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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3215/2023

JTAPI/945/2024 du 23.09.2024 ( ICCIFD ) , ADMIS PARTIELLEMENT

REJETE par ATA/373/2025

Descripteurs : ACTIVITÉ LUCRATIVE INDÉPENDANTE;PROVISION POUR RISQUES ET CHARGES;PERTE(ARGENT);AMORTISSEMENT(DROIT FISCAL)
Normes : LIFD.29.al1; LIPP.30.lete; CO.960e; LIFD.27.al2.lete; LHID.10.al1.letc
En fait
En droit
Par ces motifs

 

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3215/2023 ICCIFD

JTAPI/945/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 23 septembre 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Me Olivier PECLARD, avocat, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne la taxation 2014 de Madame A______ et Monsieur B______ lequel exerçait, durant l’année en cause, la profession de promoteur immobilier à titre indépendant.

Litige civil

2.             Un litige a opposé M. B______ et la C______ (ci-après : C______), laquelle est issue de la fusion, en 1994, de D______ (ci-après : D______) et de la E______.

Au mois de mai 2000, parmi d'autres mesures destinées à assainir le bilan de la C______, l'O______ a créé la F______ (ci-après : F______).

3.             La D______ a entretenu avec M. B______ des relations d’affaires dans le cadre de différentes opérations immobilières, notamment le G______ SA (ci-après : G______), la H______ (ci-après : H______) et l’opération I______.

4.             Le 19 novembre 2000, F______ est devenue cessionnaire de deux créances de la C______ envers M. B______, pour un total d’environ CHF 72 millions.

5.             Par jugement du ______ 2004 (JTPI/______), le Tribunal de première instance (ci-après : TPI) a retenu (consid. Da et b), que les relations entre la C______ et M. B______ devaient être qualifiées, non de société simple, mais de contrat de portage, à savoir un contrat synallagmatique dans lequel ce dernier détenait les actions de H______ pour le compte de la D______, qui s’était engagée à les lui racheter au prix d’achat augmenté des intérêts capitalisés.

6.             Le 1er novembre 2006, F______ et M. B______ ont conclu une convention (ci-après : la convention) par laquelle celui-ci a reconnu devoir à F______ le montant de CHF 15'134'974.40, exigible dès le 31 mars 2007. Le précité a indiqué qu'il entendait faire valoir la compensation en ce qui concernait les créances nées de ses relations avec la C______ avant le 21 octobre 2001. Jusqu’à droit jugé du contraire, F______ déclarait contester l’existence de telles créances. Aux fins de faire trancher l’existence et le fondement de ces créances, F______ introduirait, dès le 31 mars 2007 au plus tôt, une procédure par-devant le TPI.

7.             Le 6 juin 2007, F______, se fondant sur la convention, a ouvert action contre M. B______ devant le TPI en concluant à ce que le précité soit condamné à lui payer CHF 15'134'974.40 avec intérêts au taux de 3.5 % par an dès le 31 mars 2007.

Le précité a conclu au rejet de l'action. Dans ses conclusions reconventionnelles après enquêtes, il a amplifié ses conclusions initiales et a réclamé à la demanderesse le paiement de CHF 13'441'734.05 avec intérêts au taux de 5 % par an dès le 30 novembre 2010.

8.             Compte tenu de la dissolution de F______ avec effet au 31 décembre 2009, l'O______ lui a succédé dans le procès intenté en qualité de demandeur.

9.             Par jugement du ______ 2010 (JTPI/______), le TPI a condamné M. B______ à verser à l’O______ CHF 1'096'400.- avec intérêts au taux de 5 % par an dès le 29 novembre 1999.

10.         Saisie part les deux parties, la chambre civile de la Cour de justice (ci-après : chambre civile), par jugement du _____ 2012 (ACJC/______) a condamné M. B______ à payer à l’O______ CHF 15'134'974.40 avec intérêts au taux de 3.5 % par an dès le 31 mars 2007, sous imputation de CHF 1'020'000.-.

11.         Par arrêt du ______ 2012 (4______ et ______), le Tribunal fédéral a admis le recours de l’O______ et réformé l’arrêt de la chambre civile en ce sens que M. B______ était condamné à lui verser CHF 15'134'974.40 avec intérêts au taux de 3.5 % l’an dès le 31 mai 2007, et ce, sans imputation de CHF 1'020'000.-.

Procédure fiscale : années 2006 à 2013

12.         À l’actif des bilans des années 2006 à 2011 du contribuable, celui-ci a fait figurer un poste « créances contre partenaires », dont il a retranché une provision pour perte.  

En 2011, la créance se chiffrait à CHF 20'470'153.- et la provision à CHF 5'335'153.-. Partant, le montant net de la créance s’établissait à CHF 15'135'000.-.

En 2012, le contribuable a totalement amorti cette dernière, de sorte qu’elle figurait pour un montant nul à la fin de l’exercice. Par ailleurs, dans son compte de profits et pertes, il a comptabilisé une charge de CHF 13'849'584.- à titre de perte sur créance. L’exercice 2012 s’est soldé par une perte excédant CHF 16 millions.

13.         Le 24 juin 2016, répondant à une demande de renseignements de l’AFC-GE, le contribuable a expliqué que le montant de CHF 13'849'584.- découlait de l’arrêt du Tribunal fédéral du ______ 2012 et de la convention conclue avec l’O______.

14.         Par bordereau d’ICC du 15 juin 2021, l’AFC-GE a taxé les contribuables pour l’année 2012 sur la base d’une fortune et d’un revenu nuls ; ils n’étaient redevables que de l’impôt immobilier complémentaire et n’étaient pas taxables en IFD.

L’AFC-GE a extourné la provision de CHF 5'335'153.- et a refusé de déduire la perte sur créance.

15.         Les contribuables ont élevé réclamation par lettres des 28 octobre 2021, 1er et 24 octobre 2022, à l’encontre de cette taxation, contestant diverses reprises opérées par l’AFC-GE au niveau de leur revenu.

16.         Par décision du 27 février 2023, l’AFC-GE a déclaré la réclamation irrecevable pour défaut d’intérêt actuel, relevant qu’une admission de celle-ci n’aurait pas pour effet de diminuer les impôts dus par eux.

17.         Par acte du 30 mars 2023, les contribuables, sous la plume de leur conseil, ont interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de cette décision.

18.         Le 1er septembre 2023, l’AFC-GE, consécutivement à la réclamation élevée par les contribuables à l’encontre de leurs bordereaux 2013, a dégrevé entièrement ces taxations « pour cause de forclusion ».

19.         Par jugement du 22 janvier 2024 (JTAPI/42/2024), en force, le tribunal a déclaré irrecevable le recours déposé le 30 mars 2023. Les contribuables ne disposaient pas d’un intérêt actuel à contester le montant des pertes reportées, étant donné que leur bénéfice imposable était nul.

Procédure fiscale : année 2014

20.         Dans leur déclaration fiscale 2014, les époux ont revendiqué des pertes non compensées se chiffrant à CHF 17'181'915.-. Le compte de profits 2014 du contribuable faisait état d’un bénéfice net de l’exercice de CHF 2'477'465.-.

21.         Par bordereaux datés du 27 février 2023, l’AFC-GE a taxé les contribuables pour l’année 2014.

Elle a produit un tableau de détermination des pertes commerciales à compenser et des pertes non compensées. À titre de frais généraux de l’activité indépendante de la contribuable (J______), l’AFC-GE a admis en déduction un montant de CHF 40'500.- intitulé « K______ ».

22.         Le 30 mars 2022, les contribuables ont élevé réclamation à l’encontre des bordereaux du 27 février précédent.

C’était à tort que l’AFC-GE n’avait pas comptabilisé la perte de CHF 13'849'584.- résultant de l’arrêt du Tribunal fédéral du ______ 2012 et extourné la provision de CHF 5'335'513.- initialement admise en 2006 et ce, dès l’exercice 2012.

23.         Par décision du 1er septembre 2023, l’AFC-GE a admis partiellement la réclamation, la rejetant sur les points suivants.

Étant donné que la perte reportée n’avait pas été reconnue dans le cadre de la taxation 2012, elle ne pouvait pas être reportée sur les périodes fiscales successives, en particulier 2014. En outre, la « K______ », de CHF 40'500.- avait été déduite au niveau de l’activité indépendante de la contribuable.

Le même jour, l’AFC-GE a notifié aux contribuables des bordereaux rectificatifs pour tenir compte de l’admission partielle de leur réclamation.  

24.         Par acte du 4 octobre 2023, les contribuables, sous la plume de leur conseil, ont interjeté recours devant le tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à la déduction d’une « K______ », en CHF 40'500.-, au niveau du bénéfice du contribuable, d’une provision de CHF 5'335'153.- et d’une perte de CHF 13'849'584.-, le tout sous suite de dépens.

L’AFC-GE avait admis une déduction de CHF 40'500.- à titre de « K______ », au niveau de l’activité indépendante de la recourante. Or, les contribuables étaient copropriétaires à parts égales entre eux, avec d’autres personnes, J______. Dès lors, la « K______ » devait également être défalquée du revenu du recourant.

Par convention du 1er novembre 2006, il avait reconnu devoir à F______ la somme de CHF 15'135'974.40, en se réservant le droit de lui opposer les créances nées avant le 21 octobre 2001 et trouvant leur fondement dans ses relations passées de portage avec la C______. Il avait, en effet, supporté de nombreux coûts qui devaient être assumés par la banque. Lorsque cette convention avait été signée, une transaction avait été envisagée, dans le cadre de laquelle il acceptait de ramener ses prétentions au même montant que celui qu’il avait reconnu devoir à la C______, montant qui serait alors compensé. Il avait ainsi comptabilisé une provision de CHF 5'335'153.-. Il renonçait à une partie du remboursement des frais qu’il avait assumé dans le cadre des relations de portage et que la C______ aurait dû lui rembourser. C’était à juste titre qu’une provision avait été comptabilisée en 2006.

Il avait constamment comptabilisé les frais en question, lesquels se montaient à CHF 19'184'737.-. Sous déduction de la provision de CHF 5'335'153.-, il comptait récupérer auprès de la C______ la somme de CHF 13'849'584.-. À la suite de l’arrêt du Tribunal fédéral, il n’avait pas été en mesure de recouvrer ces frais, mais il les avait toutefois effectivement encourus. Dès lors, la perte comptabilisée en 2012 était admissible et admise dans le cadre de la taxation 2014.

En se fondant de bonne foi sur l’arrêt du TPI du ______ 2004 qualifiant de portage ses relations avec la C______, il avait déclaré de 2006 à 2011, les frais que celle-ci lui devait. Les montants en question n’avaient jamais été remis en question par l’AFC-GE. L’attitude de celle-ci, refusant la déduction de la perte en 2012 n’était pas correcte. Elle aurait dû admettre, dans le cadre de la taxation 2014, les frais dus en lien avec la relation de portage.

25.         Le 3 novembre 2023, les recourants ont produit un avis de droit rédigé le 16 octobre précédent par Mes L______ et M______.

26.         Dans sa réponse du 5 mars 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La question qui se posait n’était pas de savoir si le contribuable avait encouru des frais déductibles commercialement, mais de déterminer s’il détenait une créance à l’encontre de F______. Or, il n’avait pas rendu vraisemblable l’existence-même de cette créance, qu’il avait inscrite dans sa comptabilité 2006 et pour laquelle il revendiquait, en 2012, une perte. La comptabilisation en 2012 d’une perte sur créance ne pouvait être admise. C’était à bon droit que les états financiers des recourants, à la suite de l’arrêt du Tribunal fédéral du ______ 2012, avaient été corrigés.

La provision de CHF 5'335'153.-, correspondant à CHF 20'470'153.-, à savoir le montant que le recourant estimait lui être dû, sous déduction de celui fixé dans la convention, soit CHF 15'135'000.- avait été comptabilisée en 2006. Le recourant faisait valoir que les deux parties s’acheminaient vers une transaction. Cette provision devait être dissoute, car elle ne présentait aucun lien avec une prétention découlant d’une action judiciaire en 2006. Cette provision s’apparentait davantage à un abandon de créance consenti envers F______. La justification commerciale de la provision n’était pas établie, car rien ne démontrait que le contribuable renonçât à poursuivre F______ pour le montant qu’il estimait lui être dû. Il n’existait aucune preuve de l’existence de la créance. Dès lors que la provision n’était pas justifiée commercialement, le redressement effectué en 2012 était conforme au droit. À la suite de l’arrêt du Tribunal fédéral, l’AFC-GE avait pu constater que la provision ne se justifiait pas, de sorte qu’elle était fondée à redresser la comptabilité 2012 du recourant.

Enfin, la « K______ » ne pouvait être admise en déduction au niveau du bénéfice de l’activité indépendante du recourant, alors même qu’elle l’avait été chez son épouse. Il n’y avait, en effet, pas lieu de s’écarter des états financiers produits par eux.

27.         Par réplique du 21 mai 2024, les contribuables ont maintenu leur recours.

Il ressortait des notes aux états financiers de l’activité indépendante de chacun d’eux, qui étaient produites en annexe à ladite réplique, qu’ils avaient chacun assumé la moitié de la « K______ », soit CHF 40'500.-. Ce montant devait ainsi être pris en compte comme charge commerciale auprès du recourant.

Il découlait des pièces du dossier qu’il avait subi de nombreux frais et charges dans le cadre de ses opérations réalisées avec la C______. Il ne les avait toutefois pas enregistrés dans son compte de résultat lors des années concernées, car ses rapports juridiques avec la C______ constituaient du portage, ce qui avait été confirmé par le TPI dans son jugement rendu en 2004, non contesté par la C______. Il avait activé ces coûts. Ainsi, il avait dûment comptabilisé ses créances dans ses comptes, et en 2002, il avait comptabilisé une créance contre partenaires d’un montant de CHF 10'071'517.-.

L’AFC-GE n’avait jamais remis en question l’existence, ni la véracité desdites créances avant la taxation 2012. Les procédures civiles ayant abouti à l’arrêt du Tribunal fédéral n’y avait rien changé, dès lors que cette juridiction n’avait pas été amenée à analyser l’existence des créances, mais uniquement la question de savoir s’il était fondé à soulever l’exception de compensation.

28.         Dans sa duplique du 12 juin 2024, l’AFC-GE a conclu à ce qu’il lui soit donné acte de ce qu’elle admettait de déduire la « K______ » du revenu du recourant, compte tenu de la nouvelle pièce produite par les contribuables dans leur réplique. Elle s’opposait toutefois à l’octroi d’une indemnité de procédure, dans la mesure où ils n’avaient invoqué la déduction et produit la pièce déterminante qu’au stade de la procédure de recours, alors qu’ils auraient pu le faire dans le cadre de la réclamation.

Pour le surplus, l’autorité intimée a conclu derechef au rejet du recours.

29.         Par écriture du 21 juin 2024, les contribuables ont fait valoir que la déduction de la « K______ » figurait dans leur déclaration fiscale 2014 et avait été invoquée dans leur réclamation du 30 mars 2023.

Avant le jugement du TPI du ______ 2004, qualifiant de portage les relations du recourant et la C______, tant dans le dossier de H______ que pour les autres relations subséquentes, dont le G______, il estimait être lié avec la banque par un contrat de société simple. Dès 2003, il avait comptabilisé ses créances contre celle-ci liées au dossier H______.

Pour se conformer audit jugement, il avait comptabilisé une créance contre F______ au titre de coût de portage à hauteur de CHF 7 millions en 2004 et de CHF 6'750'633.- en 2005. Cette créance avait été arrêtée à CHF 20'470'153.- en 2006, montant demeuré inchangé de 2007 à 2011 et non contesté par l’AFC-GE.

30.         Le détail des pièces et des arguments des parties sera repris, ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Le tribunal donne acte à l’AFC-GE qu’elle accepte de déduire du bénéfice de l’activité indépendante du recourant la « K______ », en CHF 40'500.-, comme l’intéressé l’a revendiqué. Le recours doit dès lors être admis sur ce point.

4.             Au préalable, le tribunal considère qu’il n’y a pas lieu de se pencher plus avant sur l’avis de droit produit spontanément par les recourants, dans la mesure où, conformément à la jurisprudence, les avis de droit privés ne constituent pas des moyens de preuve, mais sont largement traités comme des allégués de partie, y compris lorsqu'ils émanent d'une personne expérimentée et reconnue (ATF 141 IV 369 consid. 6.2).  

5.             Les recourants ont contesté, en 2012, le montant des pertes reportées du contribuable. Comme l’a relevé le tribunal (JTAPI/42/2024 du 22 janvier 2024, non contesté), ils ne disposaient alors pas d’un intérêt actuel à les remettre en cause, étant donné que le bénéfice imposable du précité était nul. Le recours a ainsi été déclaré irrecevable.

Cette question ne peut être examinée que lorsque le contribuable a réalisé un bénéfice positif (arrêt du Tribunal fédéral 2C_973/2012 du 4 octobre 2013), à savoir en 2014, année fiscale concernée par la présente procédure.

Provision

6.             Les recourants concluent à l’admission d’une provision de CHF 5'335'153.-.

7.             La détermination du bénéfice net imposable pour les contribuables tenant une comptabilité en bonne et due forme s'effectue selon les règles applicables aux personnes morales (art. 19 al. 4 la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 - LIPP - D 3 08 ; art. 18 al. 3 LIFD).

Aux termes des art. 29 al. 1 LIFD et 30 let. e LIPP, des provisions peuvent être constituées à la charge du compte de résultats pour :

a.    les engagements de l'exercice, dont le montant est encore indéterminé,

b.    les risques de pertes sur des actifs, notamment sur les marchandises et les débiteurs,

c.    les autres risques de pertes imminentes durant l’exercice.

Les provisions qui ne se justifient plus sont ajoutées au revenu commercial imposable (art. 29 al. 2 LIFD et 30 let. e ch. 3 LIPP).

Ces dispositions correspondent aux art. 63 LIFD et 16B de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15).

8.             À teneur de l'art. 960e al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), les dettes sont comptabilisées à leur valeur nominale (al. 1). L'art. 960e al. 2 CO prévoit que, lorsqu'en raison d'événements passés, il faut s'attendre à une perte d'avantages économiques pour l'entreprise lors d'exercices futurs, il y a lieu de constituer des provisions à charge du compte de résultat, à hauteur du montant vraisemblablement nécessaire (al. 2). Les provisions exigées par l'art. 960e al. 2 CO sont justifiées commercialement et doivent être reconnues fiscalement (ATF 147 II 209 consid. 4.1.1).

9.             L'admissibilité d'une provision au plan fiscal suppose qu'elle soit justifiée par l'usage commercial, qu'elle ait été dûment comptabilisée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_455/2017 du 17 septembre 2018 consid. 6.3) et qu'elle porte sur des faits dont l'origine se déroule durant la période de calcul (principe de périodicité ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_723/2021 du 16 août 2022 consid. 5.2 et les arrêts cités).

10.         Est justifiée par l'usage commercial toute provision portée au passif du bilan qui exprime le fait que le résultat de l'exercice ne peut pas être tenu pour définitif ; cette correction prévient le risque que le résultat ne soit pas conforme à la réalité et qu'une perte apparaisse ultérieurement, qui existait déjà au moment du bouclement des comptes. Encore faut-il que ce risque de perte soit réel et concret (arrêt du Tribunal fédéral 2C_392/2009 du 23 août 2010 consid. 2.3 et les références citées).

11.         Les provisions sont par nature passagères et doivent être dissoutes, soit au moment de la survenance de l'événement en couverture de la charge ou de la perte pour lesquelles elles ont été constituées, soit au moment de la disparition de la cause de leur existence (ATA/1154/2017 du 2 août 2017 consid. 5a).

Le bien-fondé matériel des provisions disparaît au moment où les craintes de l’entreprise s’avèrent infondées (arrêt du Tribunal fédéral 2C_480/2017 du 25 mai 2018 consid. 3). Les postes « provisions » sont alors dissous au profit du compte de résultat fiscal (art. 29 al. 2 LIFD). En revanche, si le risque de perte pris en compte par la provision devient une perte, le compte correspondant peut être clôturé et son solde crédité sur le compte actif en question.

12.         La question de savoir si une provision est justifiée par l'usage commercial doit être examinée sur la base de tous les éléments en présence et à la lumière de la situation prévalant au moment où le bilan est établi (arrêts du Tribunal fédéral 2C_712/2020 précité consid. 5.1).

13.         Lorsque des provisions qui ont été passées en charge du compte de résultat ne sont pas admissibles, l'autorité fiscale est en droit de procéder à la dissolution de la provision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 précité consid. 3.1). La dissolution a lieu lors de la période durant laquelle l'absence de justification commerciale de la réserve est constatée (ATF 147 II 209 consid. 5.1.3).

14.         À l’instar du revenu imposable et conformément aux principes de l'étanchéité des exercices et de la périodicité de l’impôt, les déductions ne sont admises que lorsqu’elles trouvent leur cause dans des événements ayant lieu durant la période de calcul (ATF 137 II 353 consid. 6.1). En application de ces principes, chaque exercice est considéré comme un tout autonome, sans que le résultat d’un exercice puisse avoir une influence sur les suivants. Le contribuable ne saurait choisir l’année fiscale au cours de laquelle il fait valoir les déductions autorisées. Chaque dépense ou recette doit être attribuée à l’exercice durant lequel est née l’obligation ou la prétention juridique (ATA/534/2018 du 29 mai 2018 consid. 7a).

Dans l'ATF 147 II 155, le Tribunal fédéral a traité de la question de la réévaluation d'amortissement et de corrections. L'autorité fiscale avait initialement admis les amortissements litigieux durant les périodes fiscales 2005 à 2010, avant de demander des renseignements en 2010 sur la période fiscale 2007. En 2017, elle avait ensuite procédé à un redressement pour les années 2011 et 2012 ; le Tribunal fédéral a validé ce redressement correspondant à la dissolution des amortissements 2005 à 2010, car la recourante n'avait ni prétendu, ni démontré que l'autorité fiscale lui aurait donné l'assurance que les amortissements déclarés seraient admis les années suivantes.

15.         En l’espèce, le recourant explique qu’il a comptabilisé une provision en raison des discussions menées avec F______ en vue de la conclusion d’une transaction. Il a renoncé à une partie de ses prétentions à hauteur de CHF 5'335'153.-. Le risque de perte était ainsi réel, concret et imminent, de sorte que la provision était justifiée par l’usage commercial. Ainsi, selon lui, c’est à tort que l’AFC-GE l’a extournée en 2012.

De son côté, l’AFC-GE objecte que la question qui se pose n’est pas de savoir si le contribuable a encouru des frais déductibles commercialement, mais de déterminer s’il détenait une créance à l’encontre de F______. Or, il n’a pas rendu vraisemblable l’existence-même de la créance qu’il a inscrite dans sa comptabilité 2006. Cette provision doit être dissoute, car elle ne présente aucun lien avec une prétention découlant d’une action judiciaire intentée cette année-là.

16.         À teneur de la convention du 1er novembre 2006, le recourant reconnaît devoir à F______ un montant de CHF 15'134'974.40, exigible dès le 31 mars 2007, en se réservant le droit de se prévaloir de la compensation en ce qui concerne ses créances nées de ses relations avec la C______ avant le 21 octobre 2001. La fondation, tout en contestant l’existence de telles créances, a déclaré qu’elle introduirait, dès le 31 mars 2007 au plus tôt une procédure par-devant le TPI.

Le poste « créances contre partenaires » et « provision pour perte », figurant à l’actif des bilans des années 2001 à 2012 du recourant, se présente comme suit :

Année

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Créance

10'277'632

10'171'285

17'046'250

30'772'085

Provision

-58'253

-60'099

-63'763

-5'400'924

Montant net

10'297'791

10'219'379

10'111'186

7'160'100

16'982'487

25'371'161

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Créance

31'568'849

30'844'425

30'685'834

20'705'445

20'470'153

Provision

-5'442'203

-5'335'153

-5'335'153

-5'335'153

-5'335'153

Montant net

26'126'646

25'509'272

25'350'681

15'370'292

15'135'000

Contrairement à ce que prétend le contribuable, il ne ressort pas du texte de la convention susmentionnée qu’en concluant cette dernière, le précité aurait renoncé à une partie de ses prétentions, que ce soit à hauteur de CHF 5'335'153.- ou d’un autre montant. Il découle au contraire des comptes de l’intéressé, résumés ci-dessus et par lesquels il est lié (principe de l’autorité du bilan commercial), que ce montant représente une provision constituée sur une ou plusieurs créance(s) qu’il considère détenir à l’encontre de ses partenaires.

Or, dans ses écritures, le recourant n’apporte aucun élément de preuve apte à démontrer comment il a chiffré la provision de CHF 5'400'924.-. Il n’établit pas non plus l’existence d’un risque de perte réel et concret lié à la créance de CHF 30'772'085.-, ni que ce risque a pris naissance en 2006, année lors de laquelle il a comptabilisé la provision.

Partant, c’est à bon droit que l’AFC-GE a estimé que la provision litigieuse ne se justifiait pas et qu’elle l’a extournée (art. 29 al. 2 LIFD et 30 let. e ch. 3 LIPP). Le contribuable ne saurait tirer argument du fait que l’extourne est intervenue en 2012, alors que l’autorité intimée a toujours admis la constitution de la provision, de 2006 à 2011. En effet, l’autorité intimée ne lui a jamais tenu de promesse expresse à ce sujet (ATA/806/2024 du 9 juillet 2024 consid. 4.4).

C’est également à juste titre que l’autorité intimée a déterminé le bénéfice imposable du recourant pour l’année 2014 en tenant compte de la dissolution de la provision en 2012.

En conséquence, le recours doit être rejeté sur ce point.

Perte

17.         Les recourants sollicitent la déduction de la perte de CHF 13'849'584.-.

18.         Les contribuables exerçant une activité lucrative indépendante peuvent déduire les pertes effectives sur des éléments de la fortune commerciale, à condition qu'elles aient été comptabilisées (art. 27 al. 2 let b LIFD ; art. 10 al. 1 let. c de de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14).

19.         Une perte commerciale est certaine lorsque le contribuable démontre qu'il a mis en œuvre les procédures et démarches que l'on peut raisonnablement attendre d'un créancier ou d'un porteur de droit à l'égard de son bien. Elle est définitive lorsque, à vues humaines, il n'apparaît pas possible d'attendre le retour à l'état antérieur, ni de compter sur une appréciation réelle de la valeur du bien en cause. Les pertes sur créances deviennent effectives au moment où l'insolvabilité est constatée officiellement par un acte de défaut de biens. Dans ce cadre, une reconnaissance de dette constitue certes un titre de mainlevée, mais atteste uniquement de l'existence de la créance, non de l'impossibilité de son recouvrement. Par ailleurs, s'agissant des provisions sur débiteurs, le risque de perte doit être évalué au regard de la solvabilité de ces derniers, sur la base des faits passés ou présents, par exemple en fonction des retards intervenus dans les paiements, de l'évolution antérieure de la situation financière, de l'état des poursuites en cours ou de la qualité des éventuelles garanties (ATA/1351/2017 du 3 octobre 2017 consid. 5).

20.         En l’espèce, le contribuable ne démontre pas avoir entrepris une quelconque démarche en vue de recouvrer la ou les créance(s) qu’il détenait à l’encontre de son ou de ses partenaires. Il n’a, par exemple, fait notifier aucun acte de poursuite à l’encontre de ses débiteurs, ni ouvert action en paiement. Non seulement aucun acte de défaut de biens ne lui a été délivré mais il ne ressort d’aucune pièce que ceux-ci seraient insolvables. Partant, il n’était pas fondé à amortir totalement ladite créance, via son compte de résultat.

Le recours doit dès lors être rejeté sur ce point.

21.         Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis partiellement, dans le sens des considérants.

22.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui obtiennent partiellement gain de cause, sont condamnés au paiement d’un émolument réduit s'élevant à CHF 1'200.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 700.- versée à la suite du dépôt du recours. Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée, car s’ils avaient mieux collaboré – à savoir s’ils avaient produit devant l’AFC-GE les justificatifs relatifs à la « K______ » – ils auraient pu avoir gain de cause devant cette autorité déjà (JTAPI/354/2022 du 7 avril 2022 et les réf.).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 4 octobre 2023 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 1er septembre 2023 ;

2.             l’admet partiellement, dans le sens des considérants ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'200.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 700.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Pascal DE LUCIA et Jean-Marc WASEM, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière