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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/4092/2020

DCSO/265/2021 du 24.06.2021 ( PLAINT ) , ADMIS

Descripteurs : poursuite en réalisation de gage immobilier; exemplaire du commandement de payer pour le conjoint; immeuble de propriété d'une société
Normes : cc.169; lp.153.al2.letb; orfi.88; cc.2
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4092/2020-CS DCSO/265/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 24 JUIN 2021

 

Plainte 17 LP (A/4092/2020-CS) formée en date du 4 décembre 2020 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Corinne Corminboeuf Harari, avocate.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

 

-       A______

c/o Me CORMINBOEUF HARARI Corinne

Harari Avocats

Case postale 3403

1211 Genève 3.

-       B______

c/o Me Cyrille PIGUETI

Rue du Grand-Chêne 8

Case postale 5643

1002 Lausanne.

-       C______ SA

c/o Me Mourad SEKKIOU

Rue Rodolphe-Toepffer 8

1206 Genève.

 

 

- BANQUE D______ SA

c/o Me CAPT Nicolas

15, Cours des Bastions Avocats Sàrl

Case postale 519

1211 Genève 12.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. B______ et A______ se sont mariés le ______ 1999 et sont les parents de E______ et F______, des jumelles nées le ______ 2001.

B______ a acquis en 2005, pour un prix de 8'150'000 fr., la parcelle n° 1______ sise [no.] ______, chemin 2______ à G______ [GE] sur laquelle est érigée une villa, dans laquelle la famille a emménagé.

B______ et A______ se sont séparés en été 2010 et ont tous deux cessé temporairement d'occuper la villa, laquelle a été louée par B______ entièrement meublée à un tiers pour une durée déterminée de trois ans.

b. B______ a constitué en juin 2011 la société C______ SA, dont il a été administrateur-président jusqu'en 2019 et à laquelle il a cédé, par acte notarié enregistré le 16 juin 2011, la propriété de la villa de G______. Les actions de C______ SA sont détenues à 90% par une société H______ SA. En novembre 2011, B______ a fait donation à ses filles de la nue-propriété des actions de H______ SA, dont il s'est réservé l'usufruit. Il a ensuite indiqué avoir renoncé à l'usufruit sur les actions de la société H______ SA, lorsque les jumelles sont devenues majeures (en juillet 2019).

Selon les décisions judiciaires qui figurent au dossier, rendues notamment dans le cadre d'un litige ayant opposé C______ SA à A______ (arrêt ACJC/384/2016 de la Cour civile de la Cour de justice du 18 mars 2016) et dans le contexte des procédures opposant les époux A______/B______ (arrêt du Tribunal cantonal du Jura du 14 janvier 2020 [CC 3______/2019]; arrêt du Tribunal fédéral du 25 février 2021 dans la cause 5A_141/2020; arrêt ACJC/1778/2019 de la Cour de justice civile du 2 décembre 2019 sur opposition à séquestre ), l'identité économique entre B______ et C______ SA était vraisemblable, l'intéressé invoquant abusivement la dualité économique entre les personnes morales qu'il contrôlait et sa propre personne.

c. En juin 2011, C______ SA et B______, en tant que débiteurs solidaires, ont contracté un prêt hypothécaire de 14'500'000 fr. auprès de BANQUE D______, garanti par quatre cédules hypothécaires de rang différent grevant l'immeuble de G______ pour un montant total de 15'400'000 fr. Un nouveau contrat de prêt a ensuite été conclu par les mêmes parties le 5 janvier 2012, avec les mêmes garanties.

d. A______, qui avait quitté la Suisse pour les Etats-Unis après la séparation, est retournée vivre à Genève en 2012 selon ses allégations. Dès que la villa a été de nouveau disponible, à l'échéance du contrat de location le 31 octobre 2013, A______ s'y est installée avec les jumelles.

e. Le 10 juillet 2014, BANQUE D______ a dénoncé le prêt hypothécaire accordé à C______ SA et à B______.

B. a. Le 23 avril 2015, BANQUE D______ a requis la poursuite en réalisation d'un gage immobilier à l'encontre de C______ SA et de B______, débiteurs solidaires, en recouvrement d'un montant global de 15'104'880 fr., avec intérêts à 9% dès le 1er septembre 2014, allégué dû suite à la dénonciation de prêts hypothécaires.

Les deux réquisitions de poursuite mentionnaient que l'objet du gage ne semblait pas servir de logement familial.

b. L'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a établi le 5 mai 2015 deux exemplaires du commandement de payer dans la poursuite n° 4______ dirigée contre B______, l'un pour le débiteur (B______) l'autre pour le tiers propriétaire du gage (C______ SA).

Dans la poursuite n° 5______ contre C______ SA un seul commandement de payer a été rédigé.

c. Les commandements de payer dans la poursuite n° 4______ ont été notifiés le 11 mai 2015 à C______ SA et le 8 juillet 2015 à B______. Le commandement de payer dans la poursuite n° 5______ a été notifié à C______ SA le 11 mai 2015.

Les trois commandements de payer ont été frappés d'opposition.

d. Par jugement du 6 juillet 2016, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée par C______ SA au commandement de payer, poursuite n° 5______.

Par jugement du 19 juin 2017, rectifié le 4 septembre 2018, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire des oppositions formées par B______ et C______ SA aux commandements de payer, poursuite
n° 4______.

e. Le 7 novembre et le 22 décembre 2017, BANQUE D______ a requis la réalisation de l'objet de gage dans les deux poursuites n° 5______ et n° 4______.

f. Le 18 janvier 2018, l'Office a adressé à B______ et à C______ SA les avis de réception des réquisitions de vente.

g. Par courrier du 4 octobre 2018, BANQUE D______ a informé l'Office de ce qu'elle avait appris que l'objet du gage "pourrait être un logement de famille au sens de l'art. 153 al. 2 let. b LP et 169 CC, étant donné que A______, vraisemblablement l'épouse de M. B______, occuperait cette villa."

Faisant référence à l'art. 88 ORFI, BANQUE D______ a sollicité de l'Office qu'un commandement de payer soit notifié à A______ dans chacune des poursuites n° 4______ et n°5______.

h. En date des 11 et 14 janvier 2019, l'Office a édité deux commandements de payer, poursuites n° 4______ et n° 5______, destinés à A______, en sa qualité de conjoint. Notifiés le 25 janvier 2019, ils ont tous deux été frappés d'opposition.

i. Par deux requêtes séparées déposées le 15 mars 2019, BANQUE D______ a requis du Tribunal de première instance le prononcé de la mainlevée provisoire des oppositions formées par A______ aux poursuites en réalisation de gage immobilier n° 5______ et n° 4______.

BANQUE D______ a notamment fait valoir que l'immeuble ne constituait pas le logement de famille des époux A/B______ lorsqu'il avait été mis en gage en sa faveur, le 15 juin 2011.

j. Par jugements du 24 janvier 2020, confirmés par la Cour de justice le 10 juillet 2020 (ACJC/994/2020 et ACJC/995/2020), BANQUE D______ a été déboutée des fins de ses deux requêtes de mainlevée provisoire.

Le Tribunal de première instance a considéré, en faisant notamment référence aux décisions judiciaires rendues par les tribunaux jurassiens (sur mesures protectrices de l'union conjugale) et genevois (sur mesures provisionnelles de divorce), que l'objet du gage constituait le logement de famille au sens de l'art. 169 CC et ce, depuis 2005, sans solution de continuité. Partant, sous l'angle de la vraisemblance, il pouvait être retenu que la villa constituait le logement de la famille lorsque B______ l'avait mise en gage auprès de BANQUE D______ en 2011.

Par ailleurs, la villa avait été acquise en 2005 pour 8'150'000 fr. et revendue à C______ SA en 2011 pour 13'945'000 fr., après des travaux à plus-value de 5'702'204 fr. Or, la charge hypothécaire, en 15'400'000 fr., supérieure au prix de vente de la villa, paraissait largement excéder les deux tiers de la (vraisemblable) valeur vénale de l'immeuble, seuil au-delà duquel le consentement du conjoint, qui apparaissait faire défaut en l'espèce, était en principe requis pour la mise en gage du logement de famille, sous peine de nullité de celle-ci.

k. Par décision du 30 juin 2020, l'Office a rejeté la réquisition de vente présentée le 22 décembre 2017 par BANQUE D______ dans la poursuite en réalisation de gage n° 4______ dirigée contre B______, dès lors que l'opposition formée par A______ au commandement de payer n'avait pas été levée.

l. Le même jour, l'Office a constaté la nullité de l'édition et de la notification à A______ du commandement de payer, poursuite n° 5______. Pour l'Office, la notification d'un commandement de payer pour le conjoint ne se justifiait pas dans la poursuite dirigée contre C______ SA, A______ n'étant ni l'épouse du débiteur ni du tiers propriétaire du gage.

Cette décision a été communiquée à A______ par pli recommandé posté le 30 juin 2020 (10______), lequel n'a pas pu être distribué et a été retourné à l'Office à l'expiration du délai de garde avec l'indication "non réclamé".

L'Office a réexpédié la décision par courrier A+ le 22 juillet 2020. Selon le Track and Trace, ce pli a été distribué le 23 juillet 2020 (11______).

C. a. Entretemps, le 5 juin 2018, A______ a obtenu le séquestre de l'immeuble n° 1______ de la Commune de G______ [GE] au préjudice de B______, pour des créances d'entretien à hauteur de 639'180 fr. (séquestre n° 6______), puis la mainlevée définitive de l'opposition formée par son époux au commandement de payer en validation dudit séquestre, poursuite n° 7______, selon jugement du Tribunal de première instance du 9 décembre 2019, confirmé par arrêt de la Cour de justice du 18 mars 2020, notifié le 5 juin 2020.

b. Le 5 juin 2020, A______ a requis la continuation de la poursuite n° 7______.

c. Par décision du 9 juin 2020, l'Office a refusé de donner suite à la réquisition de continuer ladite poursuite, motif pris que le délai de 20 jours prévu à l'art. 279 al. 3 LP avait commencé à courir à compter du prononcé de la mainlevée par le Tribunal de première instance, le recours à la Cour de justice n'ayant pas d'effet suspensif.

d. Le 22 juin 2020, A______ a de nouveau obtenu le séquestre de l'immeuble n° 1______ de la Commune de G______ au préjudice de son époux, pour des créances en entretien à hauteur de 872'380 fr. (séquestre n° 8______).

e. Le 21 juillet 2020, elle a introduit une poursuite en validation dudit séquestre (poursuite n° 9______).

D. a. Le 3 août 2020, l'Office a donné mandat à un expert d'estimer la valeur de l'immeuble n° 1______ de la Commune de G______, en vue de sa réalisation, et en a informé A______.

b. Par courrier du 27 octobre 2020, lequel mentionnait les poursuites n° 4______ (en réalisation de gage) et n° 7______ (en validation de séquestre), l'Office a communiqué à A______ la valeur d'estimation de l'immeuble retenue par cet expert, en 12'000'000 fr.

c. Le 30 octobre 2020, A______, par la voix de son conseil, a répondu à l'Office que la poursuite n° 7______ ne pouvait pas se trouver au stade de la saisie, dans la mesure où l'Office avait rejeté la réquisition de continuer ladite poursuite pour cause de tardiveté.

La procédure de vente ne pouvait donc pas suivre son cours.

d. Par courrier du 16 novembre 2020, A______ a encore rappelé à l'Office que la poursuite n° 4______ était suspendue par son opposition au commandement de payer (de sorte que la réalisation de l'immeuble objet du gage ne pouvait intervenir dans cette poursuite).

e. L'Office a répondu le 23 novembre 2020, que la réalisation de l'objet du gage pouvait suivre son cours, vu que l'exemplaire pour A______ du commandement de payer dans la poursuite n° 5______ avait été annulé par décision du 30 juin 2020, dûment notifiée.

E. a. Par acte déposé le 4 décembre 2020, A______ a formé plainte auprès de la Chambre de surveillance contre la décision de l'Office de procéder à la réalisation du gage immobilier.

Elle fait d'une part valoir que la décision du 30 juin 2020 est nulle, en tant qu'elle viole l'art. 153 al. 2 let. b LP. Dans la mesure où il y avait identité juridique entre C______ SA et B______, ainsi que l'avaient retenu plusieurs juridictions, c'était à tort que l'Office avait annulé le commandement de payer destiné au conjoint dans la poursuite n° 5______ engagée formellement contre la société.

A______ fait d'autre part valoir que l'opposition qu'elle avait valablement formée dans la poursuite dirigée contre B______, n° 4______, n'avait pas été levée, de sorte que la réalisation du gage ne pouvait en tout état de cause pas avoir lieu, aussi longtemps que ce commandement de payer n'était pas passé en force.

b. Par ordonnance du 17 décembre 2020, l'effet suspensif a été accordé à la plainte.

c. BANQUE D______ a conclu principalement à l'irrecevabilité de la plainte. La décision du 30 juin 2020 constatant la nullité du commandement de payer destiné à A______ dans la poursuite n° 5______ avait été notifiée à A______ par pli recommandé et par courrier A+. De plus, le 2 octobre 2020, BANQUE D______ avait écrit au conseil de A______ à la suite de la visite de la propriété intervenue le 21 août 2017. Dans cette lettre, à laquelle le conseil de A______ avait répondu, la banque avait fait référence au constat de nullité du commandement de payer dans la poursuite n° 5______. En tant qu'elle visait la décision du 30 juin 2020, la plainte déposée le 4 décembre 2020 était manifestement tardive.

Pour BANQUE D______, le comportement de A______, qui avait elle-même requis le séquestre de l'immeuble, était contradictoire.

En tout état de cause, la plainte devait être rejetée, dès lors que c'était à bon droit que l'Office avait annulé l'exemplaire pour le conjoint du commandement de payer, poursuite n° 5______. En effet, A______ n'était pas le conjoint de C______ SA.

d. L'Office a aussi conclu à l'irrecevabilité de la plainte, pour cause de tardiveté, ainsi qu'à son rejet. C'était à bon droit qu'il avait annulé l'exemplaire pour le conjoint du commandement de payer dans la poursuite n° 5______, laquelle était dirigée contre une société. Pour l'Office, la question se posait de savoir si A______ pouvait bénéficier de la protection offerte par l'art. 169 CC, dès lors qu'au moment de l'introduction de la poursuite, en 2015, les époux n'habitaient plus ensemble la villa. Enfin, le comportement de A______ était contradictoire, dans la mesure où l'intéressée s'opposait à la réalisation de l'immeuble, tout en ayant elle-même requis le séquestre de cet objet.

e. B______ et C______ SA s'en sont rapportés à justice s'agissant de l'issue de la plainte.

f. Aux termes de leur réplique et duplique respectives, A______ et BANQUE D______ ont persisté dans leurs conclusions.

g. Par courrier du 4 mars 2021, A______ a communiqué à la Chambre de surveillance un arrêt du Tribunal fédéral du 25 février 2021 (5A_141/2020), rendu dans la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale. Selon cet arrêt, c'était sans arbitraire que les juridictions jurassiennes avaient considéré que la villa de G______ constituait encore le logement de la famille au sens de l'art. 169 CC à la date de l'arrêt cantonal attaqué (le 14 janvier 2020), et ce quand bien même B______ avait indiqué avoir renoncé à l'usufruit sur les actions de H______ SA.

h. Par pli du 19 février (recte: mars) 2021, BANQUE D______ a observé que l'arrêt du Tribunal fédéral produit par la plaignante, rendu dans une procédure à laquelle la banque n'était pas partie, tranchait de questions différentes et n'infirmait pas le fait qu'il "n'est pas possible de contourner les dispositions relatives à la protection du logement familial par simple insertion d'une société détenant le bien immobilier, sauf à remettre en cause les faits constatés par le registre foncier".

i. Le 21 avril 2021, les parties et l'Office ont été avisés de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures non attaquables par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP).

A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3).

La plainte doit être déposée dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 3 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP). A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3).

1.1.2 L'exécution d'un acte de poursuite qui ne se fonde pas sur un commandement de payer exécutoire heurte les principes fondamentaux de la poursuite pour dettes (ATF 109 III 53 consid. 2b). En conséquence, lorsque la poursuite est continuée malgré l'absence de notification d'un commandement de payer au conjoint du débiteur, les actes accomplis par l'Office sont nuls (arrêt du Tribunal fédéral 5A_825/2020 du 25 mars 2021 consid. 5.2.2).

1.2 En l'occurrence, la plainte respecte les exigences de forme prévues par la loi et émane d'une personne qui, si son argumentation devait être retenue, serait lésée dans ses intérêts juridiquement protégés. Elle est donc, à cet égard, recevable.

La plaignante allègue avoir agi dans les dix jours dès la connaissance, le 24 novembre 2020, de la décision de l'Office du 30 juin 2020 annulant l'exemplaire du commandement de payer qui lui avait été précédemment notifié dans la poursuite n° 5______.

Or, la question de savoir si la plaignante a eu connaissance plus tôt de la décision du 30 juin 2020, comme le soutient la créancière poursuivante, souffre de rester indécise, dès lors que le grief invoqué, tiré de la violation de l'art. 153 al. 2 let. b LP, rendrait la décision nulle, s'il était admis.

La plainte est ainsi recevable.

2. 2.1.1 Dans la poursuite en réalisation de gage, un exemplaire du commandement de payer est également notifié à l'époux du débiteur lorsque l'immeuble grevé est le logement de la famille au sens de l'art. 169 CC (art. 153 al. 2 let. b LP et 88 ORFI). Cette disposition, rattachée aux effets généraux du mariage, est une conséquence de la protection instaurée par le législateur dans le droit de la famille à l'égard du conjoint, contre les actes de disposition de son époux sur le logement familial (arrêt du Tribunal fédéral 5A_825/2020 du 25 mars 2021, consid. 5.1). Avec la notification du commandement de payer, l'époux acquiert la qualité de copoursuivi et peut ainsi former opposition au commandement de payer au même titre que le débiteur (ATF 142 III 720 consid. 4.2.1). Cet acte n'est qu'un double de celui qui a été signifié au débiteur (personnel) et il porte le même numéro, de sorte qu'il n'y a qu'une seule poursuite (arrêt du Tribunal fédéral 5A_825/2020 du 25 mars 2021, consid. 5.1).

2.1.2 Si l'époux titulaire est actionnaire unique ou majoritaire de la société propriétaire de l'immeuble qui contient le logement de famille, l'art. 169 CC trouve application; l'aliénation de l'immeuble par la société n'est valable qu'avec le consentement du conjoint (Dechenaux/Steinauer/Baddley, Les effets du mariage, 3ème édition, p. 178, n° 212a). Il s'agit d'un cas d'application de la théorie de la transparence (Durchgriff; cf. aussi BSK-ZGB, n° 14 ad art. 169 CC).

2.2.1 En l'espèce, la plaignante soutient que l'Office n'avait pas de raison d'annuler l'exemplaire pour le conjoint du commandement de payer destiné à C______ SA, dans la mesure où il s'agissait d'une société contrôlée par son mari, à laquelle celui-ci avait délibérément transféré l'objet du gage pour le soustraire à ses créanciers.

Les éléments du dossier confirment cette approche. En effet, l'époux de la plaignante a acquis la villa d'une valeur de plusieurs millions de francs suisses en son nom pour qu'elle serve de logement à la famille. Il l'a ensuite cédée, après la séparation des époux, à une personne morale, fondée à cet effet, dont il a été l'administrateur jusqu'en 2019. Si les actions de C______ SA sont détenues à 90% par une autre société, H______ SA, l'époux de la plaignante a été considéré par des juridictions civiles comme étant vraisemblablement l'actionnaire unique de cette dernière société, et ce quand bien même il a d'abord cédé la nue-propriété sur les actions à ses deux filles, puis renoncé à l'usufruit sur les actions lors de l'accession à la majorité des jumelles.

Le fait que l'époux de la plaignante ait contracté, aux côtés de la société formellement propriétaire du gage, le prêt hypothécaire accordé par la poursuivante renforce cette appréciation.

De plus, il ressort des décisions judiciaires qui figurent au dossier, certes parfois rendues en procédure sommaire, qu'il était vraisemblable que l'époux de la plaignante avait mis en place ces structures et utilisé notamment ses filles pour contrôler l'objet du gage, de sorte qu'il ne pouvait se prévaloir de la dualité économique entre les personnes morales qu'il contrôlait et sa propre personne.

Il semble d'ailleurs que la poursuivante est aussi partie de l'idée qu'il y avait identité entre la société propriétaire du gage et l'époux de la plaignante, dans la mesure où elle a elle-même invité l'Office, par courrier du 4 octobre 2018, à notifier à la plaignante un exemplaire pour le conjoint du commandement de payer dans la poursuite en réalisation de gage dirigée contre la société. Dans le procès en mainlevée de l'opposition, la poursuivante n'a pas non plus contesté la légitimité de l'épouse à s'opposer à la poursuite contre la société propriétaire du gage.

2.2.2 Il résulte de ces considérations que dans la poursuite en réalisation de gage n° 5______, la plaignante revêt la qualité de conjoint du débiteur poursuivi, propriétaire du gage, dans la mesure où c'est son époux qui apparaît comme étant le propriétaire de la villa. C'est ainsi à bon droit qu'un commandement de payer a été notifié à la plaignante le 25 janvier 2019 dans cette poursuite dirigée contre la société. Il convient donc de constater la nullité de la décision de l'Office cantonal des poursuites du 30 juin 2020. La poursuite n° 5______ se trouve au stade où elle en était avant le prononcé de cette décision.

Cela scelle le sort de la plainte et dispense la Chambre de céans d'examiner si, en tout état de cause, la poursuite n° 5______ ne pouvait pas être continuée aussi longtemps que tous les commandements de payer notifiés dans la poursuite "connexe" n° 4______ n'étaient pas passés en force.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 4 décembre 2020 par A______ dans la poursuite en réalisation d'un gage immobilier n° 5______.

Au fond :

L'admet.

Constate la nullité de la décision de l'Office cantonal des poursuites du 30 juin 2020 dans la poursuite n° 5______.

Dit que la poursuite n° 5______ se trouve au stade où elle était avant le prononcé de cette décision.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l'art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.