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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3810/2020

DCSO/109/2021 du 18.03.2021 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : conversion séquestre; saisie; certifications; actions nominatives
Normes : lp.275; lp.98; lp.99
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3810/2020-CS DCSO/109/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 18 MARS 2021

 

Plainte 17 LP (A/3810/2020-CS) formée en date du 17 novembre 2020 par A______, comparant en personne.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______

______

______
______

ISRAËL.

- B______

c/o Me I______

H______

______

______

Genève.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Sur requête de C______, devenue ensuite B______, le Tribunal de première instance de Genève a ordonné, le 14 avril 2016, au préjudice de A______, un séquestre civil portant sur "tous les droits d'usage et/ou de jouissance liés à la détention des
17 actions de la SI E______ SA incorporées dans le certificat d'actions n° 8______
donnant un droit exclusif d'aménagement et d'utilisation d'un appartement n° 8______ de 5 pièces au 2ème étage, d'une place de parking, d'une cave et d'une cabine de piscine appartenant à A______", pour une créance de dommages-intérêts liée aux activités de blanchiment et de dissipation des fonds provenant d'une escroquerie sur des bons argentins commise au préjudice de la créancière, à hauteur de 5'000'000 fr., plus intérêts à 8% dès le 22 mars 2014.

b. Le même jour, l'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a avisé la
SI E______ SA de l'exécution dudit séquestre, enregistré sous n° 1______.

c. D______, représentant la Société immobilière E______ SA, a répondu le 22 avril 2016 à l'Office qu'elle n'était pas en possession des 17 actions incorporées dans ledit certificat d'actions. Elle disposait uniquement des clés donnant accès au logement et à ses dépendances.

d. Le 16 juin 2016, l'Office a établi le procès-verbal de séquestre.

e. Le 21 juin 2016, B______ a engagé une poursuite en validation du séquestre n° 1______, laquelle a été enregistrée sous n° 2______.

B. a. Sur requête de C______, devenue ensuite B______, le Tribunal de première instance de Genève a ordonné, le 9 mars 2017, au préjudice de A______, le séquestre de divers actifs de cette dernière détenus par Me F______, notaire, par G______ SA et par l'Etude H______, pour une créance de 6'200'000 fr., plus intérêts à 8% dès le 22 mars 2014.

b. Le même jour, l'Office a avisé les tiers détenteurs desdits actifs de l'exécution du séquestre précité, enregistré sous n° 3______.

c. Le 27 mars 2017, l'Office a établi le procès-verbal de séquestre.

d. B______ a formé une réquisition de poursuite en validation du séquestre n° 3______ le 12 avril 2017, laquelle a été enregistrée sous
n° 4______.

C. a. Après plusieurs tentatives de notification infructueuses en Israël des deux procès-verbaux de séquestre, nos 5______ et 3______, et des deux commandements de payer en validation de ces séquestres, nos 2______ et 6______, l'Office a publié ces actes dans la Feuille d'avis officielle
(ci-après: FAO) et la Feuille officielle suisse du commerce (ci-après : FOSC) du ______ 2018.

b. Le 9 janvier 2019, A______ a déclaré former opposition aux deux commandements de payer.

c. Par jugements JTPI/40/2020 et JTPI/38/2020 du 2 janvier 2020, le Tribunal de première a prononcé :

- la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ au commandement de payer, poursuite n° 2______, qui lui a été notifié par l'Office, à concurrence de 5'000'000 fr. avec intérêts à 8% l'an du 22 mars 2014;

- la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ au commandement de payer, poursuite n° 4______, qui lui a été notifié par l'Office, à concurrence de 6'200'000 fr. avec intérêts à 8% l'an du 22 mars 2014.

d. Le 17 janvier 2020, B______ a requis la continuation des deux poursuites en validation de séquestre n° 2______ et n° 4______.

e. Le 21 janvier 2020, l'Office a converti les deux séquestres en saisie définitive.

Selon le procès-verbal de saisie, série n° 81 7______, à laquelle
participent les deux poursuites précitées, établi le 13 juillet 2020, le séquestre
n° 5______, exécuté en mains de la SI E______ SA, qui avait porté à hauteur de 1'250'000 fr., était converti en saisie définitive dans le cadre de la procédure de poursuite n° 2______.

Le séquestre n° 3______, qui avait porté à hauteur de 5'729'118 fr. 45 en mains de Me F______, notaire, à hauteur de 355'355 fr. en mains de G______ SA, et à hauteur de EUR 12'043 fr. 95 et 512 fr. 51 en mains de l'Etude H______, était converti en saisie définitive dans le cadre de la procédure de poursuite n° 4______.

D. a. Par acte déposé le 17 novembre 2020 auprès de l'Ambassade suisse en Israël, A______ a formé plainte contre le procès-verbal de saisie, série
n° 7______, reçu le 8 novembre 2020 (ce que confirme le "Delivery tracking"). Elle s'oppose à la saisie des "droits d'usage et/ou de jouissance liés à la détention de 17 actions de la SI E______ SA incorporés dans le certificat d'actions n° 8______". En effet, l'Office voulait prendre l'appartement correspondant au certificat d'actions sans avoir ce certificat. Cette saisie viderait la SI E______ SA de sa substance et réduirait à néant la valeur du certificat d'actions. Le procès-verbal de saisie violait ainsi le droit suisse.

b. B______ a conclu au rejet de la plainte, qui ne portait que contre la conversion en saisie du séquestre n° 5______.

Elle a notamment exposé que pour pouvoir réaliser les droits saisis (liés aux actions), il était nécessaire d'obtenir le concours de la société immobilière pour annuler les 17 actions, respectivement le certificat d'actions incorporant celles-ci, et en réémettre de nouvelles, dès lors que A______ s'était ingéniée à les escamoter, lors de sa fuite en Israël.

c. L'Office a aussi conclu au rejet de la plainte, les droits découlant de la qualité d'actionnaire étant pleinement saisissables.

d. Par courrier du 21 décembre 2020, le rapport de l'Office et la détermination de B______ ont été transmis à A______, laquelle a indiqué les avoir reçus le 31 janvier 2021.

e. Par lettre du 7 février 2021, A______ a communiqué à la Chambre de surveillance un arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du 16 décembre 2020, rendu dans la procédure pénale P/9______/2011.

Selon cet arrêt, A______ avait acquis les actions nominatives de la
SI E______ SA le 26 août 2010 pour un prix de 1'250'000 fr. Le certificat incorporant ces actions n'avait pas pu être localisé - il serait demeuré en mains de l'intéressée - mais le conseil d'administration de la société immobilière s'était engagé à bloquer tout transfert de celui-ci.

Selon le registre du commerce, le capital-actions de la société immobilière E______ SA est composé de 2'973 actions nominatives de 100 fr., liées selon statuts.

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi
(art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP), soit un procès-verbal de saisie, et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

En dépit de sa brève motivation, on comprend que la plaignante, qui agit en personne, conteste la décision de saisir des droits liés à des actions incorporées dans un certificat d'actions, indépendamment du titre qui les incorpore.

2. 2.1.1 L'ordonnance de séquestre est rendue sur la base de la seule requête du créancier (art. 272 LP). Elle doit être entreprise par la voie de l'opposition
(art. 278 al. 1 LP), dont le but est de permettre au juge de vérifier le bien-fondé du séquestre après avoir entendu le débiteur. De son côté, l'office des poursuites exécute l'ordonnance de séquestre (art. 275 LP), en appliquant par analogie les
art. 91 à 109 LP relatifs à la saisie (art. 275 LP). Sa décision doit être entreprise par la voie de la plainte (art. 17 LP) auprès de l'autorité de surveillance (ATF 142 III 291 consid. 2.1 et les références citées).

2.1.2 Aux termes de l'art. 98 LP, lorsque la saisie porte sur des espèces, billets de banque, titres au porteur, effets de change ou autres titres transmissibles par endossement, objets de métaux précieux ou autres objets de prix, l'office les prend sous sa garde. Lorsque la saisie porte sur une créance ou autre droit non constaté par un titre au porteur ou transmissible par endossement, le préposé prévient le tiers débiteur que désormais il ne pourra plus s'acquitter qu'en mains de l'Office (art. 99 LP).

2.1.3 Lorsqu'elles ont été émises, les actions d'une société anonyme constituent des papiers-valeurs, soit des biens mobiliers : elles doivent donc être décrites comme telles dans l'ordonnance de séquestre et leur lieu de situation, respectivement la personne les détenant (p. ex. un tiers dépositaire), doivent être indiqués.

Lorsque les actions n'ont pas été émises, en revanche, le séquestre ne peut porter que sur les droits de l'actionnaire à l'encontre de la société, et ce selon la procédure de saisie des créances (ATF 92 III 20 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_824/2010 du 5 juillet 2011 consid. 3.2). L'ordonnance doit alors indiquer le nom du débiteur de la créance saisie, soit la société, à laquelle l'Office adressera un avis de séquestre au sens de l'art. 99 LP.

2.1.4 Ne peuvent être saisis - et donc séquestrés - que les biens corporels se trouvant en Suisse (ATF 90 II 158 consid. 4). Est nul tout séquestre autorisé ou pratiqué dans un autre lieu que celui où se trouve l'objet à séquestrer (ATF 56 III 230; 73 III 103 consid. 3; 75 III 26 consid. 2).

2.1.5 Lorsqu'une société a émis des actions au porteur, les droits de l'actionnaire ne peuvent être séquestrés indépendamment des actions elles-mêmes
(cf. JdT 1963 II 47 s.).

2.1.6 Le Tribunal fédéral a jugé qu'un séquestre autorisé et pratiqué en Suisse ne saurait porter sur des actions (nominatives américaines) qui se trouvent effectivement à New York (ATF 90 II 158 consid. 4).

Les actions nominatives, même liées, sont des papiers-valeurs. De même que dans le cas des actions au porteur, on ne saurait séquestrer au siège de la société anonyme, indépendamment du titre, un "droit de participation" qui en est le fondement (ATF 92 III 20 consid. 3).

2.2 En l'espèce, il résulte des divers éléments au dossier que les 17 actions litigieuses, respectivement le certificat d'actions qui les incorpore, ont/a été émis, ce que la poursuivante concède lorsqu'elle affirme "qu'aux fins de pouvoir réaliser les droits saisi, il faudra, lors de la mise sur pied des opérations de vente, obtenir le concours de la SI pour annuler les 17 actions en question, respectivement le certificat n° 8______ incorporant celles-ci, et en réémettre de nouvelles/un nouveau, puisque Mme A______ s'est ingéniée jusqu'ici à les escamoter des mesures d'exécution forcée entreprises contre elle, lors de sa fuite en Israël". D'ailleurs la représentante la Société immobilière E______ SA a indiqué à l'Office qu'elle n'était pas en possession des 17 actions incorporées dans ledit certificat d'actions, ce qui permet aussi de conclure que les actions, respectivement le certificat d'actions, ont été émis. La Chambre pénale de recours a quant à elle relevé que le certificat d'actions n'avait pas pu être localisé, ce qui présuppose son existence.

Par conséquent, le séquestre de ces actions, respectivement du certificat d'actions qui les réunit, devait intervenir par la voie de la saisie des biens meubles, conformément à l'art. 98 LP, et non pas par la voie de la saisie des créances, prévue par l'art. 99 LP.

Aucun indice ne permet de considérer que le certificat d'actions se trouve en Suisse, plus particulièrement à Genève, en mains d'un tiers. Il est notamment avéré que ce certificat d'actions ne se trouve pas auprès de l'administration de la société immobilière. Enfin, la plaignante réside en Israël et a selon toute vraisemblance amené avec elle ledit certificat d'actions.

Quand bien même la conversion du séquestre en saisie n'est que le remplacement de la première mesure par la seconde (lorsque le débiteur n'est pas domicilié en Suisse; Ochsner, La validation et la conversion du séquestre, SJ 2016 II, p. 30), force est de constater que l'Office ne pouvait pas séquestrer à Genève les droits découlant des actions litigieuses, indépendamment du titre qui les incorpore, lequel est selon toute vraisemblance en Israël.

Par conséquent, l'Office ne pouvait pas convertir le séquestre litigieux en saisie définitive.

Aussi, la plainte s'avère bien fondée et le procès-verbal de saisie attaqué sera annulé en tant qu'il convertit en saisie définitive le séquestre n° 5______ portant sur "tous les droits d'usage et/ou de jouissance liés à la détention des
17 actions de la SI E______ SA incorporées dans le certificat d'actions n° 8______
donnant un droit exclusif d'aménagement et d'utilisation d'un appartement n° 8______ de 5 pièces au 2ème étage, d'une place de parking, d'une cave et d'une cabine de piscine appartenant à A______". En revanche, la conversion en saisie définitive sera confirmée en tant qu'elle porte sur le séquestre n° 3______.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 17 novembre 2020 par A______ contre le procès-verbal de saisie, série n° 7______.

Au fond :

L'admet.

Annule le procès-verbal de saisie en tant qu'il convertit en saisie définitive le séquestre n° 5______.

Confirme pour le surplus ledit procès-verbal de saisie.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseur(e)s; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l'art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.