Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/4309/2023

JTAPI/1159/2024 du 25.11.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : IMPÔT À LA SOURCE;RÉCLAMATION DE DROIT PUBLIC
Normes : LIFD.137; LPFisc.38E
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4309/2023 ICCIFD

JTAPI/1159/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 novembre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Pour l’année fiscale 2021, Monsieur A______ a été soumis au régime d’imposition à la source. Selon son certificat de salaire 2021, daté du 4 février 2022, sa rémunération brute de CHF 114'103,90 a fait l’objet d’une retenue de CHF 20'276.- à titre d’impôt à la source (ci-après : IS), calculée selon un taux de 17,77 %. Ce certificat indiquait que ce montant de l’IS pouvait être contesté par une réclamation à déposer avant le 31 mars 2022.

2.             Le 6 juillet 2022, le contribuable a déposé auprès de l'AFC-GE une demande de rectification de l’IS 2021, faisant valoir une correction du taux d’imposition et l’octroi de deux charges de famille pour ses enfants.

3.             Par décision du 13 avril 2023, expédiée sous pli simple à l’adresse de l’employeur, l'AFC-GE a déclaré irrecevable cette demande pour cause de tardiveté.

4.             Le 16 juin 2023, le contribuable a formé réclamation contre cette décision, précisant ne l’avoir reçue que le 15 juin 2023, en raison du « changement de service », en mars 2023, au sein de l’entreprise qui l’employait.

Ce changement de service faisait suite à « des difficultés professionnelles 2021/2022 » qui ne lui avaient pas permis de gérer ses « démarches administratives » dans les délais légaux. Il priait l'AFC-GE d’excuser le dépôt tardif de sa demande de rectification et d’entrer en matière sur celle-ci.

5.             Par décision du 16 novembre 2023, l'AFC-GE a rejeté cette réclamation.

Pour déposer une demande de rectification, la loi fixait le délai au 31 mars de l’année qui suivait l’année de taxation et celui-ci ne pouvait pas être prolongé.

6.             Par acte du 21 décembre 2023, le contribuable a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant implicitement à son annulation.

Pour les motifs exposés dans sa réclamation du 16 juin 2023, il sollicitait une « prolongation » du délai fixé au 31 mars 2022 pour déposer sa demande de rectification. Il avait été « sérieusement affecté par [son] travail durant l’année 2022 au point d’oublier [ses] démarches administratives et fiscales ».

Il a produit un certificat médical, établi le 21 décembre 2023 par un médecin généraliste exerçant en France, indiquant : « En 2022, le patient a présenté un syndrome anxio dépressif, qui a pu expliquer son retard administratif notamment au niveau des impôts ».

Il a joint une attestation de son employeur datée du même jour, indiquant : « Nous vous confirmons que [le contribuable] a rencontré de très sérieuses difficultés professionnelles en 2022. Nous l’avons accompagné au mieux dans ses difficultés dès le mois de janvier 2022 lorsqu’il est venu nous en parler. Cet accompagnement a duré jusqu’au mois de mars 2023 et son changement d’unité professionnelle ». sic

7.             Le 4 juin 2024, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours au motif de la tardiveté de la demande de rectification du 6 juillet 2022, relevant que les difficultés rencontrées par le recourant ne constituaient pas des motifs permettant une restitution du délai légal applicable en l’espèce.

8.             Dans sa réplique du 5 juillet 2024, reprenant son argumentation précédente concernant la restitution du délai, le recourant a exposé les motifs pour lesquels sa taxation 2021 devait être examinée au fond.

9.             Le 6 août 2024, l'AFC-GE a campé sur sa position, relevant que le certificat médical fourni par le recourant ne démontrait pas que celui-ci était dans l’incapacité totale d’agir lui-même dans le délai légal ou de mandater un tiers pour le faire.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Tout en admettant la tardiveté de sa demande de rectification du 6 juillet 2022, le recourant demande que sa taxation à la source pour l’année 2021 soit examinée au fond, en se prévalant des motifs qui justifieraient, selon lui, une restitution des délais légaux applicables en matière d’IS.

4.             Préalablement, il convient de rappeler qu’en matière de décision d’irrecevabilité, seule la question de l’irrecevabilité peut faire l’objet du recours et non pas la taxation en tant que telle. Dans un tel cas, l’autorité de recours doit d’abord examiner si les conditions formelles de la recevabilité (forme écrite, délai, motivation, moyen de preuve, etc.) sont ou non remplies et, si tel n’est pas le cas, elle doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner elle-même le détail de la taxation (cf. ATF 131 II 548 consid. 2.3 ; 123 II 552 consid. 4c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_227/2021 du 16 avril 2021 consid. 2.2 ; 2C_930/2018 du 25 octobre 2018 consid. 3).

Ainsi, l’objet du présent litige se limite à la question de savoir si c’est à bon droit que l’AFC-GE a déclaré irrecevable la demande de rectification du recourant du 6 juillet 2022, en raison de sa tardiveté. Il en résulte que tous les griefs relatifs au bien-fondé de la taxation à la source concernée sont irrecevables.

5.             En droit fédéral, l'impôt à la source est régi dans la LIFD et la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642), qui sont applicables en l'espèce dans leur teneur en vigueur en 2021 (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_689/2022 du 12 avril 2023 consid. 4.1 ; 2C_60/2020 du 27 avril 2021 consid. 3 et 4).

Au niveau cantonal, c’est la nouvelle loi sur l’imposition à la source des personnes physiques et morales du 16 janvier 2020 (LISP - D 3 20), entrée en vigueur le 1er janvier 2021, et la LPFisc qui sont applicables.

L’art. 17 al. 1 LISP précise en particulier que c’est la LPFisc qui dispose des règles de procédure pour son application.

6.             Alors que l'impôt sur le revenu est perçu selon une procédure de taxation mixte, laquelle implique le dépôt d'une déclaration d'impôt par le contribuable, l'impôt à la source repose sur le principe de l'auto-taxation. Il est perçu par le débiteur de la prestation imposable (à savoir, lorsqu'il concerne le revenu du travail, l'employeur du contribuable), lequel a notamment l'obligation de retenir l'impôt dû, de le verser périodiquement à l'autorité fiscale compétente, d'établir à son intention les relevés y relatifs et de lui permettre de consulter tous les documents utiles au contrôle de la perception de l'impôt. Malgré cette substitution, le contribuable conserve certaines obligations de procédure, telle celle de donner des renseignements sur les éléments déterminants pour la perception de l'impôt à la source. Ainsi, l’impôt à la source se substitue à l'impôt fédéral direct et à l'impôt cantonal et communal perçus selon la procédure ordinaire. Aucune déduction ultérieure supplémentaire n’est accordée (cf. ATA/1151/2024 du 1er octobre 2024 consid. 2.9 et les références citées).

7.             Aux termes de l’art. 137 LIFD, le contribuable peut, jusqu’au 31 mars de l’année fiscale qui suit l’échéance de la prestation, exiger que l’autorité de taxation rende une décision relative à l’existence et l’étendue de l’assujettissement, en particulier s’il conteste l’impôt à la source indiqué sur l’attestation (al. 1 let. a).

En droit cantonal également, selon l’art. 38E al. 1 LPFisc, le contribuable peut, jusqu’au 31 mars de l’année fiscale qui suit l’échéance de la prestation, exiger que l’autorité fiscale rende une décision relative à l’existence et l’étendue de l’assujettissement : a) s’il conteste l’impôt à la source indiqué sur l’attestation mentionnée à l’art. 38A al. 1 let. b LPFisc ou b) si l’employeur ne lui a pas remis l’attestation mentionnée à l’art. 38A al. 1 let. b LPFisc.

8.             Les délais fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont en principe pas susceptibles d'être prolongés, restitués ou suspendus, si ce n'est par le législateur lui-même. Ainsi, celui qui n'agit pas dans le délai prescrit est forclos (cf. ATA/286/2020 du 10 mars 2020).

Les règles relatives à ce type de délais nécessitent une stricte application, ceci pour des motifs d'égalité de traitement et d'intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit. Ainsi, l'irrecevabilité qui sanctionne le non-respect d'un délai n'est en principe pas constitutive d'un formalisme excessif prohibé par l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (cf. not. ATF 142 V 152 consid. 4.2).

9.             La chambre administrative de la Cour de justice a récemment retenu (ATA/549/2024 du 30 avril 2024) que les travaux préparatoires relatifs à la révision du droit cantonal, notamment de l’art. 38F LPFisc, indiquaient clairement qu’il appartenait au contribuable de se manifester en demandant une rectification de l’impôt à la source ou le passage à une taxation ordinaire avant le 31 mars suivant l’année fiscale visée pour l’ensemble des éléments déterminants. En d’autres termes, passé le délai du 31 mars, le contribuable était forclos à remettre en cause les éléments de taxation. Elle en a fait de même dans un arrêt encore plus récent (ATA/1151/2024 précité), relevant que la solution inverse consistant à admettre que les contribuables taxés à la source pourraient contester leur taxation alors que celle-ci était entrée en force, créerait une inégalité de traitement avec les contribuables imposés de manière ordinaire, qui ne pouvaient contester leur bordereau de taxation après l’échéance du délai de réclamation (consid. 3).

10.         En l’espèce, le recourant admet que sa demande de rectification de l’IS 2021 a été déposée en dehors du délai fixé par les art. 137 LIFD et 38E al. 1 LPFisc. Conformément à la jurisprudence, cette déclaration lui est opposable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_637/2007 du 4 avril 2008, consid. 2.3 et 2.4.1). Il convient dès lors de retenir que sa demande a été introduite tardivement.

Cela étant, il demande la restitution de ce délai, en raison des difficultés professionnelles qu’il aurait rencontrées en 2021 et 2022 et de son état de santé durant cette période.

11.         Selon les art. 133 al. 3 LIFD et 41 al. 3 LPFisc, applicable par renvoi de l’art. 17 LISP, une réclamation tardive n'est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d'absence du pays ou pour d'autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter son acte en temps utile et qu'il l'a déposé dans les 30 jours après la fin de l'empêchement.

Un délai inobservé est restitué si la personne contribuable exécute l’acte omis dans les 30 jours qui suivent la disparition de l’empêchement et prouve qu’elle a été empêchée d’agir en temps utile pour des motifs sérieux (art. 21 al. 3 LPFisc).

12.         Selon la jurisprudence, les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable et son éventuel représentant n'ont pas respecté le délai légal en raison d'un empêchement imprévisible, dont la survenance ne leur est pas imputable à faute (arrêts du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2 et les références citées ; 2C_737/2018 du 20 juin 2019 consid. 4.1 non publié aux ATF 145 II 201). Celui-ci peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’un homme d’affaires avisé (ATA/633/2022 du 14 juin 2022 consid. 2a et les références citées).

Les cas de force majeure, soit les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de l'extérieur de façon irrésistible, demeurent aussi réservés. Pour établir l'existence d'un cas de force majeure, le fardeau de la preuve incombe à l'assujetti (ATA/461/2018 du 8 mai 2018 ; ATA/328/2018 du 10 avril 2018).

En particulier et à titre d'exemples, la maladie ou l'accident peuvent être considérés comme un empêchement non fautif et, par conséquent, permettre une restitution d'un délai, s'ils mettent la partie recourante ou son représentant légal objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par soi-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêt du Tribunal fédéral 2C_287/2022 du 4 mai 2022 consid. 5.1). Même une incapacité de travail totale n'exclut pas une simple activité administrative tendant à confier à un mandataire externe la défense de ses intérêts (arrêt du Tribunal fédéral 2F_33/2020 du 22 décembre 2020 consid. 4 et les réf.).

Par ailleurs, un surcroît de travail ou une inattention ne constituent pas des motifs de restitution du délai (Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, n° 13, p. 1736).

13.         En l’espèce, si le certificat médical et l’attestation de l’employeur versés au dossier indiquent certes que le recourant a effectivement eu des difficultés à gérer ses affaires administratives, respectivement son activité professionnelle, ces documents ne démontrent toutefois pas qu’il aurait été dans l’impossibilité objective ou subjective de le faire. Au demeurant, il apparait que durant la période considérée, le recourant n’a pas été en arrêt de travail en raison de son état de santé. En tout était, il n’a en rien démontré en quoi les difficultés dont il se prévaut l’auraient concrètement empêché de mandater un tiers pour agir à sa place. Dans ces conditions, une restitution du délai fixé par les art. 137 LIFD et 38E al. 1 LPFisc est exclue.

14.         Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que l'AFC-GE a considéré que la demande du recourant du 6 juillet 2022 était tardive et refusé d'entrer en matière, étant précisé que cette requête ne peut pas être considérée comme une demande de révision car à teneur de la jurisprudence fédérale, la voie de la révision n’est pas ouverte pour remettre en question la portée d’un assujettissement à l’impôt à la source pour lequel aucune décision n’a été requise dans le délai légal imparti (ATA/1151/2024 précité et les arrêts cités).

15.         Partant, le recours doit être rejeté.

16.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 21 décembre 2023 par Monsieur A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 16 novembre 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Gwénaëlle GATTONI, présidente, Laurence DEMATRAZ et Yuri KUDRYAVTSEV, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier