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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1165/2024

JTAPI/62/2025 du 20.01.2025 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : SOUSTRACTION D'IMPÔT;AMENDE
Normes : LIFD.175; LPFisc.69
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1165/2024 ICCIFD

JTAPI/62/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 janvier 2025

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Didier BOTTGE, avocat, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne une procédure en soustraction d’impôt ouverte à l’encontre de Madame A______ pour les années 2013 à 2015.

2.             Durant les années en cause, la contribuable était employée de B______ SA (ci-après : la société), active dans l’exploitation d’établissements publics et dont elle détenait l’intégralité du capital-actions. En revanche, elle n’était pas inscrite au registre du commerce (ci-après : RC). Monsieur C______ était l’administrateur de la société et disposait de la signature individuelle.

Le 30 mars 2004, la société est devenue propriétaire du D______ (ci-après : le bar). La société est tombée en faillite en 2022

3.             L’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC‑GE) a taxé la contribuable par bordereaux datés des 1er juillet et 28 octobre 2015, ainsi que 12 décembre 2016, concernant respectivement les années 2013, 2014 et 2015. Non contestés, ces taxations sont entrées en force.

4.             Par lettre du 18 janvier 2023, l’AFC‑GE a ouvert à l’encontre de la contribuable une procédure en rappel d’impôt, ainsi qu’une procédure pour soustraction d’impôt concernant les années 2013 à 2015.

La division principale de la taxe sur la valeur ajoutée de l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC‑CH) l’avait informée que la société avait encaissé des recettes qui n’avaient pas été comptabilisées. En sa qualité d’actionnaire, la contribuable avait bénéficié de distributions dissimulées de bénéfice, imposables à hauteur de 60 %. Un délai a été octroyé à l’intéressée pour présenter des observations au sujet des reprises dont le montant était indiqué.

5.             Par lettre du 26 mai 2023, la contribuable a exposé qu’elle avait travaillé au bar et perçu des revenus mensuels de la part de la société, en qualité d’employée.

Elle a contesté la manière dont l’AFC-CH avait procédé aux redressements. En outre, n’étant pas administratrice de la société, elle n’avait pas pu se déterminer sur la décision relative à la TVA, ni sur la comptabilité. En matière de TVA, l’autorité de taxation pouvait se contenter de présomptions. Tel n’était toutefois pas le cas s’agissant des impôts directs. Si la société avait dissimulé du chiffre d’affaires et subi un redressement de TVA, rien ne démontrait qu’elle-même avait perçu des dividendes. Enfin, elle se trouvait désargentée, car elle s’était endettée à la suite de la faillite de la société.

6.             La contribuable a complété ses observations, par lettre du 28 septembre 2023.

7.             Le 13 novembre 2023, la contribuable a partiellement donné suite à une demande de renseignements de l’AFC-GE du 23 octobre précédent, en produisant un extrait du grand-livre de la société.

8.             Le 4 décembre 2023, elle a encore expliqué à l’AFC-GE qu’elle n’était pas parvenue à retrouver la liste des inventaires, ni les copie de la bande de contrôle des caisses enregistreuses.

9.             Le 14 décembre 2023, l’AFC-GE a fait part à la contribuable de la clôture des procédures ouvertes le 18 janvier précédent. Elle lui a notifié des bordereaux de rappel d’impôt en ajoutant à son revenu, à titre de prestations appréciables en argent reçues de la société, les montants respectifs de CHF 157'673.- (2013) ; CHF 54'394.- (2014) et CHF 82'670.- (2015), imposables à raison de 60 %.

Elle lui a également remis des bordereaux d’amende. Dans la mesure où, durant les périodes en cause, la contribuable était unique actionnaire de la société, il était estimé que les soustractions avaient été commises intentionnellement, à tout le moins par dol éventuel. La quotité des amendes était fixée à 0.75 fois le montant des impôts soustraits, afin de tenir compte de sa situation personnelle et patrimoniale.

10.         Le 15 janvier 2024, la contribuable a élevé réclamation à l’encontre des bordereaux d’amende.

Elle avait mandaté la fiduciaire E______ SA pour la tenue de la comptabilité et l’établissement des déclarations fiscales de la société, ainsi que des siennes. Elle n’avait jamais pu se prononcer sur les redressements effectués par l’AFC-CH, notamment parce qu’au moment du contrôle TVA, elle était incarcérée. La défense des intérêts de la société avait été confiée à son administrateur, à E______ SA, ainsi qu’à Me F______. Elle n’avait pas été informée de la tenue de la comptabilité par les organes de la société, ni par sa fiduciaire. Elle n’avait jamais bénéficié de prestations appréciables en argent. En outre, elle avait fait preuve d’une excellente collaboration et s’était efforcée d’établir les faits.

Lorsqu’elle lui avait infligé les amendes, l’AFC-GE n’avait pas tenu compte de ces éléments. Au moment des faits, elle-même n’était pas en mesure de reconnaître le caractère erroné des déclarations fiscales de la société ni des siennes, dès lors qu’elle faisait l’objet de poursuites pénales qui avaient conduit à son incarcération. Elle n’avait ainsi jamais commis de soustractions intentionnelles ; tout au plus pouvait-on lui reprocher une simple négligence. Enfin, l’AFC-GE devait tenir compte de sa coopération tout au long de la procédure et réduire la quotité des amendes en conséquence.

Partant, les amendes devaient être annulées, subsidiairement, leur quotité devait être réduite au tiers des impôts éludés.

11.         Par décision du 6 mars 2024, l’AFC-GE a rejeté la réclamation.

La remise de déclarations fiscales non conformes à la vérité et incomplètes pour les années 2013 à 2015 constituait un comportement illicite ayant engendré des taxations insuffisantes. La collectivité avait subi des pertes fiscales et des suppléments d’impôt avaient été notifiés à la suite de la procédure de rappel d’impôt. Les déclarations fiscales ne faisaient pas état des prestations appréciables en argent accordées par la société, dont elle était unique actionnaire et gérante. Elle avait, dès lors, commis des soustractions intentionnelles, à tout le moins par dol éventuel. En tant qu’actionnaire et gérante, elle aurait pu reconnaître le caractère erroné des déclarations fiscales. Elle avait nécessairement connaissance des prestations appréciables en argent dont elle avait bénéficié. Elle n’expliquait pas en quoi elle avait été empêchée de vérifier les activités de son mandataire, dès lors que son incarcération était antérieure au contrôle effectué par l’AFC-CH. La question des mandats confiés à M. C______, Me F______ et à E______ SA n’était pas pertinente, dès lors qu’elle concernait la société et non la contribuable. En conséquence, le prononcé d’une amende se justifiait.

En ne déclarant pas les prestations appréciables en argent perçues de la société, la recourante avait commis une faute grave. Elle ne pouvait se prévaloir d’une bonne collaboration, car elle n’avait remis ni la copie de la bande de contrôle des caisses enregistreuses, ni la liste des inventaires, malgré une demande en ce sens. Dès lors, la quotité des amendes se révélait conforme à la jurisprudence et devait être maintenue.

12.         Le 27 mars 2024, Monsieur G______, agissant en sa qualité de député au Grand Conseil genevois, a adressé l’AFC-GE une demande de reconsidération de la décision du 6 mars précédent en faveur de la contribuable.

Aucune suite n’y a été donnée.

13.         Par acte du 8 avril 2024, la contribuable, sous la plume de son conseil, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à l’annulation de la décision du 6 mars précédent, ainsi que des amendes, le tout sous suite de dépens.

Elle disposait mensuellement de CHF 4'855.50, montant qui se composait de sa rente AI (CHF 1'782.-) et de sa rente du deuxième pilier, versée de manière anticipée (CHF 3'073.50). Ses charges mensuelles ascendaient à CHF 2'942.25. Ces dernières comprenaient sa prime d’assurance-maladie (CHF 513.65), son loyer (CHF 1'610.-), sa facture de téléphone (CHF 323.30) et ses cotisations auprès de l’office cantonal des assurances sociales (CHF 495.30). Devait encore être ajouté le montant mensuel de base pour une personne seule (CHF 1'200.-).

Elle ne contestait pas devoir rembourser l’impôt ayant fait l’objet des soustractions, malgré le fait qu’elle n’en était ni à l’origine, ni même complice. Elle avait, en effet, placé sa confiance dans sa fiduciaire et dans des tiers pour l’établissement de la comptabilité de la société.

En lui infligeant des amendes, l’AFC-GE n’avait pas tenu compte qu’elle avait été incarcérée au moment où l’AFC-CH avait procédé à des reprises en matière de TVA. Dès lors, elle n’avait pas été en mesure d’apporter les preuves de l’estimation inexacte du chiffre d’affaires de la société retenu par l’AFC-GE. Elle ignorait les raisons pour lesquelles l’administrateur de la société, sa fiduciaire, ainsi que son avocat n’avaient pas contesté les redressements opérés par l’AFC-CH. L’AFC-GE n’avait pas pris en considération le fait qu’elle n’était pas en mesure de reconnaître le caractère erroné de ses propres déclarations fiscales, ainsi que des siennes. Partant, l’existence d’un dol éventuel ne pouvait être retenu. Tout au plus pouvait-on lui reprocher une faute légère.

Le raisonnement de l’AFC-GE, qui avait refusé une réduction du montant de l’amende, ne s’expliquait pas. Elle n’avait pas pris en considération son attitude hautement coopérative et ce, uniquement en raison du manque de quelques documents. Pourtant, elle avait mis en œuvre un travail conséquent afin de rassembler les copies des tickets de caisse relatifs aux chiffres d’affaires mensuels et journaliers des années 2013 à 2015. Une atténuation de la faute devait dès lors avoir lieu.

L’AFC-GE devait en outre prendre en compte sa situation financière. Elle se trouvait dans une situation financière précaire, qui ne lui permettait pas d’acquitter les amendes qui lui avaient été infligées. À la suite de la fermeture du bar, elle s’était retrouvée sans emploi et donc, désargentée. Par ailleurs, sa situation était aggravée par des problèmes de santé. Elle avait sombré dans la dépression. Elle ne disposait plus des capacités cognitives suffisantes pour travailler. Elle luttait contre un cancer et s’isolait. Au bénéfice d’une rente AI, elle vivait dans un HLM avec ses deux enfants. Elle avait dû solliciter des subsides du canton.

Exiger le paiement des amendes, qui totalisaient CHF 38'488.- pourrait entraîner des difficultés insurmontables pour elle, sur le plan psychologique et financier. En conséquences, les pénalités devaient être annulées.

En tout état de cause, elle remplissait les conditions légales pour bénéficier d’une remise d’impôt.

14.         Dans sa réponse du 10 juin 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La recourante s’était délibérément laissé imposer sur des revenus nettement inférieurs à sa réelle capacité contributive. Elle n’avait ainsi pas fait tout ce qui se révélait nécessaire pour assurer que ses taxations initiales soient complètes et exactes et avait dès lors violé une obligation lui incombant. Il existait une importante différence entre les montants d’impôt ressortant des taxations initiales et ceux découlant des bordereaux de rappel d’impôt. Un dommage pour la collectivité, équivalant au montant des reprises, était établi. Une soustraction d’impôt avait ainsi été commise par la recourante.

La quotité des amendes avait été arrêtée à 0.75 fois le montant des impôts soustraits. Elle avait tenu compte des circonstances du cas concret, à savoir du fait que les soustractions avaient été commises intentionnellement et, à titre de circonstances atténuantes, de la situation personnelle et financière de la recourante. Sa faute ne pouvait être qualifiée de légère, dans la mesure où il existait une disproportion manifeste entre les taxations initiales et les revenus réels de l’intéressée.

15.         Par réplique et duplique des 5 et 29 juillet 2024, la contribuable et l’AFC-GE ont persisté dans les conclusions de leurs écritures respectives.

16.         Le détail des pièces et des arguments des parties sera repris, ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             La recourante conteste les amendes qui lui ont été infligées pour soustraction d’impôt.

4.             Est notamment puni d’une amende le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu’une taxation ne soit pas effectuée, alors qu’elle devrait l’être, ou qu’une taxation entrée en force soit incomplète (art. 175 al. 1 LIFD et 69 al. 1 LPFisc).

5.             Pour qu’une soustraction fiscale soit réalisée, trois éléments doivent être réunis : la soustraction d’un montant d’impôt, la violation d’une obligation légale incombant au contribuable et la faute de ce dernier. Les deux premières conditions sont des éléments constitutifs objectifs de la soustraction fiscale, tandis que la faute en est un élément constitutif subjectif (ATA/919/2022 du 13 septembre 2022 consid. 28b et les références citées).

6.             La violation d’une obligation légale peut résulter d’une irrégularité dans la comptabilité ou du fait de remplir sa déclaration fiscale de manière non conforme à la vérité et non complète, en violation de l’art. 124 al. 2 LIFD (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1018/2015 du 2 novembre 2017 consid. 9.4.2 et les références citées).

7.             En l’espèce, la contribuable n’a pas contesté les bordereaux de rappel d’impôt des années 2013 à 2015, intégrant en particulier à son revenu des prestations appréciables en argent versées par la société. Étant donné qu’elle n’a pas déclaré ces montants, alors qu’elle y était tenue, il en est découlé une perte fiscale pour la collectivité. En conséquence, les éléments objectifs d’une soustraction d’impôt sont remplis. Il convient d’examiner l’élément subjectif, à savoir la faute.

8.             La soustraction est punissable aussi bien intentionnellement que par négligence. La preuve d’un comportement intentionnel de la part du contribuable doit ainsi être considérée comme apportée lorsqu’il est établi avec une sécurité suffisante que celui-ci était conscient du caractère erroné ou incomplet des indications fournies. Si cette conscience est établie, il faut présumer qu’il a voulu tromper les autorités fiscales, afin d’obtenir une taxation plus favorable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_792/2021 du 14 mars 2022 consid. 6.4.1). Cette présomption ne se laisse pas facilement renverser, car l’on peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu’il sait incorrectes ou incomplètes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1066/2018 du 21 juin 2019 consid. 4.1). Le dol éventuel suffit pour retenir l’intention (arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.2) : il suppose que l’auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, parce qu’il s’en accommode au cas où il se produirait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1073/2018 du 20 décembre 2019 consid. 17.3.1). En revanche, agit par négligence celui qui, par une imprévoyance coupable, ne se rend pas compte ou ne tient pas compte des conséquences de son acte. L’imprévoyance est coupable lorsque l’auteur n’a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle, ce par quoi l’on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1052/2019 du 18 mai 2020 consid. 3.7.1).

9.             En l’espèce, l’AFC-GE a retenu que les soustractions ont été commises intentionnellement, à tout le moins par dol éventuel.

La recourante ne partage pas le point de vue de l’autorité intimée. Selon elle, tout au plus peut-on lui reprocher une faute légère. Elle reproche à l’autorité intimée de ne pas avoir pris en considération le fait qu’elle était incarcérée au moment où l’AFC-CH a procédé à des reprises en matière de TVA. De ce fait, elle n’était pas en état d’apporter les preuves de l’estimation inexacte du chiffre d’affaires de la société retenu par l’AFC-GE dans la procédure de rappel et de soustraction d’impôt. En outre, elle ignore les raisons pour lesquelles l’administrateur de la société, sa fiduciaire, ainsi que son avocat n’ont pas contesté les redressements opérés par l’AFC-CH. Enfin, la recourante fait grief à l’AFC-GE de ne pas avoir tenu compte du fait qu’elle n’était pas en mesure de reconnaître le caractère erroné de ses propres déclarations fiscales, ainsi que des siennes.

10.         La contribuable ne peut être suivie.

Son incarcération en 2018 ne saurait constituer une circonstance exculpatoire, étant donné que les soustractions d’impôt (découlant des reprises) ont été commises antérieurement, soit lors de l’entrée en force des bordereaux des années 2013, 2014 et 2015, qui a eu lieu trente jours à compter de leur notification, laquelle est intervenue respectivement les 1er juillet et 28 octobre 2015 respectivement pour les années 2013 et 2014, ainsi que 12 décembre 2016 pour l'année 2015. Même si son incarcération deux à trois ans plus tard l'avait par hypothèse empêchée de contester les redressements opérés par l'AFC_CHF, la recourante n'explique de toute manière pas en quoi ces redressements seraient mal fondés, ni en quoi il serait faux de lui attribuer des gains non-déclarés, étant rappelé à ce sujet que la recourante s'est déclarée incapable d'apporter des réponses documentées aux demandes de renseignement de l'autorité intimée.

De même, le fait que la société n’aurait pas contesté les redressements en matière de TVA – qui ont servi de base aux reprises opérées au niveau de la recourante – demeure sans incidence s’agissant de qualifier la faute commise par celle-ci. En effet, comme rappelé ci-dessus, les soustractions qui lui sont reprochées n’ont pas été commises au moment du contrôle mené par l’AFC-CH, mais antérieurement.

Par ailleurs, le recours par la contribuable aux services d’une fiduciaire pour remplir ses déclarations fiscales et pour établir ses comptes ne lui permet pas de s’affranchir de ses obligations fiscales, qui consistent en particulier à remplir sa déclaration de manière conforme à la vérité et complète (art. 124 al. 2 LIFD ; art. 26 al. 2 LPFisc).

Enfin, il convient de retenir que la recourante a agi intentionnellement, parce qu’après s’être vu notifier les bordereaux initiaux des années 2013 à 2014, elle n’a pas élevé réclamation pour informer l’AFC-GE que ses taxations se révélaient insuffisantes (arrêt du Tribunal fédéral 9C_511/2023 du 25 novembre 2024 consid. 4.6.2). Au demeurant, indépendamment de cette circonstance, la recourante, de par sa position d'actionnaire unique de la société et d'employée de cette dernière au sein du MAG'S BAR, ne peut pas sérieusement soutenir n'avoir pas été en mesure de s'apercevoir qu'elle avait bénéficié de prestations appréciables en argent pour près de CHF 300'000.- sur une période de trois ans. Le fait qu'elle ne pouvait l'ignorer et qu'elle l'a dissimulé au fisc ne peut être compris que comme une action intentionnelle.

Au vu de ce qui précède, c’est à juste titre que l’AFC-GE a retenu que les soustractions avaient été commises intentionnellement et non par simple négligence. Il s’ensuit que les conditions objectives et subjectives de l’infraction sont remplies, de sorte que le prononcé d’une amende se justifie. Demeure à examiner sa quotité.

11.         Le montant de l’impôt soustrait constitue le premier élément de fixation de la peine. Celle-ci doit ensuite être fixée selon le degré de faute de l’auteur. En présence d’une infraction intentionnelle sans circonstances particulières, l’amende équivaut en règle générale au montant de l’impôt soustrait (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1).

12.         En cas de faute grave, l’amende doit donc en principe être supérieure à une fois l’impôt soustrait et peut être au plus triplée (art.175 al. 2 in fine LIFD et 69 al. 2 in fine LPFisc). Par faute grave, il faut comprendre entre autres la récidive, de même que l’attitude continuellement récalcitrante du contribuable vis-à-vis des autorités fiscales. Il y a en particulier la circonstance aggravante lorsque la soustraction d’impôt s’étend sur plusieurs années et s’effectue selon différents procédés, en cas d’existence d’un compte bancaire non déclaré ou, par exemple, en cas de présentation planifiée et erronée de bilans, par une personne morale sur plusieurs exercices (Pietro SANSONETTI, Danielle HOSTETTLER, in Yves NOËL, Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, art. 175 § 54, p. 1998).

Conformément à l’art. 106 al. 3 CP, l’amende doit être fixée en tenant compte de la situation de l’auteur, afin que la peine corresponde à la faute commise. Les principes régissant la fixation de la peine prévus à l’art. 47 CP s’appliquent. En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l’impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l’auteur. Les circonstances atténuantes de l’art. 48 CP sont aussi applicables par analogie en droit pénal fiscal (ATF 144 IV 136 consid.7.2.1. La bonne collaboration du contribuable dans la procédure en soustraction d’impôt constitue l’un des éléments permettant de réduire la peine (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1007/2012 du 15 mars 2013). Entrent aussi en considération le repentir actif ou encore l’écoulement d’un temps relativement long entre l’acte et sa découverte, durant lequel le contribuable s’est comporté correctement à l’égard du fisc (Pietro SANSONETTI, Danielle HOSTETTLER, in Yves NOËL, Florence AUBRY GIRARDIN, op. cit., art. 175, § 47, p. 1995).

13.         En l’espèce, l’AFC-GE a arrêté la quotité des amendes à 0.75 fois les droits soustraits. Elle a retenu à charge de la recourante l’existence des soustractions intentionnelles et à sa décharge, la situation personnelle et financière de l’intéressée.

De son côté, la contribuable fait grief à l’autorité intimée de ne pas avoir tenu compte de sa bonne collaboration, alors même qu’elle avait fourni un travail conséquent en vue de rassembler les pièces qui lui étaient réclamées. L’AFC-GE aurait par ailleurs dû prendre en considération la dégradation de sa santé, ainsi que sa situation financière catastrophique ayant résulté de la fermeture du bar et de la faillite de la société.

14.         La recourante a commis des soustractions durant trois années fiscales, ce qui constitue une circonstance aggravante. Quoi qu’elle en dise, elle ne peut se prévaloir d’une excellente collaboration, puisque, malgré une demande de l’autorité intimée, elle n’a remis à cette dernière ni la liste des inventaires, ni les copies de la bande de contrôle des caisses enregistreuses.

Contrairement à ce que soutient la contribuable, l’AFC-GE a pris en compte, à titre de circonstance atténuante, ses difficultés financières, ainsi que ses problèmes de santé. Elle a même fait prévaloir ces circonstances, puisque, nonobstant la circonstance aggravante que représente la récidive, elle a arrêté la quotité des amendes à 0.75 fois les droits soustraits, ce qui constitue une quotité inférieure à la sanction ordinaire.

Les amendes contestées seront donc confirmées.

15.         Enfin, en ce qui concerne la remise d’impôt dont la contribuable fait état dans son recours, celle-ci doit être adressée à l’AFC-GE conformément à l’art. 37 al. 3 de la loi relative à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales du 26 juin 2008 (LPGIP - D 3 18). Il appartient dès lors à la contribuable, si elle s'y estime fondée, à la déposer auprès de l’autorité intimée.

16.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 600.- ; il est couvert par l’avance de frais de CHF 1'000.- versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l’avance de frais de CHF 400.- lui sera restitué.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 8 avril 2024 par Madame A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 6 mars 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 600.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             ordonne la restitution à la recourante du solde de l’avance de frais de CHF 400.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Laurence DEMATRAZ et Giedre LIDEIKYTE HUBER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière