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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/984/2024

JTAPI/1002/2024 du 09.10.2024 ( LCI ) , IRRECEVABLE

ATTAQUE

Descripteurs : DÉCISION;CONDITION DE RECEVABILITÉ
Normes : LPA.54; LPA.4; LPA.49
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/984/2024 LCI

JTAPI/1002/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 9 octobre 2024

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Julien PACOT, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Par décision du ______ 2022, le département du territoire (ci-après : DT ou le département) a délivré à A______ SA (ci-après : A______) une autorisation de construire un habitat groupé (48 % THPE), des places de stationnement, un couvert à vélo, une pompe à chaleur et l'abattage d'arbres, sur les parcelles nos 1______ et 2______ de la commune de B______ (DD 3______).

2.             Cette autorisation de construire a été contestée par des propriétaires voisins par devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), lequel a rejeté leur recours sous réserve d'une modification du chiffre 5 de l'autorisation de construire ayant trait aux conditions imposées par la police du feu (JTAPI 4______ du 15 mars 2023).

3.             Cette décision a ensuite été portée par les propriétaires voisins devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) qui, par arrêt du 14 novembre 2023 (ATA/1242/2023), a partiellement admis le recours et conditionné l'autorisation de construire DD 3______ à la preuve que l'accès était garanti au sens des considérants, au plus tard au moment de la réalisation du projet.

Au considérant 3.6 de son arrêt, la chambre administrative a jugé que « l'accès à la parcelle n° 2______ n'était juridiquement pas garanti, puisqu'à teneur de la jurisprudence, si une servitude n'était pas suffisante, l'accès n'était pas garanti (arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2020 du 18 février 2022, consid. 3.2). In casu, a fortiori, en l'absence de toute servitude, l'accès tel que prévu par l'impasse, exclusivement sur des parcelles privées appartenant aux opposants, n'était pas garanti ».

Cet arrêt n'a pas été contesté et est entré en force.

4.             Par courriel du 6 février 2024, A______, sous la plume de son conseil, a interpellé le département afin de lui demander de lui confirmer que la condition imposée par la chambre administrative dans son arrêt était réalisée, de sorte qu'elle était légitimée à procéder à l'ouverture du chantier. À cette occasion, A______ a présenté une nouvelle argumentation juridique, basée sur la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10) et la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01) qui selon elle démontrait que l'accès à la parcelle n° 2______ par le chemin ______[GE], voie publique librement utilisable sous l'angle du droit public, était juridiquement garanti au sens des art. 19 et 22 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700). Pour appuyer son raisonnement, elle faisait valoir la prise de position demandée à ce sujet à l'office cantonal des transports (OCT) du département de la santé et des mobilités (ci-après : DSM).

5.             Par courriel du 27 février 2024, le département a répondu à A______ qu'il considérait que la condition imposée par la chambre administrative n'était pas réalisée en l'état, dès lors qu'en l'absence de servitude l'accès n'était pas garanti. Partant, le chantier de la DD 3______ ne pouvait pas être ouvert.

6.             Par acte daté du 20 mars 2024, A______ a formé recours contre le courriel du 27 février 2024 auprès du tribunal, concluant principalement à son annulation ; à ce qu'il soit dit et constaté que les circonstances d'espèce satisfaisaient à la condition imposée par la chambre administrative au terme de son arrêt du 14 novembre 2023 et que, ce faisant, rien ne s'opposait à l'ouverture du chantier propre à l'autorisation de construire DD 3______ ; le tout, sous suite de frais et dépens. Préalablement, elle sollicitait l'audition de l'OCT, soit pour lui, Madame C______.

En tant que destinataire de la décision précitée, elle était particulièrement touchée par cette dernière, laquelle refusait de considérer comme réalisée la condition assortie à l'autorisation de construire DD 3______ et empêchait ainsi l'ouverture du chantier faisant l'objet dudit permis. Elle était donc légitimée à se prévaloir d'un intérêt personnel et digne de protection à l'annulation de cette décision en constatation.

Son intérêt ne pouvait en outre pas être préservé d'une autre manière que par une décision de constatation dès lors qu'elle ne pouvait pas faire valoir ses droits par une action formatrice puisque, sous réserve de procéder à l'ouverture du chantier nonobstant la décision litigieuse, elle n'était pas en mesure d'obtenir une décision formatrice au sujet du respect de la condition imposée par l'arrêt de la chambre.

Quant à procéder à l'ouverture du chantier nonobstant la décision litigieuse, cela l'exposerait à se mettre en porte-à-faux vis-à-vis du département avec les risques que cela comportait.

Sur le fond, les art. 19 al. 1 et 22 LAT étaient respectés si la voie d'accès était garantie par un fondement juridique. Le fait de bénéficier d'un titre juridique permettant son utilisation était un cas de figure envisageable, mais il ne s'agissait pas d'un critère imposé par la loi.

Contrairement à ce que soutenait le DT, dans son arrêt, la chambre administrative n'avait pas imposé l'inscription d'une servitude de passage en faveur des parcelles nos 1______ et 2______. Elle s'était limitée à la contraindre à apporter la preuve que l'accès au projet de construction litigieuse était garanti, au plus tard lors de sa réalisation.

Ainsi, elle avait la possibilité, soit d'entreprendre des démarches judiciaires afin de formaliser son droit de passage sous l'angle du droit civil par l'inscription d'une servitude grevant les parcelles des propriétaires voisins, soit de démontrer la garantie juridique de la voie d'accès sous l'angle du droit public.

7.             Le 21 mars 2024, le département s'est déterminé sur le recours. À la forme, il devait être déclaré irrecevable et au fond, rejeté.

Son courriel du 27 février 2024 ne constituait pas une décision constatatoire comme le prétendait la recourante mais une simple prise de position ou avis de sa part sans effet sur la situation juridique de la recourante. Il ne s'agissait dès lors pas d'une décision au sens de l'art. 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10).

Dans sa demande du 6 février 2024, la recourante visait à recueillir l'avis du département quant à la nouvelle thèse qu'elle défendait fondée sur la LRoutes et qui permettrait selon elle d'affirmer que l'accès requis par les art. 19 et 22 LAT serait en l'occurrence juridiquement garanti et la condition imposée par la chambre administrative, réalisée. La recourante n'avait nullement sollicité le prononcé formel d'une décision constatatoire. Si elle l'avait fait, le département ne serait d'ailleurs pas entré en matière au vu du caractère subsidiaire de ce type de décision et de la possibilité pour la recourante de présenter son argumentation juridique par devant les instances judiciaires dans le cadre de la procédure de recours contre l'autorisation de construire DD 3______. En outre, si l'on devait reconnaître un caractère constatatoire au courriel du département, cela aurait en substance pour effet de permettre à la recourante de remettre en cause par ce biais, une décision judiciaire en force et d'ouvrir, même si indirectement, les voies de droit à son encontre, soit une possibilité non prévue par la LPA. La recourante n'avait donc pas d'intérêt digne de protection au prononcé d'une décision constatatoire.

La recourante ne demandait aucune clarification quant à la portée de la DD 3______ telle que modifiée par la chambre administrative et pour cause puisque la situation juridique de la recourante avait déjà été réglée de façon définitive, préalablement au courriel litigieux par l'arrêt du 14 novembre 2023 qui spécifiait clairement qu'à défaut de servitude, l'accès n'était pas juridiquement garanti. Cet arrêt ne comportait aucune incertitude nécessitant une clarification par le biais d'une décision constatatoire sur la portée des droits et obligations de la recourante.

En outre, dans sa réponse qui ne mentionnait pas les voies de recours, il n'avait fait que prendre position sur l'argumentation de la recourante en lui confirmant qu'à son sens, le chantier ne pouvait pas être ouvert. Cette prise de position pouvait être assimilée à un renseignement donné par l'administration sur l'application de dispositions légales. À ce titre, le courriel litigieux, à l'instar de la prise de position de l'OCT, n'avait aucun effet obligatoire sur la situation de la recourante puisqu'elle ne réglait pas celle-ci de façon contraignante et impérative contrairement à l'arrêt de la chambre administrative. En effet, dans l'hypothèse où la recourante devait ouvrir son chantier, les éventuelles mesures et sanctions prononcées par le département le seraient pour non-respect des conditions de l'autorisation de construire DD 3______ telle que modifiée par l'arrêt en question et non pour le non-respect de son courriel du 27 février 2024.

Ses arguments au fond seront repris dans la mesure utile.

8.             En date du 13 juin 2024, la recourante a répliqué.

S'il était vrai qu'elle n'avait pas sollicité le prononcé formel d'une décision de constatation, cela découlait néanmoins clairement du texte et du sens de sa requête, en combinaison avec les circonstances telles que décrites dans le courriel du 6 février 2024.

L'effet contraignant de la prise de position du DT revêtait les caractéristiques d'une décision administrative. En effet, sans la reconnaissance par l'autorité intimée de la réalisation de la condition de la garantie juridique de la voie d'accès, elle n'était pas légitimée à procéder à l'ouverture du chantier.

Sa situation juridique était donc indiscutablement impactée par « le renseignement » selon la qualification du département, litigieux qui remplissait donc les exigences de l'art. 4 al. 1 let. b LPA. Partant, dirigé à l'encontre d'une décision administrative, son recours était recevable.

L'OAC lui reprochait à tort de ne pas avoir fait état de son argumentation relative à la réalisation de la condition de la garantie juridique à la voie d'accès à l'occasion de la procédure de recours à l'encontre de la DD 3______. Or, le débat entre les parties n'avait jamais porté sur la garantie juridique d'accès découlant de la pérennité du chemin ______[GE] en tant que voie de desserte immuable, ouverte au public au sens de la LRoutes et des développements y relatifs. La chambre administrative n'avait pas non plus examiné d'office la situation sous cet angle dans son appréciation de la conformité aux art. 19 et 22 LAT.

Quoi qu'il en soit, dès lors que la chambre administrative, qui certes avait ajouté une condition à l'autorisation de construire, avait validé ce permis, elle n'avait aucune raison de contester ce résultat devant le Tribunal fédéral, étant donné que la condition était d'ores et déjà réalisée, sous l'angle du droit public, de sorte qu'il lui suffisait une confirmation de la part du département pour ouvrir le chantier ce qu'elle avait demandé par courriel du 6 février 2024. L'exigence de la subsidiarité de la décision constatatoire était ainsi satisfaite.

9.             Le 4 juillet 2024, le département a transmis sa duplique au tribunal.

10.         Le 8 juillet 2024, la recourante a persisté dans sa requête visant l'audition de l'OCT.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Préalablement, la recourante sollicite l'audition d'une représentante de l'OCT.

3.             Tel que garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Toutefois, le juge peut renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l’authenticité n’est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu’il parvient à la conclusion qu’elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/2020 du 18 février 2021 consid. 3.1 ; 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1).

4.             Ce droit ne confère pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 du 17 décembre 2021 consid. 3.2 ; cf. aussi art. 41 in fine LPA).

5.             En l'espèce, compte tenu de l'issue de la procédure, l'audition requise ne se justifie pas. Il ne sera par conséquent pas procédé à la mesure d’instruction requise, celle-ci n'étant au demeurant pas obligatoire.

6.             L'autorité intimée conteste que le courriel litigieux du 27 février 2024 constitue une décision sujette à recours. Aussi, cette question doit être préalablement tranchée.

7.             Selon l’art. 57 LPA, sont susceptibles d’un recours :

a) les décisions finales ;

b) les décisions par lesquelles l’autorité admet ou décline sa compétence ;

c) les décisions incidentes, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse ;

d) les lois constitutionnelles, les lois et les règlements du Conseil d’État.

8.             Au sens de l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c).

9.             En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral. Il ne suffit pas que l'acte querellé ait des effets juridiques, encore faut-il que celui-ci vise des effets juridiques. Sa caractéristique en tant qu'acte juridique unilatéral tend à modifier la situation juridique de l'administré par la volonté de l'autorité, mais sur la base de et conformément à la loi. La décision a pour objet de régler une situation juridique, c'est-à-dire de déterminer les droits et obligations de sujets de droit en tant que tels.

10.         Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la notion de décision implique un rapport juridique obligatoire et contraignant entre l'autorité et l'administré (ATF 141 I 201 consid. 4.2). Constitue une décision un acte étatique qui touche la situation juridique de l'intéressé, l'astreignant à faire, à s'abstenir ou à tolérer quelque chose, ou qui règle d'une autre manière obligatoire ses rapports avec l'État (arrêt du Tribunal fédéral 1C_150/2020 du 24 septembre 2020 consid. 5.2 et les références citées). De simples déclarations, comme des opinions, des communications, des prises de position, des recommandations et des renseignements n'entrent pas dans la catégorie des décisions, faute de caractère juridique contraignant (ATF 143 III 162 consid. 2.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2016 du 11 septembre 2017 consid. 2.2 ; 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2). Pour déterminer s'il y a ou non décision, il y a lieu de considérer les caractéristiques matérielles de l'acte. Un acte peut ainsi être qualifié de décision (matérielle), si, par son contenu, il en a le caractère, même s'il n'est pas intitulé comme tel et ne présente pas certains éléments formels typiques d'une décision, telle l'indication des voies de droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 du 4 décembre 2017 consid. 2.1 et les références citées).

11.         Aux termes de l'art. 49 LPA, l’autorité compétente peut, d’office ou sur demande, constater par une décision l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits ou d’obligations fondés sur le droit public (al. 1). Elle donne suite à une demande en constatation si le requérant rend vraisemblable qu’il a un intérêt juridique personnel et concret, digne de protection (al. 2).

12.         Les décisions de constatation ne servent pas à modifier la situation juridique, mais uniquement à clarifier celle-ci de façon obligatoire. Les administrés peuvent ainsi être fixés de façon certaine sur leurs droits et obligations (cf. Thierry. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème édition, 2018, n. 819 p. 293).

13.         La décision de constatation a un effet sur les droits et obligations de son destinataire non parce qu'elle les modifie, mais parce qu'elle établit leur existence ou leurs limites ; elle constate des droits et obligations en donnant une force juridique à ce constat (François BELLANGER, Jérôme CANDRIAN, Madeleine HIRSIG-VOUILLOZ, Commentaire romand, Loi fédérale sur la procédure administrative, ad art. 5 n. 83 p. 155).

14.         Selon la jurisprudence, une autorité ne peut rendre une décision en constatation que si la constatation immédiate de l’existence ou de l’inexistence d’un rapport de droit est commandée par un intérêt digne de protection, à savoir un intérêt actuel de droit ou de fait auquel ne s’opposent pas de notables intérêts publics ou privés, à la condition que cet intérêt digne de protection ne puisse pas être préservé par une décision formatrice, c’est-à-dire constitutive de droits ou d’obligations (cf. ATF 129 V 289 consid. 2.1). Une décision en constatation ne sera rendue que si l'intérêt digne de protection du requérant ne peut pas être préservé au moyen d'une décision formatrice (ATF 142 V 2 ;. 130 V 388, 126 II 300) Dans le même ordre d'idées, une requête de décision constatatoire ne saurait permettre de faire valoir des griefs qui auraient pu être invoqués dans un recours pour lequel le délai est échu (JAAC 2001/65 n° 7 consid. 2c, CRA, Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 822).

15.         Le principe de subsidiarité n’est toutefois pas absolu. Dans les cas où l’intérêt digne de protection du requérant est mieux servi par une décision en constatation que par une décision formatrice ou condamnatoire, notamment si la décision constatatoire tranche une question juridique essentielle et permet d’éviter une procédure complexe, l’autorité saisie ne se montrera pas trop stricte sur la question de la subsidiarité. De même, un intérêt digne de protection peut déjà être reconnu si la décision en constatation de droit permet au recourant d’éviter de prendre des mesures qui lui seraient préjudiciables, ou de ne pas prendre des dispositions qui lui seraient favorables (ATA/975/2022 du 27 septembre 2022 consid. 8b et les références citées).

16.         En l'espèce, il convient de ne pas perdre de vue que dans son arrêt du 14 novembre 2023, la chambre administrative s'est en particulier penchée sur la question de l'accès aux parcelles de la recourante visées par la DD 3______, et a considéré qu'en l'absence de toute servitude, l'accès à la parcelle n° 2______, tel que prévu par l'impasse, exclusivement sise sur des parcelles privées appartenant aux opposants au projet, n'était pas garanti. En conséquence, elle a complété l'autorisation de construire en ajoutant comme condition celle d'apporter la preuve que l'accès soit garanti au sens des considérants au plus tard au moment de la réalisation du projet.

Ainsi et contrairement à ce que semble soutenir la recourante, et même si la qualification du chemin ______[GE] n'a pas été abordée sous l'angle aujourd'hui présenté par la recourante, la question de la garantie juridique de l'accès à sa parcelle a largement été débattue par les parties durant la procédure de recours tant en première instance que devant la chambre administrative, dont l'arrêt est désormais définitif.

Par ailleurs, comme l'a très justement relevé l'autorité intimée, dans son courriel du 6 février 2024, la recourante, représentée par un avocat, n'a pas sollicité du département qu'il rende une décision de constatation de ses droits et obligations, lesquels ressortent très clairement de l'arrêt du 14 novembre 2023, mais a demandé au département s'il partageait la position de l'OCT, selon lequel l'accès aux parcelles nos 1______ et 6______ par le chemin ______[GE] était garanti, et dans cette hypothèse de lui confirmer que la condition imposée par la chambre administrative était réalisée.

En tout état, dans sa réponse, le DT, se référant à la teneur de l'arrêt précité, s'est contenté de relever qu'en l'absence de servitude, la condition imposée par la chambre administrative n'était pas réalisée, de sorte que le chantier ne pouvait pas être ouvert.

Quoi qu'en dise la recourante, ce courriel, qui se limite à répéter le contenu de l'arrêt de la chambre administrative en force, ne constitue pas une décision constatatoire susceptible de recours (dans ce sens voir BOVAY/BLANCHARD/GRISEL RAPIN, Procédure administrative vaudoise, LPA-VD annotée, 2ème édition 2021, n. 7.2.7 ad art. 3 LPA-VD et les références citées). Il n'a en particulier aucun effet contraignant pour la recourante autre que celui résultant de l'arrêt de la chambre administrative.

Si l'on comprend la logique qui est à la base de la démarche de la recourante, laquelle tente de faire valoir un argument qui n'a pas été discuté dans le cadre de la procédure ayant conduit à l'arrêt en question, force est de relever que rien n'empêchait la recourante de le porter devant le Tribunal fédéral, ce qu'elle n'a pas fait.

On ne saurait ainsi considérer à ce stade que la recourante n'a pas l'obligation d'établir les servitudes nécessaires si elle entend réaliser son projet tel que prévu, alors qu'une telle condition a été mise à sa charge au terme de la procédure soldée par l'arrêt du 14 novembre 2023. Par sa demande au DT, la recourante ne fait pas autre chose que de tenter de contester le bien-fondé de cette décision, ce qui n'est pas admissible. En effet, comme rappelé plus haut, une requête de décision constatatoire ne saurait permettre de faire valoir des griefs qui auraient pu être invoqués dans un recours pour lequel le délai est échu.

Au vu de ce qui précède, faute de décision sujette à recours, le courriel du 27 février 2024 du département ne pouvant être considéré comme telle, le recours sera déclaré irrecevable.

17.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 20 mars 2024 par A______ contre le courrier électronique du département du territoire du 27 février 2024 ;

2.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

3.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Oleg CALAME et Aurèle MÜLLER, juges assesseurs.


Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière