Aller au contenu principal

Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

1 resultats
A/3072/2020

DCSO/210/2021 du 27.05.2021 ( PLAINT ) , ADMIS

Descripteurs : notification simplifiée selon art. 7 OCOVID 19; preuve de la remise de l'acte au débiteur à charge de l'office
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3072/2020-CS DCSO/210/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 27 MAI 2021

 

Plainte 17 LP (A/3072/2020-CS) formée en date du 28 septembre 2020 par A______.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

______

______.

- B______

c/o Me PATEK Serge

BARTH & PATEK

Boulevard Helvétique 6

Case postale

1211 Genève 12.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______ exploite une entreprise individuelle inscrite au registre du commerce active dans la serrurerie et construction métallique. Il travaille avec un employé et un apprenti.

b. Il vit avec sa mère dans une villa, sise chemin 3______ [no.] ______ à G______ [GE], qui sert également de siège à l'entreprise.

c. Pour son courrier postal, tant professionnel que privé, il utilise une case postale qu'il relève tous les un ou deux jours. Lorsqu'il s'absente, la case est relevée par son employé qui dispose d'une clé; ce dernier n'ouvre pas systématiquement le courrier qu'il relève, mais uniquement lorsque cela lui paraît urgent.

d. L'entreprise de A______ a érigé un garage et un couvert en construction métallique sur un bien immobilier appartenant à B______.

Un litige est survenu s'agissant de la qualité de l'ouvrage livré.

e. B______ a requis le 20 juillet 2020 la poursuite de A______ pour une créance de 142'315 fr. 67 plus intérêt à 5 % l'an dès le 15 juillet 2020 à titre de réparation du préjudice découlant des malfaçons qu'il avait constatées dans la construction du garage et du couvert (restitution de l'acompte versé : 11'900 fr.; frais de finition de l'ouvrage : 83'089 fr. 19; coût de la suppression des défauts de l'ouvrage : 47'326 fr. 68).

f. L'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a établi le 21 juillet 2020 un commandement de payer, poursuite n° 1______, qu'il a tenté sans succès de notifier au débiteur par C______, en distribution ordinaire, le 17 août 2020, et par D______, en distribution spéciale, les 21, 24, 25 et 26 août 2020. Lors de la première tentative de notification du 17 août 2020, un avis de passage et de fixation d'un délai pour le retrait de l'acte de poursuite au guichet postal a été remis dans la case postale.

g. L'Office a alors avisé le débiteur par courrier A+ du 1er septembre 2020 que des actes de poursuite lui seraient prochainement notifiés par courrier A+.

Selon les indications du système de suivi des envois postaux Track & Trace, ce courrier a été remis dans la case postale du destinataire le 4 septembre 2020.

h. L'Office a envoyé par pli A+ du 7 septembre 2020 les actes de poursuites annoncés dans le courrier du 1er septembre 2020, soit les commandements de payer poursuites nos 2______ et 1______.

Selon les indications du système Track & Trace, le pli a été distribué le 11 septembre 2020, à 8 h. 01 dans la case postale du destinataire, ce que l'Office a mentionné au dos du commandement de payer comme valant notification.

i. A______ a formé opposition au commandement de payer auprès de l'Office par courrier recommandé daté du 24 septembre 2020 mais posté le 25 septembre 2020.

j. L'Office a notifié à A______ le 28 septembre 2020 une décision rejetant l'opposition formée tardivement au commandement de payer, le délai de dix jours expirant le 21 septembre 2020.

Cette décision a été reçue le 5 octobre 2020 par son destinataire.

k. Le créancier a requis la continuation de la poursuite le 5 octobre 2020.

B. a. Par acte expédié le 28 septembre 2020, A______ a formé une plainte auprès de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), concluant à ce qu'il soit constaté que son opposition formée le 25 septembre 2020 était recevable. Il soutenait que si le courrier contenant le commandement de payer avait été reçu le 8 septembre 2020, ce dont il n'avait pas trouvé la preuve, le délai pour faire opposition parvenait à échéance le 25 septembre 2020 ("10 jours d'opposition + 7 jours de poste restante").

Dans le cas où la Chambre de surveillance ne devait pas admettre la recevabilité de l'opposition, il concluait subsidiairement à ce que le délai pour former opposition lui soit restitué, expliquant qu'il avait été absent de Genève du 4 au 22 septembre et n'avait donc pu prendre connaissance de son courrier que le 24 septembre 2020.

b. A______ a rectifié par courrier du 30 septembre 2020 la teneur de sa plainte en ce sens qu'il avait été absent de Genève du 11 au 22 septembre 2020. Il déposait à l'appui une confirmation de paiement émanant de E______ du 30 septembre 2020 pour trois billets d'avion dont un pour H______ le 11 septembre 2020, commandé le 5 août 2020. Aucun billet de retour n'était mentionné dans ce document.

c. Dans ses observations du 26 octobre 2020, l'Office a conclu au rejet de la plainte et au rejet de la requête en restitution du délai pour former opposition. Il a précisé qu'il renonçait à statuer sur cette dernière requête, même s'il était compétent pour le faire, puisqu'il n'en avait pas été informé et que la Chambre de surveillance en était désormais saisie. En substance, il soutenait que la notification du commandement de payer était intervenue conformément aux règles instituées par l'Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural; par ailleurs, les conditions à une restitution du délai pour faire opposition n'étaient pas réunies.

d. Dans ses observations du 28 octobre 2020, le créancier poursuivant a conclu au rejet de la plainte, pour des motifs en substance similaires à ceux développés par l'Office.

e. Le greffe de la Chambre de surveillance a informé les parties par courrier du 30 octobre 2020 que la cause était gardée à juger sous réserve d'actes d'instruction complémentaire.

f. A______ a requis le 8 janvier 2021 que l'effet suspensif soit octroyé à sa plainte car l'Office avait donné suite à la requête de continuer la poursuite du créancier et avait annoncé qu'il entendait procéder à une saisie.

g. La Chambre de surveillance a octroyé l'effet suspensif à la plainte le 18 janvier 2021.

h. La Chambre de surveillance a entendu le plaignant et l'Office au cours d'une audience qui s'est tenue le 29 avril 2021.

Le plaignant a expliqué ne pas être coutumier des poursuites en tant que débiteur, mais en tant que créancier. Il recevait donc des courriers de l'Office concernant les poursuites qu'il avait initiées. Du fait qu'il habitait la même villa que sa mère et qu'ils portaient le même nom de famille, il arrivait que le courrier qui lui était destiné soit distribué à la villa et que le courrier destiné à sa mère soit déposé dans sa case postale.

Il n'avait pas souvenir d'avoir constaté ou entendu parler de tentatives de notification d'actes de poursuite durant le mois d'août 2020. Sa mère était pourtant très fréquemment à la maison.

Le plaignant n'avait pas souvenir d'avoir reçu deux courriers A+ en septembre 2020 concernant la poursuite litigieuse. Il n'en avait reçu qu'un et avait immédiatement réagi en se rendant à l'Office. Il ne se souvenait pas si le pli contenait un commandement de payer ou non. Informé par la Chambre de surveillance du processus de notification simplifiée, il a confirmé se rappeler n'avoir reçu qu'un courrier A+ et n'était pas capable de préciser si le courrier reçu était celui qui l'avisait d'une notification prochaine d'un acte de poursuite ou celui contenant l'acte de poursuite.

Finalement, A______ a exposé faire plusieurs fois par mois le déplacement en Espagne, de même que sa mère et son beau-père, car sa grand-mère, âgée de 90 ans, était malade. Il s'y rendait parfois en avion, parfois en voiture, tout comme ses parents, et ils permutaient parfois les moyens de transport. Il avait ainsi fait le voyage pour H______ le 11 septembre 2020 en avion - et pouvait ainsi produire une pièce de la compagnie E______ - mais était sans doute revenu à Genève en voiture, raison pour laquelle il n'était pas en mesure de fournir un billet d'avion de retour.

i. A l'issue de l'audience, la Chambre de surveillance a fixé un délai au plaignant pour produire tout moyen de preuve permettant d'établir son séjour en Espagne du 11 au 22 septembre 2020.

Il a produit plusieurs mails de confirmation de vols le concernant, soit un retour H______-Genève le 24 juillet 2020, un retour H______ Genève le 25 août 2020, un aller Genève-H______ le 29 août 2020, un aller Genève-H______ le 11 septembre 2020 à 15 h. 00. Il a également produit une facture à son nom pour une séance de physiothérapie à I______ (Espagne) le 18 septembre 2020.

j. Le greffe de la Chambre de surveillance a communiqué ces pièces par courrier du 5 mai 2021 aux parties et informé celles-ci que la cause était gardée à juger dans les 15 jours suivant sa réception.

k. Le créancier a déposé des observations le 18 mai 2021. Il considérait sans pertinence les pièces concernant le litige sur la créance en poursuite et notait que le plaignant n'avait pas été en mesure de produire des pièces probantes concernant un voyage aller-retour à H______ en septembre 2020, si bien qu'il ne prouvait pas ne pas avoir été en mesure de faire opposition dans le délai de dix jours courant dès le 11 septembre 2020. Il s'étonnait notamment que le plaignant n'ait pas été en mesure de produire une décision de quarantaine du médecin cantonal puisqu'en cas de retour d'Espagne, une telle mesure était alors obligatoire.

EN DROIT

1. A______ cumule deux actes dans son écriture du 28 septembre 2020, une plainte et une requête de restitution de délai. Ils seront traités ci-après successivement sous chiffres 2 et 3, tant sous l'angle de leur recevabilité que du fond, dans la mesure nécessaire.

2. Dans sa plainte du 28 septembre 2020, A______ souhaite qu'il soit constaté que si le commandement de payer devait être considéré comme reçu le 8 septembre 2020 - ce qui n'était pas prouvé - il fallait constater que le délai pour former opposition venait à échéance le 25 septembre 2020 (10 jours d'opposition + 7 jours de poste restante). En tout état, n'ayant reçu effectivement le commandement de payer litigieux que le 24 septembre 2020, le délai pour porter plainte devait lui être restitué.

2.1.1 Avant d'entrer en matière sur la plainte, la Chambre de surveillance reformulera ces griefs.

Le plaignant a construit en premier lieu un raisonnement fondé sur l'hypothèse, prétendument soutenue par l'Office, que le commandement de payer aurait été notifié par pli recommandé du 7 septembre 2020, reçu le 8 septembre, et que le délai pour déposer plainte serait respecté avec une expédition le 25 septembre 2020, puisque le délai de dix jours devait être prolongé de la durée du délai de garde de 7 jours à la poste pour les plis recommandés.

Or, ce raisonnement part de deux prémisses erronées.

La première, factuelle, consiste à soutenir que l'Office prétendrait que le commandement de payer aurait été notifié par pli recommandé du 7 septembre 2020 reçu le 8 septembre. Il est établi que le commandement de payer a été notifié de manière simplifiée, par courrier A+ expédié le 7 septembre 2020 et remis le 11 septembre 2020 dans la case postale du plaignant. La date du 8 septembre 2020 alléguée par ce dernier ne correspond donc à rien et n'est pas invoquée par l'Office.

La seconde, juridique, consiste à prétendre que le dies a quo du délai d'opposition se calcule à partir de la réception fictive du commandement de payer, le dernier jour du délai de garde de 7 jours du pli recommandé à la poste. Or, un commandement de payer n'est pas notifié par pli recommandé et ne peut donc être considéré comme fictivement le dernier jour du délai de garde à la poste. Il doit être remis au débiteur, ou à une personne qui lui est proche déterminée par la loi, afin qu'il soit certain qu'il en a pris connaissance. Ce point sera examiné ci-après sous chiffres 2.2.2 et 2.2.3.

La Chambre de surveillance traitera par conséquent la plainte sur la base de l'état de fait tel qu'établi ci-dessus et en examinant le grief du plaignant - qui consiste en substance et en réalité à soutenir qu'il a formé opposition à temps contre le commandement de payer litigieux, contrairement à ce qu'a décidé l'Office le 28 septembre 2020 - à l'aune des principes juridiques qui suivent.

2.1.2 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'article 17 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire (al. 1), ainsi qu'en cas de déni de justice ou de retard à statuer (al. 3). L'autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps (ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'Office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP).

2.1.2 La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP), de retard à statuer et de déni de justice (art. 17 al. 3 LP).

2.1.3 En l'occurrence, la plainte ne vise formellement aucun acte de l'Office et tend à faire constater la date de réception valable du commandement de payer in abstracto, démarche qui devrait être qualifiée d'irrecevable faute de viser une mesure au sens de l'art. 17 LP.

Elle s'est toutefois croisée avec la décision de l'Office du 28 septembre 2020 rejetant l'opposition tardive du débiteur, acte contre lequel ce dernier n'a pas formellement déposé de plainte.

En réalité, le débiteur, par sa plainte du 28 septembre 2020, a anticipé la décision de rejet de son opposition tardive par l'Office - qui l'en avait certainement informé par avance dans les échanges qu'ils ont entretenus dans le courant du mois de septembre 2020 - et développé des arguments qui visent en réalité cette dernière. Il y a par conséquent lieu de considérer que la plainte vise cette décision. Intervenue avant même la notification de la décision et respectant les exigences de forme prévues par la loi la plainte est recevable.

2.2.1 Aux termes de l'article 74 al. 1 LP, le débiteur poursuivi qui entend former opposition doit, verbalement ou par écrit, en faire la déclaration immédiate à celui qui lui remet le commandement de payer ou à l'Office dans les dix jours à compter de la notification du commandement de payer.

L'Office consigne l'opposition formée à un commandement de payer au registre des poursuites (art. 10 al. 9 de l'ordonnance du Tribunal fédéral sur les formulaires et registres) et se prononce, avant de la transmettre au créancier, sur sa recevabilité formelle, soit le respect du délai pour former opposition et la clarté de sa manifestation. La décision de l'Office sur cet objet est susceptible de plainte (Ruedin, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 4 et ss ad art. 76 LP).

2.2.2 En droit suisse, les communications des autorités sont en règle générale soumises au principe de la réception, selon lequel une communication est réputée reçue lorsqu'elle parvient dans la sphère d'influence de son destinataire, de telle sorte qu'en organisant normalement ses affaires celui-ci soit à même d'en prendre connaissance. Pour un envoi acheminé par voie postale (sous réserve des plis recommandés), ce moment correspond au dépôt du pli dans la boîte aux lettres du destinataire si l'on peut escompter qu'il lève le courrier à ce moment-là. La prise de connaissance effective du document envoyé n'est donc ni nécessaire à la validité de la communication ni déterminante pour sa date (ATF 109 Ia 15 consid. 4; 137 III 208 consid. 3.1.2; 122 I 139 consid. 1).

Toutefois, une notification plus formelle, contre accusé de réception est exigée par certaines dispositions procédurales pour des actes d'une certaine importance (p. ex. art. 138 al. 1 CPC, art. 34 al. 1 LP). L'acte est alors réputé notifié au moment de sa remise au destinataire ou à une personne autorisée ou, lorsque les conditions d'une notification fictive sont réalisées, le dernier jour du délai de garde (art. 138 al. 3 let. a CPC). En matière de poursuites et faillites, la notification contre accusé de réception est la règle pour les communications, avis et décisions de l'autorité à moins que la loi n'en dispose autrement (art. 34 al. 1 LP).

Enfin, les actes de poursuite qui produisent des effets juridiques importants - tels que le commandement de payer, qui, s'il n'est pas frappé d'opposition, devient un titre d'exécution, et la commination de faillite - doivent faire l'objet d'une notification qualifiée, en un lieu prévu par la loi, par le préposé, un employé de l'Office ou la poste, impliquant que l'acte est effectivement porté à la connaissance de son destinataire ou d'une personne qui se trouve avec lui dans une relation suffisamment étroite pour que l'on puisse présumer qu'il le lui remettra (art. 64 ss, 72, 161 al. 1 LP; notamment ATF 117 III 7; 116 III 8; 91 III 41; Jeanneret/
Lembo, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 3 et 22 ad art. 64 LP). En application de l'art. 72 al. 2 LP, celui qui procède à la notification atteste sur chaque exemplaire du commandement de payer le jour où elle a eu lieu et la personne à laquelle l'acte a été remis.

Un vice affectant la procédure de notification au sens des art. 64 et ss LP entraîne la nullité de cette dernière si l'acte notifié n'est pas parvenu à la connaissance du débiteur (ATF 110 III 9 consid. 2). Si en revanche, malgré ce vice, le débiteur a connaissance de l'acte notifié ou de son contenu essentiel, la notification n'est qu'annulable (ATF 128 III 101consid. 2). Le délai pour former une plainte (art. 17 al. 2 LP), comme celui pour former opposition si l'acte notifié était un commandement de payer, commence alors à courir au moment de cette prise de connaissance (ATF 128 III 101consid. 2).

2.2.3 En raison de la crise sanitaire provoquée par la pandémie de coronavirus COVID-19, le Conseil fédéral a modifié le régime de notification qualifiée au sens des art. 64 et ss LP et promulgué le 16 avril 2020 une réglementation dérogeant à l'art. 72 al. 2 LP dans le cadre de l'ordonnance instaurant des mesures urgentes permettant de tenir compte des impératifs sanitaires en lien avec le coronavirus dans le domaine de la justice et du droit procédural (RS/CH 272.81; ci-après OCOVID-19 justice et droit procédural), valable du 20 avril 2020 au 31 décembre 2021.

A teneur de l'art. 7 de cette ordonnance, les communications, les mesure et les décisions des autorités des poursuites et des faillites ainsi que les actes de poursuite peuvent être notifiés contre une preuve de notification qui n'implique pas la remise d'un reçu : a) lorsque la première tentative de notification par la voie ordinaire a échoué ou que dans un cas d'espèce elle serait d'emblée vouée à l'échec en raison de circonstances particulières, et b) lorsque le destinataire a été informé de la notification par communication téléphonique, ou on peut supposer qu'il a été informé par écrit ou par courrier électronique au plus tard le jour précédant la notification (alinéa 1). La preuve de la notification au sens de cette disposition remplace l'attestation visée à l'art. 72 al. 2 LP (alinéa 2). Les conditions mentionnées sous lettres a et b de l'art. 7 al. 1 OCOVID-19 justice et droit procédural sont cumulatives. L'envoi par courrier A+ est considéré comme un mode de notification fournissant une preuve suffisante de la remise de l'acte au destinataire. En cas de différend sur l'information préalable à la notification prévue par l'art. 7 al. 1 let b OCOVID-19 justice et droit procédural, la preuve qu'elle a été donnée dans les formes et délais incombe à l'Office (Commentaire des dispositions de l'ordonnance du 16 avril 2020 instaurant des mesures en lien avec le coronavirus dans le domaine de la justice et du droit procédural de l'Office fédéral de la justice - ci-après OJF - p. 8).

La lettre b de l'art. 7 al. 1 OCOVID-19 justice et droit procédural a été modifiée le 25 septembre 2020, avec entrée en vigueur le 26 septembre 2020 et prévoit désormais que la notification simplifiée suppose que le destinataire en a été informé par communication téléphonique, par courrier électronique ou par une communication sous une autre forme au plus tard le jour précédant la notification. Le Commentaire des modifications du 25 septembre 2020 de l'OFJ relatif à ces modifications n'en explicite pas les raisons. Il donne comme exemple de communication sous une autre forme l'information "directe" au destinataire et confirme qu'en cas de différend relatif à cette information préalable le fardeau de la preuve incombe à l'Office, qui devra établir "que le destinataire a bien été informé de la notification et ce dans les délais".

La volonté du Conseil fédéral, telle qu'elle se dégage de ces deux libellés, est la même : il s'agit d'assurer, en exigeant que le destinataire soit informé à l'avance de la notification, que celle-ci atteindra son but, c'est-à-dire que le destinataire en prendra effectivement connaissance. Considérant que les effets de la pandémie et les mesures de lutte adoptées contre cette dernière auraient pour conséquence de rendre plus difficile le respect des exigences d'immédiateté et de remise directe de l'acte résultant des art. 64 et 65 LP, le Conseil fédéral a ainsi instauré un système en deux temps, fondé sur l'admissibilité de principe d'une notification sans reçu, ne présentant en soi que des garanties relativement faibles que le destinataire prenne effectivement connaissance de l'acte au moment de ladite notification, mais précédée d'une information préalable destinée à assurer l'effectivité de la notification malgré le fait qu'elle ne soit pas directe et immédiate. A l'inverse, rien ni dans le texte de l'ordonnance ni dans son commentaire officiel ni dans les instructions émises par l'Office fédéral de la justice ne permet de considérer que le Conseil fédéral aurait entendu, par le biais de la règlementation d'urgence adoptée le 16 avril 2020, renoncer à l'exigence résultant de la loi d'une prise de connaissance effective de l'acte notifié par son destinataire ou l'une des personnes de remplacement énumérées par la loi.

Il résulte de ce qui précède que, pour atteindre son but, l'information préalable prévue par l'art. 7 al. 1 let. b OCOVID-19 justice et droit procédural doit effectivement parvenir avant la notification à son destinataire ou à une personne de remplacement, ou à tout le moins que l'on puisse l'admettre avec une forte probabilité. Cette interprétation est non seulement la seule conforme à une interprétation téléologique et systématique du texte de l'ordonnance, mais repose également par son texte, notamment dans sa teneur initiale. Celui-ci établit en effet une distinction entre une information téléphonique, immédiate et donc suffisante en soi, et une communication par écrit ou par courrier électronique, pour laquelle d'autres éléments doivent autoriser la conclusion que l'information est bien parvenue à son destinataire ou à une personne de remplacement (DCSO/139/2021 du 15 avril 2021 consid. 3.5.3).

2.2.4 C'est sur l'Office que pèse le fardeau de la preuve de la notification régulière du commandement de payer (ATF 120 III 117 consid. 2). Les exemplaires du commandement de payer notifiés et comportant le procès-verbal de notification avec les mentions apposées par l'agent notificateur constituent des titres officiels au sens de l'art. 9 CC, avec pour conséquence qu'ils font en principe foi des faits qu'ils constatent. Le débiteur conserve cependant la possibilité d'établir que ces faits sont en réalité inexacts, cette preuve n'étant soumise à aucune forme particulière (art. 9 al. 2 CC; ATF 128 III 380 consid. 1.2; ATF 120 III 117
= JdT 1997 II 54; ATF 84 III 13; DCSO/236/19 du 23 mai 2019 consid. 2.2; DCSO/418/2008 du 02.10.2008 consid. 3). Lorsque la question de savoir si l'information préalable de la notification simplifiée au sens de l'art. 7 OCOVID-19 justice et droit procédural a bien atteint le destinataire de celle-ci, et le cas échéant à quelle date, est contestée, c'est, comme le souligne le Commentaire de l'OFJ de l'ordonnance, à l'Office d'en apporter la preuve : la solution sur ce point est ainsi la même que pour les conditions de validité d'une notification ordinaire (DCSO/139/2021 du 15 avril 2021 consid. 3.5.3).

Le mode d'expédition A+ proposé par la Poste se caractérise par le fait que l'envoi reçoit un numéro d'identification permettant d'en suivre le cheminement grâce au système Track & Trace. Contrairement à un courrier recommandé, sa remise éventuelle à son destinataire ne se fait toutefois pas contre reçu et, en cas d'absence de ce dernier, le pli est déposé dans sa boîte aux lettres ou sa case postale. La date et l'heure de ce dépôt sont enregistrés électroniquement dans le système Track & Trace.

Un relevé Track & Trace ne constitue pas une preuve que l'envoi concerné a été déposé à la date et à l'heure qu'il mentionne dans la boîte aux lettres ou la case postale du destinataire, dans la mesure où une erreur de la poste ou de l'employé postal ne peut en effet être exclue avec certitude. Une telle erreur ne peut cependant pas non plus être présumée, de telle sorte qu'il incombera au destinataire contestant la teneur d'un relevé Track & Trace d'alléguer des circonstances objectives permettant de retenir avec une certaine vraisemblance la possibilité d'une telle erreur, auquel cas sa bonne foi devra être présumée (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1). En revanche, le relevé Track & Trace ne permet pas d'établir qu'un envoi en courrier A+ a effectivement été reçu, par qui, ni surtout que son destinataire en aurait effectivement pris connaissance (ATF 142 III 599 consid. 2.2).

Ainsi, si le relevé Track & Trace permet en principe d'établir la date de dépôt du pli dans la boîte aux lettres ou la boîte postale du destinataire, il ne permet pas de prouver quand le contenu de ces boîtes a été relevé, par qui, ni quand et si le destinataire en a bien pris connaissance. Rien ne permet en effet de savoir si le destinataire était momentanément absent et n'a pas relevé le contenu de sa boîte immédiatement, si le contenu de la boîte a été relevé par un tiers qui l'aurait par hypothèse conservé un certain temps avant de le remettre au destinataire, enfin, si le pli n'a pas été égaré, voire jeté en se mélangeant avec d'autres courriers ou des publicités. Le courrier de type A+ ne permet donc pas de prouver la remise effective d'un pli et ni la prise de connaissance par le destinataire et d'établir ces faits en cas de contestation (DCSO/139/2021 du 15 avril 2021 consid. 3.5.3).

2.2.5 En l'espèce, l'Office prouve qu'il n'est pas parvenu à atteindre le débiteur par une notification ordinaire, au mois d'août 2020, en produisant l'exemplaire du commandement de payer ayant fait l'objet de tentatives de notification par C______ et D______, muni des mentions attestant des divers passages au domicile du débiteur. Le plaignant n'allègue pas ni ne prouve de circonstances permettant de remettre en cause sérieusement l'existence de ces tentatives. L'Office était ainsi fondé à procéder selon la procédure de notification simplifiée prévue par l'art. 7 de l'OCOVID-19 justice et droit procédural.

Il n'est pas contesté que l'Office a choisi d'aviser le débiteur de la notification prochaine d'un acte de poursuite de manière simplifiée par le biais d'un courrier A+ et non pas par une autre méthode prévue par l'ordonnance précitée, notamment un appel téléphonique ou un courrier électronique.

Il n'est pas non plus contesté que l'Office a envoyé cet avis le 1er septembre 2020, avec distribution le 4 septembre dans la boîte postale, et le commandement de payer le 7 septembre 2020, avec distribution le 11 septembre dans la boîte postale, ce que F______ a attesté par le système de suivi des envois Track & Trace.

A priori, tant le pli contenant l'avis que le pli contant le commandement de payer sont par conséquent bien parvenus dans la sphère de puissance du débiteur et le premier y est bien parvenu au moins un jour avant la notification simplifiée du commandement de payer. Le débiteur n'allègue pas ni n'offre de prouver des circonstances suffisantes permettant de douter de la distribution de ces courriers, si bien qu'il faut admettre, conformément aux principes exposés ci-dessus, que la preuve a été rapportée par l'Office que ces courriers ont bien été distribués à la case postale du plaignant, conformément à l'attestation Track & Trace.

Le plaignant expose n'avoir effectivement pris connaissance que d'un des deux courriers A+ de l'Office, à son retour de H______ le 22 septembre 2020.

En l'occurrence, le plaignant allègue et prouve, à satisfaction, des circonstances permettant d'admettre que, bien que les deux courriers A+ de l'Office sont bien entrés dans la sphère d'influence du débiteur, l'un d'eux aurait échappé à sa connaissance et l'autre ne lui serait parvenu que bien après sa réception en raison d'un voyage à H______. En effet, il est établi, par les dernières pièces qu'il a produites - contrairement à ce que soutient l'intimé dans ses dernières observations - que le débiteur est parti à H______ le 11 septembre 2020 à 15 h et s'y trouvait encore le 18 septembre à tout le moins au vu d'une facture pour une séance de physiothérapie - qu'il n'y a pas lieu de mettre en cause du seul fait qu'elle aurait été émise par une amie de la mère du plaignant. Il n'y a pas de raison de ne pas admettre le fait qu'il soit revenu le 22 septembre en voiture au vu des explications données en audience; il apparaît excessif de requérir la production d'une décision de mise en quarantaine, alors qu'il est connu que beaucoup de personnes, notamment voyageant autrement qu'en avion, n'ont pas spontanément déclaré leurs voyages au médecin cantonal.

Il n'est par ailleurs pas improbable que le débiteur n'aura pas prélevé sa case postale le 11 septembre avant de partir en voyage à 15 h. 00. L'Office ne prouve en tous les cas pas le contraire alors qu'il lui appartient d'apporter la preuve de la notification ainsi que de sa date.

Compte tenu de ce qui précède, la Chambre de surveillance retient que la notification simplifiée ne s'est donc pas déroulée conformément à l'art. 7 OCOVID-19 justice et droit procédural et doit être considérée comme viciée, notamment du fait qu'il n'a pas été possible d'établir que le débiteur a eu connaissance de l'avis d'une prochaine notification d'un acte de poursuite et/ou du commandement de payer. Il n'est donc pas possible de soutenir qu'il y a eu une notification efficace du commandement de payer le 11 septembre 2020 et que le délai pour former opposition a couru dès cette date. Dans ces circonstances, il faut retenir que le débiteur a eu connaissance du commandement de payer le 22 septembre 2020, à son retour, ou le 24 septembre 2020, ainsi qu'il l'allègue, et le rend vraisemblable, et que le délai pour y faire opposition n'a pu courir que dès ces dates.

L'opposition postée le 25 septembre 2020 a donc été valablement formée dans le délai de dix jours prévu à cet effet par l'art. 74 al. 1 LP.

La décision attaquée du 28 septembre 2020, qui écarte l'opposition pour tardiveté, sera par conséquent annulée et l'Office sera invité à enregistrer l'opposition valablement formée le 25 septembre 2020 par A______ au commandement de payer, poursuite n° 1______.

3. Eu égard à la conclusion qui précède, la requête subsidiaire du plaignant en restitution du délai pour former opposition (art. 33 al. 4 LP) est sans objet et il n'est pas nécessaire de l'examiner, ni de déterminer qui est compétent pour le faire, à la lumière de l'art. 8 de l'OCOVID-19 justice et droit procédural.

4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Reçoit la plainte de A______ du 28 septembre 2020 contre la décision du même jour de l'Office cantonal des poursuites rejetant l'opposition formée par le plaignant au commandement de payer, poursuite n° 1______.

Au fond :

Annule cette décision.

Invite l'Office à enregistrer l'opposition formée par A______ le 25 septembre 2020 au commandement de payer, poursuite n° 1______.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Messieurs Luca MINOTTI et Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l'art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.