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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1471/2024

JTAPI/993/2024 du 07.10.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : DÉCISION SUR OPPOSITION;RESTITUTION DU DÉLAI;RECONSIDÉRATION;RÉVISION(DÉCISION)
Normes : LIFD.132.al1; LIFD.147; LPFisc.39.al1; LPFisc.55
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1471/2024 ICCIFD

JTAPI/993/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 7 octobre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne la taxation 2022 de Monsieur A______ qui, durant l’année en cause, était occupé auprès de B______ à Genève. Son épouse, Mme C______, travaillait alors pour D______ (ci-après : D______).

2.             À teneur d’une attestation annexée à la déclaration fiscale 2022 du couple et datée du 7 mars 2023, Mme C______ bénéficiait du statut de fonctionnaire international au sein de l’D______. Les salaires et émoluments qu’elle avait perçus en 2022 étaient exonérés de l’impôt sur le revenu.

3.             Par bordereaux du 10 novembre 2023, l’administration fiscale cantonale
(ci-après : AFC-GE) a taxé le contribuable pour l’année 2022 compte tenu d’une période d’imposition s’étendant du 17 octobre au 31 décembre de cette même année. Le total de l’ICC et de l’IFD s’élevait à CHF 7'004.30. Le salaire de son épouse n’a été pris en considération ni pour l’assiette ni pour le taux.

4.             Le 8 mars 2024, le contribuable a élevé réclamation à l’encontre de ces taxations. « Malgré le délai de trente jours pour les contester », il a demandé à l’AFC-GE de les examiner. En substance, c’était à tort que celle-ci avait tenu compte du salaire de son épouse, car il était exempté d’impôts. Le total d’impôts que l’AFC-GE lui réclamait pour l’année 2022, en CHF 7'114.- [recte : CHF 7'004.30], qu’il avait payé, devait lui être remboursé.

5.             Par décisions du 2 avril 2024, l’AFC-GE a déclaré la réclamation irrecevable pour cause de tardiveté.

6.             Par acte du 2 mai 2024, le contribuable a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant au remboursement de la somme de CHF 7’114.-, subsidiairement à l’imputation de ce montant sur une créance d’impôt d’une année subséquente. Plus subsidiairement, l’AFC-GE devait lui expliquer la raison pour laquelle ce montant était dû.

Le délai de trente jours pour élever réclamation était particulièrement court. Il avait réclamé deux mois après avoir reçu ses bordereaux, ce qui se révélait raisonnable, compte tenu des circonstances. En l’occurrence, son épouse avait été induite en erreur à plusieurs reprises par l’AFC-GE, ainsi que par la Mission permanente de la Suisse auprès des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève (ci-après : la mission). En outre, la situation du couple se révélait complexe, étant donné notamment le statut de fonctionnaire international de son épouse et en raison du fait qu’il travaillait pour un employeur non tenu de cotiser. L’AFC-GE devait faire preuve de bonne foi à son égard.

L’impôt qui lui était réclamé en 2022 (CHF 7'114.-) représentait 20 % de son revenu imposable (CHF 34'935.-). Si l’on tenait compte du fait qu’il avait dû verser des cotisations sociales sur son revenu, cette fraction s’élevait à 40 % (CHF 13'142.- sur les CHF 34'935.-), de sorte qu’elle devait être qualifiée de confiscatoire. En conséquence, l’AFC-GE devait lui restituer le montant de CHF 7'114.- en application des règles régissant l’enrichissement illégitime.

7.             Dans sa réponse du 3 juillet 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours pour cause de tardiveté de la réclamation. Le contribuable admettait avoir réclamé tardivement et ne parvenait pas à prouver la teneur des propos qu’il lui imputait. Au surplus, les conditions de la révision n’étaient pas remplies.

8.             Par réplique du 25 juillet 2024, le recourant a reconnu qu’il ne disposait pas de preuves directes qu’il avait été induit en erreur par l’AFC-GE et par la mission, étant donné que les informations erronées lui avaient été communiquées par téléphone. Toutefois, il existait un faisceau d’indices concordants le démontrant. En particulier, les avis de taxation, sous la rubrique « période d’imposition » faisaient état du « contribuable B », à savoir son épouse, laissant à penser que le revenu de celle-ci avait été pris en compte. Par ailleurs, l’addition du revenu des deux conjoints correspondait au revenu pour le taux. Enfin, l’AFC-GE ne se prononçait pas sur la question de l’enrichissement illégitime.  

9.             Dans sa duplique du 16 août 2024, l’AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse.

Seul le revenu du recourant avait été pris en compte. Les avis de taxation ne faisaient état du « contribuable B » qu’aux fins de faire bénéficier l’intéressé du barème parental.  

10.         Le détail de l’argumentation des parties sera repris, ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Lorsque - comme en l’espèce - les décisions sur réclamation sont des décisions d'irrecevabilité, seule la question de l'irrecevabilité peut faire l'objet du recours et non pas la taxation en tant que telle. Dans un tel cas, l'autorité de recours doit en effet d'abord examiner si les conditions formelles de la recevabilité de la réclamation (forme écrite, délai, motivation, moyen de preuve, etc.) étaient ou non remplies et, si tel n'est pas le cas, elle doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner elle-même le détail de la taxation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2021 du 16 avril 2021 consid. 2.2).

4.             Au vu de cette jurisprudence, il convient uniquement de déterminer si c’est à bon droit que l’AFC-GE a estimé que la réclamation a été déposée tardivement.

5.             À teneur des art. 39 al. 1 LPFisc et 132 al. 1 LIFD, le contribuable peut adresser à l'autorité de taxation une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les 30 jours qui suivent sa notification.

6.             Ce délai commence à courir le lendemain de la notification. Il est considéré comme respecté si la réclamation est remise à l'autorité de taxation, à un office de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse à l'étranger le dernier jour ouvrable du délai au plus tard (art. 41 al. 1 LPFisc et art. 133 al. 1 LIFD). Celui qui n'agit pas dans le délai prescrit est forclos et le jugement ou la décision en cause acquièrent force obligatoire (ATA/923/2018 du 11 novembre 2018 consid. 2c et les références citées).

Les règles relatives à ce type de délai nécessitent une stricte application, ceci pour des motifs d'égalité de traitement et d'intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit. Ainsi, l'irrecevabilité qui sanctionne le non-respect d'un délai n'est en principe pas constitutive d'un formalisme excessif prohibé par l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (ATF 125 V 65 consid. 1).

7.             Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable n’a pas respecté le délai légal en raison d’un empêchement imprévisible, dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (arrêt du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2). Celui-ci peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’un homme d’affaires avisé (ATA/633/2022 du 14 juin 2022 consid. 2a et les références citées).

8.             En l’occurrence, le contribuable a élevé réclamation le 8 mars 2024 à l’encontre des bordereaux de taxation du 10 novembre 2023. Il admet avoir agi plus de deux mois après avoir reçu ses bordereaux. Conformément à la jurisprudence, cette déclaration lui est opposable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_637/2007 du 4 avril 2008, consid. 2.3 et 2.4.1). Il en résulte que l’intéressé n’a pas respecté le délai de réclamation.

Cela étant, dans son recours, il sollicite implicitement une restitution de ce délai.

9.             Selon l’intéressé, un délai de trente jours se révèle trop court compte tenu des circonstances du cas d’espèce. Cette argumentation ne résiste pas à l’examen, en raison de la nature impérative des délais légaux.

Par ailleurs, dans ses écritures, il soutient que la mission et l’AFC-GE l’auraient induit en erreur. Il admet cependant qu’il ne peut en apporter la preuve, tout en prétendant qu’un faisceau d’indices tend à le démontrer. Il se prévaut de courriels que son épouse a adressés à son employeur, en vue d’obtenir le remboursement d’un trop-perçu d’impôts. Le premier courriel a été envoyé le 26 novembre 2023. La précitée y a également indiqué son intention d’élever réclamation.

Or, l’on ne voit pas en quoi ces documents représenteraient un empêchement au sens où l’entend la jurisprudence. Au contraire, à la date susmentionnée, l’intéressé s’était déjà rendu compte que, d’après lui, le montant d’impôt qui lui était réclamé était excessif. Rien à ce moment là ne l’empêchait de contester ses bordereaux, ce d’autant qu’une réclamation dirigée contre une taxation ordinaire, telle qu’en l’espèce, n’a pas besoin d’être motivée (ATA/411/2014 du 3 juin 2014).

Enfin, le contribuable se prévaut de la situation fiscale complexe du couple et du fait que, pour l’année en cause, il a rempli pour la première fois une déclaration d’impôts. Or, de manière générale, une méconnaissance des lois fiscales ne constitue pas un motif sérieux au sens des art. 41 al. 3 LPFisc et 133 al. 3 LIFD, justifiant une restitution de délai (JTAPI/693/2020 du 24 août 2020 consid. 6). De plus, rien ne démontre que les époux ont été empêchés de consulter un mandataire pour se charger de leurs affaires fiscales ou de s’adresser à l’AFC-GE, afin d’obtenir des clarifications au sujet de leurs taxations.

Il s’ensuit que le recourant n’a pas droit à une restitution du délai de réclamation.

10.         Cela étant, le tribunal a, à maintes reprises, jugé que lorsqu'un contribuable demande à l'AFC-GE de réexaminer sa taxation, alors que le délai de réclamation a expiré depuis plusieurs mois, cette dernière doit envisager une telle requête comme une demande de reconsidération (ou de révision, au sens des art. 55 LPFisc et 147 LIFD) (JTAPI/849/2024 du 28 août 2024 consid. 10 et les réf.).

Or, il est patent, au vu de la date de dépôt et de son contenu, que la requête du 8 mars 2024, devait être comprise comme une demande de ce type, que l’AFC-GE aurait dû considérer et traiter comme telle. Cette question relève de la seule compétence de l'autorité intimée (art. 149 al. 1 LIFD et 57 al. 1 LPFisc).

Cependant, étant donné que l’AFC-GE s’est prononcée dans sa réponse sur la question de la révision – quoique brièvement – le tribunal renoncera à lui renvoyer la cause par économie de procédure et statuera lui-même sur cette problématique.

11.         Aux termes des art. 55 al. 1 LPFisc et 147 1 LIFD, une décision ou un prononcé entré en force peut être révisé en faveur du contribuable, à sa demande ou d'office lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a), lorsque l'autorité qui a statué n'a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu'elle connaissait ou devait connaître ou qu'elle a violé de quelque autre manière l'une des règles essentielles de la procédure (let. b) ou lorsqu'un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c).

La révision est exclue lorsque le requérant invoque des motifs qu'il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire, s'il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui (art. 55 al. 2 LPFisc et art. 147 al. 2 LIFD).

12.         Une révision est exclue en cas d'erreur dans la déclaration d'impôt due à une négligence du contribuable ou de son représentant. Il appartient au contribuable de contrôler la décision de taxation lorsqu'il la reçoit et de signaler en temps utile les vices dont elle serait affectée (consid. 5.2). Il n'est pas possible de déroger aux principes régissant la révision, si le résultat de leur application est choquant et heurte le sentiment de l'équité. Un tel raisonnement revient en effet à déroger à la règle du numerus clausus des motifs légaux qui permettent de revenir sur une décision entrée en force (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.1).

13.         En l’occurrence, le contribuable n’a pas allégué, et encore moins démontré que les conditions de la révision seraient remplies. Il aurait, d’ailleurs, pu faire valoir ses griefs à l’encontre des bordereaux incriminés dans le cadre de la procédure ordinaire de réclamation, s’il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait être raisonnablement exigée de lui et invoquer notamment que le calcul de l’impôt était, selon lui, inexact ou son montant, excessif. D’ailleurs, ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, il s’en été déjà rendu compte le 26 novembre 2023. Or, à ce moment-là, le délai de réclamation n’avait pas encore expiré. En outre, il aurait pu soit faire appel à un fiscaliste, soit se faire expliquer par l’AFC-GE le calcul de l’impôt, tout en réclamant en parallèle dans le délai légal, afin de sauvegarder ses droits.

Partant, c’est à bon droit que l’autorité intimée a considéré que les conditions de la révision n’étaient pas remplies.

14.         Enfin, le recourant conclut à ce que l’AFC-GE lui rembourse la somme de CHF 7'114.-, en application des règles régissant l’enrichissement illégitime.

Le contribuable peut demander la restitution d’un montant d’impôt payé par erreur, s’il ne devait pas l’impôt ou ne le devait qu’en partie (art. 168 al. 1 LIFD ; art. 32 al. 1 de la loi relative à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales du 26 juin 2008 - LPGIP - D 3 18).

La demande doit être adressée à l’AFC-GE (art. 168 al. 3 LIFD ; art. 32 al. 2 LPGIP).

15.         En l’espèce, cette conclusion doit être déclarée irrecevable, parce qu’elle est exorbitante de l’objet du litige, lequel ne porte que sur la question de la tardiveté de la réclamation. Le recourant est invité à s’adresser à l’autorité intimée.

16.         Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.

17.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 2 mai 2024 par Monsieur A______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 2 avril 2024 ;

2.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais d’un même montant ;

3.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Pascal DE LUCIA et Philippe FONTAINE, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

 

 

La greffière