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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3333/2024

JTAPI/449/2025 du 30.04.2025 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : RETRAIT DE SÉCURITÉ;EXPERTISE;VITESSE MAXIMALE;INFRACTION DE MISE EN DANGER
Normes : LCR.16c bis; LCR.17.al3; LCR.16c.al2.letd
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3333/2024 LCR

JTAPI/449/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 30 avril 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Luc-Alain BAUMBERGER, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ né le ______ 1986, domicilié à B______ et ressortissant français, est titulaire du permis de conduire suisse catégorie B depuis le ______ 2017.

2.             Le 2 juin 2024 à Neydens en Haute-Savoie (France), il a été contrôlé, alors qu’il circulait à 131 km/h sur un tronçon de route limité à 80 km/h.

3.             Par arrêté du ______ 2024, le Préfet de Saint-Julien-en-Genevois a prononcé à son encontre une interdiction de conduire sur le territoire français pour une durée de cinq mois pour avoir commis un dépassement de vitesse de 40 km/h ou plus de la vitesse maximale autorisée établi au moyen d'un appareil homologué (article 1).

L’article 2 de la décision avait la teneur suivante « La présente décision cessera d’avoir des effets lorsque sera exécutoire une décision judiciaire prononçant pour la même infraction une mesure restrictive du droit de conduire. Elle sera considérée comme non avenue en cas d’ordonnance de non-lieu ou de jugement de relaxe ou lorsque sera exécutoire une décision judiciaire ne prononçant pas effectivement pour la même infraction une mesure restrictive du droit de conduire ».

4.             Par ordonnance pénale du Tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains du ______ 2024, M. A______ a été reconnu coupable des faits qui lui étaient reprochés soit un excès de vitesse d’au moins 50 km/h par conducteur de véhicule à moteur commis le 2 juin 2024 à 18h19 à Neydens. Il a ainsi été condamné au paiement d’une amende de EUR 1000.- et à titre de peine complémentaire à une interdiction de conduire un véhicule terrestre à moteur pour une durée de cinq mois.

5.             Par décision du ______ 2024, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a prononcé le retrait du permis de conduire de M. A______, toutes catégories et sous catégories (sauf F, G et M et pour les cycles et véhicules pour lesquels un permis de conduire n'était pas nécessaire) pour une durée indéterminée, minimum deux ans, en précisant que le recours n'avait pas d'effet suspensif. Il lui était reproché un dépassement de la vitesse maximale autorisée hors localité de 51 km/h, marge de sécurité déduite, le 2 juin 2024 dans la commune de Neydens, en Haute-Savoie (France). Il ne pouvait pas justifier d'une bonne réputation, le système d'information relative à l'admission à la circulation (SIAC) faisant apparaître des antécédents, soit un retrait du permis de conduire prononcé le 6 juin 2017 pour une durée de trois mois en raison d'une infraction grave, mesure dont l'exécution avait pris fin le 3 octobre 2017, ainsi qu'un retrait du permis de conduire prononcé le 5 octobre 2020 pour une durée de douze mois en raison d'une infraction grave, mesure dont l'exécution avait pris fin le 3 juillet 2021.

6.             Par acte du 9 octobre 2024, sous la plume de son conseil, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci- après : le tribunal) en concluant principalement à son annulation et préalablement à ce que l'effet suspensif soit accordé au recours.

S’agissant de la restitution de l’effet suspensif, son intérêt privé, qui découlait du fait que la société dont il était associé gérant était en plein développement, mais également de ses contraintes familiales en tant que père disposant d'un droit de visite sur sa fille d'une précédente union et père d'une nouvelle famille, l'emportait sur l'intérêt public à ce qu'il soit immédiatement privé du droit de conduire un véhicule. Pour un unique excès de vitesse commis en France, il n'y avait aucune mise en danger grave et imminente d'intérêts publics importants.

Au fond, le recourant se plaignait en premier lieu d’une violation de l’art. 16cbis al. 1 de la la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01).

Il contestait l’excès de vitesse qui lui était reproché en France et avait fait opposition à l'ordonnance pénale rendue le ______ 2024 par le Tribunal judiciaire de Thonon- les-Bains, qui lui reprochait un dépassement de 40 km ou plus de la vitesse maximale autorisée établi au moyen d'un appareil homologué (vitesse autorisée :  80 km/h/vitesse retenue : 131 km/h). Cette opposition avait entraîné ex lege l'effet suspensif à la mesure d'interdiction de faire usage de son permis de conduire suisse qu'avaient également prononcée les autorités françaises.

Le recourant se plaignait également d’une violation de l’art. 16cbis al. 2 LCR, considérant que la durée de cinq mois prononcée en France devrait être imputée sur la durée totale du retrait prononcé en Suisse. Par ailleurs, son extrait SIAC n’était pas présent dans son dossier.

Enfin, l’expertise psychologique devait être écartée pour deux motifs. D’une part, l’excès de vitesse était inférieur à 60 km/h, constituant la vitesse plancher fixée par le Tribunal fédéral et, d’autre part, les autorités françaises avaient expressément renoncé à une évaluation médicale d’aptitude, de sorte qu’à leurs yeux, l’aptitude à la conduite du recourant ne faisait aucun doute.

7.             Par écriture du 24 octobre 2024, l'OCV s'est opposé à la restitution de l'effet suspensif au recours, soulignant que M. A______ était un multirécidiviste comme le démontrait son extrait SIAC. Par ailleurs, il ressortait de l'ordonnance pénale du ______ 2024 qu’il possédait également des antécédents judiciaires en France. Dans ces conditions, l'intérêt public à préserver la sécurité des autres usagers de la route devait primer sur l'intérêt privé du recourant à pouvoir recouvrer provisoirement son permis de conduire.

8.             Par écriture du 8 novembre 2024, M. A______ a répondu aux observations de l'OCV. Ses antécédents en Suisse ne pouvaient le ranger dans la catégorie des multirécidivistes. Quant à ses antécédents en France, il s'agissait d'antécédents pénaux au sens large, et non en matière de circulation routière. Par ailleurs, il fallait souligner que, jusqu'aux faits qui s'étaient déroulés en France et qui étaient contestés, il s'était déroulé à chaque fois quatre ans entre les différentes mesures prises à son encontre depuis 2016, ce qui correspondait à une amélioration de son comportement.

9.             Par courrier du 14 novembre 2024, le tribunal a invité M. A______ à fournir des explications suffisamment circonstanciées concernant les motifs pour lesquels il contestait les faits qui lui étaient reprochés par l'ordonnance pénale du ______ 2024.

10.         Par courrier du 19 novembre 2024, le conseil de M. A______ a expliqué qu'il avait interpellé son confrère français en charge de la procédure dans ce pays afin d'obtenir des éléments de réponse à fournir au tribunal. Il sollicitait à cet effet un délai supplémentaire au 5 décembre 2024.

11.         Par courrier du 5 décembre 2024, le conseil de M. A______ a indiqué que son confrère français n'était pas encore en possession du dossier pénal. Il était dès lors matériellement impossible de fournir les explications requises par le tribunal. M. A______ rappelait par ailleurs le réel besoin qu'il avait de pouvoir faire usage de son permis de conduire.

12.         Par courrier du 11 décembre 2024, le tribunal a rappelé à M. A______ que la décision litigieuse était fondée sur un dépassement de la vitesse maximale autorisée de 51 km/h dans la commune de Neydens. Dès lors, soit il contestait avoir été le conducteur au moment des faits, soit il contestait avoir commis le dépassement de vitesse susmentionnée. Il s'agissait des seuls éléments de fait sur lesquels le tribunal de céans devait se prononcer. Il était donc invité à se prononcer sur ce qui précédait, ce qui était le minimum pour permettre au tribunal de se déterminer sur la demande de restitution de l'effet suspensif.

13.         Par écriture du 13 décembre 2024, l'OCV s'est prononcé sur le fond de la procédure, concluant au rejet du recours.

14.         Par courrier du 20 décembre 2024, M. A______, se référant au courrier du tribunal du 11 décembre 2024, a expliqué qu'il contestait avoir commis le dépassement de vitesse. La procédure pénale française était toujours en cours, mais une audience avait été appointée au premier semestre 2025.

15.         Par décision du 14 janvier 2025 (DITAI/17/2025 du 14 janvier 2025), le tribunal a rejeté la demande de restitution d’effet suspensif du recourant, ce dernier faisant l’objet d’un retrait de sécurité.

16.         Le détail des pièces et des écritures des parties sera repris, ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

4.             Lorsque la procédure prévue par la loi fédérale sur les amendes d'ordre du 24 juin 1970 (LAO - RS 741.03) n'est pas applicable, une infraction aux prescriptions sur la circulation routière entraîne le retrait du permis d'élève-conducteur ou du permis de conduire ou un avertissement (art. 16 al. 2 LCR).

5.             Afin de déterminer s’il y a lieu de prononcer un retrait d’admonestation et, le cas échéant, sa durée, la LCR distingue les infractions légères, moyennement graves et graves (art. 16a à 16c LCR).

6.             Selon l’art. 16a al. 1 let. a LCR, commet une infraction légère la personne qui, en violant les règles de la circulation, met légèrement en danger la sécurité d’autrui et à laquelle seule une faute bénigne peut être imputée. Commet une infraction moyennement grave, selon l’art. 16b al. 1 let. a LCR, la personne qui, en violant les règles de la circulation, crée un danger pour la sécurité d’autrui ou en prend le risque. Commet en revanche une infraction grave, selon l’art. 16c al. 1 let. a LCR, la personne qui, en violant gravement les règles de la circulation, met sérieusement en danger la sécurité d’autrui ou en prend le risque.

7.             De jurisprudence constante, les limitations de vitesse, telles qu’elles résultent de la loi ou de la signalisation routière, valent comme limites au-delà desquelles la sécurité de la route est compromise. Elles indiquent aux conducteurs les seuils à partir desquels le danger est assurément présent. Leur respect est donc essentiel à la sécurité du trafic. En la matière, la jurisprudence a été amenée à fixer des règles précises afin d'assurer l'égalité de traitement entre conducteurs. Ainsi, les seuils fixés par la jurisprudence pour distinguer le cas de peu de gravité, le cas de moyenne gravité et le cas grave tiennent compte de la nature particulière du danger représenté pour les autres usagers de la route selon que l’excès de vitesse est commis sur une autoroute, sur une semi-autoroutes, sur une sortie d’autoroute, etc. (not. arrêts du Tribunal fédéral 1C_216/2009 du 14 septembre 2009 consid. 5.2; 1C_83/2008 du 16 octobre 2008 in JdT 2008 I 447 s. et les références citées).

En particulier, le cas est objectivement grave, c’est-à-dire sans égard aux circonstances concrètes ou encore à la bonne réputation du conducteur, en présence, notamment, d’un dépassement de la vitesse autorisée de 25 km/h à l’intérieur des localités, de 30 km/h ou plus hors des localités ou sur les semi-autoroute, et de 35 km/h ou plus sur les autoroutes (ATF 132 II 234 consid. 3.2 ; 124 II 259 consid. 2b).

8.             À teneur de l'art. 16cbis al. 1 LCR, après une infraction commise à l'étranger, le permis d'élève conducteur ou le permis de conduire est retiré aux conditions suivantes :

a.       une interdiction de conduire a été prononcée à l'étranger ;

b.      l'infraction commise est qualifiée de moyennement grave ou de grave en vertu des art. 16b et 16c.

L'art. 16cbis LCR constitue donc une base légale formelle permettant - si certaines conditions sont remplies - aux autorités administratives suisses d'ordonner un retrait d'admonestation du permis de conduire après une infraction au code de la route commise à l'étranger (cf. ATF 141 II 256 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_311/2018 du 2 avril 2019 consid. 4.2 ; 1C_325/2015 du 15 mars 2016 consid. 3.2).

La décision étrangère doit être exécutoire pour qu'une mesure de retrait du permis puisse être prononcée en Suisse (arrêts du Tribunal fédéral 1C_311/2018 du 2 avril 2019 consid. 3.1 ; 1C_255/2016 du 14 octobre 2016 consid. 4.1 ; 1C_22/2015 du 19 mars 2015 consid. 2). Il faut aussi, en particulier, que l’infraction commise à l'étranger implique en elle-même un retrait de permis selon le droit suisse (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_47/2012 du 17 avril 2012 consid. 2.2 et 3.3 ; Cédric MIZEL, Droit et pratique illustrée du retrait du permis de conduire, 2015, p. 657 s. et les références citées).

9.              Une décision est exécutoire lorsqu’elle constitue un titre suffisant pour qu’une autorité publique puisse procéder à l’exécution forcée des droits et des obligations qu’elle prévoit à la charge ou au bénéfice de ses destinataires. De même qu’une décision administrative revêt l’autorité de chose décidée, elle devient également exécutoire à compter du jour où elle est définitive. Cela étant, il arrive aussi fréquemment qu’une décision soit exécutoire avant d’être définitive, notamment lorsque le moyen de droit possible n’a (de par la loi) pas d’effet suspensif et cet effet suspensif n’a pas été octroyé (Jacques DUBEY, Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2025, p. 566-567 ad ch. 1351 s.).

10.         L’interdiction de conduire prononcée à l’étranger ne doit pas nécessairement émaner d’une autorité pénale dans la cadre d’une procédure pénale, un prononcé administratif rendu par un sous-préfet et cas échéant confirmé par un Tribunal administratif étant par exemple suffisant à cet égard (Yvan JEANNERET, André KUHN, Cédric MIZEL, Olivier RISKE, Code suisse de la circulation routière commenté, 2024, n. 1.2.2 p. 400 s. et les références citées).

11.         Selon l’article 528-1 du Code de procédure pénale français, l'ordonnance pénale à laquelle il n'a pas été formé opposition a les effets d'un jugement passé en force de chose jugée. Cependant, elle n'a pas l'autorité de la chose jugée à l'égard de l'action civile en réparation des dommages causés par l'infraction.

12.         Dans des cas prévus directement par le Code de la route français, un préfet est habilité à restreindre le droit de conduire d’un conducteur. En effet, la teneur de l’article R224-6, est la suivante « Dans les cas prévus aux articles L. 224-2 et L. 224-7, le préfet peut restreindre le droit de conduire d'un conducteur ayant commis l'une des infractions prévues par les articles L. 234-1, L. 234-8 et R. 234-1, par arrêté, pour une durée qui ne peut excéder un an, aux seuls véhicules équipés d'un dispositif homologué d'anti-démarrage par éthylotest électronique, installé par un professionnel agréé ou par construction, conformément aux dispositions de l'article L. 234-17, en état de fonctionnement et après avoir utilisé lui-même ce dispositif sans en avoir altéré le fonctionnement.

Pendant cette durée, le permis de conduire de l'intéressé est conservé par l'administration et l'arrêté du préfet vaut permis de conduire au sens des articles R. 221-1-1 à D. 221-3 et titre justifiant de son autorisation de conduire au sens du I de l'article R. 233-1.

L'arrêté du préfet est notifié à l'intéressé soit directement s'il se présente au service indiqué dans l'avis de rétention du permis de conduire, soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

L'arrêté du préfet portant restriction du droit de conduire en application du premier alinéa du présent I est transmis sans délai au procureur de la République dans le ressort duquel l'infraction a été commise.

Le procureur de la République communique sans délai au préfet du lieu de l'infraction toute décision judiciaire exécutoire ou définitive prononcée pour une infraction punie de la peine complémentaire d'interdiction de conduire un véhicule qui n'est pas équipé d'un dispositif homologué d'anti-démarrage par éthylotest électronique, installé par un professionnel agréé ou par construction ».

13.         Un arrêté émanant d’un préfet est une décision de nature administrative. Cette dernière peut être contesté par deux voies de droit, soit par un recours administratif auprès du préfet directement, qui permet de demander à l’administration de revoir sa position, soit ou par un recours contentieux devant un juge administratif. Ce recours n’empêche pas la décision attaquée de s’appliquer, sauf si l’on demande au juge pour éviter des effets graves, irréversibles ou irréparable de prendre une mesure provisoire de précaution en urgence, via une procédure de référé. En effet, conformément à l’art. L521-1 du Code de justice administrative français, quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F14836, consulté le 25.04.2025).

14.         A teneur de l’art. L224-9 du Code de la route français, quelle que soit sa durée, la suspension du permis de conduire ou l'interdiction de sa délivrance ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département en application des articles L. 224-2 et L. 224-7  cesse d'avoir effet lorsque est exécutoire une décision judiciaire prononçant une mesure restrictive du droit de conduire prévue au présent titre.

Les mesures administratives prévues aux articles L. 224-1 à L. 224-3 et L. 224-7 sont considérées comme non avenues en cas d'ordonnance de non-lieu ou de jugement de relaxe ou si la juridiction ne prononce pas effectivement de mesure restrictive du droit de conduire.

Les modalités d'application des deux alinéas précédents sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée des mesures administratives s'impute, le cas échéant, sur celle des mesures du même ordre prononcées par le tribunal.

15.         En l’espèce, le recourant s’est vu notifié une interdiction temporaire de conduire sur le territoire français pour une durée de cinq mois prononcée par le Préfet de Saint-Julien-en-Genevois et une ordonnance pénale le reconnaissant coupable de l’excès de vitesse qui lui est reproché le condamnant ainsi à une amende de EUR 1000.- et à une peine complémentaire, soit l’interdiction de conduire sur le territoire français pendant une durée de cinq mois. Ainsi que rappelé ci-dessus, en droit français, lorsqu’un prévenu fait opposition à une ordonnance pénale, cette dernière ne déploie pas un caractère exécutoire tant que l’opposition n’a pas été rejeté par un juge. Ainsi, puisque le recourant a fait opposition à l’ordonnance pénale susmentionnée, l’ordonnance pénale n’a pas caractère exécutoire. C'est sur ce motif que le recourant fonde son argumentation relative à la prétendue illégalité de la décision querellée.

Cependant, se pose également la question de savoir si l’interdiction de conduire sur le territoire français prononcé par le Préfet a force exécutoire et si elle peut valoir décision au sens de l’art. 16cbis al. 1 LCR. A ce sujet, il convient de rappeler que la décision du Préfet précise qu’elle cessera de produire des effets lorsque sera exécutoire une décision judiciaire prononçant une mesure restrictive du droit de conduire, ce qui signifie a contrario qu’elle déploie immédiatement des effets et ne cesse de le faire qu'au moment où elle est remplacée par une décision judiciaire exécutoire. Comme vu ci-dessus, la décision du Préfet peut être contestée par la voie du recours administratif, sans que celui-ci n'entraîne toutefois d'effet suspensif automatique, à moins d'en passer par une procédure de référé permettant de rétablir l’effet suspensif. Or, dans le cas d'espèce, le recourant n'a pas allégué, et a fortiori n'a pas démontré qu’il aurait interjeté un recours administratif à l’encontre de cet arrêté ou qu’il aurait entrepris une procédure en référé afin de bénéficier d’un effet suspensif. Quant à l'ordonnance pénale prononcée le 4 juin 2024, il ressort des dispositions légales françaises rappelées plus haut qu'elle n'est pas en elle-même de nature à faire obstacle au caractère immédiatement exécutoire de l'arrêté préfectoral. En s'opposant à cette ordonnance, le recourant a lui-même empêché que cette dernière ne devienne à son tour exécutoire et qu'en tant que décision judiciaire revêtue de cette caractéristique, elle ne remplace l'arrêté préfectoral. Force est ainsi de constater que l'arrêté préfectoral du ______ 2024 constituait, au moment où l'autorité intimée a rendu la décision querellée, une décision d'interdiction de conduire étrangère exécutoire au sens de l’art. 16cbis al. 1 LCR, n'ayant ni fait l'objet d'une procédure lui ôtant ce caractère exécutoire, ni été remplacée par une décision judiciaire exécutoire. La première condition prévue par cette disposition légale est bel et bien remplie.

S’agissant de la deuxième condition sur laquelle doit pouvoir se fonder la décision litigieuse, soit que l’infraction commise doit pouvoir être qualifiée de moyennement grave ou de grave en vertu des art. 16b et 16c, le recourant a dépassé la limite de vitesse autorisée hors localité de 51 km/h, marge de sécurité déduite. Conformément à l'art. 16c al. 1 let. a LCR et la jurisprudence précitée, cette infraction doit être qualifiée de grave.

16.         Selon l'art. 16c al. 2 let. d LCR, après une infraction grave, le permis de conduire est retiré pour une durée indéterminée, mais pour deux ans au minimum, si, au cours des dix années précédentes, le permis a été retiré au conducteur en cause à deux reprises en raison d'infractions graves ou à trois reprises en raison d'infractions qualifiées de moyennement graves au moins; il est renoncé à cette mesure si, dans les cinq ans suivant l'expiration d'un retrait, aucune infraction donnant lieu à une mesure administrative n'a été commise.

17.         Cette disposition pose la présomption irréfragable que le conducteur qui a commis deux infractions graves ou trois infractions moyennement graves en dix ans est inapte à la conduite, compte tenu du danger qu'il représente pour les autres usagers de la route (FF 1999 4135). Dans un arrêt du 12 décembre 2012, le Tribunal fédéral a jugé que le retrait de permis de conduire fondé sur cette disposition devait être considéré pour ces motifs comme étant un retrait de sécurité (ATF 139 II 95 consid. 3.4.3 et les références citées).

18.         En vertu des art. 16c al. 2 let. d et 16b al. 2 let. e LCR, seulement trois infractions qualifiées de graves ou quatre infractions qualifiées de moyennement graves en dix ans suffisent pour qu'un conducteur soit irréfragablement qualifié de caractériel et voie son permis lui être retiré à titre de sécurité pour une durée indéterminée de deux ans au moins, avec exigence d'une expertise psychologique favorable après ce délai d'attente minimal comme préalable à toute réadmission à la circulation (Cédric MIZEL, Retrait administratif du permis de conduire: le nouveau concept de récidive et la pratique des « cascades » in RPS 126/2008 p. 320).

19.         L'art. 16cbis al. 2 LCR prévoit que les effets sur la personne concernée de l'interdiction de conduire prononcée à l'étranger seront pris en compte dans une juste mesure lors de la fixation de la durée du retrait de permis, la durée minimale du retrait pouvant être réduite. Il précise en outre que pour les personnes qui ne figurent pas dans le registre des mesures administratives (art. 104b LCR), la durée de l'interdiction ne peut dépasser celle qui a été prononcée à l'étranger.

20.         Cette disposition a pour but d'éviter une double peine. Au moment de l'administration de la mesure en Suisse, il convient dès lors, entre autres, de considérer la durée de l'interdiction de conduire prononcée à l'étranger, de déterminer si la mesure a encore cours et, si tel est le cas, pour combien de temps encore ; il faut aussi examiner si les deux mesures échoient en même temps et si le conducteur dépend de son véhicule à l'étranger ou non (FF 2007 7172). En d'autres termes, la manière dont doit être prise en compte l'interdiction de conduire dans l'État étranger dépend des circonstances du cas d'espèce, en particulier de la fréquence à laquelle l'intéressé circule dans l'État qui lui a interdit ses routes et, partant, de la mesure dans laquelle cette interdiction a atteint l'intéressé durant la période où il a dû l'observer (ATF 129 II 168 consid. 6.3). L'imputation de la mesure étrangère déjà exécutée doit se faire de telle sorte que cette mesure et le retrait prononcé en Suisse n'apparaissent pas, dans leur ensemble, plus lourds que le retrait du permis national qui aurait été prononcé si l'infraction avait été commise en Suisse (Arrêt du Tribunal fédéral 6A.25/2006 du 28 mai 2006 consid. 3.2). Il sera ainsi possible, dans ces circonstances, de réduire la mesure suisse en deçà des périodes minimales prévues aux art. 16b et 16c LCR. Il appartient dès lors aux autorités administratives de trouver des solutions adéquates au cas par cas (FF 2007 7172).

21.         Il ressort de l'art. 16cbis al. 2 phr. 3 LCR a contrario que lorsque le conducteur a des antécédents, le système des cascades mentionné à l'art. 16b al. 2 et 16c al. 2 LCR s'applique aux retraits de permis consécutifs à une infraction commise à l'étranger (Message 2007, FF 2007 7172, arrêt du Tribunal fédéral 1C_47/2012 consid 2.2

22.         Le message précise encore que l'art. 16cbis LCR n'a pas d'incidence sur les retraits de "sécurité" prévus à l'art. 16 al. 1 et 16d LCR. Si les infractions commises à l'étranger font naître des doutes quant à l'aptitude à conduire, l'autorité suisse concernée doit, comme jusqu'ici, pouvoir prendre en Suisse les mesures qui s'imposent, que l'auteur de l'infraction ait été déchu ou non de son droit de conduire à l'étranger (FF 2007 7173). A cet effet, il sied de préciser que les retraits de sécurité d’office de l’art. 16b al. 2 let. e et 16c al.2 let. d LCR, de même que le délai d’attente de l’art. 16d al. 2 LCR associé au retrait de sécurité, s’appliquent conformément aux règles habituelles lorsque l’une des infractions qui les fondent a été commise à l’étranger (Yvan JEANNERET, André KUHN, Cédric MIZEL, Olivier RISKE, Code suisse de la circulation routière commenté, 2024, n. 2.4 p. 404 s. et les références citées).

23.         Selon l’art. 17 al. 3 LCR, le permis d’élève conducteur ou le permis de conduire retiré pour une durée indéterminée peut être restitué à certaines conditions après expiration d’un éventuel délai d’attente légal ou prescrit si la personne concernée peut prouver que son inaptitude à la conduite a disparu.

24.         Si l'aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fera l'objet d'une enquête dans les cas énumérés de manière non exhaustive à l'art. 15d al. 1 let. a à e LCR (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.1), notamment en cas d'infractions aux règles de la circulation dénotant un manque d'égards envers les autres usagers de la route (art. 15d al. 1 let. c LCR). Si les qualifications nécessaires à la conduite soulèvent des doutes, la personne concernée peut être soumise à une course de contrôle, à un examen théorique, à un examen pratique de conduite ou à toute autre mesure adéquate telle que la fréquentation de cours de formation, de formation complémentaire ou d’éducation routière (art. 15d al. 2 LCR).

25.         En l’espèce, le recourant s’est déjà vu retirer son permis de conduire au cours des dix dernières années précédentes à deux reprises en 2017 et 2020 en raison d’infractions graves.  Il s'est par ailleurs écoulé moins de cinq ans entre la dernière de ces décisions et l'infraction considérée dans le cas d'espèce. Par conséquent, l'autorité intimée a correctement appliqué l'art. 16c al. 2 let. d LCR en prononçant la décision litigieuse, le recourant devant être irréfragablement présumé inapte à la conduite de véhicules à moteur.

Par ailleurs, comme le précise la jurisprudence susmentionnée, l'art. 16cbis LCR n'a pas d'incidence sur le retrait de sécurité. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner dans quelle mesure le recourant a été atteint par l'interdiction de conduire prononcée en France et la durée de cinq mois purgée en France ne saurait ainsi être imputée sur la durée de retrait prononcée en Suisse.

S’agissant de l’obligation faite au recourant de présenter une expertise réalisée par un psychologue du trafic pour lever cette mesure, elle est tout aussi justifiée. En effet, ayant déjà été condamné à deux retrait de permis pour excès de vitesse, par son comportement et son absence de prise de conscience, le recourant fait sérieusement douter de son aptitude à mesurer les risques qu’il peut encourir pour lui-même et faire courir à autrui. Le fait que les autorités françaises ont renoncé à prononcer cette mesure n’oblige pas les autorités suisses à faire de même, d'autant que très vraisemblablement, les autorités françaises n'ont pas eu à tenir compte des antécédents commis en Suisse. Au vu desdits antécédents, cette mesure parait ainsi proportionnée et justifiée pour atteindre le but visé et est par ailleurs conforme à la doctrine précitée qui prévoit que trois infractions qualifiées de graves en dix ans suffisent pour qu'un conducteur soit irréfragablement qualifié de caractériel et voie son permis lui être retiré à titre de sécurité pour une durée indéterminée de deux ans au moins, avec exigence d'une expertise psychologique favorable. L’arrêt du Tribunal fédéral qui, selon le recourant, fixe une vitesse plancher de 60 km/h ne lui est d’aucune aide puisque l’expertise se justifie ici non pas seulement à cause de l’excès de vitesse qui lui est reproché, mais du fait qu’il s’agit de la troisième infraction grave qu’il commet en l’espace de dix ans.

26.         Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que l’autorité intimée a prononcé la décision querellée.

27.         Mal fondé, le recours est rejeté.

28.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, pris conjointement et solidairement, qui succombe est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais de même montant versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 9 octobre 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du ______ 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais de même montant ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier