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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/227/2025

JTAPI/603/2025 du 04.06.2025 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : CAS DE RIGUEUR;AUTORISATION DE SÉJOUR
Normes : LEI.30; OASA.31
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/227/2025

JTAPI/603/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 4 juin 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Gazmend ELMAZI, avocat, avec élection de domicile

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1986, est ressortissant du Kosovo.

2.             Le 21 janvier 2024, par le biais d’un conseil, M. A______ a sollicité l’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur, se prévalant d’un cas de rigueur au sens de l’art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

À l’appui de sa requête, il a produit diverses pièces, dont une lettre d'accompagnement mentionnant une arrivée en Suisse à Genève en 2009, un formulaire M sur lequel il déclarait avoir quatre enfants non-résidents en Suisse et une activité lucrative auprès de l'entreprise B______ SARL, une copie de son passeport, un extrait de son casier judiciaire vierge, un extrait de son compte AVS mentionnant des cotisations de son employeur B______ SARL en 2009 (mars à décembre), 2012 (avril à décembre) et de 2013 à 2016 (janvier à décembre), une attestation d'absence d'aide financière de l'Hospice général et diverses preuves de séjour (des courriers attestant d’une ouverture de compte chez C______ en mai 2012 et des relevés de compte 2012 à janvier 2015 puis 2017, des documents relatifs à une affiliation au syndicat D______ en 2015 et de 2017 à 2021, des documents médicaux concernant le mois de janvier 2016 et des avis de « taxes personnelles » impôt à la source de l’AFC pour 2015 et 2017 à 2022).

3.             Par courriel du 18 avril 2024, l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) lui a réclamé divers documents manquants, dont une attestation de niveau au minimum Al à l'oral du CECR, des preuves de séjour pour les années de 2010 à 2011 et 2017 à 2023, ainsi que des précisions sur sa situation familiale, notamment sur le lieu de résidence de ses enfants. Un délai au 20 mai 2024 lui a été imparti pour transmettre les pièces et informations demandées. Ce délai a par la suite été prolongé à sa demande.

4.             Par courriel du 18 juin 2024, le mandataire de M. A______ a informé l’OCPM que son client n’était pas parvenu à obtenir l'ensemble des documents requis et l’a invité à lui octroyer un ultime délai au 19 juillet 2024, ce qui lui a été accordé tout en lui précisant qu'aucune autre prolongation de délai ne serait acceptée.

5.             Selon un extrait du casier judiciaire du 13 août 2024 de M. A______, une procédure a été ouverte à son encontre par le Ministère publique de Bâle-Campagne pour avoir circuler sans assurance responsabilité civile en date du 19 février 2024.

6.             Le 3 septembre 2024, n’ayant pas reçu les compléments requis, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser d’accéder à sa demande de régularisation et ainsi de soumettre son dossier avec un préavis positif au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM), son renvoi étant par ailleurs exigible. Il lui a imparti un délai de trente jours pour faire valoir ses éventuelles observations.

7.             Le 31 octobre 2024, M. A______ a exercé son droit d’être entendu, expliquant notamment que sa femme et ses enfants vivaient au Kosovo et estimer avoir remis suffisamment de preuves de son séjour en Suisse pour permettre à l’OCPM de transmettre son dossier au SEM avec un préavis favorable.

Il a joint une attestation de niveau Al à l'oral du CECR ainsi qu'une attestation de « E______ » dans laquelle son directeur, Monsieur F______, certifiait avoir travaillé avec l'entreprise B______ SARL de 2015 à ce jour. Il avait eu un contact activement avec le recourant depuis le début de leur relation commercial.

8.             Par décision du 5 décembre 2024, l’OCPM a refusé d’accéder à la demande du 21 janvier 2024 de M. A______ et, par conséquent, de soumettre son dossier avec un préavis positif au SEM. Il a prononcé son renvoi, lui impartissant un délai au 5 mars 2025 pour quitter la Suisse et le territoire des États-membres de l’Union européenne et des États associés à Schengen, l’exécution de cette mesure apparaissant possible, licite et raisonnablement exigible.

Bien que M. A______ n’avait pas donné suite à ses demandes de renseignements ni usé de son droit d'être entendu, il avait examiné les dernières pièces remises, lesquelles n’étaient pas de nature à modifier sa position.

Les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité n’étaient pas réalisés. En effet, bien qu’il déclarait vivre à Genève depuis 2009, la durée de son séjour depuis cette date, ni même depuis 2014, correspondant aux dix ans de séjour minimum exigés, n’était pas démontrée. Son séjour en Suisse pouvait tout au plus être attesté de mars à décembre 2009 puis de janvier 2012 à décembre 2016 dès lors que les documents remis pour la période allant de 2017 à 2023 n’étaient pas probants, ne prouvant en particulier pas qu’il résidait en Suisse de manière continue pendant cette période. Quant à l'attestation du directeur de « E______ », elle ne permettait pas non plus d'attester de son séjour continu en Suisse depuis 2015, dès lors qu’il ne s’agissait pas de son employeur direct mais d'un client de ce dernier. A cet égard, il était par ailleurs étonnant que cet employeur l’ait déclaré auprès de l'office cantonal des assurances sociales (OCAS) en 2009 puis de 2012 à 2016 et plus après cette date. Il constatait par ailleurs que, pour une même période, son adresse différait selon les documents remis (______[GE] ou ______[GE]). La naissance de ses enfants au Kosovo en 2010, 2014, 2019 et 2021, où ils vivaient, ne faisait que confirmer qu’il ne résidait pas en Suisse de manière continue depuis 10 ans mais avez probablement effectué des allers-retours.

Il n’avait enfin pas été démontré qu’une réintégration au Kosovo, où vivaient sa femme et ses enfants, aurait de graves conséquences sur sa personne.

9.             Par acte du 21 janvier 2025, sous la plume de son conseil, M. A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de préaviser favorablement l’octroi d’un permis de séjour en sa faveur et de transmettre son dossier au SEM, sous suite de frais et dépens. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée à l’OCPM pour nouvelle décision.

Préalablement, il a requis l’audition de Messieurs G______, associé gérant de B______ SARL, son employeur entre 2017 et 2024, et F______, en qualité de témoins.

Il remplissait les critères pour être mis au bénéfice d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Il disposait de preuves de séjour depuis 2012, soit une durée de séjour de treize ans, avait le niveau de français requis, était indépendant financièrement et n’avait commis aucune infraction pénale incompatible avec les demandes de régularisation. M. A______ pourrait confirmer qu’il avait travaillé pour son compte entre 2017 et 2024 et M. F______ que son employeur avait régulièrement travaillé pour l'hôtel ______ depuis 2015 et témoigner du fait qu’il était régulièrement présent dans ce cadre, durant les années 2015 à 2024. Il ne contestait pas s’être rendu au Kosovo durant son séjour en Suisse. Toutefois, ses voyages avaient été, à chaque fois, de courte durée et ne constituaient pas une interruption de séjour. Il s'agissait de vacances d'une durée d'une à deux semaines.

Son intégration était de qualité : il maîtrisait parfaitement le français, avait toujours travaillé durant son séjour en Suisse, n’avait jamais été condamné par une autorité pénale, n’avait jamais fait l'objet de poursuite et n'a jamais demandé l'aide de l'Hospice général. S’étant créé de véritables liens en Suisse durant toutes ces années, un retour dans son pays d'origine était impossible et sa réintégration serait fortement compromise.

10.         Dans ses observations du 20 mars 2025, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués n’étant pas de nature à modifier sa position.

Outre le fait qu’un séjour ininterrompu de dix ans n’avait pas été prouvé à satisfaction, il ne ressortait pas non plus du dossier que les liens du recourant avec la Suisse seraient à ce point étroits qu’un retour dans son pays d’origine le placerait dans une situation d’extrême gravité. Il apparaissait au contraire qu’il avait de fortes attaches au Kosovo où vivaient sa femme et leurs quatre enfants.

11.         Dans sa réplique du 14 mai 2025, le recourant a indiqué n’avoir pas d’observations complémentaires à faire valoir et persister intégralement dans les conclusions de son recours.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d’étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Préalablement, le recourant requiert l’audition de deux témoins, soit MM. G______ et F______.

4.             Garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références).

Il comprend notamment le droit, pour l'intéressé, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

Le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières ou de mettre un terme à l'instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1125/2018 du 7 janvier 2019 consid. 5.1 ; 1C_212/2018 du 24 avril 2019 consid. 4.1).

5.             En l'espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires pour statuer en toute connaissance de cause sur le litige, de sorte qu’il n’apparaît pas utile de procéder à l’audition des témoins sollicités, étant précisé que le tribunal dispose déjà d’une attestation écrite de M. F______. Concernant M. G______, il était loisible au recourant de produire une attestation écrite du précité, s’agissant uniquement de confirmer qu’il l’avait employé au sein de sa société de 2017 à 2024. Il ne sera donc pas donné suite aux demandes d’audition sollicitées, ces actes d’instruction n’étant au demeurant pas obligatoires.

6.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

7.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/1331/2023 du 12 décembre 2022 consid. 3).

8.             Le recourant a sollicité l’octroi d’une autorisation de séjour sous l’angle du cas de rigueur, ce que l’OCPM a refusé. Est ainsi litigieuse la question de savoir si l’autorité intimée a, à juste titre, refusé de transmettre le dossier du recourant avec un préavis favorable au SEM et prononcé son renvoi de Suisse.

9.             La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

10.         Les conditions d’entrée d’un étranger en Suisse sont régies par les art. 5 ss LEI.

Les dérogations aux prescriptions générales d’admission (art. 18 à 29 LEI) sont énoncées de manière exhaustive à l’art. 30 al. 1 LEI. Selon l’art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d’admission d’un étranger en Suisse pour tenir compte d’un cas individuel d’extrême gravité. En vertu de l’art. 30 al. 2 LEI, le Conseil fédéral en a fixé les conditions et la procédure dans l’OASA.

L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).

Le critère de l’intégration du requérant se base sur le respect de la sécurité et de l’ordre public, le respect des valeurs de la Constitution, les compétences linguistiques, la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (art. 58a LEI).

11.         Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral
F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3), d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/545/2022 du 24 mai 2022 consid. 3e).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu’ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4b ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3).

12.         Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, étant relevé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. On ne saurait tenir compte des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place, auxquelles les personnes concernées pourraient être également exposées à leur retour, sauf si celles-ci allèguent d’importantes difficultés concrètes propres à leur cas particulier (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-5341/2020 du 7 février 2022 consid. 6.7 ; F-6616/2017 du 26 novembre 2019 consid. 6.5 et les références citées).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4d et les références citées).

13.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, l’intéressé possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 5.4).

14.         S’agissant de la condition de la durée totale du séjour, elle constitue un critère important de reconnaissance d’un cas de rigueur. Il importe cependant de rappeler que selon la jurisprudence applicable en la matière, le simple fait pour un étranger de séjourner en Suisse pendant de longues années ne permet pas d’admettre un cas personnel d’une extrême gravité. Il s’agit d’un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul (ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e). En outre, la durée d’un séjour illégal, ainsi qu’un séjour précaire ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 9.1 et les références citées ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4f). Par durée assez longue, on entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017).

Ainsi, le simple fait, pour un étranger, de séjourner en Suisse pendant de longues années, y compris à titre légal, ne permet pas d’admettre un cas personnel d’extrême gravité sans que n’existent d’autres circonstances tout à fait exceptionnelles
(ATF 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.540/2005 du 11 novembre 2005 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral E-643/2016 du 24 juillet 2017 consid. 5.1).

15.         En ce qui concerne la condition de l’intégration au milieu socioculturel suisse, la jurisprudence considère que, d’une manière générale, lorsqu’une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l’âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

Il est parfaitement normal qu’une personne, ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers, s’y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l’une des langues nationales. Aussi, les relations d’amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l’étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d’une situation d’extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3 ;
F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3).

L’intégration socio-culturelle n’est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ;
C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l’engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d’une intégration réussie, voire remarquable (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ;
C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).

16.         À teneur de l’art. 90 LEI, qui est également applicable en matière d’examen de l’exécutabilité du renvoi (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-546/2016 du 13 juin 2017 consid. 4.4), l’étranger doit collaborer à la constatation des faits déterminants pour son application. Il doit en particulier fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour et fournir sans retard les moyens de preuves nécessaires ou s’efforcer de se les procurer dans un délai raisonnable (ATF 142 II 265 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-838/2017 du 27 mars 2018 consid. 5.1).

17.         Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI).

Lorsque les conditions légales pour se prévaloir d’un droit à l’autorisation de séjour ne sont pas remplies, les autorités ne jouissent pas d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à cette disposition, à un examen de la proportionnalité. Admettre l’inverse aurait pour effet de déduire de l’art. 96 LEI un droit à l’obtention ou au renouvellement de l’autorisation, ce qui ne correspond pas à la lettre de cette disposition, qui prévoit uniquement que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration (arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2020 du 14 janvier 2020 consid. 3.2).

18.         En l’espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, il y a lieu de constater que l’OCPM n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que le recourant ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d’un cas de rigueur, étant d’emblée rappelé que le seul fait de séjourner en Suisse pendant diverses années n’est à cet égard pas suffisant, sans que n’existent d’autres circonstances tout à fait exceptionnelles, lesquelles font ici défaut.

En l’occurrence, le recourant fait valoir qu’il réside à Genève depuis 2001. L’extrait de son compte AVS permet de retenir une présence en Suisse en 2009, 2012 puis de 2013 à 2016. En revanche, les autres preuves de séjour versées, soit des courriers attestant d’une ouverture de compte chez C______ en mai 2012 et des relevés de compte 2012 à janvier 2015 puis 2017, des documents relatifs à une affiliation au syndicat D______ en 2015 et de 2017 à 2021, des documents médicaux concernant le mois de janvier 2016 et des avis de « taxes personnelles » impôt à la source de l’AFC pour 2015 et 2017 à 2022, permettent tout au plus de démontrer sa présence en Suisse à un moment donné mais pas de justifier une présence effective et continue en Suisse durant toutes les années utiles et en particulier de 2010 à 2011 et de 2017 à 2023. Il n’en va pas différemment de l’attestation de M. F______, qui attestent certes d’une activité de l’intéressé à Genève entre 2015 et 2024, mais en aucun cas de la réalité de sa présence continue dans le canton durant cette période. Il s’ensuit que sur la base des pièces du dossier, le tribunal retiendra que le recourant ne remplissait pas la condition de dix ans de séjour continu, ni celle d’un long séjour continu en Suisse au jour du dépôt de sa demande de régularisation. L’on relèvera en outre que le séjour du recourant en Suisse s’est déroulé dans l’illégalité, puis, depuis sa demande de régularisation du 21 janvier 2024, au bénéfice d’une simple tolérance. Or, conformément à la jurisprudence précitée, la durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération, ou seulement dans une mesure très restreinte. Il y a donc lieu d'examiner si des critères d'évaluation autres que la seule durée du séjour en Suisse seraient de nature à faire admettre qu'un départ de ce pays placerait l'intéressé dans une situation excessivement rigoureuse.

Sous l’angle du cas de rigueur, si l’on retient que le recourant est arrivé en Suisse en 2009, soit il y a 16 ans, comme vu ci-dessus, la continuité de son séjour depuis lors n’a pas été démontrée. Or, conformément à la jurisprudence rappelée plus haut, la notion d'intégration rattachée à la durée du séjour implique que la personne concernée implante véritablement son centre de vie en Suisse et qu'elle ne quitte plus ce pays, hormis pour de courts voyages à l'extérieur. Il doit également être relevé qu’arrivé en Suisse à l’âge de 23 ans, le recourant a vécu la majeure partie de son existence dans son pays d'origine, notamment son enfance, son adolescence, période essentielle pour la formation de la personnalité, et le début de sa vie d’adulte. Il a en outre manifestement gardé des attaches avec sa patrie, dont il connait parfaitement les us et coutumes, puisqu’y vit sa famille proche, notamment son épouse et ses quatre enfants nés en 2010, 2014, 2019 et 2021. Il apparait peu crédible que le recourant n’ait eu que des contacts de quelques semaines par année avec ces derniers, comme il le prétend, depuis 2009.

Compte tenu de ce qui précède, il n'est pas nécessaire d'évoquer en détail la question de l'intégration socio-professionnelle du recourant. Le tribunal se contentera d'insister sur le fait qu'au sens de la jurisprudence rappelée plus haut, seule une intégration exceptionnelle, et non pas le simple fait d'avoir déployé une activité lucrative sans dépendre de l'aide sociale ni accumuler de dettes, peut permettre dans certains cas d'admettre un cas individuel d'extrême gravité malgré que la personne concernée ne séjourne pas en Suisse de manière continue depuis une longue durée. Dans le cas du recourant, quand bien même son intégration serait qualifiée de bonne sous l'angle socio-professionnel, elle demeure néanmoins ordinaire et ne correspond pas au caractère exceptionnel rappelé plus haut.

Enfin, bien que l'on puisse imaginer que la réintégration du recourant dans son pays d'origine ne sera pas simple, cette circonstance n'apparaît pas, à teneur du recours, liée à des circonstances personnelles, mais bien davantage aux conditions socio-économiques prévalant au Kosovo. Comme déjà relevé, le recourant y a de plus toujours des attaches, puisqu’y vivent notamment sa femme et ses enfants. Il pourra ainsi compter sur leur soutien, à tout le moins logistique. Partant, il n'apparaît pas que la réintégration du recourant dans son pays d'origine soit fortement compromise ni qu’un départ de Suisse constituerait un déracinement. S’il se heurtera sans doute à quelques difficultés de réadaptation, il ne démontre pas que celles-ci seraient plus graves pour lui que pour n’importe lequel de ses concitoyens qui se trouverait dans une situation similaire, étant rappelé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée, ce que le recourant n’a pas établi. Par ailleurs, les diverses expériences professionnelles acquises en Suisse par le recourant ainsi que ses connaissances en langue française pourront constituer des atouts susceptibles de favoriser sa réintégration sur le marché du travail de son pays, étant souligné qu'il est en bonne santé. Enfin, il faut rappeler que celui qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_33/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1 et les références citées). Ainsi, au vu de son statut précaire en Suisse, le recourant ne pouvait à aucun moment ignorer qu'il risquait d'être renvoyé dans son pays d'origine.

Au vu de ce qui précède, l’OCPM n’a pas violé la LEI ni excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation en rejetant la demande de régularisation des conditions de séjour du recourant. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit respecter la latitude de jugement conférée à l'OCPM, ne saurait en corriger le résultat en fonction d'une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA).

19.         Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, l’autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée.

Elles ne disposent à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1 ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 8a).

20.         Le renvoi d'un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution du renvoi n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l'étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

21.         En l’occurrence, dès lors qu’il a refusé de soumettre le dossier du recourant au SEM en vue de la délivrance d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, l’OCPM devait ordonner son renvoi de Suisse en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI, ne disposant, dans ce cadre, d’aucun pouvoir d’appréciation.

Rien ne permet au surplus de retenir que l'exécution dudit renvoi ne serait pas possible, licite ou raisonnement exigible au sens de l’art. 83 LEI.

La décision de l’OCPM apparait également conforme au droit sur ce point.

22.         Au vu de ce qui précède, entièrement mal fondé, le recours doit donc être rejeté.

23.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.-. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

24.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 21 janvier 2025 par Monsieur A______ contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 5 décembre 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière