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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1308/2025

JTAPI/415/2025 du 15.04.2025 ( LVD ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1308/2025 LVD

JTAPI/415/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 15 avril 2025

 

dans la cause

 

 

Madame A______




contre




Monsieur B______

 


 

EN FAIT

1.             Par décision du 8 avril 2025, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement d'une durée de treize jours à l'encontre de Monsieur B______, lui interdisant de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse privée de Madame A______, située, 1______, rue de C______, D______ ainsi qu'à son adresse professionnelle chez E______, 2______, F______, G______, et de contacter ou de s'approcher de cette dernière.

La veille, vers 19h00, M. B______ avait menacé, poussé et plaqué contre le mur sa conjointe, Mme A______. De plus, il aurait brisé le pare-brise de la voiture de sa conjointe en assénant des coups de poing dessus. Depuis deux ans, il lui aurait saisi le bras et l'aurait plaquée au sol à cinq ou six reprises. M. B______ démontrait par son comportement violent qu'il était nécessaire de prononcer à son encontre une mesure d'éloignement administratif afin d'écarter tout danger et empêcher toute réitération de tels actes.

2.             Il ressort du rapport de renseignement du 8 avril 2025 que la veille, vers 19h00, Mme H______ avait fait appel aux services de police après avoir remarqué un couple se disputer dans une voiture arrêtée sur la chaussée, sur l'I______ au J______. L'homme était très agressif et faisait des gestes très menaçants à l'égard de la femme qui pleurait. Il l'avait poussée avant de sortir du véhicule pour briser le pare-brise du véhicule avec ses poings.

Auditionnée le 7 avril 2025, Mme A______ a déclaré vivre une relation toxique avec M. B______ depuis leur rencontre en mai 2023. Ils se disputaient très souvent de manière violente. Il la rabaissait régulièrement en lui disant qu'elle était folle et la menaçait en lui disant : " si tu veux, je te frappe, comme ça tu seras contente et il y aura la police". Une dispute avait éclaté en fin de journée, dans la rue. Elle avait voulu lui donner une gifle mains il l'avait esquissée. Peu après, il l'avait plaquée contre un mur et armé son poing droit en lui disant :" si tu me redis ça une fois, je te donnerai le coup de poing". Elle avait eu une légère douleur au niveau du torse, sans marque visible. Ils s'étaient ensuite dirigés vers le parking sous-terrain K______ à Genève où M. B______ avait donné un coup de poing sur une porte métallique. Leur dispute avait continué pendant leur trajet en voiture. A un moment donné, elle s'était arrêtée sur l'I______ et lui avait demandé de quitter le véhicule, ce qu'il ne voulait pas faire. Il l'avait poussée. Deux dames étaient intervenues. Il était alors sorti de l'automobile et avait donné un violent coup de poing sur le pare-brise, ce qui l'avait brisé. Il lui avait ensuite adressé trois messages vocaux en lui disant qu'elle ne l'aimait pas, qu'elle n'avait pas de cœur et qu'elle pouvait appeler les flics, il les retournerait contre elle, elle lui avait mis une claque. Le 31 août 2024, il l'avait giflée lors d'une dispute, l'avait saisie avec ses mains et l'avait plaquée au sol. Il avait également posé ses deux mains sur son torse et le pressait à chaque fois qu'elle prenait la parole, ce qui lui coupait la respiration. A cinq ou six reprises, il l'avait saisie par le bras, ce qui lui avait provoqué des bleus ou l'avait plaquée au sol. A l'automne 2024, elle lui avait asséné une gifle lors d'une dispute.

Entendu dans la foulée, M. B______ a expliqué que toute ses affaires se trouvaient chez Mme A______ malgré que son adresse officielle soit celle de sa mère. Des fois, il lui saisissait le bras pour la clamer car elle piquait des crises d'hystérie. Elle l'avait giflé à plusieurs reprises. Lors de leur dispute en fin d'après-midi, Mme A______ l'avait giflé. Il l'avait alors attrapée par le bras et l'avait plaquée contre le mur. C'est alors qu'il avait levé son poing sur elle mais jamais il ne l'aurait frappée. Ensuite, ils avaient pris la voiture. Durant le trajet, elle avait pété un câble et l'avait injurié. La dispute avait continué jusqu'à ce qu'un témoin s'approche de la voiture pour dire quelque chose. Il était alors sorti de la voiture, avait claqué la portière et frappé sur le pare-brise avant de quitter les lieux. Il n'avait jamais menacé de la frapper mais lui avait dit qu'elle allait voir le vrai L______ sous l'énervement. Il voulait lui faire comprendre qu'il pouvait être un connard mais ne sous-entendait aucune violence. Cela lui était arrivé à trois reprises, qu'il la saisisse par le bras et qu'il la plaque au sol. Il regrettait pour le pare-brise.

3.             Par acte du 11 avril 2025, parvenu au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le 14 avril 2025, Mme A______ a demandé la prolongation de la mesure d'éloignement pour une durée supplémentaire de trente jours.

Elle craignait pour sa sécurité et celle de ses enfants. Dans le passé, il l'avait déjà menacée de mort et avait été agressif verbalement et physiquement. Elle était sous emprise et avait peur de ce qu'il pouvait faire. Elle suivait une thérapie pour s'en sortir. Elle avait été traumatisée par la violence qu'il avait démontrée le 7 avril 2025. Elle se sentirait beaucoup plus en sécurité si la mesure était prolongée. M. B______ était volatil, imprévisible et perdait le contrôle facilement. Elle souhaitait qu'il ne puisse pas s'approcher d'elle ainsi que de l'école de ses enfants, de leurs lieux de loisirs et du domicile de leur père.

4.             Vu l'urgence, le tribunal a informé M. B______ et Mme A______ par téléphone du 14 avril 2025, de l'audience qui se tiendrait le mardi 15 avril 2025.

5.             Lors de cette audience, Mme A______ a sollicité la prolongation de la mesure d'éloignement pour une durée de trente jours. Elle a confirmé les déclarations faites à la police le 8 avril 2025. Depuis le prononcé de la mesure d'éloignement, elle n'avait plus eu de contacts avec M. B______. Leur relation était terminée. Il avait encore toutes ses affaires chez elle. Elle souhaitait qu'une organisation vienne les chercher. Il s'agissait de son appartement. Elle y vivait avant d'avoir rencontré M. B______. Elle était d'accord que M. B______ vienne chez afin de chercher toutes ses affaires ce jeudi 17 avril 2025 à 10h00. C'est Mme M______ qui le recevrait alors qu'elle ne serait pas présente.

6.             M. B______ a déclaré ne pas vouloir aller contre le choix de Mme A______. IL était d'accord que la mesure d'éloignement soit prolongée pour 30 jours. Il reconnaissait les violences à l'égard de Mme A______. Il ne savait pas pour quelles raisons il n'avait pas réussi à se maîtriser. Il se sentait mal dans sa peau. Le 31 août 2024, il avait giflé Mme A______ avant de la plaquer au sol et de lui poser son genou sur le torse pour le presser à chaque fois qu'elle prenait la parole, ce qui lui coupait la respiration. La veille, il avait vu une vidéo et dès lors, cela lui avait traversé l'esprit de la calmer de cette manière. Il n'avait jamais eu de problèmes de violences physiques avec ses anciennes petites amies, par contre il avait subi de la violence quand il était petit de la part de ses parents. De son plein gré, il avait pris rendez-vous le 25 avril prochain avec un psychologue pour se soigner. Il n'avait plus pensé à appeler VIRES. Il s'engageait à les appeler en sortant de l'audience. Il allait souffrir de la séparation d'avec Mme A______, mais n'avait pas le choix. Pour son bien à elle, il devait la laisser avancer de son côté. Il s'engager à ne plus la contacter à se rendre chez elle à l'horaire convenu afin de déménager toutes ses affaires. Il s'en voulait beaucoup s'excusait auprès de A______.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des demandes de prolongation des mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 2 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer avant l'échéance de la mesure, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

2.             Déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, la demande de prolongation est recevable au sens de l'art. 11 al. 2 LVD.

3.             Mme A______ a conclu au prononcé d'une mesure d'éloignement pour ses enfants. Dans la mesure où cette conclusion est exorbitante à l’objet du litige, elle est irrecevable (ATA/9/2023 du 10 janvier 2023 consid. 4 ; ATA/12261/2022 du 13 décembre 2022 consid. 2c ; ATA/195/2022 du 22 février 2022 consid. 3).

4.             La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).

Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).

Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).

Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.

Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de

a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;

b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.

La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de 30 jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).

Elle peut être prolongée pour 30 jours au plus. Depuis le prononcé initial de la mesure, sa durée totale ne peut excéder nonante jours (art. 11 al. 2 LVD).

En vertu de l'art. 12 LVD, la mesure d'éloignement est assortie de la menace des peines prévues à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), qui prévoit que « celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni d'une amende ».

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).

Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.

5.             En l'espèce, il ressort des déclarations des parties, tant par-devant la police que par-devant le tribunal, que M. B______ a frappé à plusieurs reprises Mme A______ depuis le début de leur relation, relation jalonnée de tensions. M. B______ reconnaît un besoin de se soigner et ne s'oppose pas à la prolongation de la mesure d'éloignement qu'il entend respecter, tout comme il l'a fait jusqu'alors.

6.             Dans ces circonstances, la demande de prolongation sera admise et la mesure d'éloignement prolongée pour une durée de trente jours.

7.             Il sera donné acte à M. B______ à ce qu'il s'engage à se rendre le jeudi 17 avril 2025 à 10h00 chez Mme A______ afin de récupérer l'entier de ses affaires.

8.             Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).

9.             Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (cf. rapport du 1er juin 2010 de la Commission judiciaire et de la police du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi 10582-A du Conseil d'État modifiant la LVD, in MGC 2009-2010/IX A, D. Examen de détail, ad art. 11 al. 1 LVD).


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande formée par Madame A______ le 11 avril 2025 tendant à la prolongation de la mesure d'éloignement prononcée par le commissaire de police le 8 avril 2025 à 3h00 à l’encontre de Monsieur B______ ;

2.             l'admet ;

3.             prolonge la mesure d'éloignement pour une durée de trente jours, soit jusqu'au 21 mai 2025 à 17h00, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, dont la teneur figure dans les considérants ;

4.             dit qu'il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA) ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

6.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au commissaire de police pour information.

Genève, le 15 avril 2025

 

Le greffier