Aller au contenu principal

Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

1 resultats
A/373/2021

DCSO/173/2021 du 06.05.2021 ( PLAINT ) , ADMIS

Normes : lp.79; lp.80.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/373/2021-CS DCSO/173/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 6 MAI 2021

 

Plainte 17 LP (A/373/2021-CS) formée en date du 2 février 2021 par la CONFEDERATION SUISSE.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

- CONFEDERATION SUISSE

DFF-AFC-DPR-DIVISION

ENCAISSEMENT, DAT

Schwarztorstrasse 50

3003 Bern.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. La Confédération suisse, soit pour elle l'Administration fédérale des contributions (ci-après : l'AFC), a engagé le 23 juin 2020 à l'encontre de A______ SA, ayant son siège à B______ (GE), la poursuite n° 1______ tendant au recouvrement des montants de 8'150 fr. 60, 6'959 fr. 40, 9'509 fr. 15 et 7'995 fr. 75 plus frais et intérêts, allégués être dus au titre d'impôt anticipé selon déclaration du 20 novembre 2019.

La poursuivie a formé opposition totale au commandement de payer qui lui a été notifié le 29 juin 2020.

b. Par décision du 10 décembre 2020, adressée le même jour par pli A+ à la poursuivie, l'AFC a dit que celle-ci lui devait les montants de 8'510 fr. 60 plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 1er février 2013, de 6'959 fr. 40 avec intérêts au taux de 5% l'an à compter du 1er février 2014, de 9'509 fr. 15 plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 1er février 2015 et de 7'995 fr. 75 plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 1er février 2016, et a écarté à due concurrence l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______.

La décision, fondée sur l'art. 41 de la Loi fédérale sur l'impôt anticipé (LIA), mentionne la possibilité pour sa destinataire de la contester dans un délai de 30 jours à compter de sa notification (art. 42 LIA).

c. Le 18 janvier 2021, l'AFC a requis la continuation de la poursuite.

d. Par décision du 27 janvier 2021, l'Office cantonal des poursuites a refusé de continuer la poursuite au motif que, le droit fédéral n'attribuant pas aux décisions rendues par l'AFC en matière d'impôt anticipé force exécutoire au sens de l'art. 80 LP, l'opposition formée à la poursuite n° 1______ n'avait pas été valablement écartée.

B. a. Par acte adressé le 2 février 2021 à la Chambre de surveillance, l'AFC a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre cette décision, concluant à ce qu'il soit ordonné à l'Office de donner suite à sa réquisition de continuer la poursuite.

A l'appui de cette conclusion, l'AFC a fait valoir en résumé que, quand bien même, contrairement à d'autres lois plus récentes (cf. notamment art. 86 et 89 LTVA), la LIA ne comportait pas de disposition lui conférant expressément la compétence d'écarter elle-même une opposition à un commandement de payer portant sur une créance fiscale, cette compétence devait néanmoins lui être reconnue conformément à la jurisprudence bien établie du Tribunal fédéral, telle que rappelée en dernier lieu dans l'ATF 134 III 115.

b. Dans ses observations du 24 février 2021, l'Office a conclu au rejet de la plainte.

D'une part, il n'existait pas de base légale conférant force exécutoire, au sens de l'art. 80 LP, aux décisions rendues par l'AFC en matière d'impôt anticipé.

D'autre part, l'Office a nouvellement relevé que, alors qu'elle en avait l'obligation selon la jurisprudence, l'AFC n'avait établi ni avoir notifié sa décision de mainlevée au poursuivi ni que celui-ci ne l'aurait pas contestée dans les forme et délai utiles.

c. La cause a été gardée à juger le 12 mars 2021.

 

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi
(art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1 L'art. 79 LP prévoit que le créancier à la poursuite duquel il est fait opposition agit par la voie de la procédure civile ou administrative pour faire reconnaître son droit. Il ne peut requérir la continuation de la poursuite qu'en se fondant sur une décision exécutoire qui écarte expressément l'opposition.

Lorsque la prétention déduite en poursuite est fondée sur le droit public, l'examen de son fondement matériel ne relève pas du juge de l'exécution forcée, mais des autorités et juridictions administratives compétentes. Dans la mesure où ces dernières peuvent, selon la législation qui les régit, rendre des décisions portant sur le paiement d'une somme d'argent auxquelles le droit fédéral ou cantonal attribue la force exécutoire au sens de l'art. 80 al. 2 LP, elles peuvent également, en même temps qu'elles statuent sur ce point, écarter l'opposition formée par le débiteur de cette somme d'argent dans une poursuite précédemment introduite en vue de son recouvrement. Le débiteur conserve pour sa part la possibilité de soumettre sa cause à un juge indépendant et impartial au sens de l'art. 6 par. 1 CEDH en exerçant contre la décision le condamnant au paiement d'une somme d'argent et levant en même temps son opposition les recours prévus en matière administrative (ATF 134 III 115 consid. 3.2 et références citées; Vock/Aepli-Wirz, in Kommentar SchKG, 4ème édition, 2017, N 7 ad art. 79 LP).

Le créancier qui entend procéder au recouvrement de sa créance de droit public peut choisir entre, premièrement, agir pour obtenir d'abord une décision condamnant le débiteur au paiement de sa créance et introduire ensuite la poursuite, ou, deuxièmement, requérir d'abord la poursuite puis, en cas d'opposition du débiteur, agir par la voie de la procédure administrative pour faire reconnaître son droit. Si le créancier adopte la première manière d'agir, partant s'il introduit la poursuite alors qu'il a déjà rendu une décision valant titre de mainlevée au sens de l'art. 80 LP, ou si, alors même qu'il en a le pouvoir, il omet de lever l'opposition lorsqu'il rend sa décision sur le fond, il doit requérir la levée définitive de l'opposition auprès du juge de la mainlevée du canton où se déroule la poursuite, conformément à l'art. 80 al. 1 LP (ATF 134 III 115 consid. 4.1).

2.2 Selon l'art. 41 LIA, l'AFC, en qualité d'autorité administrative au sens de l'art. 34 al. 1 LIA, rend toutes les décisions qui sont nécessaires pour la perception de l'impôt anticipé, en particulier lorsque la créance fiscale est contestée (let. a) ou que le contribuable ou la personne solidairement responsable ne paie pas l'impôt dû selon le relevé (let. c). Ses décisions peuvent faire l'objet d'une réclamation dans les trente jours suivant leur notification (art. 42 al. 1 LIA).

2.3 Dans le cas d'espèce, il est établi que la poursuite porte sur une créance de droit public.

En vue du recouvrement de cette créance, l'AFC a commencé par engager une poursuite puis, le débiteur ayant formé opposition, a, dans une seule décision, statué sur le montant et l'exigibilité de cette créance et écarté l'opposition. Comme relevé sous considérant 2.1 ci-dessus, cette possibilité lui était ouverte pour autant que, selon la législation fédérale applicable en l'espèce, elle soit compétente pour rendre des décisions bénéficiant de la force exécutoire au sens de l'art. 80 al. 2 LP.

Tel est manifestement le cas en l'espèce, l'art. 41 LIA conférant expressément à l'AFC la compétence de rendre "toutes les décisions qui sont nécessaires pour la perception de l'impôt anticipé", en particulier lorsque la créance fiscale est contestée ou qu'elle demeure impayée. Comme les décisions des autres autorités administratives, celles rendues par l'AFC dans le cadre de l'art. 41 LIA acquièrent force exécutoire lorsqu'elles ne peuvent plus être attaquées par un moyen de droit, que le seul moyen de droit ouvert n'a pas d'effet suspensif ou que l'effet suspensif attribué à un moyen de droit a été retiré (art. 39 PA). A cette condition (à laquelle s'ajoute, pour les décisions de taxation, celle de l'entrée en force de chose jugée [arrêt du Tribunal fédéral 5A_41/2018 du 18 juillet 2018 consid. 3.2.1]), elles constituent des titres de mainlevée définitive au sens de l'art. 80 al. 2 ch. 2 LP (Abbet, in Abbet/Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2017, N 142 ss. ad art. 80 LP).

Compétente pour rendre en matière d'impôt anticipé des décisions ayant force exécutoire au sens de l'art. 80 LP, l'AFC l'était ainsi également pour écarter l'opposition formée par le débiteur lorsque, comme en l'espèce, la poursuite avait été introduite avant qu'une décision ait été rendue sur le montant de la créance fiscale. Il importe peu à cet égard que cette compétence, admise par la jurisprudence, ne figure pas expressément dans la LIA.

La plainte est donc, dans cette mesure, bien fondée et la décision contestée sera en conséquence annulée.

3. Comme le relève pour la première fois l'Office dans ses observations, lorsqu'il requiert la continuation de la poursuite, le créancier ayant lui-même prononcé la mainlevée de l'opposition doit établir que sa décision a été dûment notifiée au poursuivi, selon les règles procédurales qui lui sont applicables, et qu'aucun recours n'a été interjeté à son encontre. De jurisprudence constante, en effet, une décision judiciaire ou administrative écartant l'opposition qui n'a pas été valablement notifiée au poursuivi, et contre laquelle celui-ci n'a par voie de conséquence pas pu faire valoir ses éventuels moyens de droit, est nulle et ne permet donc pas la continuation de la poursuite (ATF 142 III 599 consid. 2.1 et références citées).

Dans la mesure où il ne résulte pas du dossier soumis en l'espèce à la Chambre de surveillance que l'AFC aurait établi que sa décision du 10 décembre 2020 a bien été notifiée au débiteur et que celui-ci ne l'a pas contestée en temps utile, il ne peut être fait droit à sa conclusion tendant à ce qu'il soit ordonné à l'Office de donner suite à sa réquisition de poursuite.

La vérification de la notification de la décision de mainlevée au débiteur et de l'absence de contestation de la part de ce dernier incombe toutefois en premier lieu à l'Office, dans le cadre de la vérification des conditions auxquelles est soumise la continuation de la poursuite, et non à la Chambre de surveillance. Cette dernière se bornera donc à annuler la décision attaquée, charge à l'Office de vérifier, le cas échéant après avoir sollicité de la part de la plaignante des justificatifs supplémentaires, que la décision écartant l'opposition n'est pas nulle et qu'elle est exécutoire.

4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

 

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 2 février 2021 par la Confédération suisse contre la décision rendue le 27 janvier 2021 par l'Office cantonal des poursuites dans la poursuite n° 1______.

Au fond :

L'admet.

Annule la décision attaquée.

Déboute pour le surplus la plaignante et l'Office cantonal des poursuites de leurs conclusions.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Ekaterine BLINOVA et
Monsieur Denis KELLER, juges assesseur(e)s; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l'art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.