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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4152/2024

JTAPI/541/2025 du 22.05.2025 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : RETRAIT DE PERMIS;RETRAIT DE SÉCURITÉ;EXPERTISE;MÉDECIN-CONSEIL;ALCOOL;STUPÉFIANT
Normes : LCR.14; LCR.15d; OAC.27; OAC.28a; LCR.16d.al1; LCR.17.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4152/2024 LCR

JTAPI/541/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 22 mai 2025

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1945, est titulaire du permis de conduire depuis le ______ 1976.

2.             Le 24 septembre 2024, le Dr B______ a établi un certificat médical concernant l’aptitude à la conduite de Mme A______, sans observations.

3.             Par courriel du 15 octobre 2024, le Dr C______ a invité l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) à le contacter concernant sa patiente Mme A______ qu’il suivait depuis plusieurs années. Il l’avait revue mi-août 2024 dans le cadre de son suivi et, à cette occasion, il l’avait informée qu’il ne pensait pas que son état de santé soit compatible avec la conduite automobile après qu’elle lui ait présenté sa demande de contrôle médical pour son aptitude à la conduite. Lorsqu’il l’avait rappelée ce jour, n’ayant plus eu de ses nouvelles, elle l’avait informé avoir demandé un certificat d’aptitude à un autre médecin agréé. Il recommandait que ce certificat soit réévalué par un médecin de niveau 3.

4.             S’en est suivi un échange de courriels entre l’OCV et le Dr B______, lequel a recommandé une évaluation par un médecin de niveau 3 de la patiente, expliquant être sensible aux remarques de son médecin-traitant et que le jour de l’examen Mme A______ lui semblait remplir les critères pour l’aptitude à la conduite.

5.             Par courrier du 1er novembre 2024, l’OCV, se référant aux échanges précités, a invité Mme A______ à se soumettre, à ses frais, dans le délai d’un mois à compter de la présente, à un examen d’évaluation de son aptitude à la conduite des véhicules des catégories A1, B, BE, B1, D1, D1E, F, G et M, la priant de prendre contact avec le Dr D______, médecin de niveau 3, à cette fin.

A défaut, le retrait de son permis de conduire devrait être prononcé, jusqu’à ce que son aptitude à la conduite soit établie.

6.             Par courrier du 7 novembre 2024, en réponse à sa requête dans ce sens, l’OCV a informé Mme A______ qu’il n’entendait pas annuler sa demande d’examen d’évaluation de l’aptitude à la conduite, vu la position des médecins précités.

7.             Par décision du 10 décembre 2024, l’OCV a prononcé le retrait du permis de conduire de Mme A______, pour une durée indéterminée, lui précisant que la levée de cette mesure était subordonnée à la présentation d'un certificat médical favorable émanant du Dr D______.

Par courrier du 1er novembre 2024, il lui avait demandé de se soumettre à un examen d’évaluation de son aptitude à la conduite des véhicules à moteur auprès du Dr D______. Cet examen avait été réalisé et son inaptitude à la conduite des véhicules à moteur avait été confirmée par rapport du 6 décembre 2024.

Il ressort en substance du rapport du Dr D______ les éléments suivants : « Le médecin-traitant met en garde en m'informant que le fils de la patiente l'a interpellé quant à la consommation de substances (alcool, benzodiazépines) et le fait qu'il pensait la dénoncer auprès du Tribunal de protection de l'adulte. Le PETH prélevé le même jour révèle une consommation excessive d'alcool dans les 2-3 semaines qui précèdent l'expertise mais la patiente demeure dans le déni et prétend ne boire qu'un seul verre de vin par jour. On est donc en présence d’une patiente âgée, alcoolique-dépendante dans le déni, avec une possible consommation concomitante de benzodiazépines. A cela s'ajoute un MOCA test pathologique et une acuité visuelle limite selon la loi ».

8.             Par acte du 13 décembre 2024, M. A______ a contesté cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), l’invitant à la reconsidérer.

Elle n’avait jamais eu d’accident depuis 40 ans. Elle vivait seule et ne pouvait ni porter ses courses, en raison de son dos fragile, ni s’isoler de ses amies, sauf à faire une dépression.

9.             Par courrier du 17 décembre 2024, Mme A______ a invité l’OCV à reconsidérer sa décision et à faire analyser les résultats du test du 26 novembre 2024 par un autre médecin. Elle n’était pas alcoolique et serait perdue sans voiture. Elle n’habitait pas à proximité du tram et n’avait pas les moyens de prendre le taxi. Le Dr C______ avait voulu se venger du fait qu’elle avait quitté son cabinet.

10.         Le 5 janvier 2025, Mme A______ a complété son recours. Elle contestait l’appréciation du Dr C______. Elle conduisait depuis 40 ans sans accident et rappelait les conséquences désastreuse d’un retrait de permis sur sa situation. Elle n’était pas alcoolique. Elle avait pris rendez-vous pour un test sanguin à l’hôpital de la Tour la semaine prochaine.

11.         Par écritures spontanées du 13 janvier 2025, Mme A______ a informé le tribunal de sa nouvelle adresse, dès lors qu’elle ne pouvait plus vivre à la campagne. Elle a joint les résultats des analyses effectuées le 6 janvier 2025, confirmant notamment une alcoolémie négative.

12.         Le 11 février 2025, l'OCV a transmis son dossier au tribunal accompagné de ses observations. Il persistait dans les termes de sa décision, aucun élément du dossier ne permettant de s’écarter des conclusions émises et dûment motivées dans le rapport d’expertise du 6 décembre 2024.

13.         Par écritures des 11 et 17 février 2025, la recourante a notamment invité le tribunal à la convoquer, rappelant que les analyses de sang du 6 janvier 2025 n’avaient révélé aucune trace d’alcool.

14.         Le 4 mars 2025, la recourante a transmis au tribunal une attestation du Dr E______, confirmant l’avoir reçue en consultation et, après évaluation anamnestique et clinique, suivie d’une prise de sang, indiquant douter fortement qu’elle souffrirait d’addiction à la consommation d’alcool. Il invitait l’OCV à la convoquer au plus vite afin de réévaluer son aptitude à la conduite.

15.         Le 18 mars 2025, l’OCV a transmis au tribunal un complément de pièces en vue de l’audience du 24 mars 2025, ainsi notamment copies de ses échanges du 13 mars 2025 avec le Dr D______, des correspondances de Mme A______ du 28 novembre 2024, du Dr B______ du 5 décembre 2024, des notes non datées de Mme A______, le questionnaire de santé pour l'évaluation de l'aptitude à la conduite expertise niveau 3 du 26 novembre 2024 duquel il ressort que l’intéressée prenait 0,5 mg de Xanax avant d’aller dormir, du rapport médical du Dr C______ du 26 novembre 2024 et des analyses du prélèvement du 3 juillet 2024.

Il ressort en substance du rapport du Dr C______ qu’il connaissait la recourante depuis 2017, laquelle le consultait une à deux fois par an pour des renouvellements d'ordonnance de benzodiazépines. Il avait abordé avec elle la problématique de la consommation chronique de benzodiazépines. Sa patiente lui avait expliqué que sa situation personnelle était difficile en raison de conflits familiaux non-résolus, générateurs d'angoisses qu'elle gérait par les médicaments et de l'alcool pris le soir. Elle avait refusé le traitement de fond proposé sous forme d'antidépresseur et d'une prise en charge psychothérapeutique. En 2022, il avait validé un certificat médical d'aptitude à la conduite automobile sans restriction. En mai 2024, le fils de la recourante l’avait appelé pour lui signaler une consommation d'alcool en augmentation chez sa mère associée à la prise de benzodiazépines, l’inquiétant au point de proposer un signalement au tribunal de protection de l'adulte. Sur le plan biologique, il avait pu remarquer une macrocytose progressive ainsi qu'une baisse en vitamine BI 2 et en acide folique. Il n’avait jamais remarqué d'altérations des enzymes hépatiques et n'avait pas eu l'occasion de faire des tests plus spécifiques pour la consommation d'alcool. Le 15 août 2024, il lui avait fait part de ses craintes au sujet de l'augmentation de sa consommation d'alcool et de psychotropes signalée par son fils et qu’il ne pouvait pas lui remettre son certificat médical d’aptitude sans une évaluation par un moniteur d'auto-école et un avis médical spécialisé. N'ayant pas eu de ses nouvelles jusqu'au 17 octobre et ayant ensuite appris de l’intéressée qu'elle avait fait faire son certificat médical par un autre médecin, il avait jugé utile de dénoncer cette situation à l’OCV avec comme motivation une consommation d'alcool à risque signalée par un proche de la conductrice, qui d'autre part avait une consommation avérée de psychotropes, et présentait un déni de la réalité.

16.         Lors de l'audience du 24 mars 2025 devant le tribunal, Mme A______ a expliqué avoir vendu sa maison au F______ et vivre désormais à l'hôtel. Pour la suite, elle souhaitait pouvoir trouver un rez de jardin à la campagne. Cela dépendrait toutefois de la décision du tribunal car pour vivre à la campagne il fallait pouvoir conduire. Elle a versé à la procédure un morceau de la boîte du médicament (Xanax) qu’elle prenait au quotidien, à raison d'un comprimé par jour au coucher. S'agissant de sa consommation d'alcool, elle buvait un verre de rosé de temps en temps le soir, à table. Elle ne conduisait pas le soir. Elle ne buvait jamais plus qu'un verre et ne s’expliquait pas les résultats des analyses du 26 novembre 2024 qui indiquaient une consommation excessive d'éthanol lors des deux trois semaines avant le prélèvement. Son fils l’avait dénoncée par vengeance. Il ne travaillait pas et voulait qu’elle lui donne de l'argent, ce qu’elle avait fait. Depuis le début de l'année, elle avait fait deux ou trois analyses à l'hôpital de la Tour, lesquelles ne démontraient aucune consommation d'alcool. Elle était prête à en faire d'autres si le tribunal le souhaitait.

La représentante de l’OCV a versé à la procédure des explications complémentaires du Dr D______ quant aux résultats des analyses des 3 juillet et 26 novembre 2024 et, en particulier, en quoi elles démontraient une consommation problématique d'alcool. Elle demanderait à ce praticien de se déterminer sur le résultat des analyses faites à l'hôpital de la Tour et le certificat médical du Dr E______.

Mme A______ a indiqué accepter de lever le Dr E______ de son secret médical, afin qu'il puisse discuter de son cas avec le Dr D______. Pour la suite, elle ne souhaitait plus voir ce dernier médecin. Elle était en revanche d'accord de procéder à un nouvel examen d'évaluation de son aptitude à la conduite et prenait note qu'il pourrait être effectué auprès de la Dre G______. Elle avait bien compris la suite de la procédure, à savoir que le Dr D______ prendrait contact avec le Dr E______ afin de discuter de sa situation. Tout ce qu’elle souhaitait c'était de ne plus avoir de contacts physiques ni téléphoniques avec le Dr D______. Son rendez-vous médical avec le Dr E______ était prévu le 15 avril 2025. Elle lui demanderait de lui faire une prise de sang à cette occasion.

La représentante de l’OCV a indiqué qu’elle interpellerait le Dr D______ à l'issue de l'audience. Elle lui demanderait également de se déterminer sur les risques liés à la consommation cumulée de Xanax et d'alcool. Elle tiendrait le tribunal informé de ses différentes démarches.

17.         Le 26 mars 2025, l’OCV a transmis au tribunal copie de son courrier du 25 mars 2025 au Dr D______, par lequel il l’invitait à se déterminer d’un point de vue médical sur les résultats de l’analyse de sang réalisée le 6 janvier 2025 et la prise de position du Dr E______ à leur sujet. Il l’invitait pour le surplus, à la demande du tribunal, à fournir des explications complémentaires quant aux résultats des analyses du 3 juillet 2024 réalisées par le Dr C______, respectivement du 26 novembre 2024. A cet égard, il serait pertinent d’identifier quels éléments médicaux soulignaient ou suggéraient une problématique médicale susceptible d’affecter l’aptitude à la conduite de Mme A______ et pourquoi. Il l’invitait également à détailler, d’un point de vue médical, les dangers potentiels associés à la prise concomitante de Xanax (0,5 mg) et d’alcool. Pour le surplus, il lui transmettait le procès-verbal de l’audience du 24 mars 2025.

18.         Par courrier du 4 avril 2025, l’OCV a accusé réception d’un courrier du 31 mars 2025 de Mme A______ lui confirmant se rendre à l’hôpital de la Tour le 14 avril 2025 pour un examen complet du « sang + alcoolémie ». Elle relevait pour le surplus que le Dr C______ avait sans doute raconté n’importe quoi au Dr D______, ce qui pourrait conduire ce dernier à avoir une image erronée d’elle. Le Dr C______ lui avait même prescrit de faire une course d’épreuve avec un moniteur d’auto-école le 15 août 2024, une insulte pour elle, raison pour laquelle elle était allée voir le Dr B______.

19.         Le 8 avril 2025, l’OCV a transmis au tribunal la réponse du Dr D______ du 7 avril 2025. Au vu de cette dernière, il maintenait les termes de sa décision.

Dans sa détermination complète et détaillée, ce praticien confirmait ses conclusions d'inaptitude à la conduite, relevant en substance qu’il n’était pas possible, sur la base du court rapport du Dr E______, de savoir quelle consommation de substances avait été abordée avec Mme A______ et que ce praticien avait procédé à une analyse de l'éthanolémie rapportant uniquement si une consommation avait eu lieu dans les heures précédant la prise de sang. Les analyses du Dr E______ ne démontraient pas l’absence de consommation de benzodiazépines, que ce soit par prélèvement urinaire pour une consommation récente ou par prélèvement capillaire comme il se devait en cas de procédure en médecine du trafic lorsqu'il était primordial de confirmer ou d'infirmer une consommation de substance psychoactive avec impact sur les fonctions cognitives. Il rappelait que lors de son expertise du 26 novembre 2024, l'intéressée avait rapporté une consommation d'un verre de vin rosé le soir, ce que le prélèvement sanguin réalisé le même jour avait infirmé, les résultats et valeurs obtenus démontrant une consommation excessive d'alcool les 2-3 semaines précédant l'examen. Il en découlait que Mme A______ lui avait menti ou avait présenté un déni de consommation. Son expertise mettait également en avant une consommation de benzodiazépines que Mme A______ ne cachait pas et qui lui avait été confirmée par le Dr E______, lors d'un entretien téléphonique du 7 avril 2025. Il n’était pas possible de déterminer sur la base des résultats des analyses sanguines au dossier si Mme A______ consommait régulièrement de l’alcool. Il convenait cependant de rappeler que l’intéressée s’était présentée chez plusieurs médecins en vue d’obtenir son certificat d’aptitude à la conduite et la forte suspicion du Dr C______ quant à son alcoolisme. Dans ce contexte, les déclarations du Dr E______ mériteraient un complément d’examen, étant relevé qu’en expertise médico-légale ou assécurologique, la preuve de l’absence de consommation devait être réalisée par un prélèvement capillaire, qui permettait de démontrer sur une longue période l’absence d’addiction. Le PETH était un moyen bon marché de dépistage sanguin que le Dr E______ aurait pu utiliser, a minima, avant de se déterminer. En résumé, dans ces circonstances, on devrait procéder à une analyse des cheveux qui était l'examen de référence en matière de médecine du trafic lorsqu'il s'agissait de prouver ou d'infirmer une consommation de substances psychoactives telle que la benzodiazépine, sur les derniers mois. Tout au plus le bilan du Dr E______ confirmait la non consommation d'alcool dans les heures précédant la ponction veineuse — mais pas au-delà — ainsi qu'une amélioration partielle des paramètres sanguins, ce qui ne suffisait pas à prouver l'absence de dépendance à l'alcool. Ce praticien avait par ailleurs confirmé lors de l’entretien téléphonique que l'intéressée réclamait la prescription de benzodiazépine malgré ses retenues, ce qui confirmait la consommation régulière de benzodiazépine, dont on connaissait les risques sur l'aptitude à la conduite, sans oublier que la patiente présentait des troubles cognitifs relevés lors de l'expertise de niveau 3. Aucune preuve d'aptitude à la conduite n'avait ainsi été démontrée sur la base des examens du Dr E______, ce dont il était conscient après l’entretien téléphonique. A ce jour, il confirmait l'inaptitude sur la base des éléments suivants :

-       « une consommation régulière de benzodiazépine, malgré les recommandations nouvelles du Dr E______ de cesser. Leur impact sur les fonctions cognitives sont connues ;

-       la présence d'un trouble cognitif avec un MoCA test altéré à 22/30, avec impact direct sur l'aptitude à la conduite, aggravé par la prise de substances psychoactives régulière ;

-       l'absence d'infirmation d'abstinence à la consommation d'alcool. Pour rappel, Mme A______ a menti à plusieurs reprises auprès de plusieurs médecins quant à sa réelle consommation, ce qui a été prouvé par PETH en novembre 2024 ;

-       tourisme médical à seul but d'obtenir son permis de conduire ; la patiente, dans ce processus, ne suit pas les recommandations médicales susceptibles d'améliorer son état de santé (notamment refuse des examens pourtant utiles, poursuit son traitement de benzodiazépine malgré les retenues du praticien en raison de l'âge) ;

-       anosognosie de son état de santé et des risques quant à la sécurité publique ».

20.         Le 24 avril 2025, Mme A______ a expliqué avoir fait, comme demandé, les tests sang et alcool le 15 avril 2025. Tous ses critères de sang étaient parfaits. Elle n’acceptait pas que l’OCV refuse le test du Dr B______, valable et bon, et lui impose le Dr D______ qui l’accusait de menteuse et de droguée. Elle invitait le tribunal à lui permettre de voir un autre médecin ou à classer l’affaire.

21.         Par courrier du 25 avril 2025, le tribunal a invité Mme A______ à lui transmettre le résultat des analyses effectuées le 15 avril 2025, d’ici au 12 mai 2025. Dans ce même délai, il l’invitait à lui indiquer si une analyse des cheveux, ainsi que suggérée par le Dr D______, avait également été réalisée et, cas échéant, à lui joindre les résultats. A défaut, il se fonderait sur les pièces du dossier pour rendre son jugement.

22.         Le 3 mai 2025, Mme A______ a transmis les résultats des analyses de sang du 15 avril 2025, précisant que les labos H______ de la Tour ne faisaient pas de tests capillaires, peu fiables. Elle ne pouvait rien faire de plus et laissait le tribunal juger.

23.         Par courrier du 18 mai 2025, Mme A______ a invité le tribunal à statuer sur son recours et à lui rendre son permis. Elle ne pouvait pas rester indéfiniment à l’hôtel et voulait partir à la campagne. Elle n’avait rien fait de faux sauf voir deux médecins qui s’étaient mis d’accord pour la détruire.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b).

4.             En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce. Il n'en résulte toutefois pas que l'autorité est libre d'agir comme bon lui semble, puisqu'elle ne peut pas faire abstraction des principes constitutionnels régissant le droit administratif, notamment la légalité, la bonne foi, l'égalité de traitement, la proportionnalité et l'interdiction de l'arbitraire (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

5.             Selon l'art. 14 al. 1 LCR, tout conducteur de véhicule automobile doit posséder l'aptitude et les qualifications nécessaires à la conduite. Est apte à la conduite, aux termes de l'art. 14 al. 2 LCR, celui qui remplit les conditions suivantes : il a atteint l'âge minimal requis (let. a) ; il a les aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. b) ; il ne souffre d'aucune dépendance qui l'empêche de conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. c) ; ses antécédents attestent qu'il respecte les règles en vigueur ainsi que les autres usagers de la route (let. d).

6.             Selon l’art. 15d al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), si l’aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fera l’objet d’une enquête, notamment dans les cas suivants : communication d’un médecin selon laquelle une personne n’est pas apte, en raison d’une maladie physique ou mentale ou d’une infirmité, ou pour cause de dépendance, de conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. e).

7.             L’art. 15d al. 2 LCR et 27 al. 1 let. b de l’ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51), disposent par ailleurs que les titulaires âgés de 75 ans et plus ont l’obligation de se soumettre à un contrôle médical effectué par un médecin-conseil tous les deux ans, aux fins de déterminer leur aptitude à la conduite.

8.             Le contrôle relevant de la médecine du trafic doit être effectué sous la responsabilité d’un médecin selon l’art. 5abis OAC (art. 27 al. 2 OAC).

9.             Les contrôles relevant de la médecine du trafic de titulaires d'un permis de conduire âgés de plus de 75 ans sont du ressort des médecins de niveau 1 (art. 5abis al. 1 let. a OAC).

10.         Ce contrôle a pour objectif de vérifier l’aptitude de la personne concernée à conduire des véhicules automobiles. L'examen du médecin-conseil s'étend aux points prévus par l'annexe 2 de l'OAC (rapport d'examen médical).

11.         Le permis de conduire est retiré lorsque l'autorité constate que les conditions légales de sa délivrance, énoncées par l'art. 14 LCR, ne sont pas ou ne sont plus remplies (art. 16 al. 1 1ère phr. LCR).

Ainsi, le permis doit notamment être retiré pour une durée indéterminée à la personne dont les aptitudes physiques et psychiques ne lui permettent pas ou plus de conduire avec sûreté un véhicule automobile et/ou qui souffre d'une forme de dépendance la rendant inapte à la conduite (art. 16d al. 1 let. a et b LCR  ; cf. aussi art. 14 al. 2 let. b et c LCR).

12.         Cette mesure constitue un retrait de sécurité (cf. ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; 122 II 359 consid. 1a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.2 ; 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1 ; 1C_384/2011 du 7 février 2012 consid. 2.3.1), en ce sens qu'elle ne tend pas à réprimer et ne supposent pas la commission d'une infraction fautive à une règle de la circulation, mais est destinée à protéger la sécurité du trafic contre les conducteurs inaptes (cf. not. ATF 133 II 331 consid. 9.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_819/2013 du 25 novembre 2013 consid. 2 ; 6A.33/2001 et 35/2001 du 30 mai 2001 consid. 3a ; 6A.114/2000 du 20 février 2001 consid. 2).

13.         La décision de retrait de sécurité du permis pour cause d'inaptitude à la conduite constitue une atteinte grave à la personnalité et à la sphère privée de l'intéressé ; elle doit reposer sur une instruction précise des circonstances déterminantes (ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; 133 II 284 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_242/2017 du 14 juillet 2017 consid. 3.2 ; 1C_331/2016 du 29 août 2016 consid. 4 ; 1C_557/2014du 9 décembre 2014 consid. 3 ; 1C_819 du 25 novembre 2013 consid. 2 ; 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1). L'autorité compétente doit, avant d'ordonner un tel retrait, éclaircir d'office la situation de la personne concernée. L'étendue des examens officiels nécessaires est fonction des particularités du cas d'espèce et relève du pouvoir d'appréciation des autorités cantonales compétentes (ATF 129 II 82 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_331/2016 du 29 août 2016 consid. 4).

14.         En cas de doute, il y a lieu d'ordonner un examen médical, notamment un examen psychologique ou psychiatrique (cf. ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1). Selon la jurisprudence, un tel doute peut reposer sur de simples indices (arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1).

15.         L'art. 28a al. 1 OAC précise que, si l'aptitude à la conduite d'une personne soulève des doutes (art. 15d al. 1 LCR), l'autorité cantonale ordonne :

a. en cas de questions relevant de la médecine du trafic: un examen d'évaluation de l'aptitude à la conduite par un médecin selon l'art. 5abis ;

b. en cas de questions relevant de la psychologie du trafic, notamment dans les cas visés à l'art. 15d al. 1 let. c LCR : un examen d'évaluation de l'aptitude à la conduite par un psychologue du trafic selon l'art. 5c.

Selon l'al. 2 de cette disposition, le médecin qui procède à l'examen d'évaluation de l'aptitude à la conduite doit :

a. avoir obtenu une reconnaissance de niveau 4 dans les cas visés à l'art. 15d al. 1, let. a et b, LCR;

b. avoir obtenu au minimum une reconnaissance de niveau 3 dans les cas visés à l'art. 15d al. 1 let. d et e LCR.

16.         Si elle met en œuvre une expertise, l'autorité est liée par l'avis de l'expert et ne peut s'en écarter que si elle a de sérieux motifs de le faire (ATF 132 II 257 consid. 4.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_557/2014du 9 décembre 2014 consid. 3).

Le rôle du médecin, en particulier du médecin-expert, est de décrire l’état clinique d’un intéressé et en aucune manière de se prononcer sur l’opportunité ou la nécessité de retirer son permis de conduire. La chose est d’autant plus vraie que certains concepts de la médecine n’ont pas la même portée en droit de la circulation routière. Cette considération doit toutefois être nuancée lorsque l’autorité compétente, administrative ou judiciaire, comme en l'espèce, demande au médecin de se prononcer également sur l’aptitude à conduire d’un conducteur. Il n'en demeure pas moins qu’il appartient fondamentalement à l’autorité administrative, respectivement au juge, d’apprécier les éléments médicaux du rapport du médecin, puis de répondre à la question - de droit - de savoir si l’aptitude de l'intéressé est ou non donnée. L’autorité administrative, respectivement le juge, apprécient librement les preuves figurant au dossier ; cette considération est toutefois relativement théorique, dans la mesure où la liberté de l’autorité trouve sa limite dans l’interdiction de l’arbitraire : si le juge n’est en principe pas lié par les conclusions de l’expert médical, il ne peut s’en défaire, sous peine de violer l’art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (protection contre l’arbitraire), qu’en exposant les motifs déterminants et les circonstances bien établies qui lui commandent d’agir de la sorte. Par contre, lorsque les conclusions médicales paraissent insuffisantes ou lacunaires, le juge se doit de les faire compléter (Cédric MIZEL, Aptitude à la conduite automobile, exigences médicales, procédure d'examen et secret médical, AJP/PJA 2008 p. 596 ; cf. aussi ATF 133 II 384, consid. 4.2.3 p. 391 ; 118 Ia 144, consid. 1c p. 146 ; ATF 1C_359/2008 du 23 février 2009, consid. 2.2 ; JTAPI/329/2011 du 14 avril 2011).

17.         En ce qui concerne la valeur probante d'un rapport médical, ce qui est décisif, c'est que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et, enfin, que les conclusions de l'expert soient dûment motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_557/2014du 9 décembre 2014 consid. 4 ; 1C_359/2008 du 23 février 2009 consid. 2.2).

18.         Selon l'art. 17 al. 3 LCR, le permis de conduire, retiré pour une durée indéterminée, peut être restitué à certaines conditions après expiration d’un éventuel délai d’attente légal ou prescrit si la personne concernée peut prouver que son inaptitude à la conduite a disparu.

19.         En l'espèce, l’OCV a requis de Mme A______ qu'elle se soumette à une expertise après avoir été informé par les Dr C______ et B______ de leurs doutes quant à l'aptitude à la conduite de l'intéressée. Tous deux ont préconisé une évaluation du certificat d’aptitude à la conduite qui lui avait été délivré le ______ 2024, dans le cadre de l’application de l’art. 15d al. 2 LCR, par un médecin conseil de niveau 3.

A réception de l’évaluation du Dr D______, médecin-conseil de niveau 3 auquel la recourante s’était adressée, l’OCV a prononcé le retrait de sécurité de son permis de conduire, ce praticien l’ayant déclarée inapte à la conduite des véhicules à moteur, relevant notamment dans son rapport : « Le médecin-traitant met en garde en m'informant que le fils de la patiente l'a interpellé quant à la consommation de substances (alcool, benzodiazépines) et le fait qu'il pensait la dénoncer auprès du Tribunal de protection de l'adulte. Le PETH prélevé le même jour révèle une consommation excessive d'alcool dans les 2-3 semaines qui précèdent l'expertise mais la patiente demeure dans le déni et prétend ne boire qu'un seul verre de vin par jour. On est donc en présence d’une patiente âgée, alcoolique-dépendante dans le déni, avec une possible consommation concomitante de benzodiazépines. A cela s'ajoute un MOCA test pathologique et une acuité visuelle limite selon la loi ».

Contrairement à ce que soutient la recourante, il n'y a aucune raison de considérer cette évaluation insatisfaisante, cette dernière apparaissant au contraire probante et complète. Elle est de plus confirmée par divers rapports et analyses médicales versés au dossier (courriel et rapport médical des 15 octobre et 26 novembre 2024 du Dr C______, résultats des analyses des 3 juillet et 26 novembre 2024). Dans sa détermination complémentaire du 7 avril 2025, le Dr D______ a par ailleurs confirmé son constat d’inaptitude, après avoir pris connaissance des dernières analyses de sang de Mme A______ et de leur appréciation par le Dr E______, en se fondant sur les éléments suivants : « une consommation régulière de benzodiazépine, malgré les recommandations nouvelles du Dr E______ de cesser. Leur impact sur les fonctions cognitives sont connues ; la présence d'un trouble cognitif avec un MoCA test altéré à 22/30, avec impact direct sur l'aptitude à la conduite, aggravé par la prise de substances psychoactives régulière ; l'absence d'infirmation d'abstinence à la consommation d'alcool ; tourisme médical à seul but d'obtenir son permis de conduire ; la patiente, dans ce processus, ne suit pas les recommandations médicales susceptibles d'améliorer son état de santé (notamment refuse des examens pourtant utiles, poursuit son traitement de benzodiazépine malgré les retenues du praticien en raison de l'âge) ; anosognosie de son état de santé et des risques quant à la sécurité publique ».

Les pièces versées à la procédure par la recourante ne permettent enfin pas de retenir une autre solution, vu en particulier la détermination du Dr D______ à leur égard. L’on relèvera au demeurant que la recourante elle-même admet la consommation concomitante régulière d’alcool et de Xanax. De fait, elle tente de substituer sa propre appréciation à celle des médecins et experts consultés, sans fournir aucun élément concret (notamment un test capillaire) qui permettrait de considérer que l’évaluation du Dr D______ serait infondée et n’hésitant pas à faire du « tourisme médical » lorsque les diagnostics posés où les recommandations faites ne lui conviennent pas.

Dans ces conditions, le tribunal parvient à la conclusion que l'autorité intimée n'a pas procédé à une application incorrecte de la loi ou, d'une autre manière, excédé son pouvoir d'appréciation en suivant l'avis du Dr D______ et en rendant la décision querellée.

20.         Partant, le recours doit être rejeté et la décision de l'OCV être confirmée.

21.         A toutes fins utiles, il sera rappelé à la recourante que la levée de la mesure pourra avoir lieu sur présentation d'un certificat médical favorable émanant non seulement du Dr D______ mais également de la Dre G______, ainsi que l’a indiqué la représentante de l’OCV lors de l’audience du 24 mars 2025, si elle ne souhaite plus s’adresser au premier cité.

22.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument de CHF 700.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 13 décembre 2024 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 10 décembre 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             donne acte à l'office cantonal des véhicules de son accord à ce que la levée de la mesure de retrait de permis de conduire pourra également avoir lieu sur présentation d'un certificat médical favorable émanant de la Dre G______ ;

4.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 700.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière