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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2475/2024

JTAPI/71/2025 du 20.01.2025 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : DÉCISION SUR OPPOSITION;RETARD;RESTITUTION DU DÉLAI
Normes : LPFisc.39.al1; LIFD.132.al1
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2475/2024 ICCIFD

JTAPI/71/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 janvier 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______ et Madame B______

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.      Monsieur A______ et Madame B______ (ci-après : les contribuables) sont mariés et domiciliés route ______ [GE].

2.             Le 7 avril 2022, les contribuables ont remis à l’administration fiscale cantonale (ci-après : l’AFC-GE) leur déclaration fiscale pour la période fiscale 2021.

3.             Par demande de renseignements du 30 juin 2022, l’AFC-GE les a priés de lui indiquer quelle pièce de leur logement était utilisée à des fins professionnelles.

4.             Par courrier du 16 juillet 2022, les contribuables ont répondu qu’il s’agissait de la chambre d’amis.

5.             Le 20 septembre 2022, l’AFC-GE a établi les bordereaux de taxation ICC/IFD 2021.

À teneur de la rubrique « 31.63 – Autres frais professionnels effectifs » figurant sur le bordereau d’ICC 2021, la déduction de CHF 14'207.- sollicitée par les contribuables était refusée. Au vu de leur situation familiale et du nombre de pièces mentionné sur leur contrat de bail, les intéressés n’avaient en effet pas l’utilisation d’une pièce pour le télétravail.

6.             Le 6 avril 2023, les contribuables ont remis à l’AFC-GE leur déclaration fiscale pour la période fiscale 2022.

7.             Le 23 août 2023, l’AFC-GE a établi les bordereaux de taxation ICC/IFD 2022 en mentionnant sur ceux-ci « Date de notification : 4 septembre 2023 ».

La déduction de CHF 14'190.- sollicitée par les contribuables sous le code « 31.63 – Autres frais professionnels effectifs » était à nouveau refusée, avec la même motivation que celle exprimée dans le bordereau d’ICC 2021.

8.             Au mois de mai 2024, l’AFC-GE a notifié aux contribuables leurs bordereaux de taxation ICC/IFD 2023.

La déduction de CHF 14'911.- sollicitée par les contribuables sous le code « 31.63 – Autres frais professionnels effectifs » était encore refusée, avec une justification identique à celle figurant dans les bordereaux 2021 et 2022.

9.             Par courrier du 21 mai 2024, les contribuables ont contesté leurs bordereaux ICC/IFD 2023. La motivation avancée par l’AFC-GE pour refuser la déduction du loyer afférent à la pièce de leur logement utilisée pour le télétravail était infondée. Cette déduction avait en outre été admise durant les périodes fiscales 2018 à 2020. Les contribuables avaient par ailleurs comparé leur taxation 2023 avec celles des années précédentes. Ce faisant, ils avaient constaté que la déduction sollicitée avait également été refusée dans les taxations 2021 et 2022. Ils concluaient dès lors à la correction de leur taxation 2023, ainsi qu’à celle de leurs taxations 2021 et 2022.

10.         Par décisions sur réclamation ICC et IFD du 25 juin 2024, l’AFC-GE a déclaré irrecevable la réclamation des contribuables en tant que celle-ci concernait les années fiscales 2021 et 2022. Les contribuables n’avaient en effet pas respecté le délai légal et impératif prévu par les art. 39 al. 1er de la loi sur la procédure fiscale (LPFisc - D 3 17) et 132 al. 1er de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct (LIFD - RS 642.11) pour déposer une réclamation à l’encontre des bordereaux de taxation, à savoir 30 jours dès leur réception.

11.         Le 22 juillet 2024, les contribuables ont interjeté recours par devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre les décisions sur réclamation susmentionnées, reprenant l'argumentation développée précédemment. Ils ont précisé qu’à la suite de leur réclamation, l’AFC-GE avait admis la déduction sollicitée pour la période fiscale 2023 par décision du 12 juillet 2024.

12.         Aux termes de ses observations du 23 septembre 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours en raison du caractère tardif de la réclamation. Les contribuables avaient en effet formulé celle-ci le 21 mai 2024, soit plus d’un an et demi après la notification des bordereaux ICC/IFD 2021, intervenue le 20 septembre 2022, et plus de neuf mois après la notification des bordereaux ICC/IFD 2022, intervenue le 4 septembre 2023, soit manifestement hors délai. Ils n’invoquaient aucun motif sérieux tendant à justifier la tardiveté de leur contestation. Les conditions d’une révision n’étaient pas non plus remplies.

Sur le fond, et indépendamment de ce qui précède, l’argument des contribuables, selon lequel les « autres frais professionnels effectifs » avaient été pris en considération lors des exercices fiscaux 2018 à 2020, était infondé. Une taxation en matière d’impôts directs n’acquérait l’autorité de la chose jugée que pour la période fiscale concernée et les circonstances de fait et de droit pouvaient être appréciées différemment lors d’une période de taxation ultérieure.

13.         Par courrier du 24 septembre 2024, le tribunal a imparti aux contribuables un délai au 24 octobre 2024 pour déposer leur éventuelle réplique. Les précités n’ont pas fait usage de cette faculté.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 LPFisc ; art. 140 LIFD).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Lorsque – comme en l’espèce – les décisions sur réclamation sont des décisions d’irrecevabilité, seule la question de l’irrecevabilité peut faire l’objet du recours et non pas la taxation en tant que telle. Dans un tel cas, l’autorité de recours doit en effet d’abord examiner si les conditions formelles de la recevabilité de la réclamation (forme écrite, délai, motivation, moyen de preuve, etc.) étaient ou non remplies et, si tel n’est pas le cas, elle doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner elle-même le détail de la taxation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2021 du 16 avril 2021 consid. 2.2).

4.             Au vu de cette jurisprudence, il convient de déterminer si c’est à bon droit que l’AFC-GE a estimé que la réclamation avait été déposée tardivement.

5.             A teneur des art. 39 al. 1 LPFisc et 132 al. 1 LIFD, le contribuable peut adresser à l’autorité de taxation une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les 30 jours qui suivent sa notification.

Le fardeau de la preuve de la notification incombe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 129 I 8 consid. 2.2). En l’absence d’envoi recommandé, la preuve de la notification d’un acte peut résulter de l’ensemble des circonstances, en particulier de la correspondance échangée ou de l’absence de protestation de la part d'une personne qui reçoit des rappels (ATF 142 IV 125 consid. 4.3 ; 136 V 295 consid. 5.9).

Dans des cas d’envoi de décision sous pli simple, lorsque le contribuable ne conteste pas avoir reçu la décision peu de temps après sa date d'expédition, ni n’allègue ne l’avoir jamais reçue, on admet que la décision entreprise a été réceptionnée quelques jours après son expédition (ATA/461/2018 du 8 mai 2018 consid. 10 ; ATA/687/2017 du 20 juin 2017consid. 6c).

6.             Une réclamation tardive n’est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d’absence du pays ou pour d’autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter son acte en temps utile et qu’il l’a déposé dans les trente jours après la fin de l’empêchement (art. 133 al. 3 LIFD, 41 al. 3 LPFisc).

Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable n’a pas respecté le délai légal en raison d’un empêchement imprévisible, dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (arrêt du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2). Celui-ci peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’un homme d’affaires avisé (ATA/633/2022 du 14 juin 2022 consid. 2a et les références citées).

7.             Les délais fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont en principe pas susceptibles d’être prolongés, restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même (art. 21 al. 1 LPFisc, 119 al. 1 LIFD et 16 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos de sorte que la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/85/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3 et les références citées). Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d’égalité de traitement et n’est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine).

8.             En l’espèce, les dates exactes auxquelles les recourants ont reçu leurs bordereaux de taxation ICC/IFD 2021 et 2022 – respectivement datés du 20 septembre 2022 et du 23 août 2023 – ne peut être précisément déterminée, dans la mesure où l’AFC-GE a choisi de les leur communiquer par pli simple. La mention d’une « Date de notification : 4 septembre 2023 » sur les bordereaux 2023 ne constitue notamment pas une preuve de leur remise effective aux recourants à la date précitée.

Cela étant, les recourants n’ont allégué à aucun moment, que ce soit dans leur réclamation ou dans leur recours, que les bordereaux précités ne leur seraient jamais parvenus. Ils n’ont pas non plus contesté avoir reçu les bordereaux précités peu de temps après leur expédition.

Il est dès lors établi que le délai de réclamation de 30 jours prévu par les art. 39 al. 1 LPFisc et 132 al. 1 LIFD avait largement expiré lorsque les recourants se sont adressés à l’AFC-GE par courrier du 21 mai 2024 pour contester leurs bordereaux 2021 et 2022. L’AFC-GE pouvait dès lors considérer leur réclamation comme tardive.

Comme le relève à juste titre l’autorité intimée, les recourants n’ont en outre invoqué, dans leurs diverses écritures, aucun motif sérieux tendant à justifier la tardiveté de leur réclamation. Ils se sont limités à expliquer qu’ils avaient remarqué, en comparant leurs taxations 2018 à 2023, que celles des années 2021, 2022 et 2023 ne tenaient pas compte des frais professionnels qu’ils avaient déclarés en relation avec l’usage d’une pièce de leur logement pour le télétravail, alors que ces déductions avaient été admises lors des années précédentes. C’est par conséquent à bon droit que l’AFC-GE a considéré qu’il ne pouvait être retenu ni de cas de force majeure, ni d’empêchement justifiant une restitution du délai pour déposer une réclamation à l’encontre des taxations en question.

9.             Au vu de son contenu, le courrier du 21 mai 2024 pouvait également être compris comme une demande de reconsidération des bordereaux 2021 et 2022.

Le traitement d’une telle demande relevant de la compétence de l'AFC-GE (cf. art. 149 al. 1 LIFD, 57 al. 1 LPFisc), la cause devrait en principe être renvoyée à cette dernière (cf. art. 11 al. 3 LPA cum art. 2 al. 2 LPFisc) pour qu’elle statue sous cet angle.

10.         Par économie de procédure, le tribunal de céans statue cependant lui-même sur une demande de révision lorsque l’AFC-GE a traité celle-ci comme une réclamation, sous condition que ladite autorité se prononce sur les chances de succès de cette demande au stade du recours (JTAPI/947/2023 du 4 septembre 2023 consid. 10 ; JTAPI/635/2021 du 21 juin 2021 consid. 8; JTAPI/75/2014 du 20 janvier 2014 consid. 4 et les jugements cités), ce qui a été fait en l’occurrence (cf. En fait, ch. 13, 1er § in fine).

11.         A teneur des art. 147 al. 1 LIFD et 55 al. 1 LPFisc, qui institue un cas de reconsidération obligatoire, une décision entrée en force peut être révisée (par quoi il faut entendre reconsidérée, le terme révision étant en effet destiné au réexamen des décisions judiciaires ; cf. Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 494 s.) en faveur du contribuable, à sa demande ou d’office, lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a), lorsque l’autorité qui a statué n’a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu’elle connaissait ou devait connaître, ou qu’elle a violé de quelque autre manière l’une des règles essentielles de la procédure (let. b) ou lorsqu’un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c).

La révision est exclue lorsque le requérant invoque des motifs qu’il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire, s’il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui (art. 147 al. 2 LIFD ; art. 55 al. 2 LPFisc ; T. TANQUEREL, op. cit., n. 1417 p. 490 et 1421s. p. 491).

Cette exclusion, qui constitue une limitation importante à la révision, s’explique par le caractère subsidiaire de cette voie de droit et par les exigences de la sécurité du droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_491/2015 du 9 août 2016 consid. 6.3 et les références citées). La jurisprudence souligne du reste qu’il faut se montrer strict dans l’obligation de diligence imposée au requérant (arrêts du Tribunal fédéral 2C_917/2015 du 29 octobre 2015 consid. 2.1 ; 2C_754/2015 du 14 septembre 2015 consid. 2.3 ; 2C_581/2011 du 27 mars 2012 consid. 3.1). Il appartient en effet à ce dernier de contrôler la décision de taxation lorsqu’il la reçoit et de signaler en temps utile les vices dont elle serait affectée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_491/2015 du 9 août 2016 consid. 6.3 et les arrêts cités).

12.         En l’espèce, les recourants ne se prévalent pas d’un fait ou d’un moyen de preuve nouveau susceptible de leur conférer un droit à ce qu’il soit entré en matière sur une éventuelle reconsidération des taxations en cause. L’erreur quant à la déductibilité du loyer afférent à la chambre d’amis reconvertie en bureau relève en effet de l'application du droit. En faisant preuve de la diligence raisonnablement exigible de leur part, les recourants auraient pu l’invoquer au cours de la procédure ordinaire, dans le cadre d’une réclamation déposée en temps utile. C’est dès lors à bon droit que l’AFC-GE a considéré que les bordereaux entrés en force ne pouvaient être remis en cause par le biais de la procédure de révision prévue par les art. 147 al. 1 LIFD et 55 al. 1 LPFisc.

13.         Au vu de ce qui précède, le recours, mal fondé, sera rejeté.

14.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.-, lequel est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 22 juillet 2024 par Monsieur A______ et Madame B______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 25 juin 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Gwénaëlle GATTONI, présidente, Giedre LIDEIKYTE HUBER, Laurence DEMATRAZ, juges assesseures.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier