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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/531/2021

DCSO/176/2021 du 06.05.2021 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : opposition tardive; notification simplifiée
Normes : LP.74.al1; Ordonnance COVID-19.7.al1; cpc.138.al3.leta
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/531/2021-CS DCSO/176/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 6 MAI 2021

 

Plainte 17 LP (A/531/2021-CS) formée en date du 16 février 2021 par A______, comparant en personne.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 20 mai 2021
à :

-       A______

______

______.

- B______

c/o M. C______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Par réquisition de poursuite datée du 12 novembre 2020, B______ a engagé à l'encontre de A______ une poursuite en recouvrement d'un montant de 65'500 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er septembre 2017, réclamé à titre de contributions d'entretien impayées pour la période du 1er juin 2016 au 3 août 2017.

b. Un commandement de payer, poursuite n° 1______, a été établi le 13 novembre 2020 par l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) conformément aux indications figurant sur la réquisition de poursuite.

Remis à la Poste en vue d'une notification par un agent postal, cet acte a été retourné à l'Office le 15 décembre 2020 avec la mention "non réclamé"; il y est mentionné qu'un agent postal s'est rendu à quatre reprises à l'adresse de A______, sans être en mesure de lui notifier l'acte.

c. Par courrier A+ du 15 décembre 2020, l'Office a informé A______ qu'il procéderait d'ici quelques jours à une notification simplifiée d'un ou de plusieurs actes de poursuite lui étant destinés, en application de l'art. 7 de l'Ordonnance du Conseil fédéral du 16 avril 2020 instaurant des mesures en lien avec le coronavirus dans le domaine de la justice et du droit procédural.

Selon le suivi des envois de la Poste ("Track & Trace"), ce courrier a été distribué le 18 décembre 2020.

d. Par courrier A+ du 4 janvier 2021, l'Office a transmis à A______ le commandement de payer, poursuite n° 1______.

Selon le suivi postal "Track & Trace", ce courrier a été distribué le 5 janvier 2021.

e. Le lundi 18 janvier 2021, A______ s'est rendu au guichet de l'Office pour former opposition à la poursuite n° 1______.

A cette occasion, le poursuivi a signé le formulaire "Déclaration d'opposition et/ou d'exception de non-retour à meilleure fortune", préalablement rempli par le collaborateur de l'Office qui a enregistré sa déclaration. Il y est indiqué que le commandement de payer, poursuite n° 1______, a été notifié le 5 janvier 2021 et que la déclaration d'opposition du poursuivi a été faite "tardivement".

f. Par décision datée du 19 janvier 2021, l'Office a refusé de prendre en considération l'opposition formée le 18 janvier 2021 en raison de sa tardiveté, le délai d'opposition ayant expiré le 15 janvier 2021.

Cette décision a été adressée à A______ par pli recommandé du 20 janvier 2021. Cet envoi a été avisé pour retrait le 21 janvier 2021 et retourné à l'Office le 29 janvier 2021, après l'échéance du délai de garde de 7 jours, avec la mention "non réclamé".

Le 10 février 2021, l'Office a renvoyé ce courrier au poursuivi par pli simple.

B. a. Par acte déposé le 16 février 2021 au greffe de la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre la décision de l'Office datée du 19 janvier 2021, concluant implicitement à son annulation et à l'enregistrement de son opposition à la poursuite n° 1______.

A l'appui de sa plainte, il a contesté devoir les 65'500 fr. que lui réclamait son ex-épouse à titre d'arriérés de contribution d'entretien. Selon lui, le montant réclamé était erroné, dans la mesure où il avait déjà versé plus de 20'000 fr. à B______ pour la période du 1er juin 2016 au 31 août 2017. Il avait formé opposition à la poursuite avec un jour de retard (l'Office étant fermé le weekend) car il se trouvait en Espagne lorsque le commandement de payer avait été remis dans sa boîte-aux-lettres. Il avait également dû observer une mise en quarantaine pour avoir côtoyé une personne testée positive au Covid-19. Il n'était donc pas responsable du retard pris pour faire opposition.

En annexe à sa plainte, A______ a produit une confirmation de réservation pour deux billets d'avion : un vol Genève-D______ [Espagne] prévu le 21 décembre 2020 et un vol D______-Genève prévu le 16 janvier 2021. Les cartes d'embarquement n'ont pas été produites.

b. Dans son rapport du 23 février 2021, complété le 30 mars 2021, l'Office a conclu à l'irrecevabilité de la plainte, au motif de sa tardiveté, respectivement à son rejet. Il a relevé que les pièces produites par le plaignant n'attestaient pas de son absence effective de Genève du 21 décembre 2020 au 16 janvier 2021. En tout état, l'intéressé se trouvait à Genève le 18 décembre 2020, lorsque l'avis de notification simplifiée du 15 décembre 2020 avait été remis dans sa boîte-aux-lettres. Dans la mesure où il devait s'attendre à recevoir un acte de poursuite à brève échéance, il appartenait au plaignant de s'organiser pour pouvoir y donner suite en temps utile. Une restitution du délai pour former opposition n'entrait donc pas en considération.

c. La créancière poursuivante a renoncé à se déterminer par écrit.

d. La cause a été gardée à juger le 1er avril 2021.

EN DROIT

1.             1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'Office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP), telles la notification d'un commandement de payer ou le refus de tenir compte d'une opposition.

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Lorsque la mesure contestée a fait l'objet d'une communication écrite, au sens de l'art. 34 LP, le délai de dix jours commence à courir le lendemain de sa réception effective par le destinataire (art. 142 al. 1 CPC, applicable par renvoi de l'art. 31 LP).

En vertu de l'art. 138 al. 3 let. a CPC, applicable par renvoi de l'art. 31 LP, l'acte envoyé par recommandé et non retiré est réputé notifié à l'expiration d'un délai de sept jours (délai de garde) à compter de l'échec de la remise, pour autant que le destinataire dût s'attendre à recevoir la notification (arrêts du Tribunal fédéral 5A_653/2016 du 13 octobre 2016 consid. 2.2; 5A_677/2013 du 6 décembre 2013 consid. 2.1).

1.2.1 Un commandement de payer est un acte de poursuite qui doit faire l'objet d'une communication revêtant la forme qualifiée de la notification (art. 72 LP). Cette notification consiste en la remise de l'acte en mains du poursuivi ou, en l'absence de ce dernier, en mains d'une personne de remplacement désignée par la loi et aux lieux prévus par la loi (art. 64 ss LP). La notification d'un commandement de payer fait courir le délai de dix jours pour y former opposition (art. 74 al. 1 LP).

Les règles régissant la notification des actes de poursuite visent à s'assurer qu'un acte produisant des effets juridiques - comme le commandement de payer qui, s'il n'est pas frappé d'opposition, devient un titre d'exécution - est effectivement porté à la connaissance de son destinataire ou d'une personne qui se trouve avec lui dans une relation suffisamment étroite pour que l'on puisse présumer qu'il le lui remettra (JEANNERET/LEMBO, in CR LP, N 3 et 22 ad art. 64 LP).

Si, en raison d'un vice de la notification, le commandement de payer n'est pas parvenu en mains du poursuivi, la poursuite est absolument nulle et sa nullité peut et doit être constatée en tout temps (ATF 110 III 9 consid. 2). Si, en revanche, malgré ce vice, le débiteur a connaissance de l'acte notifié ou de son contenu essentiel, la notification n'est qu'annulable (ATF 128 III 101 consid. 2). Le délai pour former une plainte (art. 17 al. 2 LP), comme celui pour former opposition si l'acte notifié était un commandement de payer, commence alors à courir au moment de cette prise de connaissance (ATF 128 III 101 consid. 2).

1.2.2 Dans le contexte de la pandémie de coronavirus, le Conseil fédéral a promulgué le 16 avril 2020 l'Ordonnance instaurant des mesures en lien avec le coronavirus dans le domaine de la justice et du droit procédural (RS 272.81; ci-après : Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural), par laquelle, se fondant sur le droit de nécessité, il a procédé à des modifications ponctuelles et provisoires de diverses dispositions du droit en vigueur. Afin de tenir compte des difficultés pouvant affecter les canaux par lesquels les actes de poursuite étaient usuellement notifiés, il a en particulier prévu à l'art. 7 de ladite ordonnance une procédure de notification facilitée dérogeant aux art. 64 à 66 LP.

Selon l'art. 7 al. 1 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural, dans sa teneur applicable depuis le 26 septembre 2020, le recours à la notification facilitée est possible lorsque, cumulativement, une première tentative de notification par la voie ordinaire a échoué (let. a), et que le destinataire a été informé de la notification par communication téléphonique, par courrier électronique ou par une communication sous une autre forme au plus tard le jour précédant la notification (let. b).

Lorsqu'une notification simplifiée est admissible, elle peut intervenir par tout moyen permettant d'en apporter la preuve, sans que cette preuve doive impliquer la remise d'un reçu (art. 7 al. 1 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural). Une notification intervenant par l'envoi d'un pli A+ satisfait à cette exigence (Commentaire de l'Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural, p. 8; Instruction n° 7 du Service Haute surveillance LP du 16 avril 2020 p. 3).

Lorsqu'il est recouru à la notification facilitée pour un commandement de payer, la preuve de la notification au sens de l'art. 7 al. 1 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural tient lieu de procès-verbal de notification au sens de l'art. 72 al. 2 LP (art. 7 al. 3 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural).

1.3 En l'espèce, le commandement de payer, poursuite n° 1______, a été remis au débiteur par la voie d'une notification facilitée au sens de l'art. 7 al. 1 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural. Le plaignant ne soutient pas que les conditions fixées par cette disposition - à savoir (i) l'échec d'une première tentative de notification du commandement de payer par la voie ordinaire et (ii) l'information d'une notification simplifiée de l'acte au plus tard le jour précédant celle-ci - ne seraient pas réalisées dans la poursuite concernée. En tout état, le plaignant admet que le commandement de payer a été remis dans sa boîte-aux-lettres et qu'il en a effectivement pris connaissance, raison pour laquelle il s'est rendu dans les locaux de l'Office le 18 janvier 2021. Conformément aux principes rappelés ci-avant (consid. 1.2.1), le fait que le commandement de payer est parvenu à la connaissance du débiteur a pour effet d'exclure une éventuelle nullité de la poursuite, la notification de l'acte étant tout au plus annulable en cas de vice l'affectant.

Il est par ailleurs constant que le plaignant a formé opposition au guichet de l'Office le 18 janvier 2021. A cette occasion, l'intéressé a signé un formulaire, rempli en sa présence par le personnel du guichet, dont il ressort que son opposition était formée "tardivement", le commandement de payer étant réputé notifié le 5 janvier 2021 (soit pendant le séjour que le plaignant allègue avoir effectué en Espagne). Par décision du 19 janvier 2021, expédiée au plaignant par pli recommandé du lendemain, l'Office a refusé d'enregistrer cette opposition, au motif de sa tardiveté, le délai légal ayant expiré le 15 janvier 2021 (5 janvier + dix jours). Or, dans la mesure où le plaignant s'était rendu au guichet de l'Office quelques jours plus tôt, en vue de former une opposition dont la recevabilité était sujette à caution, ce qu'il pouvait et devait inférer des circonstances (l'acte ayant été remis dans sa boîte-aux-lettres alors qu'il était, selon ses dires, absent de Genève et le formulaire faisant état de la tardiveté de l'opposition eu égard à la date de notification retenue par l'Office), le plaignant devait s'attendre à recevoir une décision sur ce point. Conformément à l'art. 138 al. 3 let. a CPC et à la jurisprudence rappelée ci-dessus (consid. 1.1), la décision du 19 janvier 2021 est ainsi réputée lui avoir été notifiée le 28 janvier 2021, avec pour conséquence que le délai de plainte prévu par l'art. 17 al. 2 LP a expiré le lundi 8 février 2021.

Adressée le 16 février 2021 à la Chambre de surveillance, la plainte sera déclarée irrecevable compte tenu de sa tardiveté - étant observé que le plaignant n'a fait valoir aucun motif qui justifierait de lui restituer le délai pour former plainte contre la décision querellée.

2. Pour le surplus, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur le grief du plaignant concernant le montant de la créance d'aliments dont se prévaut son ex-épouse.

En effet, il n'appartient ni aux offices des poursuites ni aux autorités de surveillance de décider si une prétention est exigée à bon droit ou non; en effet, l'examen du bien-fondé de la prétention faisant l'objet de la poursuite relève exclusivement de la compétence du juge ordinaire (ATF 113 III 2 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_76/2013 du 15 mars 2013 consid. 3.1).

A toutes fins utiles, la Chambre de céans rappellera que celui qui ne peut plus former opposition à la poursuite, mais qui entend contester l'existence, l'exigibilité ou la quotité de la créance fondant ladite poursuite, a la possibilité d'agir par le biais de l'action en annulation ou en suspension de cette poursuite (art. 85 et 85a LP), voire, en dernier ressort, par celui de l'action en répétition de l'indu (art. 86 LP).

Ces actions relèvent cependant toutes de la compétence exclusive du juge ordinaire, devant lequel le plaignant sera renvoyé à agir, s'il l'estime opportun.

3.             La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


Déclare irrecevable la plainte formée le 16 février 2021 par A______ contre la décision de l'Office cantonal des poursuites rendue le 19 janvier 2021 dans la poursuite n° 1______.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Ekaterine BLINOVA et
Monsieur Denis KELLER, juges assesseur(e)s; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente : La greffière :

 

Nathalie RAPP Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l'art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF).
L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.