 2021.

g. Par ordonnance du 8 avril 2021, la Chambre de surveillance a ordonné la jonction des causes A/411/2021 et A/3______/2021 sous le numéro A/411/2021 et accordé l'effet suspensif aux plaintes formées par A______ SA, en ce sens que les effets de la commination de faillite étaient suspendus jusqu'à droit jugé sur le fond.

Un délai a été imparti à la plaignante pour renseigner la Chambre de céans sur l'identité des personnes autorisées à retirer les envois recommandés lui étant adressés (y compris les actes de poursuite), pièces justificatives à l'appui (attestation de la Poste listant les personnes autorisées, respectivement confirmant l'absence de procuration en faveur d'autres représentants que ceux inscrites ès qualités au registre du commerce, etc.) et pour préciser la nature des relations qu'elle entretenait avec I______ SA, pièces justificatives à l'appui (convention de domiciliation, procuration confiée à cette société, etc.).

h. Dans ses observations des 19 avril et 4 mai 2021, A______ SA a précisé que les seules personnes autorisées à retirer les envois recommandés adressés à la société étaient C______ (jusqu'au 4 novembre 2020) et E______. Aucune procuration n'avait été donnée à des tiers pour réceptionner ou retirer les courriers destinés à A______ SA. Concernant ses liens I______ SA, la plaignante a exposé ce qui suit :

-          A l'époque de sa création, A______ SA avait partagé les locaux de la société J______ SA (ancienne raison sociale de I______ SA) qui l'avait "accueillie pour une première période d'incubation"; d'autres sociétés partageaient également ces locaux, situés à la 2______[GE]. C______ était alors l'actionnaire unique de J______ SA; en raison de ses liens d'amitiés avec E______, les locaux avaient été mis gracieusement à disposition de A______ SA; aucun contrat de bail à loyer n'avait été signé.

 

-          Le 29 octobre 2020, J______ SA avait changé de raison sociale pour devenir I______ SA, ce qui faisait suite à un changement dans l'actionnariat de la société; à la même période, A______ SA s'était installée 4______ [GE].

 

-          A______ SA contestait avoir eu une domiciliation auprès de J______ SA et/ou de I______ SA, étant précisé qu'elle n'avait jamais bénéficié d'un support administratif, par exemple pour le courrier, de cette société; A______ SA contestait fermement avoir signé ou donné la moindre procuration à J______ SA et/ou à I______ SA, que ce soit à l'un de ses organes ou à l'un de ses employés.

A______ SA a produit deux courriels de la Poste, datés des 29 avril et 4 mai 2021, dans lesquels cette dernière a confirmé qu'il n'existait "pas d'historique, ni d'enregistrement ou de procuration dans [ses fichiers] au nom de [A______ SA]", que ce soit à son ancienne adresse (2______[GE]) ou à son adresse actuelle (chemin 4______ [GE]).

i. B______ a renoncé à se déterminer sur les observations de A______ SA qui lui ont été transmises le 5 mai 2021.

j. La cause a été gardée à juger le 23 juin 2021.

EN DROIT

1.             1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'Office qui ne peuvent pas être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP), telles la notification d'un commandement de payer ou le refus de tenir compte d'une opposition.

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP;
art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 2 LP), de retard à statuer et de déni de justice (art. 17 al. 3 LP).

La motivation peut être sommaire mais doit permettre à l'autorité de surveillance de comprendre les griefs soulevés par la partie plaignante ainsi que ce qu'elle demande (ERARD, in CR LP, 2005, n. 32 et 33 ad art. 17 LP).

1.2 Lorsque la mesure contestée a fait l'objet d'une communication écrite au sens de l'art. 34 al. 1 LP, le délai de plainte de dix jours commence à courir le lendemain de sa réception par le destinataire (art. 142 al. 1 CPC, applicable par renvoi de l'art. 31 LP).

En cas de courrier recommandé ou de courrier A +, il y a présomption naturelle que le pli a bien été distribué au destinataire. Dans les deux cas, le suivi "Track & Trace" ne prouve pas directement que l'envoi a effectivement atteint la sphère d'influence du destinataire, mais simplement que le bureau de poste a effectué une inscription correspondante dans son système d'enregistrement. On peut cependant conclure de cette inscription que l'objet a été placé dans la boîte aux lettres ou la boîte postale du destinataire (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1059/2018 du 18 janvier 2019 consid. 2.2.2 et 2C_16/2019 du 10 janvier 2019 consid. 3.2.2).

Une erreur dans la notification, laquelle ne peut jamais être exclue, ne suffit pas en soi à renverser la présomption susmentionnée; il doit pour ce faire y avoir des indices concrets d'une erreur. Cette présomption de notification peut ainsi être renversée par le destinataire qui doit démontrer en quoi une notification incorrecte est plausible au vu des circonstances. L'allégation d'un justiciable selon laquelle il est victime d'une erreur de notification par voie postale et par conséquent sa bonne foi, ne peuvent être prises en considération que si la présentation qu'il fait des circonstances entourant la notification en cause est concevable et repose sur une certaine vraisemblance (ATF 142 III 599 consid. 2.4; 105 III 43 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 2C_570/2011 du 24 janvier 2012 consid. 4.3 et les références citées; 2C_1059/2018 consid. 2.2.2; 2C_16/2019 consid. 3.2.2).

1.3 En l'occurrence, les plaintes respectent la forme écrite, sont dirigées contre le refus de l'Office d'enregistrer l'opposition formée à la poursuite n° 1______, soit une mesure sujette à plainte, et émanent de la débitrice poursuivie, soit d'une personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés. Bien que la motivation de la plainte du 5 février 2021 soit extrêmement succincte, les reproches adressés par la plaignante à l'Office sont compréhensibles, de même que ses conclusions.

En tant qu'elle vise la commination de faillite du 4 février 2021, la plainte du
5 février 2021 a été formée dans le délai prévu à l'art. 17 al. 2 LP. Comme il sera vu ci-après, la plainte du 22 mars 2021 a également été formée en temps utile, compte tenu du vice affectant la notification de la décision de l'Office du
27 octobre 2020 (cf. consid. 2.5).

Les plaintes seront donc déclarées recevables.

2. La plaignante reproche à l'Office d'avoir donné suite à la réquisition de continuer la poursuite n° 1______, en lui notifiant une commination de faillite, alors qu'elle soutient avoir valablement formé opposition à cette poursuite le 26 octobre 2020. Par ailleurs, elle expose n'avoir eu connaissance de la décision de l'Office du
27 octobre 2020 – refusant d'enregistrer son opposition – que le 10 mars 2021, à la lecture du rapport explicatif du 3 mars 2021 et des pièces annexées audit rapport.

2.1 Un commandement de payer est un acte de poursuite qui doit faire l'objet d'une communication revêtant la forme qualifiée de la notification (art. 72 LP). Cette notification consiste en la remise de l'acte en mains du poursuivi ou, en l'absence de ce dernier, en mains d'une personne de remplacement désignée par la loi et aux lieux prévus par la loi (art. 64, 65 et 66 al. 1 à 3 LP). La notification est opérée par le préposé ou un employé de l'Office ou par la Poste (art. 72 al. 1 LP); dans cette dernière hypothèse, l'employé postal agit en qualité d'auxiliaire de l'Office, auquel ses actes sont imputables (ATF 119 III 8 cons. 3b). La notification d'un commandement de payer fait courir le délai de dix jours pour y former opposition (art. 74 al. 1 LP).

La notification donne lieu à l'établissement par l'agent notificateur d'un procès-verbal, par lequel ce dernier doit attester, sur chaque exemplaire de l'acte, la date à laquelle il a été remis, l'endroit de cette remise et la personne qui l'a reçu (art. 72 al. 2 LP). Ce procès-verbal constitue un titre authentique au sens de l'art. 9 al. 1 CC, avec pour conséquence que les faits qu'il constate et dont l'inexactitude n'est pas prouvée sont réputés établis (art. 9 al. 1 CC; ATF 120 III 117 consid. 2). La preuve de leur inexactitude n'est soumise à aucune forme particulière (art. 9 al. 2 CC).

L'art. 65 LP dresse une liste des personnes qui sont réputées être les destinataires directs autorisés à recevoir des actes de poursuite dirigés contre les personnes morales ou les sociétés. Le but de cette disposition est, compte tenu des lourdes conséquences attachées à la notification d'un acte de poursuite, de garantir une notification effective à l'un ou l'autre des représentants autorisés afin qu'il puisse, par exemple pour le commandement de payer, examiner l'opportunité d'y former opposition en pleine connaissance de cause (ATF 118 III 10 consid. 3a, JdT 1994 II 119; 117 III 10 consid. 5a; 116 III 8 consid. 1b).

S'agissant des sociétés anonymes, l'art. 65 al. 1 ch. 2 LP prescrit que les actes de poursuite doivent être notifiés à leur représentant, c'est-à-dire à un membre de l'administration, à un directeur ou à un fondé de procuration. Est déterminant à cet égard le fait que le représentant soit inscrit ès qualités au registre du commerce, sans qu'il soit nécessaire qu'il dispose d'un pouvoir de signature individuel (JAQUES, De la notification des actes de poursuite, in BlSchK 2011 pp. 177 ss., § 4.3).

A titre subsidiaire, soit lorsqu'aucun représentant de la personne morale au sens de l'art. 65 al. 1 LP ne peut être trouvé dans les bureaux de celle-ci, l'agent notificateur peut notifier l'acte de poursuite à un employé de la poursuivie ou de la société domiciliaire qui l'héberge (art. 65 al. 2 LP; Jaques, op. cit., in BlSchK, 2011, pp. 177 ss., pp. 185-186, § 5.2 et les références citées; ATF 117 III 10 consid. 5a;
96 III 4 consid. 1). Par bureaux au sens de cette disposition, il faut entendre l'endroit où à tout le moins un représentant autorisé de la société accomplit régulièrement ses tâches pour le compte de la personne morale (ATF 88 III 12 consid. 2).

C'est à l'Office qu'incombe le fardeau de la preuve de la notification régulière de l'acte, et en particulier, dans le cas d'une notification à une personne de remplacement au sens de l'art. 65 al. 2 LP, de l'échec de la tentative de notification à un représentant au sens de l'art. 65 al. 1 ch. 2 LP (ATF 117 III 10 consid. 5d).

2.2 Un vice affectant la procédure de notification entraîne la nullité de cette dernière si l'acte notifié n'est pas parvenu à la connaissance du débiteur (ATF 110 III 9 consid. 2). Si en revanche, malgré ce vice, le débiteur a connaissance de l'acte notifié ou de son contenu essentiel, la notification n'est qu'annulable (ATF 128 III 101 consid. 2). Le délai pour former une plainte (art. 17 al. 2 LP), comme celui pour former opposition si l'acte notifié était un commandement de payer, commence alors à courir au moment de cette prise de connaissance (ATF 128 III 101 consid. 2).

2.3 Aux termes de l'art. 74 al. 1 LP, le débiteur poursuivi qui entend former opposition doit, verbalement ou par écrit, en faire la déclaration immédiate à celui qui lui remet le commandement de payer ou à l'Office dans les dix jours à compter de la notification du commandement de payer.

L'Office consigne l'opposition formée à un commandement de payer au registre des poursuites (art. 10 § 9 de l'Ordonnance sur les formulaires et registres à employer en matière de poursuite pour dettes et de faillite et sur la comptabilité; Oform, RS 281.31). Avant de transmettre au créancier l'exemplaire de l'acte qui lui est destiné, l'Office se prononce sur la validité de l'opposition. Son examen est formel. Il n'a pas trait au bien-fondé des motifs d'opposition. Il porte sur le respect du délai pour former opposition et sur la clarté de la manifestation de volonté du poursuivi de faire opposition. La décision de l'Office sur la validité de l'opposition n'a aucun effet sur la validité de la créance. Elle peut être portée devant l'autorité de surveillance par voie de plainte. Le délai de plainte court du jour où l'intéressé a connaissance de la décision de l'Office (RUEDIN, in CR LP, 2005, n. 4 à 8 ad art. 76 LP et les références citées).

2.4 D'après la jurisprudence, les actes de poursuite – tel qu'une commination de faillite – effectués en continuation d'une poursuite alors que celle-ci est suspendue par l'opposition sont nuls au sens de l'art. 22 al. 1 LP; faute d'être fondés sur un commandement de payer exécutoire, de tels actes "heurtent les principes fondamentaux de la poursuite pour dettes" (ATF 109 III 53 consid. 2b).

Par conséquent, l'autorité de surveillance doit constater cette nullité d'office, même si la plainte est tardive (ATF 92 III 55, JdT 1966 II 66; arrêt du Tribunal fédéral 5A_713/2018 du 23 janvier 2019 consid. 2.2 et les références citées).

2.5 En l'espèce, le commandement de payer, poursuite n° 1______, a été distribué au guichet d'un office de poste le 28 août 2020, en mains de F______, employée de I______ SA. Il ressort des pièces versées au dossier et des explications de la plaignante – non remises en cause par l'Office et le créancier poursuivant– qu'à cette date, F______ n'était pas une représentante de A______ SA inscrite ès qualité au registre du commerce, ni même une employée de la société, tandis qu'elle ne disposait d'aucune procuration vis-à-vis de la Poste l'autorisant à retirer les envois recommandés (en particulier les actes de poursuite) destinés à la plaignante. Le commandement de payer n'a pas non plus été notifié dans les bureaux de la poursuivie à une personne de substitution désignée par la loi. En d'autres termes, l'acte a été remis à une personne non habilitée à recevoir un commandement de payer dirigé contre la plaignante. La notification du 28 août 2020, qui n'a pas été accomplie conformément à l'art. 65 LP, est donc viciée.

La plaignante a exposé avoir effectivement eu connaissance du commandement de payer le 23 octobre 2020, date à laquelle son administrateur avait retrouvé l'acte dans la boîte aux lettres d'une société tierce. Aucun élément du dossier ne permet de mettre en doute ce qui précède, étant précisé qu'en tout état, la preuve d'une éventuelle prise de connaissance de l'acte avant cette date incombait à l'Office.

Par conséquent, c'est à compter du 23 octobre 2020 que le délai d'opposition de l'art. 74 al. 1 LP a commencé à courir, avec pour conséquence qu'il n'avait pas expiré au moment où la plaignante a transmis sa déclaration d'opposition à l'Office. Aussi, c'est à tort que celui-ci a refusé d'enregistrer cette opposition dans sa décision du
27 octobre 2020. Selon les informations fournies par la Poste, l'envoi recommandé contenant la décision attaquée a été distribué au guichet postal, le 2 novembre 2020, en mains de G______. Or, il ressort des explications de la plaignante – confirmées par la Poste par courriels des 29 avril et 4 mai 2021 – que l'administrateur de I______ SA ne disposait d'aucune procuration l'autorisant à retirer les envois recommandés destinés à la plaignante. Celle-ci a affirmé qu'elle ignorait tout de cette décision, dont elle n'avait appris l'existence que le 10 mars 2021, en compulsant le rapport explicatif de l'Office du 3 mars 2021 et des pièces annexées audit rapport. Aucun élément au dossier ne tend à démontrer que la poursuivie aurait été informée de cette décision avant cette date. Dans la mesure où la plaignante a rendu vraisemblable qu'elle avait été victime d'une erreur de notification par voie postale, la Chambre de surveillance retiendra que la décision du 27 octobre 2020 a été contestée en temps utile, à savoir dans les dix jours de celui où la plaignante en a pris connaissance (art. 17 al. 2 LP).

Cette décision, qui s'avère mal fondée, sera annulée et il sera ordonné à l'Office d'enregistrer l'opposition formée à la poursuite n° 1______ et de remettre au créancier poursuivant un exemplaire de l'acte faisant état de cette opposition
(art. 76 al. 1 et 2 LP).

La nullité des mesures entreprises par l'Office en continuation de la poursuite
n° 1______, en particulier de la commination de faillite du 4 février 2021, sera par ailleurs constatée.

2.6 Il ne sera pas entré en matière sur les griefs soulevés par la plaignante au sujet des factures faisant l'objet de la poursuite litigieuse.

En effet, il n'appartient ni aux offices des poursuites ni aux autorités de surveillance de décider si une prétention est exigée à bon droit ou non : l'examen du bien-fondé de la créance déduite en poursuite relève exclusivement de la compétence du juge ordinaire (ATF 113 III 2 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_76/2013 du
15 mars 2013 consid. 3.1).

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevables les plaintes formées les 5 février et 22 mars 2021 par A______ SA dans le cadre de la poursuite n° 1______.

Au fond :

Annule la décision de l'Office cantonal des poursuites du 27 octobre 2020 refusant d'enregistrer l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______.

Ordonne à l'Office d'enregistrer l'opposition formée le 26 octobre 2020 par A______ SA à la poursuite n° 1______ et de remettre au créancier poursuivant un exemplaire rectifié du commandement de payer faisant état de cette opposition.

Constate la nullité de la commination de faillite notifiée à A______ SA le 4 février 2021 dans la poursuite n° 1______, ainsi que de toute autre mesure diligentée par l'Office en continuation de cette poursuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Monsieur Luca MINOTTI et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente :

Nathalie RAPP

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l'art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF). Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.