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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/679/2024

JTAPI/854/2024 du 26.08.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : CALCUL DU DÉLAI;OPPOSITION TARDIVE;RETARD;ATTEINTE À LA SANTÉ
Normes : LIFD.133.al3; LPFisc.41.al3
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/679/2024 ICC/IFD

JTAPI/854/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 26 août 2024

 

dans la cause

 

Madame A______

 

contre

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS


 

EN FAIT

1.             Le présent litige concerne l’impôt à la source (IS) 2021 de Madame A______.

2.             Le 28 mars 2022, la contribuable a déposé une demande de rectification de l’IS 2021 auprès de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE), indiquant être célibataire et mentionnant deux enfants au titre d’enfants à charge.

Elle a notamment produit des extraits de son livret de famille et deux certificats de scolarité 2020/2021 établis par l’Université B______, l’un pour son fils C______, né en ______ 1999, et l’autre pour sa fille D______, née en ______ 2001.

3.             Par courrier du 23 mars 2023, l’AFC-GE a transmis un bordereau rectificatif à la contribuable. Il en résulte qu’elle a été taxée au barème H0 pour la période allant du 1er janvier au 31 juillet 2021 et que deux demi-charges ont été admises de même que deux demi-forfaits prime assurance, les deux au prorata. Pour la période allant du 1er août au 31 décembre 2021, la contribuable a en revanche été taxée au barème A et aucune charge de famille n’a été admise.

Il était précisé dans le courrier que le bordereau IS 2021 faisait suite à la réclamation formulée le 28 mars 2022 et que la charge de ses enfants n’avait pas pu être admise pour toute l’année 2021 dans la mesure où les certificats de scolarité 2021/2022 n’avaient pas été produits.

4.             Le 1er juin 2023, la contribuable a remis les attestations de scolarité 2021/2022 à l’AFC-GE et l’a priée de bien vouloir tenir compte de son courrier pour une mise à jour.

5.             Par décision sur réclamation du 29 janvier 2024, l’AFC-GE a déclaré ce courrier, considéré comme une réclamation, irrecevable car déposée hors du délai légal de 30 jours.

6.             Par acte du 23 février 2024, la contribuable a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à sa révision. La raison invoquée pour déclarer sa réclamation irrecevable était qu’elle ne l’avait pas fait « dans les temps impartis. Raison tout à fait correcte ». Elle ne s’était toutefois pas de suite rendue compte de la raison pour laquelle elle avait perçu une somme nettement inférieure aux années précédentes. Elle s’était rendue à l’AFC-GE pour obtenir des explications et il lui avait été indiqué qu’elle devait fournir les certificats de scolarités sur deux années, ce qui n’était pas le cas auparavant. Une autre raison de sa réponse tardive était le fait qu’elle avait été gravement malade avec un arrêt de sept mois consécutif et une reprise le 26 mars 2023.

Diverses pièces ont été produites, dont trois arrêts de travail établis par un médecin français certifiant que l’état de santé de la recourante nécessitait un arrêt de travail de 100%, le tout pour une période du 12 septembre 2022 au 26 mars 2023.

7.             Dans ses observations du 24 avril 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

8.             La recourante n’a pas donné suite au courrier du tribunal du 26 avril 2023 qui l’invitait à déposer son éventuelle réplique d’ici au 17 mai 2024.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’AFC-GE en matière d’IS (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 cum art. 17 de la loi sur l’imposition à la source des personnes physiques et morales du 16 janvier 2020 - LISP - D 3 20; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous l’angle de des art. 49 LPFisc
(cum art. 17 LISP) et 140 LIFD.

3.             En matière de réclamation, lorsque - comme en l’espèce - les décisions sur réclamation sont des décisions d’irrecevabilité, seule la question de l’irrecevabilité peut faire l’objet du recours et non pas la taxation en tant que telle. Dans un tel cas, l’autorité de recours doit en effet d’abord examiner si les conditions formelles de la recevabilité de la réclamation (forme écrite, délai, motivation, moyen de preuve, etc.) étaient ou non remplies et, si tel n’est pas le cas, elle doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner elle-même le détail de la taxation (cf. ATF 131 II 548 consid. 2.3 ; 123 II 552 consid. 4c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_227/2021 du 16 avril 2021 consid. 2.2 ; 2C_930/2018 du 25 octobre 2018 consid. 3).

Ainsi, l’objet du présent litige se limite à la question de savoir si c’est à bon droit que l’AFC-GE a déclaré irrecevable la réclamation de la recourante, en raison de sa tardiveté. Il en résulte que des griefs relatifs au bien-fondé des bordereaux en cause sont irrecevables.

4.             Selon l’art. 137 LIFD, le contribuable peut, jusqu’au 31 mars de l’année fiscale qui suit l’échéance de la prestation, exiger que l’autorité de taxation rende une décision relative à l’existence et l’étendue de l’assujettissement: a) s’il conteste l’impôt à la source indiqué sur l’attestation mentionnée à l’art. 88 ou 100 LIFD ou b) si l’employeur ne lui a pas remis l’attestation mentionnée à l’art. 88 ou 100 LIFD (al. 1).

Le droit cantonal connaît une disposition similaire à l’art. 137 LIFD. Selon l’art. 38E al. 1 LPFisc, entré en vigueur le 1er janvier 2021, le contribuable peut, jusqu’au 31 mars de l’année fiscale qui suit l’échéance de la prestation, exiger que l’autorité fiscale rende une décision relative à l’existence et l’étendue de l’assujettissement s’il conteste l’impôt à la source indiqué sur l’attestation mentionnée à l’art. 38A al. 1 let. b LPFisc (let. a) ou si l’employeur ne lui a pas remis l’attestation mentionnée à l’art. 38A al. 1 let. b LPFisc (let. b).

5.             Lorsque, suite à une retenue de l’IS, dans le cadre de la procédure d’auto-taxation, l’autorité fiscale émet un bordereau rectificatif, le contribuable peut contester celui-ci conformément à l’art. 132 al. 1 LIFD (cum art. 139 al. 1 LIFD), à savoir par la voie de la réclamation, dans un délai de 30 jours à compter de sa notification (arrêt du Tribunal fédéral 2C_168/2014 du 29 octobre 2014 consid. 5.1 ; Andrea PEDROLI, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2ème éd., 2017, ad art. 139 LIFD, n. 1 p. 1759).

En droit cantonal, aux termes de l’art. 39 al. 1 LPFisc (cum art. 17 LISP), le contribuable peut adresser au département une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les 30 jours qui suivent sa notification, cette disposition étant applicable dès que l’AFC-GE établit un bordereau rectifiant la retenue de l’IS effectuée par l’employeur (ATA/73/2013 du 6 février 2013 consid. 4).

6.             En l’espèce, la recourante admet dans ses écritures avoir déposé sa réclamation en dehors du délai légal. Elle l’explique par une inattention de sa part et des problèmes de santé, faisant ainsi valoir, à tout le moins implicitement, une restitution de ce délai.

7.             Selon les art. 133 al. 3 LIFD et 41 al. 3 LPFisc, une réclamation tardive n’est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d’absence du pays ou pour d’autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter son acte en temps utile et qu’il l’a déposé dans les 30 jours après la fin de l’empêchement.

Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable n’a pas respecté le délai légal en raison d’un empêchement imprévisible, dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (arrêt du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2). Celui-ci peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’un homme d’affaires avisé (ATA/633/2022 du 14 juin 2022 consid. 2a et les références citées).

Les cas de force majeure sont également réservés. Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (ATA/599/2023 du 6 juin 2023 consid. 3.3 et les références citées). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l’administré, partant de son représentant (ATA/184/2024 du 6 février 2024 consid. 2.2). Pour établir l’existence d’un cas de force majeure, le fardeau de la preuve incombe à l’assujetti (ATA/815/2022 du 17 août 2022 consid. 2).

La maladie n’est admise comme motif d’excuse que si elle empêche le recourant d’agir par lui-même ou de donner à un tiers les instructions nécessaires pour agir à sa place. Ainsi, selon la jurisprudence, le seul état de santé déficient au moment de la notification de la décision est insuffisant, de même qu’une dépression importante. Même le cas d’un administré atteint d’un cancer dont la situation de santé se péjorait et le traitement s’alourdissait, nonobstant un certificat mentionnant la nécessité de soins de l’intéressé et son incapacité à pouvoir gérer sa vie professionnelle et personnelle pendant six mois n’a pas été considéré comme cas de force majeure (ATA/702/2024 du 10 juin 2024 consid. 3.2).

8.             En l’espèce, si les ennuis de santé ayant affecté la recourante ne sont aucunement contestés, il ne peut toutefois être retenu qu’ils aient constitué un empêchement non fautif de réclamer dans les délais. En effet, le bordereau IS 2021 litigieux lui ayant été notifié par courrier du 23 mars 2023 et son arrêt de travail ayant cessé le 26 mars 2023, il ne peut être retenu que son état de santé l’empêchait d’agir par elle-même ou de charger une tierce personne d’agir en son nom dans le délai légal, dûment indiqué dans le bordereau en cause, étant relevé que le délai qui continuait alors à courir pour déposer une réclamation demeurait raisonnable au sens de la loi. Ainsi, son état de santé pas plus que son inattention quant au différentiel d’impôt par rapport à l’année précédente ne saurait constituer ni un motif sérieux au sens l’art. 41 al. 3 LPFisc ni la survenance d’un cas de force majeure l’ayant concrètement empêchée d’agir en temps utile ou de désigner un tiers pour s’en charger à sa place.

Il en résulte que la restitution du délai de réclamation fixé aux art. 132 al. 1 LIFD et 39 al. 1 LPFisc est exclue et que, par conséquent, c’est à bon droit que
l’AFC-GE a déclaré irrecevable la réclamation de la recourante.

9.             Pour le surplus, force est de constater que les conditions d’entrée en matière sur une reconsidération de cette taxation ne sont manifestement pas remplies en l’espèce.

En effet, à teneur des art. 55 al. 1 LPFisc et 147 al. 1 LIFD, une décision entrée en force - comme celle en l’espèce - ne peut être révisée en faveur du contribuable que lorsque : des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a), l’autorité qui a statué n’a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu’elle connaissait ou devait connaître, ou qu’elle a violé de quelque autre manière l’une des règles essentielles de la procédure (let. b) ou un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c).

Les art. 55 al. 2 LPFisc et 147 al. 2 LIFD précisent que la reconsidération est exclue lorsque le requérant invoque des motifs qu’il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire s’il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui. En d’autres termes, même en présence d’un motif de révision, si le contribuable ou son représentant omet, de manière négligente, de faire valoir celui-ci dans la procédure ordinaire, la révision n’est pas possible, la jurisprudence se montrant stricte à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.3 et les références citées). Le seul facteur décisif est ainsi celui de savoir si le contribuable aurait déjà pu présenter les motifs de révision dans la procédure ordinaire, le but de la procédure extraordinaire et subsidiaire de la révision n’étant pas de réparer les omissions évitables du contribuable commises au cours de la procédure ordinaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.3 et les références citées). Il appartient en effet à ce dernier de contrôler la décision de taxation lorsqu’il la reçoit et de signaler en temps utile les vices dont elle serait affectée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_212/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.2 : 2C_941/2015 du 9 août 2016 consid. 6.3 et les arrêts cités).

Il n’est ainsi pas possible de déroger aux principes régissant la révision, quand bien même le résultat de leur application est choquant et heurte le sentiment de l’équité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_212/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.2 et 5.3).

10.         En l’occurrence, la recourante aurait pu faire valoir la poursuite des études de ses enfants par le biais d’une réclamation déposée en temps utile, ce qu’elle n’a pas fait alors qu’elle aurait pu, comme constaté plus haut, le faire si elle avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée d’elle. Dans ces conditions, une entrée en matière sur une demande de révision du bordereau rectificatif du 23 mars 2023 est exclue.

11.         Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

12.         En application des art. 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de cette avance lui sera restitué.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 23 février 2024 par Madame A______ contre la décision sur réclamation de l’administration fiscale cantonale du 29 janvier 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             ordonne la restitution à la recourante du solde de l’avance de frais de CHF 200.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Marielle TONOSSI, présidente, Yuri KUDRYAVTSEV et Giedre LIDEIKYTE HUBER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier