Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/2739/2023

JTAPI/267/2024 du 25.03.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2739/2023 ICCIFD

JTAPI/267/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 mars 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par WHAT'S UP SA, mandataire, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne l'impôt cantonal et communal (ICC) et l'impôt fédéral direct (IFD) 2013 à 2019.

2.             Pour les périodes fiscales 2013 à 2019, Madame A______ (ci-après : la contribuable) a été taxée d'office, faute d'avoir déposé ses déclarations fiscales.

Les revenus suivants ont été retenus par l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) :

Année

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Revenu imposable ICC et IFD

18'000.-

18'000.-

24'000.-

24'000.-

24'000.-

24'000.-

25'000.-

Aucune fortune imposable n'a par ailleurs été retenue.

Ces taxations sont entrées en force.

3.             Par bordereaux de taxation du 10 août 2021, l'AFC-GE a retenu, sur la base de la déclaration fiscale de la contribuable, des revenus ICC et IFD imposables de CHF 55'294.- et CHF 57'300.- pour l'année 2020. Aucune fortune n'était imposable.

4.             L'AFC-GE a informé la contribuable, le 12 octobre 2021, de l'ouverture de procédures en rappel d'impôt et en soustraction en ICC et en IFD pour les années 2013 à 2019.

Ces procédures étaient motivées par le soupçon de taxations d'office trop basses compte tenu des éléments que la contribuable avait déclarés pour l'année 2020.

Les reprises des différences imposables envisagées étaient les suivantes :

Année

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

ICC

37'294.-

37'294.-

31'294.-

31'294.-

31'294.-

31'294.-

30'294.-

IFD

39'300.-

39'300.-

33'300.-

33'300.-

33'300.-

33'300.-

32'300.-

Un délai de 30 jours lui était accordé pour transmettre ses observations.

5.             Le 19 novembre 2021, l'AFC-GE, sans nouvelles de la contribuable, a émis à son encontre des bordereaux de rappel d'impôt et d'amende ICC et IFD pour les années 2013 à 2019.

La quotité de l'amende avait été fixée à une fois les montants d'impôts soustraits au vu du caractère intentionnel de la soustraction. Aucune circonstance aggravante ou atténuante n'avait été retenue.

6.             Par courrier du 22 décembre 2021, la contribuable a formé réclamation contre ces bordereaux.

En ce qui concernait les bordereaux de rappel d'impôt, elle sollicitait l'octroi d'un délai complémentaire afin de déposer ses déclarations fiscales 2013 à 2019.

S'agissant des bordereaux d'amende, elle sollicitait leur annulation ou, à tout le moins, leur diminution significative compte tenu des circonstances particulières qui prévalaient au moment des faits et de sa collaboration. Durant la période litigieuse, elle était domiciliée chez sa mère, bien qu'elle ne vivait pas effectivement avec elle. Cette dernière, qui disposait du statut de fonctionnaire de l'ONU, n'avait jamais rempli de déclaration fiscale et n'avait ainsi jamais su comment gérer celles de sa fille, se contentant de payer pour elle les bordereaux que lui envoyait l'administration fiscale, sans même l'en aviser. Elle avait par ailleurs connu une lourde dépression après avoir été victime de mobbing et d'harcèlement sexuel à son travail, ce qui ne l'avait pas aidé dans la bonne gestion de ses affaires administratives. Elle avait certes été négligente, mais n'avait jamais eu l'intention de soustraire des impôts.

7.             Par courriel du 23 décembre 2021, l'AFC-GE a accordé à la contribuable un délai au 31 janvier 2022 pour transmettre ses déclarations fiscales 2013 à 2019.

8.             Le 1er février 2022, la contribuable les a transmises à l'AFC-GE.

9.             Le 31 mars 2023, l'AFC-GE a fait savoir à la contribuable, qu'au vu des déclarations remises, elle entendait rectifier en sa défaveur ses taxations 2014 à 2016 et 2018 par rapport aux bordereaux du 19 novembre 2021.

Un délai au 21 avril 2023 lui était imparti pour transmettre ses observations.

10.         Par courrier du 17 mai 2023, la contribuable a confirmé à l'AFC-GE les éléments ressortant de sa communication du 31 mars 2023.

Elle souhaitait par ailleurs se voir appliquer le programme de réinsertion des contribuables « taxés d'office depuis de nombreuses années » mis en place par le Conseil d'État, de sorte à ce que les amendes émises à son encontre soient annulées.

11.         Par décisions sur réclamation du 3 juillet 2023, l'AFC-GE a partiellement donné raison à la contribuable, en modifiant certaines reprises d'impôts et en diminuant la quotité des amendes à 0.75 fois le montant des soustractions. À ce titre, de nouveaux bordereaux de rappel d'impôt et d'amende ont été émis.

Elle avait notamment retenu que la soustraction avait été commise par dol éventuel et avait tenu compte des circonstances atténuantes mentionnées par la contribuable ainsi que de sa situation financière.

12.         Le 25 juillet 2023, sous la plume de sa mandataire, la contribuable a formé réclamation auprès l'AFC-GE contre les bordereaux d'amende ICC et IFD 2013 à 2019 du 3 juillet 2023.

L'AFC-GE avait recalculé le montant des amendes sur l'intégralité des bordereaux fiscaux, lesquels incluaient déjà une amende relative aux taxations d'office, et non uniquement sur les montants de rappel d'impôt.

Par ailleurs, dans la mesure où les bordereaux rectificatifs faisaient ressortir un dégrèvement, elle ne voyait pas la logique d'une amende puisque la taxation d'office n'avait pas péjoré l'administration fiscale.

Elle réitérait enfin son souhait de se voir appliquer le programme de réinsertion des contribuables mentionné dans son courrier du 17 mai 2023.

13.         Par courrier du 18 août 2023, l'AFC-GE a informé la contribuable que, dans la mesure où elle avait déjà rendu, le 3 juillet 2023, des décisions sur réclamation ICC et IFD 2013 à 2019, son courrier du 25 juillet 2023 devait être considéré comme un recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : le tribunal), à qui elle l'avait transmis.

14.         Le 24 novembre 2023, l'AFC-GE a fait parvenir ses observations et son dossier, concluant au rejet du recours.

Sur le principe de l'amende, elle avait constaté les différences suivantes entre les revenus imposés dans le cadre des taxations d'office initiales et les revenus imposés dans le cadre de la procédure en rappel d'impôt.

Année

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Revenu imposable ICC et IFD - TO initiale

18'000.-

18'000.-

24'000.-

24'000.-

24'000.-

24'000.-

25'000.-

Revenu imposable ICC - rappel d'impôt

32'636.-

65'404.-

65'583.-

80'663.-

46'653.-

67'957.-

49'906.-

Revenu imposable IFD - rappel d'impôt

29'100.-

61'100.-

68'500.-

80'400.-

47'200.-

65'200.-

48'800.-

Il était ainsi démontré que la contribuable s'était délibérément laissée taxer sur des revenus nettement inférieurs à sa réelle capacité contributive lors des périodes litigieuses, si bien que des soustractions avaient été commises. En ne faisant pas tout ce qui s'avérait nécessaire pour s'assurer que ses taxations initiales fussent complètes et exactes, elle avait violé l'obligation légale qui lui incombait. La collectivité avait subi un dommage équivalent aux montants des reprises. La condition de la soustraction d'un montant d'impôt était donc remplie.

S'agissant de la quotité de l'amende fixée à 0.75 fois le montant des soustractions, elle avait retenu que celles-ci avaient été commises par dol éventuel au vu des circonstances évoquées par la recourante. La situation financière de cette dernière avait également été prise en compte.

Les amendes avaient uniquement été calculées sur le supplément d'impôt généré et non sur les impôts initiaux. Il fallait par ailleurs distinguer les amendes relatives aux taxations d'office initiales des amendes pour soustraction fiscale infligées dans le cadre de la procédure en rappel d'impôt.

Concernant les dégrèvements, elle avait dans un premier temps notifié, le 19 novembre 2021, des suppléments d'impôts accompagnés d'amendes pour les périodes fiscales litigieuses. Le 3 juillet 2023, après la réclamation de la recourante, ces bordereaux avaient été rectifiés, ce qui avait engendré, pour certaines périodes fiscales, des dégrèvements partiels des reprises. Ceux-ci étaient néanmoins inférieurs aux suppléments du 19 novembre 2021, raison pour laquelle il demeurait des sommes dues par la recourante.

Par exemple, pour l'ICC 2019, l'amende avait été calculé comme suit :

Taxation d'office initiale

Taxation après rappel d'impôt

Supplément d'impôt

Dégrèvement

Supplément restant

Amende

1'143.95.-

8'404.75.-

7'260.80.-

1'424.75.-

5'836.05.-

4'377.-

Enfin, le « Projet vision AFC 2026 » évoqué par la recourante ne portait aucunement sur l'absence d'amendes pour les contribuables démissionnaires. Ce projet avait en effet pour but de tenter de renouer contact avec les contribuables qui n'avaient pas rempli leurs obligations depuis un certain temps. Or, la recourante avait été taxée d'office sur des éléments nettement inférieurs à sa réelle capacité contributive, cela ayant été constaté après le dépôt de sa déclaration fiscale 2020. Elle n'avait au surplus fourni aucune information pouvant s'apparenter à une dénonciation spontanée concernant les années précédentes.

15.         Invitée à répliquer par courrier du 27 novembre 2023, la recourante n'a pas donné suite.

16.         Le détail des écritures et le contenu des pièces seront repris dans la partie « En droit » dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             La recourante conteste uniquement la manière dont l'AFC-GE a calculé les amendes, ne remettant ainsi en cause ni leur fondement ni leur quotité. Ces éléments ne seront dès lors pas analysés.

4.             Dans un premier grief, la recourante reproche à l'AFC-GE d'avoir calculé les amendes sur l'intégralité des bordereaux fiscaux qui incluaient déjà une amende relative aux taxations d'office et non uniquement sur les montants de rappel d'impôt.

5.             Le montant de l'impôt soustrait correspond à la différence entre l'impôt fixé par la taxation initiale et celui déterminé en procédure de rappel d'impôt ou de soustraction d'impôt (Séverine L'EPLATTENIER, Contraventions, délits et crimes fiscaux, 2019, n. 70 p. 116).

En règle générale, l'amende est fixée au montant de l'impôt soustrait. Si la faute est légère, l'amende peut être réduite jusqu'au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD et 69 al. 2 LPFisc).

6.             En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les montants d'impôts soustraits retenus par l'autorité intimée correspondent bien à la différence entre les taxations d'offices initiales et les taxations prononcées par les décisions sur réclamation du 3 juillet 2023.

Quant aux amendes, elles représentent, pour chaque période fiscale litigieuse, 0.75 fois le montant d'impôt soustrait.

Force est donc de constater que les amendes ont été calculées conformément à la loi.

Partant, ce grief sera écarté.

7.             Dans un deuxième grief, la recourante soutient que, dans la mesure où des dégrèvements figuraient dans les bordereaux rectificatifs du 3 juillet 2023, elle ne voyait pas la logique d'une amende puisque la taxation d'office n'avait pas péjoré l'administration fiscale

8.             En l'espèce, des dégrèvements partiels des reprises d'impôts figurent en effet dans certains bordereaux rectificatifs du 3 juillet 2023. Ils résultent des modifications effectuées par l'autorité intimée sur les rappels d'impôts du 19 novembre 2021 suite à la réclamation de la recourante. Ces dégrèvements sont toutefois insuffisants pour qu'aucun supplément d'impôt par rapport aux taxations d'office initiales ne soit dû par la recourante (cf. exemple pour l'ICC 2019 au consid. 14 de la partie « En fait »).

Dans la mesure où, malgré les dégrèvements, il demeure des montants d'impôts soustraits, c'est à bon droit que l'AFC-GE a prononcé des amendes.

Dès lors, ce grief sera écarté.

9.             Dans un dernier grief, la recourante souhaite se voir appliquer le « Projet vision AFC 2026 ».

10.         En l'espèce, comme relevé à juste titre par l'autorité intimée, ce projet n'a pas vocation à permettre aux contribuables démissionnaires d'échapper à toute amende (cf. site web du canton de Genève : https://www.ge.ch/teaser/vision-afc-2026).

La recourante ne saurait au surplus tirer un quelconque droit d'un tel projet.

Ce grief sera par conséquent également écarté.

11.         Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

12.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 25 juillet 2023 par Madame A______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 3 juillet 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Pascal DE LUCIA et Jean-Marc WASEM, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière