Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/401/2025 du 14.04.2025 ( ICCIFD ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 14 avril 2025
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Philippe MANTEL, avocat, avec élection de domicile
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS
1. Le litige concerne la taxation 2022 de Monsieur A______.
2. L’intéressé est père de deux fils, Monsieur B______ et Monsieur C______, nés respectivement en 1998 et 2001 dont la mère, Madame D______, est décédée le ______ 2022. Les époux A______ avaient divorcé en 2015.
Les deux fils de Mme D______, uniques héritiers de leur mère, sont convenus de la répartition de sa succession par acte du ______ 2023.
3. Dans sa déclaration fiscale 2022, le contribuable a mentionné son fils C______, étudiant, comme charge de famille.
4. Par bordereaux datés du 21 février 2024, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé le précité pour l’année 2022. Elle ne lui a pas accordé la déduction sociale pour son fils, dès lors que le revenu et la fortune de celui-ci excédaient les plafonds lui permettant de bénéficier d’une charge de famille.
5. Le 4 avril 2024, le contribuable a élevé réclamation à l’encontre de ces taxations.
6. Par décisions du 28 mai 2024, l’AFC-GE a rejeté la réclamation. Même si le partage successoral était intervenu le 4 [recte : 14] juillet 2022, c’était la situation au 31 décembre 2022 qui demeurait déterminante en matière d’octroi de charges de famille. Or, à cette date, les fils du recourant disposaient d’un revenu et d’une fortune tels qu’ils ne représentaient plus une charge de famille pour le précité.
7. Par acte du 28 juin 2024, le contribuable a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à l’annulation des décisions du 28 mai précédent, sous suite de frais et dépens.
Au décès de leur mère, ses fils avaient continué d’habiter chez lui et ils n’avaient pu percevoir qu’en 2023 leur part provenant de leur héritage. Dans l’intervalle, il avait dû financer leur train de vie. Le décès de son ex-épouse devait être traité de la même manière qu’un cas d’assujettissement partiel. Dès lors, ainsi qu’il résultait de la jurisprudence, la charge de famille devait lui être accordée pro rata temporis, tant pour l’IFD que pour l’ICC.
8. Dans sa réponse du 30 août 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.
Dès lors que le recourant avait été assujetti durant toute l’année 2022, la situation au 31 décembre était déterminante pour l’octroi des charges de famille.
En outre, à teneur des avis de taxation de ses fils, produits sous le couvert du secret fiscal, ceux-ci avaient été imposés sur des revenus et sur une fortune excédant les seuils au-dessus desquels aucune charge de famille n’entrait en ligne de compte. Le refus d’octroyer une déduction sociale en ICC se justifiait pour ce motif déjà. Ce raisonnement pouvait être repris pour l’IFD, dès lors que la situation financière de la personne aidée devait également être prise en compte dans le cadre de l’octroi d’une déduction sociale.
Même si la convention n’avait été signée et enregistrée qu’en 2023, les biens hérités faisaient parties des assiettes fiscales des fils du recourant à la fin de l’année 2022. Il convenait d’en tenir compte pour l’octroi des charges de famille.
La jurisprudence citée par le recourant n’était pas pertinente, car elle concernait une situation différente du cas d’espèce, soit la prise en compte de la déduction pour enfant lorsque celui-ci atteignait l’âge de la majorité en cours d’année.
9. Par réplique et duplique des 24 septembre et 14 octobre 2024, le contribuable et l’AFC-GE ont campé sur leurs positions respectives.
10. Par lettre du 18 mars 2025, donnant suite à une demande de renseignements du tribunal du 12 mars précédent, le recourant a expliqué que ses fils avaient pu accéder aux comptes bancaires de leur feue mère à la fin de l’année 2022, mais les biens immobiliers étaient demeurés en hoirie. Cependant, ses enfants étaient demeurés à sa charge jusqu’à cette date.
L’intéressé a produit la déclaration fiscale 2022 de M. C______.
11. Les arguments des parties seront repris, ci-après, dans la mesure utile.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.
3. Le recourant conclut à l’octroi d’une déduction sociale pour son fils majeur C______.
Impôt fédéral direct
4. Sont déduits du revenu CHF 6'500.- pour chaque enfant mineur ou faisant un apprentissage ou des études, dont le contribuable assure l’entretien […] (art. 35 al. 1 let. a LIFD).
5. Les déductions sociales sont fixées en fonction de la situation du contribuable à la fin de la période fiscale (art. 40 LIFD) ou de l’assujettissement. (art. 35 al. 2 LIFD). En cas d’assujettissement partiel, les déductions sociales sont accordées proportionnellement (art. 35 al. 3 LIFD).
6. Lorsque l’enfant dispose de revenus propres, obtenus en particulier dans le cadre de sa formation ou de ses études, encore faut-il, pour que la déduction de l’art. 35 al. 1 lit. a LIFD puisse être octroyée, qu’il soit dépendant de l’entretien que ses parents lui fournissent, et que les prestations d’entretien annuelles de ces derniers atteignent au minimum le montant de cette déduction (arrêt du Tribunal fédéral 2A.536/2001 du 29 mai 2002 consid. 3.2.1). L’enfant n’est pas considéré comme dépendant du contribuable pour son entretien lorsque, malgré sa formation, il est en mesure de subvenir lui-même à ses besoins par le produit de son travail ou par ses autres ressources (RF 2014, 302, consid. 2.1).
7. Un besoin d’assistance est toujours donné lors que la personne entretenue ne se trouve pas à long terme pour des raisons objectives, indépendantes de sa volonté, en situation de subvenir à ses besoins, de manière totale ou partielle et, par conséquent, dépend de l’aide d’un tiers (besoin objectif), (Felix RICHNER, Walter FREI, Stefan KAUFMANN, Hans Ulrich MEUTER, Handkommentar zum DBG, 4ème édition, 2023, art. 35, n. 66, p. 762 et les réf.).
8. Le Tribunal fédéral, dans un arrêt rendu le 15 novembre 2023 (9C_190/2023 résumé in ASA 92 p. 893) a confirmé le refus d’octroyer à un contribuable une déduction sociale pour sa fille majeure en raison de l'absence de nécessité de subvenir à ses besoins. Celle-ci disposait, en effet, d’une fortune s’élevant à quelque CHF 237'000.- qui se composait en majorité de liquidités.
9. Si les conditions d’octroi des déductions sociales ne sont plus remplies à la date de référence (par ex. fin des études durant l’année, c’est-à-dire avant la date de référence), il n’y a pas d’octroi proportionnel de la déduction. En revanche, en cas de naissance d’un enfant avant la fin de l’année, par exemple, la déduction intégrale est accordée, d’autant plus que la situation à la fin de la période fiscale est déterminante. Il peut y avoir une exception à ce principe et donc une attribution proportionnelle de la déduction pour enfant lorsque celui-ci atteint l’âge de la majorité acquise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_905/2017 du 11 mars 2019 ; Ivo P. BAUMGARTNER, Olivier EICHENBERGER, in Martin ZWEIFEL, Michael BEUSCH, Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, 4ème édition, 2022, art. 35, n. 33, p. 862).
10. En l’espèce, l’AFC-GE a refusé d’octroyer au recourant une déduction sociale pour son fils C______, mentionné comme étudiant par le contribuable dans sa déclaration fiscale. Elle ne conteste cependant pas que le précité suivait des études au 31 décembre 2022.
Le partage de la succession de feu Mme D______ est intervenu le ______ 2023. Cependant, il résulte de la lettre adressée par le recourant au tribunal le 18 mars 2025 que C______ pouvait accéder aux comptes bancaires de la défunte à la fin de l’année 2022. Or, à teneur de la déclaration fiscale du prénommé de cette même année, le solde de ceux-ci totalise CHF 595'188.-. Au vu de l’ampleur de sa fortune mobilière, le tribunal considère que C______ était en mesure de subvenir à ses besoins par ses propres moyens. Il importe peu que le recourant l’aurait effectivement entretenu, parce que celui-ci n’aurait pu accéder à ses comptes que vers la fin de l’année 2022. En effet, s’agissant de l’octroi des déductions sociales, est seule déterminante en l’espèce la situation prévalant au 31 décembre 2022. Au surplus, le contribuable se prévaut en vain de l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_905/2017 susmentionné, car cette affaire concerne la problématique de l’octroi de déductions sociales lorsqu’un enfant atteint la majorité en cours d’année. Tel n’est pas du tout le cas en l’espèce, puisque C______, né en 2001, est devenu majeur en 2019.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté en tant qu’il concerne l’IFD.
Impôt cantonal et communal
11. Dans sa teneur en vigueur en 2022, l’art. 39 al. 2 let. b LIPP prévoit que constitue un charge de famille chaque enfant majeur, jusqu’à l’âge de 25 ans révolus qui, durant l’année civile, est apprenti au bénéfice d’un contrat d’apprentissage ou étudiant régulièrement inscrit dans un établissement d’enseignement secondaire ou supérieur, et dont la fortune ne dépasse pas CHF 87'330.-, lorsqu’il n’a pas un revenu supérieur à CHF 15'557.- (charge entière) ou CHF 23'335.- (demi-charge), pour celui des parents qui pourvoit à son entretien.
Selon l’art. 39 al. 2 let. c LIPP, constituent également des charges de famille les ascendants et descendants (dans les autres cas que ceux visés aux let. a et b), frères, sœurs, oncles, tantes, neveux et nièces, incapables de subvenir entièrement à leurs besoins, qui n’ont pas une fortune supérieure à CHF 87'330.- ni un revenu annuel supérieur à CHF 15'557.- (charge entière) ou à CHF 23'335.- (demi-charge), pour celui de leur proche qui pourvoit à leur entretien. La déduction est toutefois limitée aux dépenses effectivement encourues mais au maximum aux montants figurant à l’al. 1.
En 2022, la déduction pour charge de famille, respectivement pour demi-charge de famille s’élevait à CHF 13'000.- et à CHF 6'500.- (art. 39 al. 1 LIPP).
12. La notion de « proches incapables de subvenir entièrement à leurs besoins » doit être interprétée de manière stricte : le proche à charge doit faire partie des membres de la famille énoncés à l’art. 39 al. 2 let. c LIPP et il ne doit pas être capable, en raison de son âge ou d’une déficience qui lui est propre, de gagner sa vie, d’occuper un emploi rémunéré ou d’avoir une activité produisant un gain supérieur aux minima légaux (ATA/604/2023 du 6 juin 2023 consid. 5.2).
13. Le revenu des personnes aidées à prendre en considération est le revenu brut et non le revenu net (ATA/631/2021 du 15 juin 2021).
14. Les déductions sociales et les barèmes sont déterminés d’après la situation existant à la fin de la période fiscale ou de l’assujettissement (art. 65 al. 1 LIPP). Si les conditions d’assujettissement ne sont réalisées que durant une partie de la période fiscale, les déductions sociales sont accordées proportionnellement. Elles sont entièrement prises en considération pour le calcul du taux (art. 65 al. 2 LIPP).
15. En l’espèce, le 31 décembre 2022, jour déterminant pour l’octroi des charges de famille, C______ avait accès aux comptes bancaires de la défunte. Or, à teneur de sa déclaration fiscale 2022, le solde de ceux-ci totalisait CHF 595'188.-. Le montant de sa fortune mobilière exclut qu’il puisse être considéré comme une charge de famille pour son père. Ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, il importe peu que ce dernier aurait effectivement entretenu son fils C______, parce que celui-ci n’aurait pu accéder à ses comptes que vers la fin de l’année 2022. En effet, s’agissant de l’octroi des charges de famille, est seule déterminante la situation prévalant au 31 décembre 2022.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté en tant qu’il concerne l’ICC.
16. En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais de CHF 700.- versée à la suite du dépôt du recours.
Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 28 juin 2024 par Monsieur A______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 28 mai 2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant: Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Philippe FONTAINE et Yuri KUDRYAVTSEV, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
Le président
Olivier BINDSCHEDLER TORNARE
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| La greffière |