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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/221/2006

DCSO/161/2006 du 09.03.2006 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 23.03.2006, rendu le 08.08.2006, DROIT PUBLIC
Normes : LP.13, LP.35, LP.17.1, LP.205, LP.222.4, LP.222.6, LP.221.1, LP.240.1, LP.260, LPA.69.1, CPS.324, CPS.292, CC.2
Résumé : Selon la CSO, l'injonction comminatoire de verser à la masse l'équivalent d'une garantie locative libérée en mains du failli est une mesure sujette à plainte. Encaissement par l'Office des créances liquides de la masse. Circulaire aux créanciers claire et complète. Contrôle de l'opportunité d'une injonction comminatoire. La plainte est un instrument de la surveillance. Portée de l'avis préalable d'ouverture de la faillite. Publication dans la FOSC et la FAO. Devoir de diligence d'une banque de consulter la FAO. L'insoumission à une décision de l'autorité selon 292 CPS a un caractère subsidiaire, notamment par rapport à l'inobservation par un tiers des règles de l'exécution forcée de 324 CPS. Dénonciation pénale. Recours au TF le 23.03.06 - Rejeté par ATF du 08.08.06. ATF 7B.53/2006 du 8 août 2006 réformant la DCSO en ce que la plainte est déclarée irrecevable, faute d'acte attaquable.
En fait
En droit

 

DÉCISION

DE LA COMMISSION DE SURVEILLANCE

DES OFFICES DES POURSUITES ET DES FAILLITES

SIÉGEANT EN SECTION

DU JEUDI 9 MARS 2006

Cause A/221/2006, plainte 17 LP formée le 20 janvier 2006 par l’UBS SA, élisant domicile en l'étude de Me Bruno MEGEVAND, avocat à Genève, contre l’injonction de l’Office des faillites de lui verser l’équivalent de la garantie de loyer libérée en mains de V______SA, succursale de Genève en faillite, faite sous la menace des peines prévues par la loi.

 

Décision communiquée à :

- UBS SA

domicile élu : Etude de Me Bruno MEGEVAND, avocat
Place Claparède 3

1205 Genève

 

- Masse en faillite de V______SA, succursale de Genève

p.a. Office des faillites

Chemin de la Marbrerie 13

Case postale 1856

1227 Carouge

 


 

EN FAIT

A. V______SA, succursale de Genève (CH-XXX-XXXXXXX-X) a été déclarée en faillite par un jugement du Tribunal de première instance du 25 mai 2004.

Par un avis intitulé « Informations de faillites » paru dans la Feuille d’avis officielle (ci-après : FAO) du 23 juillet 2004 au chapitre des « Poursuites et faillites », l’Office des faillites (ci-après :  l’Office) a informé tous tiers intéressés que diverses faillites, dont celle de V______SA, succursale de Genève, étaient définitives et exécutoires. Cette publication attirait expressément l’attention du lecteur sur le fait que les avis en question n’entraînaient pas l’ouverture du délai de production et que les publications officielles paraîtraient ultérieurement. La date du jugement de faillite indiquée pour celle de V______SA, succursale de Genève était le 25 mai 2004.

B. V______SA, succursale de Genève avait versé sur un compte de l’UBS SA une garantie de loyer de 75'000 fr. en faveur de son bailleur, I______ SA, lui ayant remis à bail des locaux commerciaux sis ___ et ___, place X______ à Genève.

Le 4 août 2004, en présence de représentants d’I______ SA, Mme D______ (ou Mme D______), directrice de V______SA, succursale de Genève avec signature individuelle, a soldé le compte auprès duquel était déposée la garantie de loyer précitée, en retirant à la caisse de l’UBS SA la somme de 75'371,84 fr., qu’elle a ensuite utilisée pour garantir le loyer des mêmes locaux, pour lesquels elle avait obtenu une reprise de bail pour le compte d’une autre société venant d’être créée, M______ SA, succursale de Genève, dont elle était aussi directrice.

C Au chapitre du « Registre du commerce » de la Feuille officielle suisse du commerce (ci-après : FOSC) du 13 août 2004, sous la rubrique « Mutations », a été publié que V______SA, succursale de Genève était « dissoute par suite de faillite prononcée par jugement du Tribunal de première instance du 25 mai 2004 » et que, par conséquent, sa raison de commerce devenait V______SA, succursale de Genève, en liquidation.

Cet avis a été repris dans la FAO du 22 septembre 2004, au chapitre du « Registre du commerce », sous la rubrique « Mutations », avec la mention introductive que « La présente publication a un caractère informatif, seule la publication faite antérieurement dans la Feuille officielle suisse du commerce ayant valeur légale ».

D. Par une lettre signature du 28 septembre 2004, l’Office a fait part à l’UBS SA de son étonnement de ce que le compte de V______SA, succursale de Genève ouvert en ses livres avait été bouclé le 4 août 2004 alors que la faillite de V______SA, succursale de Genève, prononcée le 25 mai 2004, avait été publiée le 23 juillet 2004 dans la FAO. L’Office a invité l’UBS SA à lui virer la somme de 75'226,50 fr., en lui indiquant qu’elle n’avait pas été en droit de solder ce compte vu la faillite de ladite société.

L’UBS SA lui a écrit le 25 octobre 2005 que le compte considéré avait été soldé à la demande conjointe d Mme D______ pour V______SA, succursale de Genève et de M. Z______ et M. H______ pour I______SA, dont ils étaient des représentants autorisés. Elle a supposé que la somme prélevée avait servi à rembourser totalement ou partiellement une créance d‘I______SA « à l’encontre de la société faillie », et a indiqué qu’il conviendrait de « déterminer dans quelle mesure cette transaction n’a finalement pas été effectuée dans l’intérêt de la masse en faillite ou quel serait, le cas échéant, le dommage effectif pour celle-ci », ajoutant lui laisser « le soin de procéder aux démarches adéquates à cet égard ».

Le 2 novembre 2004, l’Office a fait savoir à l’UBS SA que, dans la faillite de V______SA, succursale de Genève, il avait inventorié à son encontre une prétention de 75'371,84 fr. représentant le solde du compte précité, en lui faisant savoir que, d’après Mme D______, le loyer était à jour, si bien que le montant de la garantie de loyer devait revenir à la masse en faillite, et qu’une révocation de la faillite était envisagée par ladite directrice de V______SA, succursale de Genève.

E Au chapitre des « Faillites », sous la rubrique « Publication de faillite/appel aux créanciers », de la FOSC du 24 novembre 2004 a été publiée l’ouverture en la forme sommaire de la faillite de V______SA, succursale de Genève. Introduit par une référence aux art. 231 et 232 LP ainsi qu’aux art. 29 et 123 ORFI, cet avis fixait le délai pour les productions au 24 décembre 2004. Il fait mention du 13 septembre 2004 comme date de déclaration de faillite.

La publication parallèle intervenue dans la FAO du 24 novembre 2004, au chapitre des « Poursuites et faillites », sous la rubrique « Ouvertures de faillites », indique la date du 25 mai 2004 comme date du jugement de faillite. Elle impartissait un délai au 24 décembre 2004 aux créanciers de la faillie et à ceux qui ont des revendications à faire valoir pour produire leurs créances ou revendications, aux débiteurs de la faillie pour s’annoncer auprès de l’Office, sous menace des peines prévues par la loi, et à ceux qui détiennent des biens de la faillie, à quelque titre que ce soit, pour les mettre à la disposition de l’Office, faute de quoi ils encourraient les peines prévues par la loi et pourraient être déclarés déchus de leur droit de préférence en cas d’omission inexcusable.

F Par une lettre signature du 27 janvier 2005, l’Office a prié l’UBS SA de lui verser dans les plus brefs délais le solde du compte considéré, soit 75'371,84 fr., « montant (…) libéré à tort », en l’avertissant qu’à défaut de versement de cette somme il se verrait dans l’obligation de déposer plainte pénale à son encontre.

L’UBS SA a répondu le 3 février 2005 à l’Office que d’après la FOSC du 24 novembre 2004, la déclaration de faillite était intervenue le 13 septembre 2004, alors qu’une publication précédente mentionnait à cet égard le 25 mai 2004, et elle lui a demandé de lui donner toute information utile sur ces différences de dates et de lui indiquer en particulier si la faillite aurait été révoquée entre ces deux dates. Elle l’a prié de lui préciser également s’il avait entrepris les « mesures adéquates pour contraindre Mme D______ à restituer le montant qui a été mis à sa disposition le 4 août 2004 ».

Par une lettre du 2 mars 2005, l’Office a confirmé à l’UBS SA que la faillite de V______SA, succursale de Genève avait été prononcée le 25 mai 2004, lui a indiqué qu’aucune révocation de la faillite n’avait eu lieu, a estimé que la date du 13 septembre 2004 avait été mentionnée par erreur dans la FOSC, en relevant que les publications parues dans la FAO étaient correctes, et il lui a encore fait savoir qu’il avait déposé une plainte pénale contre Mme D______ en date du 3 février 2005.

G Le 17 mars 2005, l’UBS SA a relevé que c’était seulement dans la FOSC du 13 août 2004 que l’ouverture de la faillite de V______SA, succursale de Genève avait été publiée, et que le retrait contesté avait été effectué le 4 août 2004, soit avant cette publication, et elle a fait référence à l’art 35 LP, aux termes duquel l’insertion dans la FOSC fait règle pour les conséquences de la publication, pour en déduire qu’elle était de bonne foi lorsqu’elle avait mis les fonds à la disposition de Mme D______ le 4 août 2004 et qu’il fallait donc considérer qu’elle s’était valablement libérée en mains de cette personne, mentionnant encore que seule la publication dans la FOSC du 13 août 2004 figurait sur l’extrait du registre du commerce relatif à V______SA, succursale de Genève.

Par un fax et un courrier simple du 24 mars 2005, l’Office a indiqué à l’UBS SA qu’il ne partageait pas son point de vue, et il l’a priée à nouveau de lui faire parvenir la somme de 75'371,84 fr. libérée à tort, en lui fixant à cette fin un délai au 31 mars 2005, en précisant qu’à défaut il prendrait « toute mesure utile par voie de droit tant au plan civil que pénal en vertu des articles 222, al. 4 LP et 324, ch. 5 CPS ».

L’UBS SA a écrit à l’Office le 31 mars 2005 qu’elle maintenait sa position et n’entendait donc pas donner suite à son injonction, l’informant qu’elle allait déposer plainte auprès de la Commission de céans contre sa décision du 24 mars 2005.

H. Le 4 avril 2005, l’UBS SA a saisi la Commission de céans d’une plainte dirigée contre « la décision » de l’Office du 24 mars 2005 lui enjoignant de lui verser 75'371,84 fr. dans un délai expirant (recte : expiré) le 31 mars 2005 sous la menace des peines prévues à l’art 324 ch. 5 CPS (plainte A/934/2005). Elle prétend s’être valablement libérée de son obligation en versant le montant précité à la créancière le 4 août 2004, avant la publication de sa faillite dans la FOSC du 13 août 2004. Elle estime que l’existence de la créance étant contestée, il appartenait à l’Office de procéder à son recouvrement selon l’art. 243 al. 1 LP ou de céder cette prétention selon les modalités prévues à l’art. 260 LP, et qu’en aucun cas l’Office ne peut « s’ériger en Juge pour décider lui-même de l’existence de la créance » ni ne peut recouvrer cette créance en utilisant la contrainte pénale. L’UBS SA a conclu préalablement à l’octroi de l’effet suspensif et principalement à l’annulation de la « décision » attaquée.

I. Par une ordonnance du 12 avril 2005, la Commission de céans a invité l’Office, à titre de mesure provisionnelle, à surseoir jusqu’à droit jugé sur la plainte à l’exécution de sa décision d’agir contre l’UBS SA par voie civile et pénale, sous réserve de la nécessité d’interrompre la prescription, et elle a fixé à l’Office un délai au 2 mai 2005 pour le dépôt de son rapport explicatif, pièces justificatives à l’appui.

J. Par une écriture datée du 3 mai 2005 déposée le 9 mai 2005 au greffe de la Commission de céans, l’Office a demandé à cette dernière de révoquer avec effet immédiat l’effet suspensif accordé à la plainte de l’UBS SA, et il a conclu principalement à l’irrecevabilité de cette plainte, la mesure attaquée n’étant selon lui pas sujette à plainte, et subsidiairement à son rejet.

K. Par une décision du 17 mai 2005 (DCSO/298/05), la Commission de céans a déclaré la plainte A/934/2005 irrecevable. Considérant que la mesure contestée comportait d’une part une injonction de verser à l’Office l’équivalent de la somme libérée en mains de la faillie après le prononcé de la faillite et d’autre part l’annonce de l’engagement de démarches sur les plans civil et pénal à l’encontre de la plaignante à défaut d’exécution dans le délai imparti, elle a jugé que, de façon générale, ladite injonction en tant que telle, même assortie de l’annonce d’une action civile à défaut de paiement, ne répond pas à la notion de mesure sujette à plainte, et qu’en l’espèce l’annonce de prendre alors aussi « toute mesure utile par voie de droit (…) au plan (…) pénal en vertu des articles 222, al. 4 LP et 324, ch. 5 CPS » ne représentait pas une mise en œuvre suffisante de l’art. 222 al. 6 LP à l’égard de la plaignante pour pouvoir constituer le cas échéant une mesure sujette à plainte. La plainte A/934/2005 s’avérant ainsi irrecevable, la Commission de céans n’a pas eu à se prononcer sur le point de savoir si la publication dans la seule FAO de l’information que la faillite était définitive et exécutoire était propre à faire naître une présomption irréfragable de connaissance de la faillite, excluant de reconnaître un caractère libératoire à des paiements effectués par des débiteurs d’un failli.

L. Par une décision du 26 mai 2005 (DCSO/300/05), la Commission de céans a prolongé le délai de liquidation de la faillite de V______SA, succursale de Genève jusqu’au 31 décembre 2005.

Le 3 janvier 2006, l’Office a sollicité de la Commission de céans la prolongation du délai de liquidation de la faillite de V______SA, succursale de Genève, en indiquant être dans l’attente des suites données à sa plainte pénale contre Mme D______, vouloir déposer prochainement une plainte pénale contre l’UBS SA et prévoir l’établissement d’une circulaire aux créanciers pour proposer la cession des droits de la masse.

Par une décision du 12 janvier 2006 (DCSO/13/06), la Commission a prolongé le délai de liquidation de la faillite de V______SA, succursale de Genève jusqu’au 30 novembre 2006.

M. Le 12 janvier 2006, l’Office a fait savoir à l’UBS SA qu’il persistait à considérer qu’elle avait eu connaissance ou, du fait de la publication parue dans la FAO du 23 juillet 2004, aurait pu et dû avoir connaissance de la faillite de V______SA, succursale de Genève avant de restituer la garantie de loyer, si bien qu’elle ne s’était pas valablement libérée de son obligation. Rappelant sa compétence d’encaisser cette créance incontestable, il lui a fait injonction de lui verser le montant de 75'371,84 fr. jusqu’au 27 janvier 2006, sous la menace des peines prévues par les art. 324 ch. 5 et 292 CPS, dont la teneur était reproduite dans ce courrier, qualifié de décision sujette à plainte.

N. Le 20 janvier 2006, l’UBS SA a saisi la Commission de céans d’une plainte contre cette injonction faite sous la menace des peines prévues par les art. 324 ch. 5 et 292 CPS (plainte A/221/2006). Tout en estimant que cette dernière n’était pas sujette à plainte, au même titre que la précédente sommation ainsi qualifiée par la Commission de céans, elle a dit n’avoir pas d’autre choix que d’attaquer cette injonction comminatoire. Elle a avancé le grief que l’Office ne saurait se fonder sur l’art. 222 al. 4 LP pour lui adresser une telle sommation, dès lors qu’elle conteste la créance invoquée (estimant sa dette à l’égard de la faillie éteinte par la restitution de la garantie de loyer) et que seul le juge peut statuer sur l’existence d’une créance de la masse à son encontre à raison du compte précédemment ouvert en ses livres pour la faillie. Par ailleurs, à titre subsidiaire, elle a fait valoir que, selon les art. 205 al. 2 et 35 al. 1 phr. 2 LP, les débiteurs d’un failli sont libérés lorsque, comme elle en l’occurrence, ils s’acquittent de leur dette en mains du failli avant la publication de la faillite dans la FOSC, à moins qu’ils n’aient eu connaissance de la faillite, et qu’au surplus l’UBS SA (ayant ses sièges à Bâle et Zurich, ses succursales ayant été radiées du Registre du commerce en octobre 2002) était fondée à faire foi aux mentions inscrites au registre du commerce et n’étant pas censée avoir pris connaissance des publications faites dans la FAO. Elle a conclu préalablement à l’octroi de l’effet suspensif et, au fond, à l’annulation de la mesure contestée.

O. Par une ordonnance du 24 janvier 2006, la Commission de céans a invité l’Office, à titre de mesures provisionnelles, à surseoir jusqu’à droit jugé sur la plainte A/221/2006 à l’exécution de son injonction comminatoire contre l’UBS SA, sous réserve de la nécessité d’interrompre la prescription.

P. Dans son rapport du 17 février 2006 sur cette plainte, l’Office a indiqué que le dépôt d’une plainte pénale contre l’UBS SA (soit, en réalité, d’un complément à la plainte déposée contre Mme D______) dépendait du point de savoir si la présomption irréfragable de connaissance de la faillite devait être déduite de la publication de la faillite dans la FAO (en l’occurrence du 23 juillet 2004) ou dans la FOSC (en l’espèce du 13 août 2004). Il a conclu au rejet de la plainte.

EN DROIT

1. La Commission de céans est compétente pour connaître des plaintes dirigées contre des mesures prises par des organes de l’exécution forcée qui ne sont pas attaquables par la voie judiciaire, ainsi que des plaintes pour déni de justice ou retard injustifié (art. 17 LP ; art. 10 al. 1 et art. 11 al. 2 LaLP ; art. 56R al. 3 LOJ).

En l’espèce, si la question de savoir si l’acte attaqué est une mesure sujette à plainte doit faire l’objet d’un examen plus approfondi (consid. 2 à 4), il appert en revanche que, le cas échéant, la plaignante aurait qualité pour agir, étant touchée par la mesure prise dans ses intérêts dignes de protection (cf. avis apparemment contraire de Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 243 n° 13, et de Nicolas Jeandin / Philipp Fischer, in CR-LP, ad art. 243 n° 8), ainsi que dans le respect des exigences de forme et de contenu posées par la loi (art. 13 al. 1 et 2 LaLP). Sous réserve donc que l’acte contesté soit bien une mesure attaquable par cette voie, la présente plainte devrait être déclarée recevable. A défaut, elle pourrait être traitée comme une dénonciation.

2.a. Au sens de l’art. 17 al. 1 LP, les actes attaquables à défaut de voie judiciaire ouverte sont les mesures individuelles et concrètes ayant une incidence sur la poursuite en cours, qu’elles font avancer en déployant des effets externes aux organes de l’exécution forcée agissant dans l’exercice de la puissance publique (ATF 116 III 91 consid. 1 ; Nicolas Jeandin, Poursuite pour dettes et faillite. La plainte, FJS n° 679, ad III.A, p. 6 ; Franco Lorandi, Betreibungs-rechtliche Beschwerde und Nichtigkeit, Kommentar zu den Artikeln 13-30 SchKG, Bâle-Genève-Munich 2000, ad art. 17 n° 46 ss ; Flavio Cometta, in SchKG I, ad art. 17 n° 18 ss ; Kurt Amonn / Fridolin Walther, Grundriss, 7ème éd., 2003, § 6 n° 7 ss). Pour être attaquables par la voie de la plainte, lesdites mesures doivent être de nature à créer ou à modifier une situation du droit de l’exécution forcée (Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 17 n° 9 ss, avec citation des ATF 31 I 219 et ATF 36 I 420 ; Walter A. Stoffel, Voies d’exécution, § 2 n° 65, avec citation de l’ATF 116 III 91, cons. 1 ; Pauline Erard, in CR-LP, ad art. 17 n° 10 ss ; Carl Jaeger / Hans Ulrich Walder / Thomas M. Kull / Martin Kottmann, SchKG, 4ème éd., 1997, ad art. 17 n° 18).

2.b. Dans sa précédente décision rendue dans cette affaire (DCSO/298/05 du 17 mai 2005), la Commission de céans avait jugé que l’injonction de l’Office et l’annonce l’accompagnant qu’à défaut de paiement des démarches civiles et pénales seraient entreprises à l’encontre de la plaignante n’étaient pas sujettes à plainte. L’acte attaqué en l’espèce diffère de celui qui avait donné lieu à cette décision, dans la double mesure où il ne comporte pas explicitement l’annonce de démarches civiles à l’encontre de la plaignante aux fins d’obtenir le versement requis et est renforcé cette fois-ci par une menace en bonne et due forme des peines prévues par la loi. En revanche, comme le précédent, il présente deux facettes, à savoir d’une part une injonction de verser à l’Office l’équivalent de la somme libérée en mains de la faillie après le prononcé de la faillite, et d’autre part une commination pénale à l’encontre de la plaignante à défaut d’exécution dans le délai imparti.

3.a. Comme la Commission de céans l’a dit dans sa décision précitée d’une façon générale sur ce point (DCSO/298/05 consid. 2.c du 17 mai 2005), en tant que telle, l’injonction de verser l’équivalent de la garantie de loyer libérée par la plaignante est sans doute une mesure individuelle et concrète ayant une incidence sur la poursuite en cours, qu’elle fait avancer en tant qu’elle représente la première démarche que l’Office doit entreprendre s’il constate que la garantie a été libérée à tort. Il s’agit toutefois d’émettre une prétention et, à défaut d’obtenir le versement de la somme réclamée, de provoquer une prise de position du tiers ainsi interpellé sur le point de savoir s’il se reconnaît encore débiteur de la somme considérée nonobstant son paiement en mains du failli. Cela ne suffit pas à conférer à cette mesure un caractère décisionnaire, en ce sens qu’à défaut d’être attaquée ladite injonction devrait s’analyser comme un constat obligatoire et ayant force exécutoire que le tiers doit verser la somme réclamée. L’injonction de verser l’équivalent de la garantie de loyer n’est pas en soi de nature à créer ou à modifier une situation du droit de l’exécution forcée. En tant que telle, elle n’est donc pas sujette à plainte.

3.b. Cela ne signifie pas que l’Office ne saurait entreprendre de démarches plus incisives pour faire valoir une telle prétention de la masse.

Déjà au stade initial du traitement de la faillite, alors qu’il agit en vertu d’une mission légale et non encore à titre d’administration de la masse, l’Office doit prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens inventoriés ou à inventorier (art. 221 al. 1 LP), au besoin les prendre sous sa garde ou pourvoir d’une autre façon à leur garde (art. 223 al. 2 et 4 LP).

Chargée ensuite des intérêts de la masse et de sa liquidation (art. 240 al. 1 phr. 1 LP), l’administration de la faillite doit encaisser les créances liquides de la masse, au besoin par voie de poursuite (art. 243 al. 1 LP). En cas de liquidation sommaire, il incombe certes à l’Office de procéder à la réalisation des actifs dès l’expiration du délai de production (art. 231 al. 3 ch. 2 LP), mais cela ne le prive nullement de devoir former et administrer la masse active (art. 231 al. 3 in initio LP), donc aussi d’encaisser les créances liquides (cf. Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 243 n° 7, et Nicolas Jeandin / Philipp Fischer, in CR-LP, ad art. 243 n° 1, peu clairs sur cette question pour l’encaissement des créances liquides). A l’égard de créances litigieuses, il a aussi au moins la faculté, à défaut du devoir, de les faire valoir lui-même par la voie judiciaire, quitte à consulter les créanciers à ce sujet par voie de circulaire - donc par exemple de mener un procès contre un tiers ayant libéré à tort une garantie locative, en vue d’obtenir le paiement d’une somme équivalente -, ou, si la rentabilité d’une telle démarche n’apparaît pas suffisante et certaine, de proposer aux créanciers de renoncer à ce qu’il mène lui-même une procédure et, à défaut de décision contraire de leur part, de leur offrir la cession des droits de la masse à propos d’une telle créance (art. 260 LP), par le biais d’une circulaire claire et complète plaçant les créanciers dans la situation de se décider en connaissance de cause (DCSO/275/04 consid. 6.b du 27 mai 2004).

4.a. La simple annonce qu’à défaut de paiement dans le délai imparti l’Office procéderait par la voie pénale (et/ou, le cas échéant, par la voie civile) ne suffit pas à conférer un caractère décisionnaire à l’injonction de l’Office de lui verser l’équivalent de la garantie locative, car elle n’a pas d’autre portée qu’une déclaration d’intention. La précédente décision de la Commission de céans dans la présente affaire peut être confirmée aussi sur ce point (DCSO/298/05 consid. 2.d in initio du 17 mai 2005).

Reste la question de savoir si cette conclusion se justifie encore lorsque cette annonce prend la forme d’une menace des peines prévues par la loi faite en bonne et due forme en application de l’art. 222 al. 6 LP.

4.b. Dans une décision du 15 janvier 2004 statuant sur une plainte de la même plaignante qu’ici (DCSO/30/04), la Commission de céans était entrée en matière sans s’interroger sur le caractère d’acte attaquable de l’injonction de l’Office de lui verser la garantie locative, faite sous la menace (au demeurant peu explicite) de poursuites pénales. Dans sa précédente décision rendue dans la présente affaire, elle s’est en revanche posée cette question, qu’elle a cependant laissée ouverte du fait que la commination pénale renforçant ladite injonction ne satisfaisait pas aux exigences légales, étant davantage une annonce de démarches pénales qu’une menace en bonne et due forme, tout en relevant qu’une telle menace est faite le cas échéant dans l’exercice de la puissance publique et a l’effet de péjorer la situation de ses destinataires et de faire progresser la procédure d’exécution forcée (DCSO/298/05 consid. 2.d du 17 mai 2005).

Dans une décision du 29 septembre 2005 statuant sur une plainte de la même plaignante qu’ici, dirigée contre une injonction de l’Office, assortie d’un « renvoi à toutes fins utiles aux dispositions pénales », de lui confirmer qu’une société tierce possédait bien un compte auprès d’elle, de lui en faire parvenir un relevé détaillé et de lui confirmer que la société faillie était l’ayant droit économique de cette société, la Commission de céans a jugé que la « menace claire et précise d’une sanction déterminée » faite en application de l’art. 222 al. 6 LP est une condition objective de punissabilité de l’omission érigée en infraction par l’art. 324 CPS et, en tant que telle, une composante de la sommation considérée, dont - a-t-elle précisé - elle est un élément déterminant pour qu’il y ait mesure sujette à plainte au sens de l’art. 17 al. 1 LP, caractère décisionnaire qu’elle a déduit du fait qu’une telle menace a pour effet de péjorer la situation de son destinataire et de faire progresser la procédure d’exécution forcée (DCSO/555/05 consid. 2.c du 29 septembre 2005).

4.c. La mise en œuvre de l’art. 222 al. 6 LP représente un pas de plus dans la procédure d’exécution forcée, dont le franchissement comporte une affirmation de l’Office de son droit d’exiger le versement d’une somme d’argent en même temps que l’expression d’une détermination à agir supposant un soigneux examen préalable de la situation.

De plus, même si ce serait finalement aux instances pénales compétentes de se prononcer sur la réalisation de l’infraction pénale dont la menace de sanction constitue un élément objectif de punissabilité, ladite commination pénale modifie la situation juridique de son destinataire en tant qu’elle le place formellement dans la situation de commettre l’infraction considérée faute pour lui de donner suite à l’injonction de l’Office, donc qu’elle accentue, sous couvert d’un rapport d’autorité, la pression mise sur le destinataire de l’injonction considérée et le renvoie à discuter devant les instances pénales, le cas échéant trop tard, du bien-fondé de cette sommation comminatoire au regard du droit de l’exécution forcée. Au surplus, les instances pénales compétentes n’exercent pas un plein contrôle de la validité de l’injonction donnée ; elles ne sauraient condamner le destinataire de la sommation comminatoire lorsque l’acte de l’autorité serait « radicalement nul » (Bernard Corboz, Les infractions en droit suisse, Berne 2002, vol. II, ad art. 324 n° 3, avec citation de Jörg Rehberg, Strafrecht IV, Delikte gegen die Allgemeinheit, 2ème éd. Zurich 1996, p. 447), mais cela n’offre qu’une garantie insuffisante, qui serait peut-être améliorée, à défaut d’ouverture de la voie de la plainte, par un contrôle de légalité, mais pas d’opportunité de l’injonction émise (Bernard Corboz, op. cit., ad art. 292 n° 11 ss). Il y a donc à la fois une logique et un besoin de protection à ce que l’autorité de surveillance puisse être saisie préalablement de la contestation, sans que pour autant la question soit soustraite à toute discussion ultérieure à défaut de plainte formée en temps utile.

Enfin, la plainte représente un instrument de la surveillance qui, selon la volonté du législateur, doit s’exercer sur les organes de l’exécution forcée (art. 13 LP), dans une perspective juridictionnelle et administrative visant à assurer le bon fonctionnement desdits organes (Louis Dallèves, in CR-LP, ad art. 13 n° 5 ss ; Frank Emmel, in SchKG I, ad art. 13 n° 1). Cette considération incite à ne pas s’arrêter à une conception trop étroite de la mesure sujette à plainte.

4.d. La Commission de céans retiendra ainsi que l’injonction comminatoire faite en bonne et due forme à la plaignante de lui verser l’équivalent de la garantie locative libérée en mains de la faillie comporte une mesure sujette à plainte.

Le contrôle préjudiciel de validité de cette injonction qu’exerceraient le cas échéant les instances pénales ne constituerait pas une voie judiciaire réservée au sens de l’art. 17 al. 1 LP, excluant l’ouverture de la voie de la plainte.

La présente plainte sera donc déclarée recevable.

5.a. Une garantie locative tombe dans la masse en faillite du locataire dès le prononcé de la faillite, sans préjudice du droit préférentiel que le bailleur peut faire valoir à son encontre (DCSO/115/05 consid. 2.a du 4 mars 2004 ; DCSO/30/04 consid. 2 du 15 janvier 2004 ; SJ 2000 II 234 ; Pierre-Robert Gilliéron, Bailleur et locataire d’une chose mobilière dans l’exécution forcée, 7ème séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel 1992, p. 7-8 et 17-18). La faillie n’était donc pas habilitée à recevoir paiement de cette somme en ses mains (art. 204 al. 1 LP). De son côté, en tant que tiers contre qui la faillie avait une créance en restitution de cette somme, la banque dépositaire avait la même obligation que la faillie de s’acquitter de cette somme en mains de l’Office (art. 222 al. 4 LP). Si elle la versait à la faillie (même avec l’accord intéressé de la bailleresse), elle n’était libérée à l’égard des créanciers de la faillie que jusqu’à concurrence de la somme se retrouvant dans la masse, à moins qu’elle n’ait pas eu connaissance de la faillite ou n’ait pas été réputée en avoir eu connaissance du fait de sa publication (art. 205 LP).

5.b. Il n’est pas allégué que le montant de la garantie locative libérée par la plaignante s’est retrouvé dans la masse. Au contraire, selon la dénonciation pénale faite par l’Office le 3 février 2005 à l’encontre de la directrice de la faillie, cette dernière avait aussitôt réutilisé la somme encaissée pour garantir le loyer des mêmes locaux, pour lesquels elle avait obtenu une reprise de bail pour le compte d’une autre société, venant d’être créée, dont elle était aussi directrice. De plus, d’après le même document, la production de la bailleresse dans la faillite considérée ici est d’environ 33'000 fr. ; sur le montant de la garantie locative en question, un solde de quelque 42'000 fr. devrait donc revenir en faveur des autres créanciers de la faillie.

Une première condition devant permettre de reconnaître un caractère libératoire au versement de la garantie locative effectué par la plaignante fait ainsi défaut. A ce stade, la plaignante apparaît tenue de payer la différence si ce n’est de s’acquitter une deuxième fois de l’intégralité du montant total de cette garantie locative, cette fois-ci en mains de l’Office (Isabelle Romy, in CR-LP, ad art. 205 n° 3 ; Heiner Wohlfart, in SchKG II, ad art. 205 n° 7). Le paiement qu’elle a fait à la directrice de la faillie ne lui ôte pas par lui-même la qualité de tiers débiteur de la faillie au sens de l’art. 222 al. 4 LP, si bien qu’une menace des peines prévues par la loi selon l’art. 222 al. 6 LP entre à cet égard en considération (consid. 8).

6.a. La plaignante indique avoir restitué la garantie locative à la directrice de la faillie alors qu’elle n’avait pas encore eu connaissance du prononcé de la faillite. Elle se prévaut donc de sa bonne foi.

La bonne foi tempère effectivement la rigueur de la règle posée à l’art. 205 al. 1 phr. 2 LP, en ce sens qu’elle doit conduire à reconnaître un caractère libératoire au paiement fait en mains du failli par le tiers débiteur de ce dernier, qui échappe ainsi à l’obligation de s’acquitter une seconde fois de sa dette, cette fois-ci en faveur de la masse (Isabelle Romy, in CR-LP, ad art. 205 n° 5 ; Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 205 n° 6 et 8).

La bonne foi est présumée lorsque la loi en fait dépendre la naissance ou les effets d’un droit, nul ne pouvant toutefois invoquer sa bonne foi si elle est incompatible avec l’attention que les circonstances permettaient d’exiger de lui (art. 2 CC). L’art. 205 al. 2 LP applique et concrétise cette règle générale du droit dans l’hypothèse réalisée ici où le tiers d’un failli s’est acquitté de sa dette entre les mains de celui-ci alors que la faillite avait déjà été prononcée. Il le fait en distinguant deux temps, à savoir celui qui précède et celui qui suit la « publication de la faillite », en posant une présomption réfragable d’ignorance de la faillite durant le premier temps et une présomption irréfragable de connaissance de la faillite durant le second temps.

6.b. En l’espèce, il n’est guère allégué et pas établi que la plaignante aurait effectivement su que la société à laquelle elle a restitué la garantie locative était alors en faillite. Pour lui contester sa bonne foi, l’Office se prévaut simplement de la publication qu’il avait fait paraître dans la seule FAO aux fins d’informer tous tiers intéressés que diverses faillites, dont celle considérée ici, étaient définitives et exécutoires.

Cette publication n’est pas intervenue en application d’une prescription légale, mais conformément à une pratique suivie par quelques offices de faillites. Cette pratique a d’ailleurs évolué depuis quelques mois, puisque l’avis intitulé jusqu’alors à Genève « Informations de faillites » paraît actuellement non plus seulement dans la FAO mais aussi dans la FOSC, sous le nom d’avis préalable d’ouverture de faillite, et comporte la mention que « les débiteurs du failli sont rendus attentifs au fait qu’ils ne peuvent plus s’acquitter en mains du failli sous peine de devoir payer deux fois ». L’avis préalable d’ouverture de faillite tend à remédier au fait qu’en dépit de la diligence dont les offices de faillites ont à faire montre, la détermination du mode de liquidation peut prendre du temps, si bien que la publication de l’ouverture de la faillite que prescrit l’art. 232 al. 1 LP ne peut souvent intervenir que plusieurs semaines après le prononcé de la faillite ; une anticipation de cette publication-ci contraindrait lesdits offices à débuter la procédure selon le mode ordinaire, alors que celui-ci ne prévaut en pratique que dans une faible proportion de cas (moins de 10% selon Walter A. Stoffel, Voies d’exécution, § 11 n° 32 ; Pierre-Robert Gilliéron, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 4ème éd. 2005, n° 1858), avec l’inconvénient de devoir convoquer la première assemblée des créanciers dans les vingt jours, avant même l’échéance des autres délais prévus par l’appel aux créanciers (art. 232 al. 2 ch. 5 LP ; DCSO/705/05 consid. 3.b du 22 novembre 2005).

6.c. On ne saurait inférer du fait que ledit avis préalable d’ouverture de faillite est publié en sus des exigences légales que, du moins actuellement, il ne vaut pas publication de la faillite au sens de l’art. 205 al. 2 LP, autrement dit qu’il ne crée pas la présomption irréfragable de connaissance de la faillite, même si le législateur fédéral n’a pu viser cette création de la pratique en édictant cette norme.

L’art. 205 al. 2 LP ne fait pas naître la présomption irréfragable de connaissance de la faillite spécifiquement avec la publication de l’ouverture de la faillite prévue par l’art. 232 LP, bien que la même expression soit utilisée respectivement dans le corps du texte de l’art. 205 al. 2 LP et dans la note marginale de l’art. 232 LP, dans les trois versions linguistiques (« publication », « öffentlichen Bekanntmachung », « pubblicazione »). Avec Pierre-Robert Gilliéron (Commentaire, ad art. 205 n° 9), il y a lieu d’admettre qu’une publication de la suspension faute d’actif de la liquidation de la faillite en application de l’art. 230 al. 2 LP vaut publication de la faillite au sens de l’art. 205 al. 2 LP, et que tel est également le cas de la publication de l’inscription de la faillite dans le registre du commerce par les soins de l’Office fédéral du registre du commerce (art. 939 CO ; art. 64 ORC).

Dans la perspective visée par l’art. 205 al. 2 LP, ce n’est pas l’effet de faire courir des délais pour produire des prétentions ou annoncer des dettes ou la détention de biens qui est décisif, mais la communication officielle de l’existence de la faillite, puisque c’est au prononcé même de la faillite qu’est lié le dessaisissement du failli (art. 197 et 204 LP) dont découle la règle exprimée à l’art. 205 al. 1 LP. Or, cet objectif d’information quant à l’ouverture de la faillite, c’est-à-dire à son prononcé (art. 175 LP), est atteint par l’avis préalable d’ouverture de faillite, au surplus avec un même degré de notoriété que les autres avis précités.

Il y a donc lieu de retenir que, du moins tel qu’il est publié actuellement, l’avis préalable d’ouverture de faillite produit l’effet de rendre la faillite opposable à tout un chacun, en particulier qu’il crée la présomption irréfragable de connaissance de la faillite au sens de l’art. 205 al. 2 LP, si ladite présomption ne l’a pas déjà été par la publication de l’inscription de la faillite dans le registre du commerce. Tel paraît être d’ailleurs l’avis de Kurt Amonn / Fridolin Walther (Grundriss, 7ème éd.  2003, § 41 n° 14).

6.d. En l’espèce, selon la pratique alors en vigueur à Genève, ledit avis n’avait été publié que dans la FAO, avec la précision que les publications officielles paraîtraient ultérieurement.

Selon l’art. 35 LP, les publications sont insérées dans la FOSC et la feuille cantonale - à Genève la FAO (art. 1 al. 1 de la loi sur la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève - B 2 10 ; art. 33 al. 2 LaLP pour la publication des ventes aux enchères publiques d’immeubles voulue par l’art. 138 LP ; DCSO/120/05 consid. 2.c du 3 mars 2005) -, et l’insertion dans la FOSC fait règle pour la supputation des délais et pour les conséquences de la publication, la publication pouvant aussi avoir lieu dans d’autres feuilles ou par crieur public si les circonstances l’exigent. L’opinion est émise en doctrine que, nonobstant le texte légal, l’obligation d’insérer les publications dans la FOSC doit être limitée aux publications relatives à l’ouverture, à la suspension, à la révocation, à la clôture et au dépôt de l’état de collocation dans les procédures collectives, une publication dans la seule feuille cantonale suffisant dans les autres cas (Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 35 n° 16 ; Pauline Erard, in CR-LP, ad art. 35 n° 2).

En plus de relever que l’avis préalable d’ouverture de faillite ne saurait être visé par l’art. 35 LP dès lors qu’il est publié en sus des exigences légales, il sied surtout de constater que, même en la forme plus sommaire dans laquelle il a été publié en l’espèce dans la seule feuille cantonale, il communiquait de façon explicite l’information que la faillite était définitive et exécutoire. L’objectif précité d’informer était propre à être atteint par cette publication.

6.e. Au demeurant, si cette publication de l’existence de la faillite dans la seule FAO n’avait pas suffi à fonder pour quiconque une présomption irréfragable de connaissance de la faillite au sens de l’art. 205 al. 2 LP, il n’en faudrait pas moins admettre, à titre subsidiaire, que, quant à elle, la plaignante ne pourrait invoquer valablement sa bonne foi, car celle-ci serait incompatible avec l’attention que les circonstances permettaient d’exiger d’elle. Durant la phase antérieure à la publication de la faillite au sens de l’art. 205 al. 2 LP prévaut certes une présomption réfragable d’ignorance de la faillite (consid. 6.a), mais cette présomption se trouve renversée s’il est établi que le tiers débiteur non seulement « avait connaissance de la déclaration de faillite » mais aussi « aurait dû la connaître » en faisant preuve de la diligence dictée par les circonstances (Pauline Erard, in CR-LP, ad art. 205 n° 5 in fine ; Heiner Wohlfart, in SchKG II, ad art. 205 n° 10 in medio ; Carl Jaeger / Hans Ulrich Walder / Thomas M. Kull / Martin Kottmann, SchKG, 4ème éd. 1997, ad art. 205 n° 4 in fine et 9). Entrent à cet égard en considération notamment la qualité du tiers débiteur et le degré de notoriété de la FAO pour ledit débiteur.

Or, la plaignante n’est pas un simple quidam, mais une banque largement implantée en Suisse et dans le canton de Genève, et elle ne peut raisonnablement prétendre ne pas devoir prêter attention aux publications paraissant dans la FAO, nonobstant le fait qu’elle a modifié récemment sa structure juridique en faisant radier ses succursales du Registre du commerce pour n’être inscrite plus qu’à ses sièges à Bâle et Zurich. Le nombre d’agences de ladite banque dans le canton de Genève se compte par dizaines, et c’est bien dans l’une d’elles que se gérait le compte de la faillie, qui avait son siège elle aussi dans le canton de Genève. L’information considérée a été publiée dans la FAO, qui est tout de même l’organe cantonal de publication des « actes et avis officiels de la République et canton de Genève » (art. 1 al. 1 de la loi précitée - B 2 10), dont l’Office fait partie en tant que service de l’administration cantonale (art. 5 al. 1 let. e du règlement sur l’organisation cantonale - B 4 05.10), qualité en laquelle il est intervenu lorsqu’il a fait publié cette information dans la FAO, où elle l’a été au surplus au chapitre des « Poursuites et faillites », sous une rubrique intitulée « Informations de faillites », bien visible.

Pour la plaignante, l’ignorance de la faillite considérée a procédé d’une négligence qui doit lui être opposée s’agissant de la publication considérée. Dans une récente décision, la Commission de céans a estimé que si tous les créanciers ne sont pas encore connus au stade antérieur à l’appel aux créanciers, ils sont censés être au courant de la faillite grâce à la publication d’un avis préalable d’ouverture de faillite, et que la publication d’une vente d’urgence dans la FAO rendait cette dernière notoire (DCSO/92/06 consid. 2.d et 8.a in fine du 21 février 2006).

A tout le moins faut-il admettre que, dans la perspective d’adresser l’injonction comminatoire litigieuse, l’Office pouvait considérer que l’existence de la faillite était notoire pour la plaignante. Ce faisant, il n’a pas failli à ses obligations.

7.a. Selon Pierre-Robert Gilliéron (Commentaire, ad art. 205 n° 12), si l’administration de la masse ou un créancier au bénéfice d’une cession des droits de la masse peuvent exiger du tiers débiteur qu’il renouvelle sa prestation faite en mains du failli, ledit tiers débiteur « peut, de son côté, exiger que l’office des faillites, ou l’administration de la faillite, ait entrepris toutes les mesures nécessaires pour contraindre le failli à rapporter dans la masse active l’objet ou la valeur de la prestation effectuée en ses mains (art. 222 al. 1er à 3 et 223 LP). » Cette exigence, qui ne résulte pas de la loi mais d’un souci de proportionnalité sinon de considérations d’opportunité, n’impliquerait pas, s’il fallait la retenir, que l’Office ne pourrait adresser une injonction comminatoire au tiers débiteur, en application des art. 205 et 222 LP, avant d’avoir épuisé tous les autres moyens à sa disposition pour récupérer le versement effectué par le tiers débiteur directement en mains du failli.

Ce souci de proportionnalité ou d’opportunité peut encore être pris en compte dans la phase ultérieure (consid. 9.b). Sous réserve de ce qui suit (consid. 8), il y a lieu d’admettre que les conditions apparaissaient suffisamment remplies pour que l’Office prenne la mesure contestée à l’encontre de la plaignante.

7.b. Il sied encore de préciser que l’erreur de date quant au prononcé de la faillite figurant dans l’avis d’ouverture en la forme sommaire de la faillite paru dans la FOSC du 24 novembre 2004 est sans incidence pour l’examen de la présente plainte.

8.a. Bien que, sans lier la Commission de céans (art. 69 al. 1 phr. 2 LPA et art. 13 al. 5 LaLP), la plaignante ne soulève pas ce grief, il sied encore de se demander si la mesure attaquée n’est pas contestable en tant qu’elle comporte la menace des peines prévues non seulement par l’art. 324 ch. 5 CPS, réprimant l’inobservation par un tiers de son obligation de renseigner et de remettre les objets conformément notamment à l’art. 222 al. 4 LP, mais aussi par l’art. 292 CPS, sanctionnant l’insoumission à une décision de l’autorité.

Sans doute l’art. 292 CPS peut-il trouver application en matière d’exécution forcée (cf. p. ex. ATF 83 III 1 = JdT 1957 II 70 relatif à un renforcement de la sommation faite au débiteur, lors de l’exécution d’une saisie de salaire, d’aviser l’Office des poursuites de tout changement qui pourrait survenir dans sa situation et de toute modification du montant de son salaire). Cette infraction revêt cependant un caractère subsidiaire, notamment par rapport à celle d’inobservation par un tiers des règles de la procédure de poursuite pour dettes ou de faillite (art. 324 CPS), qui prime l’art. 292 CPS (ATF 125 III 391 consid. 3d ; ATF 106 IV 279 consid. 2 ; Bernard Corboz, op. cit., ad art. 292 n° 29 s. et ad art. 324 n° 8 ; Christof Riedo, in BSK StGB II, ad art. 292 n° 22 et 23 let. l ; Alexander Brunner, in BSK StGB II, ad art. 324 n° 4).

8.b. En l’espèce, il s’agirait le cas échéant de faire sanctionner pénalement une violation de l’obligation, fondée sur l’art. 222 al. 4 LP, faite à un tiers débiteur de remettre à l’Office une somme d’argent qu’il détient ou, par le jeu de l’art. 205 al. 2 LP, est réputé encore détenir, après que ledit tiers ait été sommé de procéder à cette remise sous la menace en bonne et due forme des peines prévues par la loi, conformément à l’art. 222 al. 6 LP. C’est bien l’application de l’art. 324 ch. 5 CPS qui est ici dans la ligne de mire de l’Office.

8.c. Peut-être l’Office a-t-il fait mention également de l’art. 292 CPS en envisageant à titre subsidiaire que l’art. 324 ch. 5 CPS ne trouverait pas application dans la mesure où il s’agit en l’occurrence de remettre à l’Office l’équivalent d’une garantie locative déjà libérée en mains de la faillie.

Même s’il appartiendrait en définitive aux instances pénales compétentes de statuer avec force de chose jugée sur cette question, la Commission de céans estime en premier lieu que, du moins pour une garantie locative versée en espèces (donc constituée d’une chose fongible), l’art. 205 al. 2 LP commande d’assimiler cette situation à celle où une telle garantie n’aurait pas été libérée (consid. 5.a et 5.b in fine), et qu’en conséquence c’est bien l’art. 324 ch. 5 CPS qui doit s’appliquer le cas échéant, à l’exclusion de l’art. 292 CPS.

Elle considère en second lieu, à titre subsidiaire, que, dans l’hypothèse contraire, l’art. 292 CPS ne trouverait pas application non plus. En effet, la peine dont l’art. 324 CPS sanctionne l’inobservation par un tiers des règles de la procédure de poursuite pour dettes ou de faillite est l’amende, alors que l’insoumission à une décision de l’autorité au sens de l’art. 202 CPS est passible des arrêts ou de l’amende, ce que l’Office n’a d’ailleurs pas indiqué dans l’injonction comminatoire litigieuse (estimant sans doute n’avoir à mentionner que l’amende lorsqu’il invoque l’art. 292 CPS dans un tel cas, à tort cependant dès lors que la mesure de la peine à infliger est du seul ressort des instances pénales). La contravention visée par l’art. 292 CPS est donc conçue comme étant plus grave que celle visée par l’art. 324 CPS. Or, un refus de verser une seconde fois une garantie locative libérée à tort en mains de la faillie ne saurait être considéré comme plus grave que le refus de la verser d’emblée à l’Office, surtout si le tiers débiteur invoque, fût-ce à tort, sa bonne foi au regard de l’art. 205 al. 2 LP. Cette considération devrait conduire à exclure l’application subsidiaire de l’art. 292 CPS à la violation de l’injonction litigieuse dans un cas de ce genre (Alexander Brunner, in BSK StGB II, ad art. 324 n° 4 in fine).

9.a. En conclusion, l’injonction litigieuse ne saurait être confirmée en tant qu’elle place la plaignante sous la pression, injustifiée (consid. 8), d’avoir à s’exécuter sous peine de commettre la contravention d’insoumission à une décision de l’autorité au sens de l’art. 292 CPS. Elle sera donc annulée sur ce point.

La présente plainte sera rejetée pour le surplus (consid. 5).

9.b. Cela ne signifie pas que l’Office doive aussitôt déposer plainte pénale à défaut d’exécution dans un nouveau délai qu’il lui incombera le cas échéant d’impartir à la plaignante.

L’opportunité peut lui dicter de préférer, s’il y a lieu par le biais d’une offre de cession des droits de la masse (art. 260 LP), d’emprunter une voie civile paraissant en l’espèce assez simple, et, s’il n’avait pas accès au dossier faute d’inculpation nonobstant sa qualité de partie civile, de tenter de se renseigner préalablement auprès du juge d’instruction en charge de la plainte pénale dirigée contre la directrice de la faillie sur l’état d’avancement de l’instruction pénale en question et sur les perspectives de récupérer la somme que la plaignante avait remise à ladite directrice (à moins qu’il ne dispose à ce sujet déjà d’informations non versées au dossier devant la Commission de céans).

Il s’ajoute à cette possible préférence que, dans la mesure où la plaignante se conformerait probablement à un jugement la reconnaissant non libérée par la restitution de la garantie locative (ce qu’elle démontrerait d’ailleurs en consignant la somme litigieuse ou d’une autre façon offrant suffisamment de garantie), il n’est pas exclu qu’au bénéfice du pouvoir d’appréciation dont il dispose pour la poursuite des infractions pénales (art. 116 du code de procédure pénale - E 4 20), le Ministère public ne considère que le litige a essentiellement un caractère civil.

Ces considérations d’opportunité ne sauraient toutefois conduire à juger que l’injonction comminatoire contestée « ne paraît pas justifiée en fait «  (art. 17 al. 2 in fine LP ; consid. 7.a).

9.c. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 1 phr. 1 LP ; art. 61 al. 2 let. a OELP). Il ne peut être alloué aucun dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,

LA COMMISSION DE SURVEILLANCE

SIÉGEANT EN SECTION :

A la forme :

1. Déclare recevable la plainte A/221/2006 formée le 20 janvier 2006 par l’UBS SA contre l’injonction de l’Office des faillites de lui verser l’équivalent de la garantie de loyer libérée en mains de V______SA, succursale de Genève en faillite, faite sous la menace des peines prévues par la loi.

Au fond :

2. L’admet partiellement.

3. Annule la menace comprise dans l’injonction comminatoire litigieuse en tant qu’elle vise la peine prévue par l’art. 292 CPS réprimant l’insoumission à une décision d’une autorité.

4. Rejette la plainte pour le surplus.

 

Siégeant : M. Raphaël MARTIN, président ; MM. Christian CHAVAZ et Denis MATHEY, juges assesseurs.

 

Au nom de la Commission de surveillance :

 

Cendy RENAUD Raphaël MARTIN

Commise-greffière : Le président :

 

 

 

 

La présente décision est communiquée par courrier A à l’Office concerné et par lettre signature aux autres parties par la greffière le