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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3095/2024

JTAPI/308/2025 du 25.03.2025 ( OCPM ) , REJETE

IRRECEVABLE par ATA/767/2025

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3095/2024

JTAPI/308/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 mars 2025

 

dans la cause

 

Madame A______, agissant en son nom et celui de sa fille mineure B______

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1999, ressortissante serbe, est arrivée en Suisse, en août 2022.

2.             Le 24 octobre 2022, elle a donné naissance à Genève à sa fille B______, qui aurait pour père Monsieur C______.

3.             Le 4 août 2023, Mme A______ a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) une demande d’autorisation de séjour pour regroupement familial, voire pour cas de rigueur en faveur d’elle-même et de son enfant.

Elle avait résidé dans son pays d’origine jusqu’en août 2022, à la suite de quoi elle s’était rendue enceinte à Genève pour rejoindre M. C______ avec qui elle vivait une relation conjugale depuis deux ans et qui avait l’intention de reconnaître sa fille.

La garde de B______ lui avait été retirée par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE) dès lors que sa prise en charge n’était pas assurée de manière adéquate. Sa fille avait été placée à l’Unité de développement en hospitalisation sociale. Une curatelle de surveillance du droit de visite avait été instaurée. Le service de protections des mineurs (ci‑après :  SPMi) était d’avis que le bien de B______ et d’elle-même commandait à ce qu’elles ne soient pas renvoyées dans leur pays d’origine, étant donné qu’elles ne pourraient pas y bénéficier d’une prise en charge et parce que le père de l’enfant résidait à Genève. Enfin, sa propre famille la rejetait, puisqu’elle était devenue mère sans être mariée.

4.             Depuis le 13 février 2014, Mme A______ et sa fille résident au D______.

5.             Par courriel du 17 mai 2024, l’intéressée a répondu à une demande de renseignements que l’OCPM lui avait adressée le 8 avril précédent.

Elle était enceinte de six mois, le père de l’enfant à naître étant M. C______. Elle ne pouvait rentrer dans son pays, car elle n’y serait pas en mesure de subvenir à son propre entretien, ni à celui de ses enfants. Les membres de sa famille étaient pauvres et personne ne pourrait l’aider sur place. Le système de sécurité sociale était très lacunaire et ne permettait pas de vivre dignement, de sorte qu’un renvoi en Serbie était inexigible.

6.             Le 24 mai 2024, elle a encore expliqué à l’OCPM que M. C______ logeait sans doute dans un hôtel à Genève, dont elle ignorait le nom. Par ailleurs, selon l’éducatrice du D______, même si le SPMi interdisait officiellement les rencontres, le précité rendait visite à sa fille de temps en temps. Cependant, il n’avait pas entrepris les démarches en vue de la reconnaître, ni afin de prendre contact avec les intervenants en protection de l’enfant.

7.             Par lettre du 24 mai 2024, l’OCPM a fait part à Mme A______ de son intention de rejeter sa requête. Un délai lui a été accordé pour faire valoir son droit d’être entendu.

8.             Dans le cadre de l’instruction de la cause, le 27 mai 2024 l’office cantonal des poursuites a attesté que Mme A______ faisait l’objet d’actes de défaut de biens pour une somme totale de CHF 5'521.-. Le 28 mai 2024, l’Hospice général a certifié qu’elle et sa fille étaient entièrement aidées financièrement depuis le 1er novembre 2023, le montant total des prestations se chiffrait à CHF 34'837.-.

9.             Mme A______ s’est déterminée par pli du 27 juin 2024 en joignant une attestation du SPMi datée du 25 juin précédent.

10.         Par décision du 21 août 2024, l’OCPM a refusé d’accorder à Mme A______ et à sa fille B______ une autorisation de séjour et a prononcé leur renvoi de Suisse.

La situation de Mme A______ ne représentait pas un cas de détresse personnelle. Elle ne résiderait en Suisse que depuis moins de deux ans, était entièrement assistée financièrement par le D______ qui l’hébergeait et l’entretenait. En outre, elle émargeait à l’aide sociale depuis le 1er novembre 2023.

Même si elle ne souhaitait pas regagner la Serbie compte tenu de sa situation familiale précaire, elle était arrivée en Suisse en bonne santé. Rien ne s’opposait à son retour dans son pays d’origine où elle avait vécu toute sa vie avant d’immigrer en Suisse à l’âge de 23 ans. Le dossier ne faisait pas non plus apparaître que son renvoi se révélerait impossible, illicite ou inexigible. Il lui serait par ailleurs possible de solliciter de l’aide des autorités serbes, étant précisé que cet État versait des prestations à ses ressortissants domiciliés sur son territoire, notamment des allocations de naissance et des allocations familiales.

En outre, les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour pour concubinage n’étaient pas réalisées. Un mariage avec M. C______ n’apparaissait pas imminent, dès lors qu’aucun document de l’état civil n’attestait de ce projet. Mme A______ n’avait pas démontré l’existence d’une relation stable d’une certaine durée. Ils ne logeaient par ailleurs pas à la même adresse. B______ ne faisait pas ménage commun avec son père et celui-ci n’avait entrepris aucune démarche en vue d’établir un lien de filiation avec sa fille, ni avec l’enfant à naître. Il n’avait pas non plus démontré qu’il entretenait des relations avec elle d’un point de vue affectif, ni qu’il participait financièrement à son entretien.

La recourante ne pouvait invoquer aucun droit à une autorisation de séjour sous l’angle du regroupement familial, ni en se fondant sur l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Enfin, il lui était loisible d’aménager un éventuel droit de visite depuis l’étranger.

11.         Le ______ 2024, Mme A______ a donné naissance à son fils E______ à Genève.

12.         Par acte du 19 septembre 2024, Mme A______, agissant en son nom et celui de sa fille mineure B______, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de la décision du 21 août précédent, en concluant à ce que l’OCPM transmette son dossier au secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) avec un préavis favorable, en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, subsidiairement afin qu’elle soit admise provisoirement.

Elle vivait au D______ avec ses deux enfants, que M. C______ avait l’intention de reconnaître. Le SPMi les suivait et le prochain contact aurait lieu le 26 septembre 2024. Ils aborderaient alors la question de la contribution d’entretien de M. C______ en faveur de ses enfants et sa situation de séjour. Elle ne pouvait pas retourner en Serbie, dès lors qu’elle ne saurait pas où s’installer et ne disposait pas de moyens pour y vivre dignement avec sa famille.

Elle se trouvait dans une situation d’extrême gravité. L’OCPM avait apprécié arbitrairement sa situation, de sorte que la décision attaquée devait être annulée. À défaut, son renvoi devait être considéré comme inexigible, car il la condamnerait à vivre dans des conditions d’existence misérables. Son dossier devait être soumis au SEM en vue du prononcé d’une admission provisoire.

13.         Dans ses observations du 25 novembre 2024, l’OCPM a proposé le rejet du recours, reprenant les arguments exposés dans sa décision sur réclamation.

L’autorité intimé a notamment ajouté que M. C______ n’avait toujours pas reconnu ses enfants. Il ne pourvoyait pas à leur entretien et ne paraissait leur rendre visite que de manière très aléatoire. Par ailleurs, il ne disposait d’aucun titre de séjour, étant donné que la prolongation de celui-ci était actuellement examinée à la suite de sa séparation.

L’OCPM a produit son dossier.

14.         Par réplique du 7 janvier 2025, Mme A______ a maintenu son recours.

Un renvoi dans son pays d’origine la placerait dans une situation si compliquée qu’il devait être qualifié d’inexigible. En effet, les aides auxquelles elle pourrait prétendre, selon l’OCPM, se révélaient très hypothétiques et en tant qu’albanaise de nationalité serbe, elle serait très certainement maltraitée, victime de discriminations. En outre, elle serait rejetée par sa propre famille et risquerait de se retrouver à la rue avec ses enfants.

Le père de ceux-ci était vraisemblablement incarcéré et elle n’avait aucun contact avec lui. Elle produisait une attestation de Madame F______, juriste titulaire auprès du SPMi, du 2 janvier 2025, qui étudiait la possibilité de l’instauration d’une curatelle pour établir la filiation paternelle sur les deux enfants. La situation n’avait pas encore pu être présentée au TPAE.

15.         Dans sa duplique du 4 février 2025, l’OCPM a fait valoir que même si les démarches en vue d’établir la filiation paternelle de M. C______ devaient aboutir, elles n’auraient pas d’incidence sur l’issue du recours, compte tenu du statut incertain du précité et de l’absence de liens étroits entre celui-ci et ses enfants.

16.         À teneur de la base de données de l’OCPM, M. C______ vit séparé de son épouse. Son permis B est échu depuis 2021.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b).

5.             La recourante demande que l’OCPM transmette son dossier au SEM avec un préavis favorable afin que cette autorité délivre une autorisation de séjour pour cas de rigueur à elle-même et à sa famille.

6.             Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'une extrême gravité.

L'art. 31 al. 1 OASA, qui précise les critères déterminants pour la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, dispose que, lors de l'appréciation du cas, il convient de tenir compte, notamment, de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse par celui-ci (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) et de ses possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3), d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/1669/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7b).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu’ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1).

7.             Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, étant relevé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. On ne saurait tenir compte des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place, auxquelles les personnes concernées pourraient être également exposées à leur retour, sauf si celles-ci allèguent d’importantes difficultés concrètes propres à leur cas particulier (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-5341/2020 du 7 février 2022 consid. 6.7).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4d et les références citées).

8.             Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, l’intéressé possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 5.4).

9.             S’agissant de la condition de la durée totale du séjour, elle constitue un critère important de reconnaissance d’un cas de rigueur. Il importe cependant de rappeler que selon la jurisprudence applicable en la matière, le simple fait pour un étranger de séjourner en Suisse pendant de longues années ne permet pas d’admettre un cas personnel d’une extrême gravité. Il s’agit d’un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul (ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e). En outre, la durée d’un séjour illégal, ainsi qu’un séjour précaire ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3). Par durée assez longue, on entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012). Le Tribunal fédéral a en outre considéré que l’on ne saurait inclure dans la notion de séjour légal les périodes où la présence de l’intéressé est seulement tolérée en Suisse et qu’après la révocation de l’autorisation de séjour, la procédure de recours engagée n’emporte pas non plus une telle conséquence sur le séjour (arrêt 2C_926/2010 du 21 juillet 2011).

10.         En ce qui concerne la condition de l’intégration au milieu socioculturel suisse, la jurisprudence considère que, d’une manière générale, lorsqu’une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l’âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

Il est parfaitement normal qu’une personne, ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers, s’y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l’une des langues nationales. Aussi, les relations d’amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l’étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d’une situation d’extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3).

L’intégration socioculturelle n’est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l’engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d’une intégration réussie, voire remarquable (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine).

11.         Les enfants mineurs partagent, du point de vue du droit des étrangers, le sort des parents qui en ont la garde (arrêt du Tribunal fédéral 2C_529/2020 du 6 octobre 2020 consid. 5.3). Afin de tenir compte de la situation spécifique des familles, une présence de cinq ans en Suisse doit être retenue comme valeur indicative (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, octobre 2013 – état au 1er janvier 2025 [ci-après : directives LEI], ch. 5.6.10.4). Comme pour les adultes, il y a lieu de tenir compte des effets qu’entraînerait pour les enfants un retour forcé dans leur pays d’origine. Il faut prendre en considération qu’un tel renvoi pourrait selon les circonstances équivaloir à un véritable déracinement, constitutif d’un cas personnel d’extrême gravité. Pour déterminer si tel serait le cas, il faut examiner plusieurs critères. La situation des membres de la famille ne doit pas être considérée isolément, mais en relation avec le contexte familial global (ATF 123 II 125 consid. 4a).

D’une manière générale, lorsqu’un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d’origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3493/2017 du 12 septembre 2019 consid. 7.7.1).

Sous l'angle du cas de rigueur, le Tribunal fédéral a considéré que cette pratique différenciée réalisait la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle qu'elle est prescrite par l'art. 3 al. 1 CDE (arrêt du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3).

12.         Selon la jurisprudence, un étranger peut, selon les circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie familiale au sens de l’art. 8 par. 1 CEDH pour s’opposer à une éventuelle séparation de sa famille. Les relations familiales visées par l’art. 8 par. 1 CEDH sont avant tout celles qui concernent la famille dite nucléaire, soit celles qui existent entre époux ainsi qu’entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun. Cependant, une relation hors famille nucléaire peut tomber sous le coup de la vie familiale au sens de l’art. 8 par. 1 CEDH s’il existe un rapport de dépendance particulier entre la personne étrangère et un proche parent au bénéfice d’un droit de présence assuré en Suisse, par exemple en raison d’un handicap - physique ou mental - ou d’une maladie grave dont il souffrirait (ATF 144 II 1 consid. 6.1).

13.         Sous l’angle étroit de la protection de la vie privée, l’art. 8 CEDH ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l’étranger devant établir l’existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d’une intégration ordinaire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_255/2020 du 6 mai 2020 consid. 1.2.2). Lorsque l’étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de présumer que les liens sociaux développés sont à ce point étroits qu’un refus de renouveler l’autorisation de séjour ou la révocation de celle-ci ne peuvent être prononcés que pour des motifs sérieux. Ce « séjour légal » n’inclut pas les années de clandestinité dans le pays. Il convient du reste de ne pas encourager les personnes étrangères à vivre en Suisse sans titre de séjour et de ne pas valider indirectement des comportements tendant à mettre l’État devant le fait accompli. La présomption qu’il existe un droit de demeurer en Suisse après un séjour légal de dix ans ne s’applique ainsi pas dans le cas d’une première demande d’autorisation après un séjour illégal. Cela étant, une personne ayant résidé en Suisse sans autorisation de séjour peut, à titre exceptionnel, se prévaloir d’un droit au respect de la vie privée découlant de l’art. 8 CEDH pour demeurer en Suisse, à condition qu’elle fasse état de manière défendable d’une intégration hors du commun (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2024 du 16 mai 2024 consid. 4.2.1).

14.         Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI). L'autorité compétente dispose d'un très large pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'examen des conditions de l'art. 31 al. 1 OASA.

15.         En l’espèce, la recourante a immigré en Suisse, selon ses propres déclarations, en août 2022. Elle y réside dès lors depuis moins de trois ans, ce qui représente une courte durée de présence. À cela s’ajoute que celle-ci s’est toujours déroulée dans l’illégalité ou sous la tolérance de l’OCPM.

L’intéressée ne dispose d’aucune source de revenus propre et émarge à l’Hospice général depuis le 1er novembre 2023. Le tribunal conçoit tout à fait que l’intéressée n’a pas été en mesure d’exercer une activité lucrative depuis son arrivée à Genève et partant, qu’elle dépend de l’aide sociale. En effet, elle élève seule ses très jeunes enfants, nés respectivement en octobre 2022 et septembre 2024. Cependant, elle n’expose pas qu’elle aurait entrepris des efforts pour s’intégrer, par exemple en entamant l’apprentissage de la langue française. Ainsi, elle n’établit pas qu’elle aurait noué avec la Suisse des liens à ce point profonds qu’il ne puisse être exigé d’elle et de ses deux enfants qu’ils mettent un terme à leur séjour sur le territoire helvétique.

Née en 1999, la recourante est ainsi arrivée à Genève à l’âge de 23 ans. C’est dire qu’elle a passé dans son pays d’origine son enfance et le début de sa vie d’adulte, mais surtout toute son adolescence, laquelle constitue la période de la vie décisive pour la formation de la personnalité. Par ailleurs, ainsi qu’elle l’indique dans ses écritures, des membres de sa famille résident en Serbie. La recourante n’allègue par ailleurs pas qu’elle-même ou ses enfants souffriraient de problèmes de santé.

B______, âgée de quelque deux ans, au vu de son jeune âge, ne fréquente pas encore l’école et demeure rattachée à son pays d’origine par le biais de sa mère, dont elle dépend entièrement. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que son père ne l’a pas reconnue et qu’il n’entretient que des contacts sporadiques avec elle. Ainsi, un retour dans sa patrie ne saurait représenter un déracinement pour elle.

Le même raisonnement s’applique à l’égard d’E______, âgé d’environ sept mois, qui est né postérieurement à la décision attaquée et qui, dès lors, n’a pas été inclus par l’OCPM dans la décision attaquée.

Les discriminations invoquées par la recourante en raison de son ethnie albanaise sont uniquement alléguées, mais elles ne sont pas démontrées. De surcroît, elle ne prouve pas que la situation de précarité dans laquelle elle se retrouverait en Serbie se révélerait pire que celle que devrait affronter une autre femme appartenant à sa communauté, qui serait contrainte de regagner son pays d’origine.

La recourante ne peut obtenir, sur la base de l’art. 8 CEDH, un droit de séjour en Suisse. En effet, elle y réside clandestinement depuis moins de dix ans sans y être intégrée. En outre, elle ne se prévaut d’aucun lien avec une personne disposant d’un droit de présence assuré en Suisse. Au reste, elle n’est pas mariée avec M. C______, dont le permis B est à ce jour échu.

Enfin, elle ne saurait obtenir une autorisation de séjour en raison de ses relations de concubinage avec M. C______, dès lors qu’elle n’a pas démontré qu’elle avait vécu avec lui en Suisse et qu’il ne dispose pas d’un titre de séjour valable.

16.         En conclusion, l’appréciation que l’OCPM a faite de la situation de la recourante et de sa famille sous l’angle des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA ne prête pas le flanc à la critique. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit faire preuve de retenue et respecter la latitude de jugement conférée à l’autorité intimée, ne saurait en corriger le résultat en fonction d’une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire.

17.         La recourante requiert son admission provisoire.

18.         Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, l’autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée. Elles ne disposent à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1).

19.         Le renvoi d'un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

Aux termes de l'art. 83 al. 4 LEI, l'exécution de la décision de renvoi peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale.

Cette disposition s’applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu’ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu’elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin ou qu’elles seraient, selon toute probabilité, condamnées à devoir vivre durablement et irrémédiablement dans un dénuement complet et, ainsi, exposées à la famine, à une dégradation grave de leur état de santé, à l’invalidité, voire à la mort. En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d’emploi et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (arrêts du Tribunal administratif fédéral D-5367/2015 du 24 mars 2020 consid. 8).

Dans un arrêt du 8 mars 2024 (E-1198/2024), le Tribunal administratif fédéral a jugé exigible le renvoi d’une ressortissante serbe ayant vécu au Kosovo, qui se prévalait notamment de la discrimination systématique de la minorité albanaise du sud de la Serbie.

20.         En l’espèce, la recourante fait valoir qu’en cas de renvoi en Serbie, elle rencontrerait de graves difficultés pour entretenir sa famille. D’ethnie albanaise, elle serait victime de discriminations et ne percevrait pas d’allocations de la part de cet État. Enfin, elle soutient que sa famille la rejetterait, dès lors qu’elle est devenu mère hors mariage.

Même si les problèmes dont la recourante se prévaut étaient démontrés, il n’en résulte pas qu’elle et sa famille se retrouveraient, en cas de retour dans leur pays d’origine, dans un tel dénuement que leur santé serait gravement mise en danger au point qu’un renvoi devrait être qualifié d’inexigible.

Partant, la recourante et sa famille ne remplissent pas les conditions pour être admises provisoirement en Suisse.

21.         Ne reposant sur aucun motif valable, le recours doit être rejeté.

22.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

23.         Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

24.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 19 septembre 2024 par Madame A______, agissant en son nom et celui de sa fille mineure B______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 21 août 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier