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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3393/2023

JTAPI/607/2024 du 21.06.2024 ( OCPM ) , ADMIS

Descripteurs : REGROUPEMENT FAMILIAL;MÉNAGE COMMUN
Normes : LEI.49; LEI.50.al1.letb
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3393/2023

JTAPI/607/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 21 juin 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Mansour CHEEMA, avocat, avec élection de domicile

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1976, est ressortissant du Maroc.

2.             Le 5 décembre 2017, l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a réceptionné une demande d’autorisation de séjour en vue de mariage en faveur de M. A______ afin qu’il puisse épouser Madame B______, ressortissante suisse d’origine marocaine.

3.             Le mariage a été célébré le ______ 2018 à Genève.

4.             Le 13 février 2019, M. A______ a été mis au bénéfice d’une autorisation de séjour dans le cadre du regroupement familial, laquelle a régulièrement été renouvelée jusqu’au 9 septembre 2022.

5.             Par courriel et courrier des 13 et 21 juillet 2021, M. A______ a informé l’OCPM de sa séparation d’avec son épouse depuis fin juin 2021, date à laquelle il avait quitté le domicile conjugal. Il était actuellement sans domicile fixe.

6.             Le 26 juillet 2022, M. A______ a demandé le renouvellement de son autorisation de séjour, indiquant être séparé depuis le 30 juin 2021.

7.             Par courrier du 15 février 2023, l’OCPM a fait part à M. A______ de son intention de refuser de faire droit à sa demande et de prononcer son renvoi de Suisse. Un délai de trente jours lui était imparti pour faire valoir son droit d’être entendu.

8.             Le 27 février 2023, M. A______ s’est déterminé.

La vie commune avec son épouse avait duré plus de trois ans. Leur couple avait certes connu quelques tensions passagères, mais aucune véritable séparation n’était intervenue. D’un commun accord, ils avaient décidé d’avoir très temporairement des domiciles séparés afin de donner un peu plus d’espace à leur relation. En revanche, leur vie commune s’était poursuivie. En particulier, ils avaient continué à se voir régulièrement, à sortir et à dormir ensemble à intervalles réguliers et à voyager ensemble.

Par ailleurs, il avait noué des liens d’affection étroits avec le fils de son épouse, pour lequel il constituait la seule figure paternelle. Il était très impliqué dans son éducation.

Enfin, il était très bien intégré en Suisse. Il avait obtenu un CFC d’agent d’exploitation et un certificat de formateur d’apprentis en entreprise. Il exerçait la fonction d’encadrant et de formateur au sein de C______ et était très apprécié de son employeur. Il avait par ailleurs entrepris depuis le mois d’août 2022 une formation en vue d’obtenir un diplôme de chargé de sécurité et de santé du travail, passerelle essentielle vers le brevet fédéral d’agent d’exploitation. Il maîtrisait bien le français, n’avait pas de casier judiciaire et ne faisait l’objet d’aucune poursuite. Son centre de vie et tous ses amis étaient en Suisse et il n’avait presque plus de contacts et de liens avec le Maroc.

9.             Par décision du 18 septembre 2023, l’OCPM a refusé de renouveler l’autorisation de séjour en faveur de M. A______ et prononcé son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai au 19 septembre 2023 pour quitter le territoire

Les conditions de l’art. 50 al. 1 et 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) n’étaient pas remplies. La durée du séjour en Suisse de M. A______ avec sa conjointe avait duré moins de trois ans. L’art. 50 al. 1 let. a LEI n’était donc pas applicable et point n’était besoin d’examiner son intégration en Suisse. De plus, aucun élément au dossier ne permettait de constater qu’un renvoi au Maroc le placerait dans une situation de rigueur, étant rappelé qu’il était arrivé en Suisse à l’âge de trente-six ans, qu’il était aujourd’hui âgé de quarante-six ans et qu’il avait passé toute son enfance, sa jeunesse et la majeure partie de sa vie d’adulte dans son pays d’origine. En outre, il ne pouvait se prévaloir d’une intégration sociale ou professionnelle particulièrement marquée, n’ayant pas créé avec la Suisse des attaches à ce point profondes et durables pour qu’il ne puisse plus raisonnablement envisager un retour dans son pays d’origine. Sa situation personnelle ne se distinguait guère de celle de bon nombre de ses concitoyens connaissant les mêmes réalités au Maroc, étant rappelé que l’exception aux mesures de limitation n’avait pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie dans son pays d’origine.

Les motifs invoqués par l’intéressé dans son courrier du 27 février 2023 ne constituaient pas des raisons majeures justifiant l’existence de domiciles séparés et ne lui permettaient pas de changer sa position initiale.

Au surplus, le dossier ne faisait pas apparaître que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas raisonnablement être exigée.

10.         Par acte du 18 octobre 2023, sous la plume de son conseil, M. A______ a formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant, principalement, à son annulation et à l’octroi du renouvellement de son autorisation de séjour, subsidiairement, à l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur et, plus subsidiairement, au renvoi du dossier à l’OCPM pour nouvelle décision dans le sens des considérants, sous suite de frais et dépens. Préalablement, il concluait à l’apport du dossier de l’OCPM et à l’octroi d’un délai pour compléter son recours, ainsi qu’à son audition et celle de Mme B______.

Il était arrivé en Suisse le 30 décembre 2012 au bénéfice d’une autorisation de séjour pour regroupement familial suite à un premier mariage. Son couple s’était séparé courant 2015 et le divorce avait été prononcé le ______ 2017 par le Tribunal d’arrondissement de Lausanne. À la suite de sa séparation, il avait été renvoyé de Suisse, mais n’avait jamais quitté le pays. Il avait épousé en seconde noce Mme B______, mère d’un enfant aujourd’hui âgé de seize ans. Sa relation de couple avait connu des difficultés jusqu’au dépôt d’une requête en mesures protectrices de l’union conjugale le 24 mars 2021.

Mme B______ et lui s’étaient constitués deux domiciles séparés depuis le mois de juin 2021. Ils avaient toutefois continué à mener une vie commune. Aujourd’hui, il lui était impossible de réintégrer le domicile conjugal, qui ne comportait que deux pièces et demi, ce qui n’était pas suffisant pour accueillir deux adultes et un adolescent. Ils cherchaient activement un logement plus grand afin de pouvoir réemménager ensemble, mais la situation tendue sur le marché de l’immobilier genevois et leurs revenus modestes ne facilitaient pas leurs recherches, étant précisé que Mme B______ dépendait de l’aide sociale. Il fallait donc admettre que si le couple ne faisait pas ménage commun, c’était en raison de circonstances majeures indépendantes de leur volonté. Partant, il devait être mis au bénéfice de l’exception de l’art. 49 LEI.

Pour le surplus, il était parfaitement intégré en Suisse, où il vivait depuis environ douze ans de manière ininterrompue. Il s’y était constitué un important réseau social, parlait le français, n’avait pas de poursuites, ne dépendait pas de l’aide sociale et avait toujours respecté l’ordre social suisse. Il entretenait avec son épouse une relation pérenne et durable et avait noué des liens étroits avec son beau-fils qu’il considérait comme son propre fils. Un renvoi vers son pays d’origine ne permettrait pas de maintenir ces liens. Sur le plan professionnel, il avait fait preuve d’une évolution remarquable, ayant débuté comme simple portier avant de devenir agent de nettoyage, puis d’exercer aujourd’hui en qualité d’intervenant socio-professionnel. En parallèle à ses activités professionnelles, il avait obtenu un CFC et suivi de nombreuses formations. Un renvoi dans son pays d’origine freinerait son ascension professionnelle et le mettrait dans une situation particulièrement rigoureuse, n’ayant aujourd’hui au Maroc que des attaches très tenues et n’y bénéficiant d’aucun soutien.

À l’appui de son recours, il a produit plusieurs pièces, notamment : une copie de son permis de conduire suisse émis le ______ 2016 ; un curriculum vitae ; des attestations de travail et certificats de travail et de salaire d’anciens employeurs ; un contrat de travail et son avenant du 21 juillet 2023 signé avec la D______ pour un poste d’intervenant socioprofessionnel à 80 % dès le 1er août 2023 ; une copie de son diplôme d’agent de protection rapprochée du 7 juillet 2020 ; une copie de son certificat d’agent de sécurité et de surveillance du 22 mai 2020 ; une copie de son CFC d’agent d’exploitation du 5 juillet 2021 ; des attestations de cours de E______ SA ; une attestation de l’Hospice général du 28 mars 2023 mentionnant qu’il avait bénéficié de prestations financières de ce service du 1er août 2021 au 30 avril 2022 et du 1er décembre 2022 au 31 janvier 2023 pour un montant total de CHF 19'504.- ; un extrait du registre des poursuites du 13 octobre 2023 attestant qu’il ne faisait l’objet d’aucune poursuite ni acte de défaut de biens ; un extrait du jugement de divorce du ______ 2017 rendu par le Tribunal d’arrondissement de Lausanne ; une copie de ses titres de séjour (regroupement familial) délivrés par les autorités vaudoises, valables jusqu’au 29 décembre 2013, respectivement 29 décembre 2015 et mentionnant une date d’entrée au 30 décembre 2012 ; une confirmation de changement d’adresse du Service de contrôle des habitants lausannois du 20 juillet 2017 ; une copie du jugement sur mesures protectrices de l’union conjugale du Tribunal de première instance du 25 octobre 2022 ; une déclaration de vie commune de Mme B______ du 9 octobre 2023 ; des confirmations de réservation de vols pour M. A______, Mme B______ et l’enfant F______ à destination de G______ (Croatie) en août 2022, à destination de H______ (Espagne) en décembre 2021 et à destination de I______ (Grèce) en août 2023.

11.         Dans ses observations du 14 décembre 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments soulevés n’étant pas de nature à modifier sa position. Il a produit son dossier.

Le recourant s’était marié le ______ 2018 et ne vivait plus sous le même toit que Mme B______ depuis le mois de juin 2021. L’union conjugale avait ainsi duré moins de trois ans. Une demande de mesures protectrices de l’union conjugale avait été déposée le 24 mars 2021 et avait été confirmée lors de l’audience du 26 septembre 2022. Ainsi, les récentes déclarations de Mme B______ quant au maintien de la communauté familiale depuis le mariage étaient à apprécier avec retenue. Selon la jurisprudence, la reprise de la vie commune exigeait un domicile conjugal commun, sauf exception non réalisée dans le cas d’espèce. Les explications de l’intéressé ne justifiaient pas l’existence de domiciles séparés et apparaissaient d’ailleurs pour le moins contradictoires avec le lien allégué par le recourant avec l’adolescent F______. La volonté des époux de continuer à faire ménage commun avait disparu en juin 2021 et il n’avait pas été démontré qu’ils aient véritablement repris la vie commune au sens de la loi depuis lors.

Le recourant ne faisait par ailleurs pas valoir de raisons personnelles majeures. En particulier, il avait échoué à démontrer l’existence d’un lien particulier avec F______ au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et n’avait pas établi que sa réintégration au Maroc, où il avait vécu toute son enfance, son adolescence ainsi qu’une grande partie de sa vie d’adulte, serait fortement compromise.

12.         Par réplique du 17 janvier 2024, le recourant a persisté dans ses arguments et conclusions.

Il a produit une lettre de l’enfant F______ du 8 janvier 2024, ainsi que des preuves de ses recherches de logement.

13.         Dans sa duplique du 29 janvier 2024, l’OCPM a persisté dans sa position. Faute de contre-pièces probantes, il apparaissait que le couple A______ – B______ ne faisait plus ménage commun depuis la séparation intervenue le 30 juin 2021. Leur union avait donc duré moins de trois ans. Ensuite, le refus de renouvellement de l’autorisation de séjour du recourant apparaissait en outre motivé en l’absence de raisons personnelles majeures et ses chances de réintégration au Maroc n’étant pas compromises. Enfin, contrairement à ce que soutenait le recourant, le lien affectif allégué avec l’adolescent F______ était insuffisant pour justifier la poursuite de son séjour en Suisse.

14.         Par écritures spontanées du 27 février 2024, le recourant a indiqué au tribunal que malgré les difficultés que cela représentait, Mme B______ et lui avaient décidé de refaire ménage commun à l’ancien domicile conjugal. Il fallait donc considérer que la vie commune avait repris et son autorisation de séjour devait être renouvelée.

Il a produit une attestation de résidence de l’OCPM du 20 février 2024.

15.         Le 29 février 2024, le tribunal a tenu une audience d'interrogatoire des parties lors de laquelle il a également entendu Mme B______ à titre de renseignement.

16.         Sur question du tribunal, M. A______ a expliqué que sa séparation avec Mme B______ était intervenue en raison des problèmes financiers qu'ils connaissaient à l'époque, car il était dans une période de validation d'acquis pour obtenir un CFC d'agent d'exploitation qu'il avait obtenue en juillet 2021. Jusque-là, il avait pu travailler le matin et le soir mais cette formation l'avait obligé à arrêter son activité le soir et il ne travaillait dès lors plus qu'à 30%, ce qui avait entrainé une diminution de revenu. Le stress et la charge liés à l'exercice parallèle de son activité lucrative et à sa formation avait également impacté leur relation. Il n'était pas simple non plus de vivre dans un logement de deux pièces et demi avec un jeune adolescent de quinze ans à l'époque, même si la relation entre eux avait toujours été sympathique. Ils s'étaient donc séparés de fait le 30 juin 2021. Il était allé loger chez un ami à J______ (VD) chez qui il avait vécu durant six mois alors qu'il avait parallèlement fait des démarches auprès de l'Hospice général pour trouver un travail ainsi qu'un logement. Il s'agissait d'abord d'un emploi de solidarité auprès de C______ au sein du K______. Ensuite, cela avait débouché sur un emploi fixe auprès de la D______ en tant qu'intervenant socioprofessionnel, poste qu'il occupait toujours actuellement. Il était revenu de J______ (VD) à Genève lorsqu'il avait fini par trouver un logement à la rue L______, pratiquement dans le même mois où l'Hospice général lui avait trouvé son emploi de solidarité. À ce moment-là il avait déjà repris sa relation avec Mme B______, ce qui était advenu en fait déjà un mois après leur séparation. Durant la période où il logeait à J______ (VD), il lui arrivait de dormir chez Mme B______, mais également dans la chambre qu'il occupait à J______ (VD), car cela simplifiait son arrivée au travail à 6h du matin. Il avait la moitié de ses habits à J______ (VD) et la moitié chez Mme B______. Lorsqu'il était revenu à Genève définitivement, ils avaient vécu ensemble avec Mme B______ et il passait la nuit chez elle ou elle chez lui, étant précisé que son adresse se situait à 100 mètres de la sienne.

Ils avaient en parallèle poursuivi leurs recherches de logement, mais avec un seul salaire ils avaient fini par se rendre compte que ce n'était pas possible et ils avaient moins cherché à partir de 2022, même s'ils tentaient toujours leur chance lorsqu'ils entendaient parler d'une possibilité. Ils avaient même essayé d'obtenir un logement en présentant le mari de la sœur de Mme B______ comme garant, mais cela n'a pas donné plus de résultat. Mme B______ n'avait jusqu'ici pas pu réaliser de revenus, car elle avait été en formation durant toutes ces années, formation qui l'avait finalement amenée en dernière année de master durant l'année académique 2023-2024, en formation d'adultes. Elle devrait donc enfin pouvoir trouver du travail et réaliser un revenu, ce qui devrait simplifier leurs recherches de logement.

Sur question du tribunal de savoir pour quelle raison il avait repris récemment la vie commune avec Mme B______, M. A______ a expliqué que sa situation professionnelle s'était améliorée suite à sa stabilisation de poste, qui avait donné lieu à une augmentation de son salaire en janvier 2024, celui-ci passant sauf erreur de CHF 3'600.- à CHF 4'100.- net. Reprendre la vie commune permettait de faire une économie d'impôts, étant précisé qu'en parallèle il avait recommencé à assumer intégralement les charges familiales et que Mme B______ était donc sortie de l'Hospice général en janvier 2024, son dossier étant désormais clôturé. Sur question du tribunal, il ne savait pas quelle suite le tribunal de première instance avait donné actuellement à la procédure de mesures protectrices qu'ils avaient entamée. Il n'y avait jamais eu de dépôt de demande de divorce.

Son logement au L______ était actuellement occupé par un sous-locataire à qui il espérait remettre le bail et en attendant il avait laissé quelques affaires personnelles à la cuisine. Du côté du logement qu'ils occupaient à nouveau en famille, Mme B______ et lui dormaient dans la chambre et F______ dans l'autre pièce, sur un matelas une place, par terre, étant précisé que c'était une pièce occupée par ailleurs par deux canapés et un grand fauteuil.

Sur question du tribunal concernant les voyages qu'ils avaient effectués récemment avec Mme B______ et avec F______, celui à H______ (Espagne) s'était déroulé sur une semaine, celui en Grèce sur environ huit jours et ils avaient successivement visité I______ (Grèce), M______ et N______, celui en Croatie environ huit jours et cette fois c'était en étant accompagnés en plus de la mère et de la sœur de Mme B______, mais ils n'étaient restés qu'un ou deux jours à G______ (Croatie). Pour sa part, il s'était rendu au Maroc en 2023, mais sans Mme B______ qui n'aimait pas trop y retourner et préférait voyager en Europe. Cela dit, il avait lui-même rendu visite aussi bien à la famille de Mme B______ qu'à la sienne. Enfin, son frère et les enfants de ce dernier étaient venus leur rendre visite en janvier 2024.

Sur question de son conseil, M. A______ a indiqué qu'ils avaient repris la vie commune sous le même toit également parce qu'il souhaitait pouvoir être constamment aux côtés de Mme B______ et de son beau-fils. Sur question du tribunal, à la base c'était Mme B______ elle-même qui lui avait demandé de revenir à la maison. En fait, cela faisait un moment qu'elle avait cette attente.

Sur question de l'OCPM, M. A______ a déclaré qu'il lui était arrivé, lorsqu'il le pouvait, de verser de temps en temps un petit montant à Mme B______. Cela pouvait être CHF 50.- par exemple, mais il avait payé lui-même les taxes universitaires de CHF 500.- à chaque fois pour septembre 2023 et le deuxième semestre 2023-2024. Son loyer était de CHF 1'200.- et il était passé récemment à CHF 1'260.-. Il avait également régulièrement envoyé environ CHF 700.- à sa famille au Maroc, en particulier parce que sa mère et l'une de ses sœurs étaient malades.

17.         Mme B______ a déclaré que la plupart du temps, les problèmes qu'elle rencontrait avec M. A______ concernaient son fils, mais également leur situation financière. Il y avait trop de pression à la maison, étant précisé que son fils avait des troubles du comportement et qu'elle devait sans arrêt se rendre à l'école à cause de lui. Elle cherchait à poser des limites à la maison, mais son mari n'était pas d'accord et le ton montait entre eux, alors qu'ils avaient des voisins. Sur question du tribunal de savoir ce qu'il en était aujourd'hui des troubles du comportement de F______, cela allait mieux, il avait grandi. S'agissant des difficultés financières, elle travaillait auparavant au P______, puis au O______ et ensuite elle avait décidé de reprendre des études, ce qui faisait qu'elle s'était retrouvée avec des indemnités de chômage qui avaient cependant pris fin. De son côté, elle n'aimait pas devoir demander de l'argent et elle aurait apprécié que M. A______ subvienne spontanément à tous leurs besoins. Par rapport au dépôt de sa demande de mesures protectrices de l'union conjugale en mars 2021, elle savait que ses indemnités de chômage avaient à ce moment déjà cessé. En ce qui concernait la séparation, il n'y en avait pas vraiment eu une à son sens, puisque son mari avait rapidement trouvé un logement juste à côté et qu'il venait tout le temps. En réalité, le principal problème résidait dans le fait qu'ils n'arrivaient pas à s'entendre autour de l'éducation de F______. Le fait d'avoir pris un deuxième logement n'avait au fond fait qu'ajouter davantage de complications avec l'obligation de payer un second loyer, alors que les problèmes restaient les mêmes lorsque son mari se trouvait dans le logement familial. Elle aurait eu besoin qu'il comprenne davantage ses propres besoins en termes d'éducation ainsi que ses limites et les difficultés que tout cela provoquait pour elle, pendant cette période où elle essayait d'étudier et de travailler à la maison. Sur le voyage qu'ils avaient fait l'année dernière, elle a expliqué qu'ils étaient partis à I______ (Grèce), puis qu'ils étaient allés voir M______ et ensuite N______.

Spontanément, elle souhaitait exprimer au tribunal le fait qu'il n'y avait pas de soucis en ce qui concernait le fait qu'ils vivaient une réelle union conjugale. Elle aimait son mari, mais simplement ils rencontraient des difficultés en raison de leur tempérament assez différent. Il était d'un naturel calme et elle était pour sa part d'un tempérament plus explosif. Ils devaient simplement apprendre à s'écouter et communiquer. Depuis le retour de son mari à la maison, elle avait l'impression que cela avait apporté un peu de calme à F______. Ils étaient souvent tous les deux en train de parler ensemble, ce qui lui permettait de son côté d'avoir le temps nécessaire pour ses études. F______ avait également grandi et il était devenu plus calme. On pouvait maintenant parler avec lui, alors que c'était quasiment impossible il y avait quelques années. Ils poursuivaient leurs recherches de logement, car ce serait quand même plus facile avec une véritable chambre pour F______, mais c'était extrêmement difficile avec un seul revenu. Quant à elle, elle pourrait bientôt entamer la rédaction de son mémoire de Master en formation d'adultes. Sur question du tribunal, son mari avait continué à lui apporter son soutien financier depuis 2021 de différentes façons, même si par ailleurs elle était appuyée par l'Hospice général, auprès de qui son dossier avait été clôturé en décembre 2023. Elle a précisé qu'elle ne souhaitait pas aller à l'Hospice général, parce qu'elle y trouvait de nombreux anciens collègues du O______.

Sur question du tribunal, elle a indiqué qu'elle souhaitait ajouter spontanément qu'elle n'avait pas compris la décision de renvoi dont son mari avait fait l'objet, car elle croyait qu'ils avaient réussi à démontrer qu'ils vivaient toujours ensemble.

18.         Les parties ayant été invitées à se déterminer suite à l'audience, l'OCPM a indiqué par écritures du 20 mars 2024 que les conjoints avaient confirmé qu'ils avaient repris la vie commune depuis le mois de janvier 2024, que Mme B______ avait cessé de recevoir des prestations financières de l'Hospice général depuis décembre 2023 et que c'était le recourant qui subvenait désormais aux besoins du couple, jusqu'à ce que son épouse termine ses études. Les conditions de l'art. 42 al. 1 LEI en lien avec l'art. 51 al. 1 LEI étaient donc réalisées, à tout le moins depuis le 29 janvier 2024, date à laquelle le recourant avait officiellement annoncé son retour au domicile familial. Il n'était pas non plus contesté que le recourant et son épouse avaient maintenu des liens étroits pouvant être assimilés à une communauté conjugale pendant les trois années où ils avaient cessé de vivre sous le même toit, soit entre juillet 2021 et décembre 2023, confirmant ainsi les explications fournies à l'appui du recours. S'agissant enfin de la question de savoir si les motifs allégués par le recourant pour justifier l'existence de domiciles séparés pendant plus de trois ans constituaient des raisons majeures au sens des art. 49 LEI et 76 OASA, l'OCPM s'en rapportait à justice.

19.         Par écritures du 8 avril 2024, M. A______ a souligné la version similaire des faits donnée par les deux époux lors de leur audition et par conséquent son caractère probant. Il en résultait que le couple ne s'était jamais réellement séparé malgré l'existence de deux domiciles distincts. Par ailleurs, le couple faisait aujourd'hui à nouveau domicile commun et leur situation financière devrait prochainement s'améliorer avec la fin des études de Mme B______, ce qui devrait leur permettre d'avoir suffisamment de revenus pour obtenir enfin un logement adéquat.

20.         Il ressort enfin du dossier de l’OCPM que le recourant a sollicité des visas de retour afin de se rendre notamment au Maroc le 27 avril 2018, pour une durée d’un mois et demi, le 27 novembre 2018, pour une durée d’un mois, et le 1er mai 2023, pour une durée de soixante jours.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas en l'espèce.

5.             Selon l’art. 42 al. 1 LEI, le conjoint d’un ressortissant suisse a droit à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité à condition de vivre en ménage commun avec lui.

Cette disposition requiert non seulement le mariage des époux, mais aussi leur ménage commun (ATF 136 II 113 consid. 3.2). La notion d'union conjugale suppose l'existence d'une communauté conjugale effectivement vécue et reposant sur une volonté matrimoniale réciproque (ATF 138 II 229 consid. 2 ; 137 II 345 consid. 3.1.2).

6.             Selon l’art. 49 LEI, l’exigence du ménage commune prévue à l’art. 42 LEI n’est pas applicable lorsque la communauté familiale est maintenue et que des raisons majeures justifiant l’existence de domiciles séparés peuvent être invoquées ; ces conditions sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 2C_204/2014 du 5 mai 2014 consid. 6.1 ; 2C_40/2012 du 15 octobre 2012 consid. 4 ; 2C_40/2012 du 15 octobre 2012 consid. 4 ; 2C_759/2010 du 28 janvier 2011 consid. 4.2).

Les raisons majeures peuvent, notamment, être dues à des obligations professionnelles ou à une séparation provisoire en raison de problèmes familiaux importants (art. 76 OASA). Les motifs susceptibles de constituer une raison majeure visent ainsi des situations exceptionnelles, fondées avant tout sur des raisons d'ordre professionnel ou familiales (arrêts du Tribunal fédéral 2C_204/2014 du 5 mai 2014 consid. 6.1 ; 2C_593/2011 du 19 mars 2012 consid. 3.1.1). Les raisons majeures doivent être objectivables et avoir un certain poids ; on tendra donc d'autant plus à estimer être en présence d'une raison majeure si les conjoints ne sont pas en mesure de remédier à la séparation sans subir un grand préjudice (arrêt du Tribunal fédéral 2C_703/2013 du 22 août 2013 consid. 2.1). Si la recherche d'un travail peut, selon les circonstances, être considérée comme une raison majeure justifiant un domicile séparé des époux au sens de l'art. 49 LEI, cela ne vaut que pour une période temporaire correspondant au temps raisonnablement nécessaire à l'époux pour trouver un (nouvel) emploi (arrêt du Tribunal fédéral 2C_212/2011 du 13 juillet 2011 consid. 7.1 ; 2C_871/2010 du 7 avril 2011 consid. 3.2). Une détérioration de la santé n'est pas en soi une raison majeure et la vague possibilité d'une reprise de la vie commune un jour ne doit pas être assimilée au maintien de la communauté conjugale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1027/2012 du 20 décembre 2012 consid 3.3).

La décision librement consentie des époux de « vivre ensemble séparément » (« living apart together » ; cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_505/2013 du 4 octobre 2013 consid. 4.2 ; 2C_40/2012 du 15 octobre 2012 consid. 4 ; 2C_212/2011 du 13 juillet 2011 et 2C_720/2008 du 14 janvier 2009) en tant que telle et sans résulter d'autres motifs ne constitue pas non plus une raison majeure au sens de l'art. 49 LEI (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_204/2014 du 5 mai 2014 consid. 6.1 ; 2C_207/ 2011 du 5 septembre 2011 consid. 4.2 ; 2C_792/2010 du 25 mai 2011 consid. 3.1 ; 2C_388/2009 du 9 décembre 2009 consid. 4).

L'existence de contacts purement amicaux entre les époux, même s'ils étaient entretenus à raison de deux ou trois fois par semaine, ne suffit pas à fonder une communauté conjugale réellement vécue (arrêts du Tribunal fédéral 2C_212/2011 du 13 juillet 2011 consid. 7.1 ; 2C_575/2009 du 1er juin 2010 consid. 3.6 ; 2C_285/ 2009 du 4 février 2010 consid. 2.2). Une telle communauté conjugale est présente lorsque les rapports conjugaux sont effectivement vécus et que subsiste la volonté réciproque des époux de maintenir leur lien conjugal (« ein gegenseitiger Ehewille besteht », « una reciproca volontà in relazione al vincolo del matrimonio » ; ATF 138 II 229 consid. 2 ; 137 II 345 consid. 3.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_547/2014 du 5 janvier 2015 consid. 2.1 ; 2C_48/2014 du 9 octobre 2014 consid. 2.2 ; 2C_761/2011 du 27 janvier 2012 consid. 3.2).

7.             De manière générale, il appartient à l'étranger d'établir l'existence d'une exception au sens de l'art.49 LEI, ainsi que le maintien de la communauté conjugale en dépit des domiciles séparés. Cela vaut d'autant plus lorsque cette situation a duré plus de quelques mois, car une séparation de plus d'une année fait présumer que la communauté familiale a cessé d'exister (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1051/2020 du 26 mars 2021 consid. 5.1 et 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 4.1). Cette obligation, qui se laisse déduire de l'art. 90 LEI, s'explique par le fait que la vie séparée des époux emporte la présomption de la dissolution de la communauté conjugale et que les faits à prouver ressortissent au domaine personnel des époux, que ceux-ci connaissent davantage et sont donc mieux à même d'étayer que l'autorité de police des étrangers (arrêt du Tribunal fédéral 2C_212/2011 du 13 juillet 2011 consid. 7.1 et les références citées).

Le but de l'art. 49 LEI n'est en effet pas de permettre aux époux étrangers de vivre séparés en Suisse pendant une longue période ; il exige que la communauté familiale soit maintenue. Il vise des situations exceptionnelles (arrêt du Tribunal fédéral 2C_40/2012 du 15 octobre 2012 consid. 4), non à permettre à des conjoints de faire le point sur leur relation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_891/2012 du 7 juin 2013 consid. 2.3 ; 2C_575/2009 du 1er juin 2010 consid. 3.6).

8.             Aux termes de l'art. 50 al. 1 LEI, après la dissolution de la famille, le droit du conjoint et des enfants à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité en vertu des art. 42 et 43 LEI subsiste si l’union conjugale a duré au moins trois ans et si les critères d’intégration définis à l’art. 58a sont remplis (let. a), ces conditions étant cumulatives (ATF 140 II 345 consid. 4 ; 136 II 113 consid. 3.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_522/2021 du 30 septembre 2021 consid. 4.1) ou si la poursuite du séjour en Suisse s’impose pour des raisons personnelles majeures (let. b), lesquelles sont notamment données, selon l'art. 50 al. 2 LEI, lorsque le conjoint est victime de violence conjugale, que le mariage a été conclu en violation de la libre volonté d’un des époux ou que la réintégration sociale dans le pays de provenance semble fortement compromise (voir aussi l'art. 77 OASA, qui reprend la teneur de l'art. 50 al. 2 LEI).

9.             De jurisprudence constante, le calcul de la période minimale de trois ans commence à courir dès le début de la cohabitation effective des époux en Suisse et s'achève au moment où ceux-ci cessent de faire ménage commun (ATF 140 II 345 consid. 4.1 ; 138 II 229 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_520/2016 du 13 janvier 2017 consid. 3.2 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 5c) ; peu importe combien de temps le mariage perdure encore formellement par la suite (ATF 136 II 113 consid. 3.2 et 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_980/2014 du 2 juin 2015 consid. 3.1). La limite des trois ans est absolue et s'applique même s'il ne reste que quelques jours pour atteindre la durée des trente-six mois exigés par l'art. 50 al. 1 let. a LEI (ATF 137 II 345 consid. 3.1.3 ; 136 II 113 consid. 3.2 et 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_50/2015 du 26 juin 2015 consid. 3.1 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 5c).

10.         Selon l'art. 50 al. 1 let. b LEI, après dissolution de la famille, le droit du conjoint et des enfants à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité en vertu de l’art. 43 LEI notamment subsiste si la poursuite du séjour en Suisse s'impose pour des raisons personnelles majeures.

L'art. 50 al. 2 LEI, repris à l'art. 77 al. 2 OASA, précise qu'il existe de telles raisons notamment lorsque le conjoint est victime de violence conjugale, que le mariage a été conclu en violation de la libre volonté de l'un des époux ou que la réintégration sociale dans le pays de provenance semble fortement compromise.

11.         L'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI vise à régler les situations qui échappent aux dispositions de l'art. 50 al. 1 let. a LEI, soit parce que le séjour en Suisse durant le mariage n'a pas duré trois ans ou parce que l'intégration n'est pas suffisamment accomplie ou encore parce que ces deux aspects font défaut, mais que - eu égard à l'ensemble des circonstances - l'étranger se trouve dans un cas de rigueur après la dissolution de la famille (ATF 138 II 393 consid. 3 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ;
137 II 1 consid. 4.1). À cet égard, c'est la situation personnelle de l'intéressé qui est décisive et non l'intérêt public que revêt une politique migratoire restrictive. Il s'agit par conséquent uniquement de décider du contenu de la notion juridique indéterminée « raisons personnelles majeures » et de l'appliquer au cas d'espèce, en gardant à l'esprit que l'art. 50 al. 1 let. b LEI confère un droit à la poursuite du séjour en Suisse, contrairement à l'art. 30 al. 1 let. b LEI (cf. ATF 138 II 393 consid. 3 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; 137 II 1 consid. 3 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1062/2013 du 28 mars 2014 consid. 3.2.1).

12.         La jurisprudence admet que des raisons personnelles majeures peuvent aussi découler d'une relation digne de protection avec un enfant qui a le droit de séjourner en Suisse (cf. ATF 139 I 315 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_844/2019 du 28 février 2020 consid. 3.1 ; 2C_794/2014 du 23 janvier 2015 consid. 3.2 et les autres références citées). Dans ce contexte, il convient également de tenir compte du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_844/2019 du 28 février 2020 consid. 3.1 ; 2C_794/2014 du 23 janvier 2015 consid. 3.2), dont il sera question ci-après.

13.         Le droit au séjour ou à la poursuite du séjour fondé sur les art. 42 et 50 LEI s’éteint lorsqu’il est invoqué abusivement ou s’il existe des motifs de révocation (art. 51 al. 1 et 2 LEI).

14.         Selon la jurisprudence, l'abus de droit doit être admis lorsqu'il est établi que les époux vivent en ménage commun seulement pour la façade (ATF 136 II 113 consid. 3.2 ; arrêts 2C_460/2011 du 21 novembre 2011 consid. 3.2 ; 2C_167/2010 du 3 août 2010, consid. 6.3).

15.         En l'occurrence, la décision litigieuse se fonde sur le fait que le ménage commun entre le recourant et son épouse avait duré moins de trois ans entre la célébration du mariage à Genève le ______ 2018 et la séparation du couple le _______ 2021.

Il ressort des éléments du dossier, et en particulier des déclarations faites par les deux conjoints à l'audience du 18 mars 2024 devant le tribunal, déclarations dont la valeur probante a convaincu le tribunal, ainsi que d'ailleurs l'autorité intimée, que leur séparation survenue le 30 juin 2021 a déjà pris fin environ un mois plus tard, les deux époux ayant réussi à apaiser les tensions entre eux. Ainsi, on ne saurait réellement parler d'une rupture du lien conjugal, mais bien davantage d'une crise tout à fait passagère.

16.         La question est plutôt de déterminer si la vie conjugale qu'ils ont menée ensuite durant près de trois ans, jusqu'à ce que le recourant réintègre complètement le domicile familial en février 2024, remplit les conditions rappelées plus haut pour admettre le maintien d'une vie conjugale sans ménage commun.

Sur ce point, dans ses dernières écritures, l'autorité intimée a indiqué s'en rapporter à justice.

17.         En réalité, la question pourrait se poser, au préalable, de savoir si l'on a réellement affaire à une vie conjugale sans ménage commun. En effet, il résulte des déclarations du recourant et de son épouse que celui-ci a tout d'abord vécu dans le logement mis à disposition par un ami dans le canton de Vaud durant les six mois qui ont suivi la séparation, mais toutefois en n'y dormant qu'une partie du temps pour des raisons de proximité avec le poste qu'il occupait à ce moment-là dans ce même canton. Lorsqu'il ne dormait pas dans ce logement, le recourant était au domicile familial. Au terme de ces six mois, le recourant a ensuite trouvé un emploi à Genève, ainsi qu'un logement situé à environ 100 m du logement familial. Dès ce moment, selon les déclarations de son épouse, il était « tout le temps chez elle ». Les circonstances du cas d'espèce relèvent ainsi d'une sorte de « zone grise » dans laquelle il n'est pas tout à fait certain qu'il faille appliquer les règles restrictives prévues par la loi et la jurisprudence pour admettre la poursuite d'un ménage commun malgré la présence de deux domiciles distincts.

18.         Cela étant, quand bien même on aurait effectivement affaire à un « ménage commun séparé », force est de constater que les conditions en sont réalisées en l'espèce. À cet égard, il convient tout d'abord de relever que ces dernières visent avant tout à écarter la possibilité d'un abus de droit, de même qu'à s'assurer que les membres du couple ont réellement l'intention de poursuivre l'union conjugale et que celle-ci conserve une véritable substance. La question de savoir si cette vie séparée se justifie pour des raisons professionnelles ou pour permettre de surmonter une crise conjugale ne doit ainsi pas occulter le fait qu'au-delà de ces circonstances spécifiques, toute situation particulière peut a priori être prise en considération, du moment que l'autorité peut se convaincre du maintien d'une réelle union conjugale.

19.         Dans le cas d'espèce, le recourant et son épouse ont à l'évidence maintenu une telle union. Au-delà du fait, en soi déjà significatif, que le recourant passait l'essentiel de son temps au domicile familial plutôt que dans son propre logement, il a continué à passer plusieurs périodes de vacances avec son épouse, de même qu'avec une partie de la famille de cette dernière. Il a en outre continué à la soutenir financièrement en pourvoyant notamment à ses frais d'immatriculation universitaire. À l'évidence, une union conjugale qui n'existerait plus que formellement n'amènerait pas deux époux disposant chacun d'un logement à partager ainsi l'essentiel de leur temps et de leurs ressources.

Par conséquent, force est de constater que l'union conjugale s'est valablement maintenue au-delà des trois ans qui ont suivi le mariage du recourant.

20.         Pour cette raison, la décision litigieuse s'avère erronée et devra être annulée, le recours étant par conséquent admis.

21.         Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

22.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, laquelle tient compte notamment des actes d'instruction auxquels le conseil du recourant à dû participer, sera allouée au recourant et mise à la charge de l’État de Genève, soit pour lui l'autorité intimée (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

23.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 18 octobre 2023 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 18 septembre 2023 ;

2.             l'admet ;

3.             annule la décision rendue par l'office cantonal de la population et des migrations le 18 septembre 2023 et renvoie la cause à cette autorité pour la suite qu'il conviendra de lui donner ;

4.             renonce à percevoir un émolument ;

5.             condamne l’État de Genève, soit pour lui l’office cantonal de la population et des migrations, à verser au recourant une indemnité de procédure de CHF 1'500.- ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière