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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1118/2020

DCSO/267/2021 du 25.06.2021 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : gérance légale; prise en charge des frais de révision de la société propriétaire du gage
Normes : orfi.16; orfi.17; orfi.18
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1118/2020-CS DCSO/267/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU VENDREDI 25 JUIN 2021

 

Plainte 17 LP (A/1118/2020-CS) formée en date du 6 avril 2020 par A______ SA, élisant domicile en l'étude de Me Nicolas Jeandin, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______ SA et B______ SA

c/o Me JEANDIN Nicolas

Fontanet & Associés

Grand-Rue 25

Case postale 3200

1211 Genève 3.

- BANQUE C______ SA

c/o Me TUNIK Daniel

Lenz & Staehelin

Route de Chêne 30

Case postale 615

1211 Genève 6.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______ SA est une société anonyme ayant son siège à Genève dont l'activité consiste à détenir des immeubles. Elle n'a aucun employé.

Le parc immobilier de A______ SA est composé de cinq immeubles et dix-sept lots de PPE. Deux cent vingt-neuf appartements meublés et cent vingt-six parkings sont exploités en résidence hôtelière. Quarante-huit appartements non meublés, quarante places de parking et quatre arcades commerciales font l'objet de baux de longue durée.

La gérance technique des immeubles de A______ a été confiée à la régie D______ SA.

b. B______ SA est une société anonyme ayant également son siège à Genève dont l'activité consiste à assurer l'exploitation commerciale des immeubles de A______ SA, qui sont essentiellement des appartements et résidences meublés, loués pour de courtes périodes. Elle emploie sept personnes à plein temps dont du personnel administratif (une fondée de pouvoir, une réceptionniste-assistante, une cheffe-concierge et un comptable) et du personnel d'entretien (trois nettoyeuses).

Les contrats conclus entre A______ SA représentée par B______ SA d'une part et leurs clients en résidence hôtelière d'autre part se caractérisent par leur courte durée, et comprennent la fourniture de services (tels que WIFI, cartes de buanderie et maintenance). Ils nécessitent un suivi "au jour le jour" pour organiser les entrées et les sorties, respectivement les encaissements et la fourniture des services, soit une activité assumée par B______ SA. L'essentiel de la clientèle provient de plateformes telles que K______ ou de multinationales et organisations internationales ayant leur siège à Genève.

c. E______ est l'administrateur de A______ SA et de B______ SA.

d. BANQUE C______ SA (ci-après C______) a dénoncé au remboursement divers prêts hypothécaires accordés tant à E______ qu'à A______ SA.

La banque a intenté des poursuites en réalisation de gage immobilier pour des créances de 116'507'312 fr. 63 (poursuite n° 1______) et de 30'687'044 fr. 05 (poursuite n° 2______) à l'encontre de A______ SA et de 30'687'044 fr. 05 à l'encontre de E______ (poursuite n° 3______).

Les débiteurs ayant fait opposition aux commandements de payer qui leur ont été notifiés, elle en a obtenu la mainlevée provisoire par jugements du
1er décembre 2014.

e. Par décision du 7 avril 2014, l'Office des poursuites (ci-après: l'Office) a ordonné la gérance légale des immeubles de A______ SA et imparti un délai au 17 avril 2014 à B______ SA pour transférer la gestion des immeubles à la F______ SA (ci-après : F______ SA), compte tenu du conflit d'intérêts auquel B______ SA était exposée du fait que son administrateur était également celui de la débitrice.

f. Par plaintes déposées le 16 avril 2014 au greffe de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), B______ SA, A______ SA et E______ ont contesté cette décision, exposant qu'elle était de nature à leur causer un préjudice important et irréparable, la société mandatée par l'Office ne connaissant pas les particularités de la location d'appartements et de résidences meublés, d'une part, et B______ SA subissant ainsi une perte de revenus de 82'000 fr. par mois, d'autre part. Si un délai de trois mois leur était accordé pour remettre les dossiers à F______ SA, B______ SA pourrait se réorganiser et n'aurait pas à avertir le juge de son surendettement et à licencier son personnel. B______ SA s'est engagée à remettre à l'Office, pendant cette période, les revenus locatifs, déduction faite de ses honoraires de 82'000 fr. et des charges locatives de 130'000 fr. par mois. Les plaignants ont conclu à l'annulation de la décision entreprise, à ce que la gérance légale soit confiée dès le 1er août 2014 à F______ SA et que, dans l'intervalle, B______ SA doive organiser le transfert à cette dernière des informations en sa possession et, dès le 1er mai 2014, verser les loyers à l'Office, après déduction de ses honoraires de 82'000 fr. par mois et de charges locatives de 130'000 fr. par mois.

g. Par courrier du 23 mai 2014 adressé à l'Office, F______ SA a exposé qu'elle finalement n'était pas en mesure d'assumer ce mandat. Elle s'était rendu compte qu'elle ne pouvait assurer le service lié à la résidence hôtelière. Elle se proposait néanmoins d'agir en qualité de "tuteur", chargé de surveiller la gérance faite par A______ SA.

h. Dans des déterminations du 3 juin 2014, l'Office a relevé que les biens immobiliers litigieux pourraient être remis en location avec des contrats de bail de longue durée; un tel changement d'affectation prendrait toutefois du temps et ferait perdre de l'argent tant au propriétaire qu'à la créancière. Par ailleurs, il n'était pas certain qu'un changement d'affectation puisse être imposé au débiteur. A défaut de l'accord du propriétaire, il conviendrait de considérer que la gérance légale n'était pas possible, compte tenu de la composante hôtelière que présentaient les contrats conclus par les plaignants avec leurs clients.

i. B______ SA et A______ SA ont également souligné la difficulté à mettre sur pied une gérance légale en l'espèce. Elles ont proposé néanmoins que B______ SA s'en charge, continue de gérer les biens et établisse une comptabilité mensuelle, afin que le solde des encaissements et décaissements soit versé chaque mois à la créancière ou à l'Office.

j. Lors de l'audience de la Chambre de surveillance du 16 juin 2014, les parties sont convenues de suspendre la gérance légale avec reprise de celle-ci à première demande, l'intention des parties étant de mettre en place un système de contrôle des montants encaissés et dépensés par B______ SA / A______ SA.

k. Par courrier du 6 février 2015, la banque a sollicité la reprise de la gérance légale, que la Chambre de surveillance a réinstaurée par ordonnance du 10 février 2015 avec effet immédiat.

l. Par décision du 2 avril 2015, la Chambre de céans a admis les plaintes et annulé la décision de l'Office ordonnant la gérance légale au motif que le mode d'exploitation des immeubles en résidence hôtelière ne permettait pas d'instaurer une gérance légale.

m. Statuant sur recours de la banque le 14 janvier 2016, le Tribunal fédéral a annulé la décision cantonale, ordonné le maintien de la gérance légale et renvoyé la cause à la Chambre de céans pour nouvelle décision.

n. La Chambre de surveillance a consulté les parties et entendu des témoins au cours de plusieurs audiences afin de déterminer les modalités de la gérance légale.

G______ SA a été d'accord d'intervenir en qualité de gérant légal avec une fonction de superviseur de l'activité de B______ SA qui restait en charge de la gestion au quotidien des immeubles. L'ampleur de la supervision a fait l'objet de discussion, B______ SA craignant une immission dans sa gestion, voire même une remise en cause de son modèle d'affaires ou un accaparement de son savoir-faire, ce qui ne pouvait qu'entraîner sa faillite, alors qu'elle n'était pas débitrice des montants en poursuite et n'avait pas à pâtir de la gérance légale imposée à A______ SA. Elle s'est notamment opposée à une mesure consistant en une externalisation informatique de ses données ainsi qu'à la mise en place d'un système de double signature pour tout paiement supérieur à 1'000 fr., inutilement lourd. De son côté, G______ SA souhaitait disposer de certains moyens de contrôle.

o. Par décision DCSO/195/2016 du 28 juin 2016, la Chambre de surveillance a ordonné à l'Office des poursuites de confier à G______ SA la gérance légale ordinaire des quarante-huit appartements non meublés, des quatre arcades commerciales et des quarante places de parking soumis à des contrats de bail de longue durée et une gérance légale sui generis au sens des considérants portant sur les objets immobiliers dévolus à l'activité de résidence hôtelière. Cette dernière était organisée sous la forme d'une supervision par G______ SA de l'activité de gestion au quotidien maintenue en mains de B______ SA. La première devait avoir un accès libre aux comptes de la seconde avec intégration de la comptabilité de la seconde au logiciel de la première. En outre, A______ SA et B______ SA devaient fournir un reporting hebdomadaire et mensuel à G______ SA de leurs états financiers. En revanche, la Chambre de surveillance n'a pas retenu un système de double signature pour tout versement supérieur à 1'000 fr. en raison de sa lourdeur.

p. Dans le cadre de la mise sur pied des accès informatiques aux applications comptables de B______ SA et A______ SA en faveur de G______ SA, les deux premières ont déposé une plainte le 3 novembre 2016 contre l'injonction de l'Office d'autoriser un tel accès, laquelle a été rejetée par décision de la Chambre de surveillance du 12 janvier 2017 au motif que la décision du 28 juin 2016 prévoyait une obligation de collaborer de B______ SA et A______ SA très étendue.

q. G______ SA a remis à l'Office le 24 mai 2018 un rapport spécial 2017 dont il ressortait que nonobstant un chiffre d'affaires de l'ordre de
6 millions de fr. l'activité de A______ SA n'avait permis de dégager que quelques centaines de milliers de fr. de liquidités, remises à l'Office. Par ailleurs, A______ SA n'avait versé que des sommes dérisoires à C______ à titre d'intérêts et d'amortissement. L'essentiel des revenus générés avaient été utilisés à augmenter des prêts déjà très élevés en faveur de B______ SA et E______. En outre, B______ SA percevait des frais de gestion disproportionnés au vu des loyers perçus.

En décembre 2018 et avril 2019, G______ SA a rendu deux nouveaux rapports faisant état de mouvements massifs et inhabituels de liquidités à hauteur de plus de 2'200'000 fr. en faveur de E______, de dépenses d'exploitation non directement liées à l'exploitation de A______ SA de plus de 2'500'000 fr. et du doublement des versements de A______ SA en faveur de B______ SA. En résumé, G______ SA considérait que depuis novembre 2018, A______ SA se délestait de ses liquidités au bénéfice de son actionnaire E______.

Le 21 mai 2019, G______ SA a encore informé l'Office du fait que A______ SA s'apprêtait à entreprendre d'importants travaux de surélévation de plusieurs immeubles avec création d'appartements.

r. Sur le vu de ces rapports, l'Office a avisé les 27 et 28 mai 2019 H______ et les différentes banques en relation d'affaires avec A______ SA et B______ SA que ces dernières n'étaient plus autorisées à effectuer des opérations portant sur des montants supérieurs à 1'000 fr. sans la double signature de G______ SA.

s. Le 5 juillet 2019, l'Office a sommé A______ SA et E______ de restituer les sommes prélevées indument par B______ SA et A______ SA.

t. Dans le cadre des poursuites en réalisation de gage intentées par C______ contre A______ SA et E______, ces derniers ont introduit des actions en libération de dette suite au prononcé de la mainlevée provisoire des oppositions formées aux commandements de payer.

Le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée définitive des oppositions formées aux commandements de payer par jugement du
9 octobre 2018.

A______ SA et E______ ont fait appel de ce jugement.

A la demande de C______, la Cour de justice a assorti la recevabilité de l'appel à la fourniture de sûretés en garantie des dépens de 200'000 fr. par décision du 2 mai 2019.

A______ SA et E______ ont demandé à l'Office à pouvoir prélever des liquidités suffisantes sur les revenus des immeubles engagés pour constituer cette garantie, ce que celui-ci a refusé.

u. Entre le 31 juillet et le 22 octobre 2019, A______ et B______ ont sollicité du gérant légal ou de l'Office qu'ils approuvent l'exécution des paiements suivants au moyen des revenus des immeubles gagés :

·         19'936 fr. 50 en faveur de l'Etat de Genève à titre d'acomptes d'impôts cantonaux et communaux dus par A______ SA pour août 2019;

·         2'093 fr. 30 en faveur de l'Etat de Genève à titre d'acomptes d'impôts cantonaux et communaux dus par B______ SA pour juillet 2019;

·         18'325 fr. 45 à titre d'honoraires de leur conseil selon note du 16 août 2019;

·         20'195 fr. 10 à titre d'honoraires de leur conseil pour l'activité du 2 au
31 août 2019 dans le cadre de la gérance légale;

·         1'558 fr. 05 à titre d'honoraires de D______ SA pour les services fournis à A______ SA en matière comptable du 4 au 24 juillet 2019;

·         1'759 fr. à titre d'honoraires de D______ SA pour les services fournis en matière comptable à B______ SA du 4 au 24 juillet 2019;

·         2'538 fr. 15 à titre d'honoraires de D______ SA pour l'activité déployée du
28 août au 11 septembre 2019;

·         2'563 fr. 25 à titre d'honoraires de D______ SA pour l'activité déployée pour A______ SA du 16 septembre au 4 octobre 2019;

·         1'909 fr. 50 à titre d'honoraires de D______ SA pour l'activité déployée pour A______ SA du 25 septembre au 9 octobre 2019;

·         1'098 fr. 55 à titre d'honoraires de D______ SA pour l'activité déployée pour B______ SA du 18 août au 13 septembre 2019;

·         1'357 fr. à titre d'honoraires de D______ SA pour l'activité déployée pour B______ SA du 28 août au 11 septembre 2019);

·         25'000 fr. à titre d'acompte d'honoraires de I______ SA pour la révision de A______ SA;

·         15'000 fr. à titre d'acompte d'honoraires de I______ SA pour la révision de B______ SA.

L'Office et le gérant légal ont refusé ces paiements par diverses décisions.

v. Entre le 14 juin et le 4 novembre 2019, A______ SA et B______ SA ont déposé plusieurs plaintes auprès de la Chambre de surveillance. La première visait la mesure imposant la double signature du G______ SA pour tous les paiements de plus de 1'000 fr. La seconde visait le refus d'autoriser de prélever les montants nécessaires à fournir les sûretés requises par la Cour pour recevoir l'appel contre le prononcé de la mainlevée définitive des oppositions formées aux commandements de payer de C______. Les autres plaintes portaient sur les refus d'autoriser les paiements mentionnés au point précédent.

w. La Chambre de surveillance a rendu le 12 décembre 2019 une décision statuant sur l'ensemble de ces plaintes.

Elle a tout d'abord rappelé les principes applicables en matière de gérance légale d'un immeuble saisi, objet d'une poursuite en réalisation de gage ou dont le propriétaire est en faillite. Le gérant légal – qui est en principe l'Office, mais peut être un tiers désigné par lui – doit gérer l'immeuble en maintenant sa substance et en en retirant le plus de revenus possible en faveur du créancier gagiste. Il ne doit entreprendre que des actes nécessaires dans ce but. Il perçoit notamment les loyers et fermages, auxquels le droit de gage s'étend et qui doivent prioritairement désintéresser le créancier gagiste. Il entreprend les travaux urgents et règle certains frais nécessaires, soit les "redevances courantes" (fourniture d'eau, de gaz, d'électricité, les assurances incendies et dégâts d'eau, etc.). Les impôts fonciers ne sont pas des redevances courantes. La conduite de procès non plus, sauf s'ils sont nécessaires pour le maintien de l'immeuble en bon état de rendement (litiges de droit du bail, litiges concernant des travaux nécessaires).

En l'occurrence, la mesure de double signature se justifiait dans l'optique de préserver le droit du créancier gagiste aux revenus des immeubles sous gérance légale puisqu'il avait été constaté que B______ SA et A______ SA avaient pu détourner d'importants revenus en faveur de leur actionnaire lorsque des mesures moins incisives avaient cours, lesquelles avaient montré leur inefficacité.

Les honoraires d'avocat pour des procès destinés à résister aux démarches du créancier gagiste en vue de recouvrer les montants qui lui étaient dus n'entraient pas dans la catégorie des mesures nécessaires telles que définies ci-dessus et ne pouvaient donc être assumés par les revenus des immeubles engagés. Il en allait de même de la fourniture de sûretés pour les dépens auxquelles A______ SA et E______ avaient été astreints dans l'appel contre le jugement de mainlevée définitive des oppositions formées aux commandements de payer de C______. Ces frais devaient être assumés par d'autres actifs de A______ SA que les revenus des immeubles. Il pouvait également être attendu de E______, qui avait puisé dans les revenus des immeubles, qu'il finance lui-même ces frais liés aux procédures opposant l'opposant, ainsi que A______ SA à C______.

Les impôts dus par A______ SA ne faisaient également pas partie des frais nécessaires au maintien de la substance et des revenus des immeubles engagés et ne pouvaient être réglés au moyen de leurs revenus.

Les honoraires de la gérance immobilière D______ SA, pouvaient être réglés au moyen des revenus des immeubles engagés du fait qu'ils étaient nécessaires à assurer la gérance d'un important parc immobilier, activité que A______ SA, qui n'a pas de personnel, et B______ SA, qui n'avait que du personnel lié aux prestations hôtelières, ne pouvaient assumer. Ils étaient de surcroît raisonnables. Il convenait toutefois de vérifier que ces frais de gérance ne soient pas comptabilisés à double, chez A______ SA et chez B______ SA.

Finalement, les honoraires du réviseur de A______ SA, I______ SA, pouvaient être considérés comme nécessaires au maintien de la substance et des revenus des biens engagés puisque si la société se retrouvait sans organe de révision elle risquait la dissolution immédiate pour carence organisationnelle et la liquidation selon les règles de la faillite (art. 731b CO). Il convenait toutefois de limiter les honoraires de I______ SA aux seules activités de révision, étant précisé qu'en 2017 et 2018, elle avait perçu des montants de 10'000 fr. pour les exercices 2016 et 2017. Ayant déjà perçu un acompte de 15'000 fr. en 2019, elle ne pouvait encore réclamer un second acompte de 25'000 fr. sur le même exercice, raison pour laquelle ce second acompte a été limité à 5'000 fr., suffisant pour rémunérer la finalisation des travaux de révision en cours.

x. I______ SA a établi deux notes d'honoraires les 2 et 19 décembre 2019 portant sur l'activité de révision déployée en 2019, de 28'870 fr. pour B______ SA et de 83'885 fr. pour A______ SA.

La première facture concernait la révision 2018 et portait sur l'établissement des "rapports de révision, fiscalité" et visait également "le traitement de nombreux autres problèmes relevés lors de la révision". Le montant de 28'870 fr. était le solde d'une facture d'honoraires totale de 31'870 fr., dont était déduit un acompte de 3'000 fr. versé le 30 octobre 2019.

La seconde facture portait sur la révision 2018 et portait sur l'établissement de
36 rapports de révision, en français et en anglais et visait également "le traitement de nombreux autres problèmes relevés lors de la révision". Le montant de
83'885 fr. était le solde d'une facture d'honoraires totale de 113'885 fr., dont étaient déduits des acomptes de 5'000 fr. versé le 2 mai 2019, 15'000 fr. versé le 11 juin 2019, 5'000 fr. versé le 30 août 2019 et 5'000 fr. versé le 2 octobre 2019.

y. A______ SA et B______ SA ont soumis ces deux factures au gérant légal qui a refusé, le 25 mars 2020, de les régler au motif qu'elles n'étaient pas conformes aux principes posés par la décision de la Chambre de surveillance du 12 décembre 2019 qui n'autorisait qu'un paiement supplémentaire de 5'000 fr. à I______ SA.

L'Office a confirmé cette décision de refus le 2 avril 2020.

B. a. Par acte expédié le 6 avril 2020 au greffe de la Chambre de surveillance, A______ SA et B______ SA ont déposé une plainte contre la décision de l'Office de refuser régler les factures des 2 et 19 décembre 2019 de I______ SA.

En substance, elles soulignent que la Chambre de surveillance avait retenu, dans sa décision du 12 décembre 2019, que leurs frais de révision appartenaient aux redevances courantes entrant dans les frais de gérance légale couverts par les revenus des immeubles engagés. Cette décision n'avait traité que la question d'un paiement supplémentaire de 25'000 fr. qu'elle avait refusé dans cette mesure et limité à 5'000 fr. Elle n'avait donc pas limité tout versement à ce montant de 5'000 fr. et réservé des paiements futurs "justifiés par la nature et l'étendue des services rendus".

b. La Chambre de surveillance a invité les plaignantes à déposer des notes d'honoraires plus détaillées, ainsi qu'à produire les notes d'honoraires de révision pour les exercices antérieurs jusqu'à 2012.

Il ressort des pièces déposées que des notes annuelles d'honoraires pour la révision de A______ SA pour les exercices 2012 à 2018 de respectivement 38'800 fr., 33'480 fr., 40500 fr., 55'620 fr., 89'590 fr. 84'180 fr. et 113'885 fr. ont été établies.

Par ailleurs, les deux notes litigieuses précisent qu'elles ont été établies sur la base d'un tarif horaire de 300 fr. par l'expert réviseur agrée et de 180 fr. pour son assistant. Le premier a consacré 316 h 25 au mandat de A______ SA et 89 h. 25 au mandat de B______ SA, le second 37 h au mandat de A______ SA et 12 h. au mandat de B______ SA.

c. Dans ses observations du 16 juillet 2020, C______ s'est opposée à ce que des honoraires de révision de A______ SA soient assumés par les revenus des immeubles engagés car de telles dépenses n'appartiennent pas aux frais de gérance légale. En outre, les montants évoqués pour 2018 étaient totalement excessifs au vu des exercices précédents. Elle concluait donc au rejet de la plainte s'agissant de A______ SA.

S'agissant de B______ SA, cette société devait être autorisée à assumer ses frais de révision sur ses propres revenus, tirés de son activité pour le compte de A______ SA, laquelle faisait d'objet d'une rémunération. La banque ne s'opposait donc pas à ce qu'elle soit autorisée à régler ses frais de révision, mais au moyen des honoraires de gestion qu'elle percevait exclusivement, et non pas des revenus tirés des immeubles.

d. Dans ses observations du 16 juillet 2020, l'Office a conclu à l'irrecevabilité de la plainte car il estimait que les plaignantes tentaient, par la production des notes d'honoraires litigieuses de remettre en cause la décision de la Chambre de surveillance du 12 décembre 2019 qui fixait le solde des montants dus au réviseur à titre d'avance pour les travaux en cours à 5'000 fr., ce qu'elles n'avaient pas contesté par un recours au Tribunal fédéral. Bien qu'elles étaient informées depuis décembre 2019 que la révision 2018 allait au contraire engendrer des honoraires beaucoup plus élevés, elles n'en avaient pas averti l'Office ainsi que le gérant légal, les laissant croire que le montant arrêté dans la décision, additionné à des acomptes déjà versés en 2019, était suffisant pour couvrir les honoraires du réviseur pour 2018.

Sur le fond, l'Office concluait subsidiairement au rejet de la plainte car la Chambre de surveillance avait déjà arrêté le montant nécessaire à couvrir les honoraires dus pour les travaux en cours dans sa décision du 12 décembre 2019 et qu'il n'y avait plus place pour un nouveau versement, raison pour laquelle le gérant légal et l'Office avaient refusé de régler les factures litigieuses. Par ailleurs, les factures étaient trop élevées au vu du mandat confié au réviseur qui ne portait que sur un contrôle restreint au sens de l'art. 729a CO. Or, il ressortait des factures produites que I______ SA avait également déployé des activités de tenue de la comptabilité, d'établissement des comptes, d'optimisation fiscale et de projections comptables liées à des travaux de surélévation des immeubles. L'Office a également relevé que de 2012 à 2015, alors que la révision des plaignantes était confiée à FIDUCIAIRE J______ SA, les montants étaient de l'ordre de 30'000 fr. / 40'000 fr. par an et qu'ils avaient commencé à augmenter lorsque le mandat avait été transféré à I______ SA., sans explication. Finalement, l'Office notait que cette société avait perdu l'agrément pour exercer en qualité de réviseur depuis septembre 2018. Elle ne pouvait donc valablement prétendre déployer valablement une activité à ce titre pour les plaignantes et être rémunérée à ce titre.

e. Le greffe de la Chambre de surveillance a informé les parties par courrier du
17 juillet 2020 que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1. 1.1 Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), la plainte est recevable à la forme.

1.2 La Chambre a examiné dans sa décision du 12 décembre 2019 la recevabilité de la plainte sous l'angle de l'intérêt des plaignantes à agir et sous l'angle de la nature de la mesure de l'Office attaquée. Il y est renvoyé.

1.3 Par mesure de l'Office au sens de l'art. 17 LP, il faut entendre tout acte d'autorité accompli par l'Office ou par un organe de la poursuite en exécution d'une mission officielle dans une affaire concrète. L'acte de poursuite doit être de nature à créer, modifier ou supprimer une situation du droit de l'exécution forcée dans l'affaire en question. En d'autres termes, il doit s'agir d'un acte matériel qui a pour but la continuation ou l'achèvement de la procédure d'exécution forcée et qui produit des effets externes. Ne constituent en conséquence pas des mesures sujettes à plainte la simple confirmation d'une décision déjà prise, une communication de l'Office sur ses intentions ou un avis. Une "décision" de l'Office refusant de revenir sur une mesure prise antérieurement par lui n'est pas le point de départ d'un nouveau délai de plainte et ne constitue pas une nouvelle décision susceptible de plainte (ATF 142 III 643 consid. 3; ATF 129 III 400 consid. 1.1; 128 III 156 consid. 1c; ATF 116 III 91 consid. 1; GILLIERON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999, n° 12 et 13 ad art. 17-21 LP, n° 16 ad art. 8 LP; ERARD, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 10 ad art. 17 LP). Une plainte contre une telle décision est par conséquent irrecevable.

La question peut se poser en l'espèce de savoir si l'Office, en refusant de prendre en charge les factures litigieuses au moyen des revenus des immeubles sous gérance légale, ne répète pas ses décisions des 19, 22 août et 25 octobre 2019 par lesquelles il avait refusé le paiement d'avances d'honoraires de révision 2018 à I______ SA et qui avaient conduit à la décision du 12 décembre 2019 de la Chambre de surveillance. S'agissant de la question de principe de la prise en charge de tels honoraires par la gérance légale, il y a certainement une identité d'objet qui pourrait conduire à l'irrecevabilité de la plainte. En revanche, la nature et les montants en jeux sont aujourd'hui différents, s'agissant d'une facture finale d'honoraires et non plus d'avances. La question peut rester ouverte puisque la plainte sera rejetée pour les motifs qui suivent.

2. 2.1 Il est également renvoyé à la décision du 12 décembre 2019 pour les principes applicables au litige sur le fond, résumés ci-dessus, notamment le caractère nécessaire des dépenses que peut assumer la gérance légale au moyen des revenus perçus des immeubles engagés.

2.2 Dans la décision du 12 décembre 2019, la Chambre de surveillance avait admis, en équité et sans procéder à des décomptes précis, qu'un acompte supplémentaire de 5'000 fr. pouvait être versé à I______ SA pour rémunérer la finalisation des travaux de révision en cours, en considérant qu'une mesure de dissolution au sens de l'art. 731b CO – en cas de démission de l'organe de révision pour non-paiement de ses notes d'honoraires – aurait eu un impact sur la valeur des immeubles engagés et de leurs revenus. Elle a néanmoins constaté que pour les exercices 2016 et 2017 les frais de révision s'étaient élevés à
10'000 fr., ce qui n'a pas été contesté par les plaignantes.

Au vu des pièces produites depuis lors, l'estimation du coût des travaux de révision en 10'000 fr. retenue par la Chambre de surveillance dans sa décision ne peut être confirmée. Cela étant, il appartenait aux plaignantes de recourir contre cette décision si elle était erronée.

Avec l'Office, il faut retenir que la Chambre de surveillance avait décidé que le versement supplémentaire autorisé de 5'000 fr. devait permettre de finaliser la révision en cours, ce qui, en date du 12 décembre 2019, impliquait la révision des comptes 2018. La Chambre de surveillance a par conséquent statué sur les frais de révision admissibles pour 2018 à régler en 2019 à la charge de la gérance légale et il n'y a en principe pas à y revenir. A nouveau, les plaignantes ont été informées du montant finalement facturé pour la révision 2018 les 2 et 19 décembre 2019, soit à un moment qui leur aurait permis de contester la décision du 12 décembre 2019 sur le vu de la facture finale. En refusant ces factures, l'Office n'a ainsi fait que respecter et appliquer les principes posés par la décision du 12 décembre 2019, sur laquelle les plaignantes tentent de revenir en présentant plusieurs mois plus tard les deux factures litigieuses au gérant légal. A cet égard, la lecture des plaignantes de la décision du 12 décembre 2019 n'est pas correcte, lorsqu'elles prétendent qu'elle ne limitait pas le montant total dû pour la révision et ne statuait que sur un acompte de 5'000 fr.

En tout état, ces notes d'honoraires décrivent une activité très importante qui dépasse le contrôle restreint, seule activité nécessaire pour éviter une mesure au sens de l'art. 731b CO, critère retenu par la Chambre de surveillance pour une prise en charge par la gérance légale des frais de révision des plaignantes. Or les notes d'honoraires font état du "traitement de nombreux problèmes apparus au cours de la révision". Certaines rubriques permettent de comprendre que l'activité a porté non seulement sur de la révision, mais également sur la tenue de la comptabilité et des comptes, ainsi que sur des aspects fiscaux. Il est également fait état de la rédaction de 36 rapports en français et en anglais s'agissant de A______ SA dont on ne comprend pas la raison d'être. Les honoraires réclamés sont donc, dans une proportion non déterminée mais importante, exorbitant à la révision et n'ont donc pas à être assumés par la gérance légale. Il en découle que la décision prise le 12 décembre 2019 arrêtait un montant d'honoraires de révision qui ne saurait être remis en cause par les deux factures des 2 et 19 décembre 2019.

2.3 C______ revient sur le principe et les modalités de la prise en charge des frais de révision des plaignantes par la gérance légale. Il n'est pas nécessaire de trancher la question au vu des considérants qui précèdent, la plainte devant être rejetée pour les motifs déjà évoqués. En tout état, elle n'avait pas contesté la décision du 12 décembre 2019 auprès du Tribunal fédéral et elle ne saurait la remettre en cause alors qu'il est question, dans le cadre de la présente procédure, de mesures d'exécution de cette décision. Il lui sera loisible de développer ses arguments si la question devait se reposer dans le cadre d'une nouvelle plainte visant par hypothèse les frais de révision 2019.

2.4 En conclusion, la plainte sera rejetée, l'Office ayant à raison refusé d'introduire les factures litigieuses dans les charges de gérance légale.

4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Reçoit la plainte du 6 avril 2020 du A______ SA et B______ SA contre la décision de l'Office du 2 avril 2020 refusant la prise en charge par la gérance légale des actifs immobiliers gagés de A______ SA des factures honoraires de révision 2018 de A______ SA et de B______ SA des 2 et 19 décembre 2019.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.