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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/441/2021

DCSO/171/2021 du 06.05.2021 ( PLAINT ) , ADMIS

Descripteurs : restitution délais opposition; exception non-retour à meilleure fortune
Normes : lp.75.al2; lp.265.leta; lp.33.al4; lp.31; cpc.31
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/441/2021-CS DCSO/171/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 6 MAI 2021

 

Plainte 17 LP et demande de restitution de délai (A/441/2021-CS) formées en date du 9 février 2021 par A______, comparant en personne.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______

______

______ [GE].

- BANQUE B______

Service du contentieux

______

Genève.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Le 23 décembre 2020, la Banque B______ (ci-après: B______) a requis la poursuite de A______, en recouvrement de la somme de 74'817 fr. 40, réclamée sur la base d'un acte de défaut de biens après faillite du ______ 2005 (solde débiteur d'un compte courant; créance reconnue par la faillie).

b. Le commandement de payer, poursuite n° 1______, a été remis le 13 janvier 2021 à C______, fils de la poursuivie.

c. Par courrier daté du 16 janvier 2021, expédié depuis l'Espagne le
18 janvier 2021 et parvenu à l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) le 27 janvier 2021, A______ a contesté être revenue à meilleure fortune. Elle avait eu connaissance du commandement de payer le 13 janvier 2021 par le biais de son fils, qui avait été chercher le pli recommandé à sa place. Alors qu'elle s'était rendue en Espagne pour rendre visite à un proche, elle avait été victime d'un infarctus et d'une thrombose pulmonaire, ce qui avait retardé son retour en Suisse. Elle a joint à sa lettre des documents en relation avec son hospitalisation en Espagne ainsi que sa taxation en Suisse.

d. Par décision du 28 janvier 2021, l'Office a constaté l'irrecevabilité de l'exception de non-retour à meilleure fortune, pour cause de tardiveté. En effet, le courrier posté le 18 janvier 2021 depuis l'Espagne par la poursuivie était parvenu à la poste suisse le 26 janvier 2021 (selon le track and trace), soit le lendemain de l'échéance du délai d'opposition, le 25 janvier 2021.

B. a. Par acte du 9 février 2021, A______ a formé plainte auprès de la Chambre de surveillance contre la décision de l'Office du 28 janvier 2021, qu'elle avait reçue le 5 février suivant.

Elle a en substance fait valoir qu'elle avait réagi rapidement, dans le délai d'opposition, ignorant que la lettre recommandée expédiée depuis l'Espagne mettrait huit jours pour arriver en Suisse. Elle a ajouté qu'elle vivait de sa rente AVS et des prestations complémentaires et qu'elle n'avait aucune fortune.

b. L'Office a conclu au rejet de la plainte ainsi qu'à la requête de restitution du délai pour soulever l'exception de non-retour à meilleure fortune. Certes, le commandement de payer avait été notifié au fils de la plaignante, lequel ne faisait pas ménage commun avec sa mère ni n'était au bénéfice d'une procuration.

Toutefois, la plaignante, qui admettait avoir eu connaissance du commandement de payer le 13 janvier 2021, ne s'était pas plainte d'un quelconque vice de notification, pas plus qu'elle n'avait formé opposition pour non-retour à meilleure fortune dans ce même délai. En effet, le pli recommandé posté le 18 janvier 2021 aurait dû parvenir à la poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse le dernier jour du délai, soit le 25 janvier 2021, ce qui n'avait pas été le cas. Il n'était pas non plus possible de considérer que la plaignante avait été empêchée, de manière non fautive, d'agir dans le délai.

c. La B______ s'en est rapportée à justice, n'ayant pas d'observations à formuler.

d. Par avis du 3 mars 2021, les parties ont été avisées de ce que l'instruction de la cause était close.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP), soit une décision rejetant l'exception de non-retour à meilleure fortune pour cause de tardiveté, et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

La plainte doit également être comprise comme une demande de restitution de délai implicite, également formée en temps utile, dès lors que la plaignante n'a su que son courrier n'était pas parvenu à temps à la poste suisse qu'à réception de la décision de l'Office querellée.

2. 2.1.1 Selon l'art. 74 al. 1 LP, le débiteur qui entend former opposition doit, verbalement ou par écrit, en faire la déclaration immédiate à celui qui lui remet le commandement de payer ou à l'office dans les dix jours à compter de la notification du commandement de payer.

L'art. 75 LP précise qu'il n'est pas nécessaire de motiver l'opposition. Celui qui l'a cependant motivée n'est pas limité par la suite aux moyens énoncés (al. 1). Le débiteur qui conteste son retour à meilleure fortune (art. 265, 265a LP) doit le mentionner expressément dans son opposition, sauf à être déchu du droit de faire valoir ce moyen (al. 2).

Aussi, l'exception de non-retour à meilleure fortune doit être soulevée dans le délai d'opposition de dix jours (KUKO SchKG, n° 1 ad art. 265a LP).

2.1.2. L'inobservation d'un délai dont la prolongation n'a pas été demandée ou a été refusée, ne peut être réparée que par la restitution (art. 33 al. 4 LP).

Quiconque a été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé peut demander à l'autorité de surveillance ou à l'autorité judiciaire compétente qu'elle lui restitue ce délai. L'intéressé doit, à compter de la fin de l'empêchement, déposer une requête motivée dans un délai égal au délai échu et accomplir auprès de l'autorité compétente l'acte juridique omis (art. 33 al. 4 LP)

2.1.3 Les actes doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai soit au tribunal soit à l'attention de ce dernier, à la poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 143 al. 1 CPC par renvoi de l'art. 31 LP).

Le principe d'expédition ne vaut pas en dehors du recours à la Poste suisse. En cas de recours à une poste étrangère le délai ne sera respecté que pour autant qu'il ne soit pas déjà échu au moment de l'arrivée effective de l'acte au tribunal, ou au moins que l'envoi soit passé de la poste étrangère à la poste suisse (ce qui pourrait être en pratique difficile à établir) avant l'échéance dudit délai (CR-CPC, n° 13 ad art. 143 CPC).

Quiconque a été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé peut demander à l'autorité de surveillance ou à l'autorité judiciaire compétente qu'elle lui restitue ce délai. L'intéressé doit, à compter de la fin de l'empêchement, déposer une requête motivée dans un délai égal au délai échu et accomplir auprès de l'autorité compétente l'acte juridique omis (art. 33 al. 4 LP).

Constituent un empêchement non fautif non seulement l'impossibilité objective ou la force majeure, mais aussi l'impossibilité due à des circonstances personnelles ou à une erreur excusable. La gravité de la faute est sans pertinence. Ces circonstances doivent être appréciées objectivement, en ce sens qu'est non fautive toute circonstance qui aurait empêché un intéressé (ou son représentant) consciencieux d'agir dans le délai fixé (Gillieron, Commentaire LP, n. 40 ad art. 33; arrêt du Tribunal fédéral 5A_896/2012 du 10 janvier 2013 consid. 3.2).

2.2 En l'espèce, il résulte du dossier que la plaignante, qui se trouvait à l'étranger au moment de la remise du commandement de payer à son fils, a rencontré des problèmes de santé graves, ayant été victime d'un infarctus le 28 novembre 2020 et ayant effectué un séjour aux soins intensifs dès le 2 décembre 2020. Les pièces qu'elle a fournies font état de soins médicaux administrés en Espagne jusqu'à fin janvier 2021.

Le 18 janvier 2021, soit cinq jours après avoir appris l'existence du commandement de payer considéré (le 13 janvier 2021), la plaignante a posté depuis l'Espagne le courrier par lequel elle soulevait l'exception de non-retour à meilleure fortune, qui est parvenu (selon le "track and trace") à la Poste suisse le 26 janvier 2021 et que l'Office a reçu le lendemain.

La Chambre de céans considère que la plaignante, qui agit en personne, a ignoré, sans sa faute, que le délai ne serait pas respecté par le dépôt à une poste étrangère de son opposition. Son erreur de ne pas avoir anticipé que celle-ci devait parvenir à la Poste suisse avant l'échéance du délai est excusable, ce d'autant qu'elle a agi avec diligence, ayant posté son envoi une semaine avant l'échéance du délai de
dix jours, qui tombait en l'espèce le lundi 25 janvier 2021 (le 23 janvier étant un samedi).

Le délai doit donc lui être restitué.

En conséquence, l'exception de non-retour à meilleure fortune, parvenue à la Poste suisse le 26 janvier 2021, a été soulevée dans le délai restitué et n'est donc pas tardive.

2.3. Dès lors qu'il est établi que la plaignante a formé opposition dans le délai ainsi restitué, la décision du 28 janvier 2021, motivée par le caractère selon l'Office tardif de cet acte, doit être annulée.

Compte tenu de l'issue de la procédure, il importe peu que le commandement de payer ait été remis à une personne qui ne fait pas ménage commun avec la plaignante, en violation de l'art. 64 LP. Ce vice n'a en effet pas porté à préjudice dès lors que la plaignante a pu valablement préserver ses droits.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevables la demande de restitution du délai pour soulever l'exception de non-retour à meilleure fortune et la plainte contre la décision de l'Office cantonal des poursuites du 28 janvier 2021 formées le 9 février 2021 par A______ dans la poursuite n° 1______.

Au fond :

Admet la demande.

Constate que l'exception de non-retour à meilleure fortune a été soulevée dans le délai restitué.

Annule en conséquence la décision de l'Office cantonal des poursuites du
28 janvier 2021.

Ordonne à l'Office cantonal des poursuites d'enregistrer l'exception de non-retour à meilleure fortune.

 

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Ekaterine BLINOVA et
Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l'art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.