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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/312/2024

JTAPI/61/2025 du 20.01.2025 ( TAXE ) , REJETE

REJETE par ATA/899/2025

Descripteurs : IMPÔT SPÉCIAL SUR L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE;DÉNONCIATION SPONTANÉE;AMENDE
Normes : LPFisc.69.al3
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/312/2024 TAXE

JTAPI/61/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 janvier 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

B______

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne la taxe professionnelle communale (B______) réclamée à Monsieur A______ pour les années 2012 à 2015 qui, durant les années en cause, exerçait une activité d’avocat au Barreau de Genève à titre indépendant.

2.             L’intéressé n’ayant pas déposé ses déclarations fiscales pour la B______, il a été taxé d’office.

3.             Par décision du 26 septembre 2016, le service de la B______ de la ville de B______ (ci-après : le service de la B______) a refusé de reconsidérer la taxation d’office 2015 du contribuable, pour le motif qu’il n’avait jamais retourné sa déclaration fiscale accompagnée de ses comptes 2012 et 2013. Non contestée, cette décision est entrée en force.

4.             Par pli du 23 novembre 2016, le contribuable, sous la plume de son mandataire, a rappelé au service de la B______ que le 21 septembre précédent, il avait transmis sa déclaration 2016. D’ici la fin de l’année, il lui remettrait les déclarations des années précédentes. Étant donné que certains documents lui avaient été dérobés, il était en train de les reconstituer.

5.             Le 3 octobre 2018, sur demande du service de la B______ du 28 septembre précédent, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC‑GE) a transmis audit service les comptes 2010 à 2013 de l’intéressé.

6.             Par pli du 11 octobre 2018, le service de la B______ a ouvert à l’encontre du contribuable une procédure en rappel d’impôt, ainsi qu’une procédure pour soustraction d’impôt se rapportant aux années 2012 à 2015. Son compte de pertes et profits 2010 obtenu de l’AFC-GE permettait d’envisager que ses taxations d’office des années se révéleraient insuffisantes. Le service de la B______ lui a demandé de produire son compte de pertes et profits des exercices 2011 à 2013.

7.             Le 19 novembre 2018, le contribuable a transmis ses comptes 2011 à 2014 au service de la B______. Il a demandé la confirmation d’une prolongation de délai au 15 décembre suivant pour le dépôt de ses déclarations fiscales.

8.             Le 19 décembre 2019, le service de la B______ a notifié au contribuable des bordereaux de rappel d’impôt pour les années 2012 à 2015. Il lui a par ailleurs infligé des amendes pour soustraction d’impôt dont la quotité se montait à 0.5 fois les impôts soustraits.

9.             Le 20 janvier 2020, le contribuable a élevé réclamation à l’encontre de ces bordereaux en concluant à l’annulation des amendes. Le 23 novembre 2016, il avait déposé une dénonciation spontanée auprès de l’AFC-GE pour les années 2011 à 2015. Ce faisant, il lui avait fait part de sa volonté de rétablir une situation fiscale conforme à la vérité. Il était parti du principe que dite dénonciation serait transmise au service de la B______. En outre, des documents avaient été volés dans son véhicule en octobre 2012 et une perte totale de données informatique avait prolongé le délai de remise de ses déclarations fiscales. L’AFC-GE avait reconnu sa bonne foi et renoncé à lui infliger des pénalités. Par conséquent, les amendes prononcées par le service de la B______ devaient être annulées.

10.         Le 9 mars 2020, l’intéressé a complété sa réclamation. Il transmettait copie de l’attestation de dépôt de la plainte pénale qu’il avait déposée le 28 décembre 2012, qui confirmait le vol subi au mois d’octobre précédent.

11.         Par décision du 19 décembre 2023, le service de la B______ a rejeté la réclamation.

La lettre du 23 décembre 2016 ne saurait valoir dénonciation spontanée, car elle ne lui avait pas été adressée, mais envoyée à l’AFC-GE. En outre, elle ne faisait que constater que les déclarations fiscales des années antérieures à 2015 seraient déposées d’ici la fin de l’année. En outre, le fait qu’il n’avait pas acquitté les rappels d’impôt 2012 à 2015, alors qu’il contestait uniquement les amendes, démontrait qu’il n’avait jamais eu la volonté de régulariser sa situation fiscale.

12.         Par acte du 19 janvier 2024, le contribuable a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant, préalablement, à la comparution personnelle des parties et, principalement, à l’annulation de la décision du 19 décembre 2023, ainsi que des amendes, le tout sous suite de frais.

De très nombreuses pièces comptables lui avaient été volées, de sorte qu’il n’avait pas été en mesure de déposer ses déclarations fiscales des années 2011 à 2015. Il avait également été confronté à une perte totale de données informatiques en 2017. L’AFC-GE avait admis le caractère spontané de sa dénonciation et renoncé à lui infliger une amende. Après une période de quatre ans, sans qu’il n’eût jamais été interpellé, il était incompréhensible que le service de la B______ ait rendu une décision à ce point arbitraire. Il n’existait aucun intérêt manifeste à maintenir les amendes.

La lettre du 23 janvier 2016 devait être considérée comme une dénonciation spontanée, car c’était à la suite de son initiative que l’AFC-GE avait rectifié ses taxations 2011 à 2015. Il était de bonne foi convaincu que cette rectification serait transmise à l’autorité intimée.

13.         Dans sa réponse du 30 avril 2024, le service de la B______ a conclu au rejet du recours.

Le recourant n’avait jamais déposé de dénonciation spontanée en matière de B______. Il n’existait aucune pratique administrative prévoyant la transmission automatique des taxations ICC/IFD à une autre autorité de taxation.

Il n’avait manifesté sa volonté de régulariser sa situation fiscale pour les impôts 2011 à 2016 que le 23 novembre 2016, soit plus de deux mois après qu’il eut transmis au service de la B______ ses comptes 2014 et 2015. Après avoir constaté des honoraires biens supérieurs à ceux précédemment pris en compte, ledit service l’avait verbalement informé, le 3 octobre 2016, qu’il renoncerait à ouvrir une procédure en soustraction d’impôt pour les années 2012 à 2015, pour peu que les justificatifs comptables lui parviennent d’ici au 31 décembre 2016.

C’était dès lors à bon droit que le service de la B______ avait ouvert des procédure en rappel et en soustraction d’impôt à l’encontre du recourant et qu’elle lui avait notifié des amendes.

14.         Par réplique du 8 juillet 2024, le contribuable a repris les conclusions de son recours.

Le 28 septembre 2018, le service de la B______ s’était adressé directement à l’AFC-GE, près de deux ans après sa lettre de dénonciation spontanée du 23 novembre 2016. Or, sa fiduciaire aurait été en mesure de répondre à toutes ses questions et possédait tous les documents nécessaires. Cela ne changeait rien au fait qu’il s’était signalé deux ans auparavant à l’autorité intimée, sans y être contraint. Il n’avait jamais eu l’intention de dissimuler quoi que ce soit au service de la B______. Le courrier du 11 octobre 2018 constituait la conséquence directe de sa dénonciation spontanée sans laquelle aucune procédure de vérification n’aurait été entamée.

15.         Dans sa duplique du 18 juillet 2024, le service de la B______ a persisté dans les conclusions de sa réponse.

La lettre du 23 novembre 2016 ne constituait pas une dénonciation spontanée, mais une simple information, à teneur de laquelle le recourant faisait part de son intention de déposer ses déclarations fiscales pour les années précédentes. Il n’avait jamais annoncé les soustractions d’impôt, ni acquitté le montant des rappels d’impôt. Une demande d’entraide administrative auprès de l’AFC-GE avait été déposée, étant donnée que, malgré de nombreuses prolongations de délai accordées au recourant, celui-ci n’avait jamais obtenu les documents demandés. Le vol de documents professionnels survenu le 12 octobre 2012 ne justifiait pas que les comptes 2011 à 2013 n'aient été remis que le 19 novembre 2018 et ce, après que le service de la B______ eut été contraint d’ouvrir une procédure en rappel et en soustraction d’impôt.

16.         Le détail des pièces et des arguments des parties sera repris, ci-après, dans la mesure utile.

 

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l'espèce, contre les décisions sur réclamation en matière de TPC (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 315 al. 1 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 - LCP - D 3 05 et art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens de l'art. 49 LPFisc.

3.             Le recourant sollicite une audience de comparution personnelle des parties.

4.             La procédure réprimant la soustraction fiscale est une procédure à caractère pénal à laquelle l'art. 6 CEDH est applicable. Dans une procédure de soustraction d’impôt, le contribuable peut en principe se prévaloir d'un droit à être entendu oralement par une instance judiciaire, mais cette audition n'est pas automatique ; il faut que le contribuable en fasse la demande. Lorsque le juge est saisi d'une demande de débats publics et oraux, il doit en principe y donner suite. En revanche, l'art. 6 CEDH ne trouve pas application dans les procédures fiscales qui n'ont pas un caractère pénal. Les procédures en rappel d'impôt n'y sont donc pas soumises. (ATF 140 I 68 consid. 9.2 et les réf.).

5.             Selon la CourEDH, dans les domaines relevant de l'extension du volet pénal de l'art. 6 CEDH, l'obligation de tenir une audience publique n'est pas absolue. Tel est notamment le cas pour les affaires ne soulevant pas de question de crédibilité ou ne suscitant pas de controverse sur les faits qui auraient requis une audience, et pour lesquelles les tribunaux peuvent se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et d'autres pièces.  Ainsi, dans l’affaire Jussila (arrêt de la CourEDH du 23 novembre 2006, Jussila c. Suède, req. 73053/01§ 46 et 48), constatant d'une part que les motifs pour lesquels l'intéressé sollicitait une audience étaient en grande partie liés à la contestation du bien-fondé de l'évaluation de l'impôt dont on l'estimait redevable - qui échappe en elle-même au champ d'application de l'art. 6 CEDH - d'autre part, que la somme en jeu était minime et enfin que l'intéressé avait eu amplement l'occasion de présenter par écrit ses moyens de défense et de répondre aux conclusions des autorités fiscales, la Cour a jugé que de telles circonstances particulières n'impliquaient pas la tenue d'une audience (arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2016 du 24 novembre 2016 consid. 12.2.1).

6.             En l’espèce, dans son recours et sa réplique, le contribuable offre de prouver, par sa comparution personnelle, les faits à l’appui de ses conclusions, mais il ne présente aucune argumentation relative à sa faute, ni à par rapport à la quotité des amendes, pas plus qu’il ne demande que l’audience de comparution personnelle porte sur ce point.

Étant donné que l’art. 6 CEDH n’est applicable qu’à l'aspect pénal de la procédure de soustraction d’impôt, que l’intéressé ne critique pas, le tribunal renoncera à la mesure d’instruction sollicitée par le contribuable, étant par ailleurs précisé que, comme cela ressort des développements ci-après, le dossier contient en l'état tous les éléments de fait utiles pour trancher le litige.

7.             Le recourant conclut à l’annulation des amendes, faisant valoir qu’il a déposé une dénonciation spontanée.

8.             Aux termes de l'art. 69 LPFisc (applicable en vertu de l'ancien art. 318C de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 - LCP - D 3 05, abrogé le 1er janvier 2024 mais applicable aux périodes fiscales 2012 à 2015), le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (al. 1). Lorsque le contribuable dénonce spontanément et pour la première fois une soustraction d'impôt, il est renoncé à la poursuite pénale (dénonciation spontanée non punissable), à condition qu'aucune autorité fiscale n'en ait connaissance, qu'il collabore sans réserve avec l'administration pour déterminer le montant du rappel d'impôt et qu'il s'efforce d'acquitter le rappel d'impôt dû (al. 3 let. a à c).

L’art. 69 LPFisc est calqué sur l’art. 175 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11).

9.             La notion de dénonciation suppose que le contribuable annonce de lui-même son infraction à l'autorité fiscale, alors que celle-ci n'en a encore pas eu connaissance d'une autre manière. Le caractère spontané fait défaut lorsque la déclaration intervient alors que les autorités fiscales sont déjà en train d'enquêter sur le dossier du contribuable et que celui-ci, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, doit s'attendre à ce que la soustraction soit découverte même sans dénonciation. La déclaration spontanée des art. 175 al. 3 LIFD et 69 al. 3 LPFisc n'est réalisée que lorsque l'auteur se dénonce spontanément (« de son propre mouvement »), sans pression extérieure (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_15/2021 du 27 mai 2021 consid. 6.2 et les arrêts cités). Par « autorités fiscales », il faut comprendre toute autorité fiscale fédérale, cantonale et/ou communale (Marc CHESEAUX, La dénonciation spontanée non punissable et le rappel d'impôt simplifié pour les héritiers selon la LIFD, 2016, p. 14).

10.         La dénonciation spontanée doit comporter tous les éléments de revenus et de fortune non déclarés (ATA/1850/2019 du 20 décembre 2019 consid. 3c). Lorsque l'autorité fiscale constate, après l'ouverture d'une procédure de rappel faisant suite à une dénonciation spontanée, que la soustraction fiscale dépasse les éléments déclarés dans ladite dénonciation, l'exemption de peine ne peut plus être accordée. À défaut, la dénonciation spontanée permettrait au contribuable de bénéficier de l'absence de sanction pénale également pour tous les éléments non déclarés découverts par l'autorité fiscale lors de la procédure de rappel d'impôt (arrêt du Tribunal fédéral 2C_133/2020 du 15 juillet 2020 consid. 5.4.2 ; ATA/1168/2020 du 17 novembre 2020 consid. 3c et les références citées).

Il faut toutefois toujours examiner si le contribuable a intentionnellement limité la dénonciation à une part de l’impôt soustrait ou s’il n’était simplement pas conscient qu’il avait encore commis des soustractions d’impôt par négligence, et que pour ce motif, il ne pouvait plus procéder à une dénonciation (Felix RICHNER, Walter FREI, Stefan KAUFMANN, Hans Ulrich MEUTER, Handkommentar zum DBG, 4ème édition, 2023, art. 175, n. 133, p. 11794).

11.         En l’espèce, le recourant soutient qu’il a adressé à l’AFC-GE, le 23 novembre 2016, une lettre à teneur de laquelle il a manifesté son intention de régulariser sa situation fiscale pour les années 2011 à 2015. Selon lui, ce courrier vaut dénonciation spontanée, non seulement pour l’ICC et l’IFD, mais également pour la TPC. Il en veut pour preuve que l’AFC-GE a renoncé à lui infliger une amende. Pour ce motif, les amendes prononcées par l’autorité intimée devraient être annulées.

Le contribuable ne peut être suivi.

En effet, il n’a jamais produit le courrier qu’il prétend avoir expédié à l’AFC-GE le 23 novembre 2016. Certes, un courrier portant cette date figure au dossier. Cependant, il a été envoyé au service de la B______ et non à l’AFC-GE. En outre, il en résulte que le recourant rappelle qu’il avait transmis sa déclaration fiscale 2016 au mois de septembre précédent et qu’il remettrait celles des années précédentes d’ici la fin de l’année. Rien ne permet à la lecture de ce document de comprendre que le recourant y annonce des éléments non déclarés jusqu’alors. En outre, le recourant n’a produit aucune autre pièce tendant à démontrer, comme il l’allègue, que l’AFC-GE aurait accepté que ledit courrier vaille dénonciation spontanée ou qu’elle aurait renoncé à lui infliger des amendes.

Cela étant, dans sa décision sur réclamation, le service de la B______ prétend, sans être contredit sur ce point par le recourant, que celui-ci n’a pas payé le montant des rappels d’impôt des années 2012 à 2015, quand bien même il ne conteste que les amendes. Dès lors, il ne s’est pas efforcé d’acquitter le rappel dû, au sens de l’art. 69 al. 3 let. c LPFisc, dont la teneur a été rappelée plus haut.

Par ailleurs, une simple intention de régulariser sa situation fiscale ne constitue pas une dénonciation spontanée, car cette dernière doit, conformément à la jurisprudence, comporter tous les éléments de revenus et de fortune non déclarés. Or, c’est l’AFC-GE – et non le recourant – qui a transmis au service de la B______ le compte de pertes et profits 2010 de ce dernier. En outre, ce dernier n’a communiqué ses comptes 2011 à 2014 qu’en 2018 et sur requête de l’autorité intimée.

Il résulte de ce qui précède que trois conditions cumulatives font défaut pour admettre l'existence d'une dénonciation spontanée ou pour renoncer à la poursuite pénale qu'une telle dénonciation peut permettre d'éviter. Il convient donc d’examiner si le prononcé d’une amende pour soustraction d’impôt se justifie.

12.         Le contribuable ne démontre pas avoir retourné ses déclarations fiscales pour la B______. La lecture des bordereaux de rappel d’impôt démontre qu’il a été taxé initialement de manière insuffisante. Il en a résulté une perte fiscale pour la collectivité. En conséquence, il y a lieu de retenir que l’élément objectif de l’infraction est rempli.

13.         Demeure à examiner la question de l’élément subjectif, à savoir la faute.

14.         La soustraction est punissable aussi bien intentionnellement que par négligence. La preuve d’un comportement intentionnel de la part du contribuable doit ainsi être considérée comme apportée lorsqu’il est établi avec une sécurité suffisante que celui-ci était conscient du caractère erroné ou incomplet des indications fournies. Si cette conscience est établie, il faut présumer qu’il a voulu tromper les autorités fiscales, afin d’obtenir une taxation plus favorable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_792/2021 du 14 mars 2022 consid. 6.4.1). Cette présomption ne se laisse pas facilement renverser, car l’on peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu’il sait incorrectes ou incomplètes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1066/2018 du 21 juin 2019 consid. 4.1). Le dol éventuel suffit pour retenir l’intention (arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.2) : il suppose que l’auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, parce qu’il s’en accommode au cas où il se produirait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1073/2018 du 20 décembre 2019 consid. 17.3.1). En revanche, agit par négligence celui qui, par une imprévoyance coupable, ne se rend pas compte ou ne tient pas compte des conséquences de son acte. L’imprévoyance est coupable lorsque l’auteur n’a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle, ce par quoi l’on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1052/2019 du 18 mai 2020 consid. 3.7.1).

Dans un arrêt de 2011, le Tribunal fédéral a jugé qu'un contribuable qui se fait taxer d'office fautivement est aussi punissable pour soustraction d'impôt ; il a retenu dans l'affaire en cause une soustraction d'impôt commise par dol éventuel (arrêt du Tribunal fédéral 2C_481/2010 du 4 avril 2011 consid. 4.9).

15.         En l’espèce, le recourant soutient qu’il a été victime d’un vol dans son véhicule en octobre 2012 en raison duquel il n’a pas été en mesure de remplir ses déclarations des années 2011 à 2015, à la suite de quoi il a été taxé d’office tant sur le plan de l’ICC/IFD qu’au niveau de la B______. En outre, sa comptabilité a dû être reconstituée, compte tenu d’une perte de données informatiques survenue en 2017. Or, le tribunal peine à comprendre en quoi ledit vol peut avoir eu pour conséquence que le contribuable n’ait transmis ses comptes 2013 et 2014 au service de la B______ que le 19 novembre 2018. Il n’a remis ces documents que sur requête de la B______, après que celui-ci eut ouvert une procédure en rappel et en soustraction d’impôt à son encontre, et ce alors même que dans sa lettre du 23 novembre 2016, il annonçait à l’autorité intimée qu’il lui remettrait ses déclarations fiscales des années 2015 et antérieures d’ici la fin de l’année 2016. Quant à la prétendue perte totale de données informatiques subie en 2017, le recourant n'a fourni aucun document (p. ex. intervention d'une entreprise spécialisée) permettant de tenir ce fait pour avéré. Il en résulte que les soustractions commises par le recourant ont été commises intentionnellement, à tout le moins par dol éventuel.

16.         Le montant de l’impôt soustrait constitue le premier élément de fixation de la peine. Celle-ci doit ensuite être fixée selon le degré de faute de l’auteur. En présence d’une infraction intentionnelle sans circonstances particulières, l’amende équivaut en règle générale au montant de l’impôt soustrait (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1).

17.         En cas de faute grave, l’amende doit donc en principe être supérieure à une fois l’impôt soustrait et peut être au plus triplée (art.175 al. 2 in fine LIFD et 69 al. 2 in fine LPFisc). Par faute grave, il faut comprendre entre autres la récidive, de même que l’attitude continuellement récalcitrante du contribuable vis-à-vis des autorités fiscales. Il y a en particulier la circonstance aggravante lorsque la soustraction d’impôt s’étend sur plusieurs années et s’effectue selon différents procédés, en cas d’existence d’un compte bancaire non déclaré ou, par exemple, en cas de présentation planifiée et erronée de bilans, par une personne morale sur plusieurs exercices (Pietro SANSONETTI, Danielle HOSTETTLER, in Yves NOËL, Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, art. 175 § 54, p. 1998).

18.         Conformément à l’art. 106 al. 3 CP, l’amende doit être fixée en tenant compte de la situation de l’auteur, afin que la peine corresponde à la faute commise. Les principes régissant la fixation de la peine prévus à l’art. 47 CP s’appliquent. En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l’impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l’auteur. Les circonstances atténuantes de l’art. 48 CP sont aussi applicables par analogie en droit pénal fiscal (ATF 144 IV 136 consid.7.2.1. La bonne collaboration du contribuable dans la procédure en soustraction d’impôt constitue l’un des éléments permettant de réduire la peine (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1007/2012 du 15 mars 2013). Entrent aussi en considération le repentir actif ou encore l’écoulement d’un temps relativement long entre l’acte et sa découverte, durant lequel le contribuable s’est comporté correctement à l’égard du fisc (Pietro SANSONETTI, Danielle HOSTETTLER, in Yves NOËL, Florence AUBRY GIRARDIN, op. cit., art. 175, § 47, p. 1995).

19.         En l’espèce, le recourant a commis des soustractions durant les années 2012 à 2015, ce qui représente une circonstance aggravante. En revanche, il ne peut bénéficier d’aucune circonstance atténuante et, d’ailleurs, n’en invoque pas. En conséquence, des amendes dont la quotité se monte à une demi-fois les impôts éludés – laquelle représente une sanction moins sévère que la peine ordinaire – se révèlent appropriées compte tenu de la faute commise par le recourant. Elles doivent, dès lors, être confirmées.

20.         Ne reposant sur aucun motif valable, le recours doit être rejeté.

21.         En application des art. 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 19 janvier 2024 par Maître A______ contre la décision sur réclamation le B______ de la Ville de B______ du 19 décembre 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Laurence DEMATRAZ et Giedre LIDEIKYTE HUBER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière