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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1474/2023

JTAPI/214/2024 du 11.03.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : VENTE D'IMMEUBLE;ACTIVITÉ LUCRATIVE INDÉPENDANTE;SOCIÉTÉ EN NOM COLLECTIF
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1474/2023 ICCIFD

JTAPI/214/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 11 mars 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par LAMBELET & ASSOCIES SA, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

 

EN FAIT

1.             Monsieur B______ (ci-après : le contribuable) est monteur de formation. De 2002 à 2012, il a exercé son activité indépendante en raison individuelle, sous l'enseigne C______. Depuis 2012, il est associé (à raison de 50 %) et salarié de la société C______ Sàrl. Son cousin, Monsieur D______, en est l’autre associé. Il est également salarié de cette Sàrl.

2.             Monsieur E______ est électricien de formation. Du 20 février 2006 au 3 mars 2016, il était associé-gérant (à raison 50 %) de la société F______ Sàrl. Depuis lors, il en est salarié.

3.             Monsieur G______ exerce une activité indépendante de chauffeur de taxi.

4.             Par acte notarié du 23 mars 2005, les quatre personnes précitées ont acquis conjointement (en tant que copropriétaires à raison d’un quart chacun) la part de Monsieur H______ dans une PPE sise à ______[GE], soit trois appartements, pour un prix total de CHF 675'000.-. Lesdits appartements étaient loués à des tiers. Cet acte précisait notamment que :

-          les trois appartements ne pouvaient être aliénés qu’en bloc, leur vente individualisée étant exclue ;

-          les quatre acquéreurs s'engageaient à reprendre les baux en cours, s'interdisant notamment de les résilier de manière anticipée, même s’ils devaient avoir un besoin urgent des locaux pour eux-mêmes ou leurs proches.

5.             Cette acquisition a été financée par un prêt hypothécaire de CHF 540’000.- que I______ SA avait accordé aux quatre associés le 20 mars 2005 et par un emprunt de CHF 100'000.- que les époux G______ et J______ avaient conclu auprès de la banque K______ SA.

6.             La gestion des appartements a été confiée à la régie L______SA, dont M. H______ est l’administrateur-président avec signature individuelle.

7.             Par un courrier du 14 avril 2010, cette régie a informé l’un des locataires, Monsieur M______, que l’« un des propriétaires » avait besoin de l’appartement pour son propre usage . Il se voyait donc dans l’obligation de résilier son bail au 31 mai 2011. Au terme d’une procédure de conciliation, cette résiliation n’a pas été confirmée.

8.             Le 30 mars 2011, les associés ont notifié à M. M______ une nouvelle résiliation de son bail, au motif qu’il n'aurait pas autorisé des travaux destinés à réparer des défauts de l'installation électrique de l'appartement qu'il louait. Par jugement JTBL/566/2012 du 18 juin 2012, le Tribunal des baux et loyers a déclaré cette résiliation inefficace, au motif que les bailleurs n’étaient pas parvenus à prouver que M. M______ avait refusé de les autoriser à faire procéder à ces travaux. Par arrêt ACJC/1751/2012 du 3 décembre 2012, la Chambre des baux et loyers a confirmé ce jugement. Elle a en particulier retenu que les réparations en question devaient être effectuées par l'entreprise F______ Sàrl, que le représentant de cette dernière, soit M. E______, s'était rendu chez M. M______ et avait prétendu que celui-ci avait refusé d'autoriser les travaux, travaux ultérieurement effectués par cette Sàrl.

9.             Par acte notarié unique du 15 janvier 2017, les quatre associés ont vendu à terme les trois appartements, pour un prix de CHF 1'550'000.-. Cet acte précisait notamment que l’un des trois logements était vacant, tandis que les deux autres étaient loués à des tiers. Cette vente a été exécutée le 16 janvier 2018. Le bénéfice net final de CHF 1'026'848.- a été réparti entre les associés à raison de CHF 256'712.- chacun.

10.         Le 14 septembre 2018, par le biais de leur notaire commun, les quatre associés ont déclaré leurs gains précités à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE), faisant valoir qu’ils découlaient de la vente d’un bien privé et que, par conséquent, ils devaient être soumis à l’impôt sur les bénéfices et gains immobiliers (IBGI), au taux de 10 % compte tenu d’une durée de possession de treize ans.

11.         Le 16 octobre 2018, l'AFC-GE a indiqué au contribuable avoir fixé le gain imposable à CHF 199'479.- et que l’impôt y relatif à consigner (CHF 65'828,05) était calculé selon le taux de 33 %.

12.         Le 9 novembre 2018, les quatre associés ont répondu à l'AFC-GE avoir acquis les appartements afin que les trois d’entre eux y logent leurs familles respectives, et non en vue d’une opération commerciale. Dès lors, le gain y relatif devait être soumis à l’IBGI et imposé au taux de 10 %.

13.         En taxant le contribuable et son épouse pour l’année fiscale 2018, par bordereaux du 2 mars 2020, l'AFC-GE a traité le bénéfice découlant de la vente des appartements comme un produit de l’activité commerciale.

14.         Par réclamation du 17 mars 2020, sous la plume de leur mandataire, les contribuables ont fait valoir que le gain de CHF 206'229.- devait être soumis à l’IBGI, et non à l’impôt direct. Ils avaient en effet acquis le bien immobilier concerné dans le but de loger leur famille. Toutefois, les baux des locataires n’avaient pas pu être résiliés pour le besoin d’occupation propre, malgré deux tentatives infructueuses menées devant les juridictions civiles genevoises. Ils s’étaient alors résignés à vendre leur bien, après treize ans de possession. Ainsi, l’opération d’acquisition des copropriétaires n’était pas tournée vers l’obtention d’un gain. La vente du bien relevait donc de la gestion de la fortune privée, puisqu’elle résultait de circonstances fortuites.

15.         Par décisions du 23 mars 2023, l'AFC-GE a rejeté cette réclamation.

Les quatre associés avaient convenu de réunir leurs ressources en vue d’atteindre un but commun, ce qui était constitutif d’une société simple. La majorité d’entre eux était dans un rapport étroit avec le domaine immobilier. L’acquisition des appartements avait été financée par des fonds étrangers à concurrence de plus de 90 %. Dans ces conditions, l’opération immobilière en cause dépassait la simple gestion de fortune privée et devait en conséquence être qualifiée de commerciale.

16.         Par acte du 28 avril 2023, sous la plume de leur mandataire, les contribuables ont recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant, en substance, à ce que la vente des trois appartements soit considérée fiscalement comme une gestion du patrimoine privé, sous suite de frais et dépens.

En avril 2010, L______SA avait notifié à M. M______ la résiliation de son bail datant de 1965, invoquant l’occupation propre de M. D______. Cette procédure constituait un « cas pilote » pour les copropriétaires, raison pour laquelle ils y avaient tous participé, car leur finalité était de libérer les trois appartements afin de les occuper à titre personnel, sous condition de résilier les trois baux datant des années 1960 et portant sur des loyers annuels très modestes (CHF 4'080.-, CHF 7'200.- et CHF 4'451,10). En 2012, la Chambre des baux et loyers avait toutefois débouté les copropriétaires de leurs prétentions (cf. arrêt ACJC/1751/2012 susmentionné). Ces derniers s’étaient alors résigné à revendre les appartements, dont l’un était vacant, sans avoir été rénové.

Durant la détention de ces biens, seul « le strict nécessaire » avait été effectué à titre de travaux d’entretien. La mise en conformité des installations électriques n’avait pas pu être réalisée, un locataire s’y étant opposé.

Le seul but de cette de l’acquisition était de loger les familles des copropriétaires. En 2013, constatant qu’ils ne pouvaient toujours pas les occuper et que leurs enfants étaient quasiment en âge de quitter le cocon familial, ils avaient décidé de les vendre, leur projet initial n'ayant pu aboutir. De même, il ne leur était désormais plus nécessaire de disposer d'un logement d'une telle surface, les enfants ayant depuis quitté le domicile familial.

Les copropriétaires auraient certainement pu obtenir un meilleur prix pour la vente des trois appartements s'ils avaient agi dans une optique « professionnels de l'immobilier ». Ils avaient constitué une société simple dont le but était privé, à savoir l'obtention d'un logement convenable.

Les fonds propres nécessaires à l’acquisition (20 %) avaient été apportés par les copropriétaires, de sorte que le recours à des fonds étrangers faisait défaut. Ces derniers « avaient ouvert une relation bancaire » auprès d’ K______ SA, par l'intermédiaire de son employé, Monsieur N______, afin de « concentrer les fonds en vue de l'achat, ce qui explique pourquoi les montants de CHF 71'000.- et CHF 29'000.- proviennent » de cette banque.

Si le recourant avait réellement des compétences accrues dans le domaine immobilier, comme le retenait l'AFC-GE, il n’aurait pas acquis un bien loué dans le but de réaliser un gain rapide et important après avoir résilié les baux, alors qu'il savait pertinemment ne pas disposer de moyens financiers suffisants pour assurer une longue procédure judiciaire contre l' O______. Un professionnel n’aurait pas acquis un lot de trois appartements, tout en sachant que leur vente individuelle nécessitait une autorisation de l'autorité compétente, ni ne les aurait vendus sans les rénover préalablement à moindre frais, afin d'augmenter le prix de vente. Une telle opération aurait nécessité des compétences « financières et stratégique », compétences dont le recourant ne disposait pas compte tenu de de son « parcours de vie ».

17.         Le 14 août 2023, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours. A titre préalable, elle a demandé au tribunal d’ordonner aux recourants la production d’une liste indiquant tous les travaux effectués de mars 2005 à janvier 2018 dans les trois appartements, leur type et leur coût, ainsi que le nom des entreprises les ayant exécutés.

L’acquisition de ces biens avait été financée par un prêt hypothécaire de I______ SA de CHF 540’000.- et par un prêt de CHF 100’000.- que la banque K______ SA avait accordé formellement à M. G______ et son épouse J______, mais qui avait bénéficié à tous les associés. En effet, le compte auprès de la banque K______ SA ne représentait pas un compte de dépôt des associés, mais un contrat de prêt (no 0274000821) accordé aux époux G______ et J______. L'acquisition avait donc été financée à hauteur de CHF 640'000.- par des fonds étrangers, ce qui correspondait à 94,8 % du prix d'achat. Un tel niveau de financement par des fonds étrangers constituait un indice prépondérant de l’appartenance des immeubles à la fortune commerciale.

Trois membres de la société simple exerçaient des professions dans le domaine du bâtiment. La société F______ SA, dont M. E______ était l'associé-gérant, avait effectué des travaux de réfection de l'installation électrique dans un appartement. La société C______ Sàrl, dont MM. B______ et D______ étaient les associés, était susceptible d'avoir effectué une partie des travaux. Ces biens avaient ainsi été utilisés notamment pour y exercer l'activité commerciale d'au moins un des associés. Par ailleurs, l'opération immobilière avait permis à Monsieur P______, fils de M. B______, de percevoir une commission de courtage de CHF 25'040,25, de sorte qu'elle avait servi aux activités commerciales d'un proche de la société simple.

Le critère de l'association avec des tiers était également donné. Les quatre associés s’étaient en effet liés au sein d'une société simple aux fins de réaliser l'acquisition des appartements, d'en assurer la gestion en commun, puis de les revendre ensuite, en réalisant le meilleur profit possible. Chacun d’entre eux avait pu bénéficier de l'expérience professionnelle des trois autres. Ils avaient en outre pu bénéficier des connaissances du vendeur, qui était un régisseur bien connu de la place genevoise, bénéficiant d’une expérience certaine en matière d'acquisition, de gestion et de promotions immobilières. Ce dernier disposait notamment des éléments statistiques propres à démontrer aux acheteurs, en fonction de la conjoncture économique en 2005, la durée probable nécessaire pour qu'un appartement en PPE situé à Genève, loué pour un loyer modeste, double de valeur par simple écoulement du temps.

Le critère de planification était également réalisé. L’activité des membres de la société simple avait en effet consisté à gérer en commun les appartements dans le but d'améliorer leur état locatif, à y faire effectuer des travaux d'entretien par leurs entreprises respectives, à les revendre lorsque leur valeur avait suffisamment augmenté pour réaliser le profit qu'ils attendaient et à trouver un acquéreur disposé et capable d'acheter l’ensemble des trois appartements.

L’intention alléguée des associés, consistant à acquérir les appartements afin qu’ils les occupent personnellement, était absolument impossible à réaliser, tant au moment de l'acquisition en 2005 que depuis lors. En effet, il n'y avait aucune possibilité de vendre ou d’acquérir séparément les parts de PPE, de sorte qu’aucun associé ne pouvait devenir propriétaire d’une seule part. Aucun d’entre eux n’avait occupé l’un ou l’autre appartement.

S’agissant de la durée de possession, les associés avaient patienté le temps nécessaire pour réaliser le profit qu’ils attendaient. Cette durée ne constituait donc pas un indice en faveur de la gestion de fortune privée.

Les associés avaient résilié de manière infondé le bail d’un locataire, sous prétexte que celui-ci avait refusé la réalisation des travaux dans l’appartement qu’il occupait. Cette résiliation, déclarée inefficace par la justice, était manifestement motivée par la volonté des quatre propriétaires d'augmenter la valeur de l'appartement en question, ce qui confirmait une planification clairement orientée vers le profit.

18.         Par réplique du 18 septembre 2023, les recourants ont maintenu leurs conclusions et sollicité la comparution personnelle de M. B______.

Ils s’en remettaient à l’appréciation du tribunal s’agissant du crédit de CHF 100'000.- auprès de la banque K______ SA et de son investissement dans l’acquisition des appartements.

La réfection des réseaux électriques avait été imposée par la loi. Elle avait entrainé des frais de rénovation qui, au vu de l’âge du bâtiment (plus de cinquante ans), pouvaient paraitre importants, mais il était toutefois question de travaux de peu d’importance.

Contrairement à ce qu’avançait l'AFC-GE, la régie L______SA n’avait pas été impliquée dans la vente des appartements.

L’intention des associés d’occuper personnellement ces biens avait été prouvée notamment par la résiliation qu’ils avaient notifiée à M. M______. Ils avaient agi dans le cadre privé et dans le seul but d’y loger leurs familles, puis de les revendre une fois leurs enfants devenus capables de souvenir seuls à leurs besoins.

Le recourant ne disposait d’aucune connaissance dans le domaine du courtage immobilier, raison pour laquelle il avait agi dans la gestion de biens privés. S’il avait agi de manière commerciale, il n’aurait pas attendu jusqu’à 2018 pour vendre les appartements, mais aurait « purement et simplement soldé [son] investissement (…) ».

La comparution personnelle du recourant était sollicitée afin de compléter l’état de fait et, en particulier, de démontrer qu’il ne disposait pas de « connaissances techniques » dans le domaine d’immobilier.

19.         Par duplique du 20 octobre 2023, l'AFC-GE a campé sur sa position, relevant en particulier que les associés ne pouvaient occuper les appartements que comme locataires de la société simple, et jamais comme propriétaires, une acquisition individualisée de ces biens étant interdite par la loi. De plus, alors que l’un des appartements était devenu vacant avant la vente de 2018, aucun des associés ne l’avait occupé avec sa famille.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Préalablement, M. B______ conclut à son audition.

4.             Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit, pour l’intéressé, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Toutefois, le juge peut renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l’authenticité n’est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu’il parvient à la conclusion qu’elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/2020 du 18 février 2021 consid. 3.1).

Le droit d’être entendu ne confère pas celui de l’être oralement (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 du 17 décembre 2021 consid. 3.2).

5.             En l’espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires pour statuer en toute connaissance de cause sur le litige, de sorte qu’il n’apparaît pas utile de procéder à l’audition du recourant. En effet, les recourants ont pu faire valoir leurs arguments, dans le cadre de leur recours et de leurs écritures subséquentes, et produire tout moyen de preuve utile, sans qu’ils n’expliquent ce qui, dans la procédure écrite, les auraient empêchés d’exprimer leurs arguments de manière pertinente et complète, en particulier ceux concernant les connaissances du recourant dans le domaine immobilier.

Partant, cet acte d’instruction, en soi non obligatoire, ne sera pas ordonné.

6.             Il en sera de même de l’acte d’instruction sollicité par l'AFC-GE, à savoir la production par les recourants d’une liste des travaux effectués dans les appartements, puisqu’en vertu du principe sur le fardeau de la preuve et de leur devoir de collaboration, il leur incombait de le faire spontanément. Or, ils ne l’ont pas fait. Il convient dès lors d’en conclure qu’ils ont eux-mêmes estimé inutile la production d’une liste indiquant les éléments proposés par l'AFC-GE. Le tribunal est du même avis, d’autant que le coût des travaux d’entretien figure déjà sur les décomptes établis par la régie L______SA. Quant au fait que les deux Sàrl auraient exécutés certains travaux, il n’est pas à lui seul déterminant pour la qualification de l’opération immobilière en cause. Au demeurant, les recourants ne contestent pas que la remise en état du réseau électrique de l’appartements occupé par M. M______ a été effectuée par F______ Sàrl. Ce fait doit par ailleurs être considéré comme étant déjà établi, dès lors que la Chambre des baux et loyers l’a définitivement retenu dans son arrêt du 3 décembre 2012, entré en force.

7.             Les recourants soutiennent que l’opération immobilière en cause relèverait de la gestion de leur fortune privée et qu’en conséquence, le gain en résultant n’est pas soumis aux impôts directs en tant que revenu de l’activité indépendante, mais uniquement à l’IBGI.

8.             Les art. 16 LIFD et 17 la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) prévoient que l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques. En lien avec la liste exemplative des art. 17 à 23 LIFD et 18 à 24 LIPP, ces deux dispositions expriment, pour l'imposition du revenu des personnes physiques, le concept de l'accroissement du patrimoine, respectivement de l'imposition du revenu global net, ainsi que la règle selon laquelle tous les revenus du contribuable sont en principe imposables, y compris les bénéfices en capital provenant de l'aliénation, de la réalisation ou de la réévaluation comptable d'éléments de la fortune commerciale (art. 18 al. 2 LIFD et 19 al. 2 LIPP). Selon les art. 16 al. 3 LIFD et 27 let. j LIPP, les gains en capital réalisés lors de l'aliénation d'éléments de la fortune privée ne sont en revanche pas imposables. Cela signifie qu'un gain en capital n'est soumis à l'impôt direct que lorsque le bien aliéné fait partie de la fortune commerciale du contribuable, non pas lorsqu'il se rapporte à sa fortune privée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_81/2023 du 18 septembre 2023 consid. 5.1 et les arrêts cités).

9.             De jurisprudence constante, la distinction entre un gain privé en capital (non imposable sur le revenu) et un bénéfice commercial en capital provenant de l'exercice d'une activité lucrative indépendante (imposable sur le revenu), dépend des circonstances concrètes du cas. La notion d'activité lucrative indépendante s'interprète largement, de telle sorte que sont seuls considérés comme des gains privés en capital exonérés de l'impôt sur le revenu ceux qui sont obtenus par un particulier de manière fortuite ou dans le cadre de la simple administration de sa fortune privée. En revanche, si l'activité du contribuable excède ce cadre relativement étroit et est orientée dans son ensemble vers l'obtention d'un revenu, l'intéressé est réputé exercer une activité lucrative indépendante dont les bénéfices en capital sont imposables. Une telle qualification peut se justifier, selon les cas, même en l'absence d'une activité reconnaissable pour les tiers et/ou organisée sur le modèle d'une entreprise commerciale, et même si cette activité n'est exercée que de manière accessoire ou temporaire, voire même ponctuelle (arrêt du Tribunal fédéral 9C_81/2023 du 18 septembre 2023 consid. 5.2 et les arrêts cités).

C'est avant tout en lien avec les transactions effectuées par les particuliers sur des immeubles ou sur des titres que la jurisprudence a été amenée à dégager des critères permettant de tracer la limite entre les gains (privés) en capital et les bénéfices (commerciaux) en capital. Elle a notamment considéré que valent comme indices d'une activité lucrative indépendante dépassant la simple administration de la fortune privée les éléments suivants: le caractère systématique et/ou planifié des opérations, la fréquence élevée des transactions, la courte durée de possession des biens avant leur revente, la relation étroite entre l'activité indépendante (accessoire) supposée et la formation et/ou la profession (principale) du contribuable, l'utilisation de connaissances spécialisées, l'engagement de fonds étrangers d'une certaine importance pour financer les opérations, le réinvestissement du bénéfice réalisé ou encore la constitution d'une société de personnes. Chacun de ces indices peut conduire, en concours avec les autres voire même - exceptionnellement - isolément s'il revêt une intensité particulière, à la reconnaissance d'une activité lucrative indépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_81/2023 du 18 septembre 2023 consid. 5.2 et les arrêts cités).

10.         S'agissant de l'aspect particulier de l'existence d'une société simple, la jurisprudence considère que la création d'une telle société peut constituer en soi un indice de commerce professionnel d'immeubles. En effet, une activité lucrative indépendante doit être présumée lorsque, pour une opération immobilière déterminée, plusieurs personnes s'associent dans un consortium de construction et que, parmi elles, certaines participent dans le cadre de leur profession et s'occupent de la gestion pour le compte commun en accord avec les autres. Il n'est alors pas nécessaire que chaque associé exerce personnellement une véritable activité lucrative pour le compte commun. Il suffit qu'une telle activité existe au niveau de l'ensemble. Même l'associé qui se contente d'investir de l'argent dans la société sans participer lui-même aux affaires de celle-ci doit alors se faire imputer les efforts entrepris par le spécialiste dirigeant pour le compte de tous les associés comme une activité lucrative propre. Dans ce contexte, il se justifie également d'imputer aux associés non spécialisés de la société simple les connaissances spécifiques au domaine des associés spécialisés (arrêt du Tribunal fédéral 9C_81/2023 du 18 septembre 2023 consid. 5.3 et les arrêts cités).  

11.         Selon la jurisprudence, lorsque, par exemple, le contribuable acquiert un immeuble à hauteur de 95% par des fonds étrangers, le seul fait qu’il ait gardé cet immeuble dix ans en sa possession, soit une durée relativement longue, ne suffit pas à contrebalancer les autres éléments permettant de considérer qu’il a dépassé le cadre de l'administration courante de sa fortune privée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_918/2021 du 18 février 2022 consid. 3.5). Une durée de possession de trente-cinq ans n’est pas non plus suffisante pour exclure le caractère commercial d’une opération immobilière, dans la mesure où le contribuable est actif dans le domaine immobilier et participe au projet en partenariat avec des professionnels de l'immobilier, mais pas pour ses besoins purement privés (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_419/2020 du 23 novembre 2020 consid. 5.4.2).

12.         Le nombre d'opérations ne joue que peu, si ce n'est pas de rôle. L'activité immobilière du contribuable peut avoir un caractère purement accessoire, et même occasionnel. Ainsi, une opération isolée peut être considérée comme professionnelle si elle est en rapport avec la profession principale du contribuable (RDAF 2011 II 345 consid. 3).

13.         S'agissant du haut degré de financement par fonds étrangers, le Tribunal fédéral a jugé qu'un immeuble acquis (par un contribuable exerçant la profession de plâtrier-peintre) moyennant des fonds empruntés à hauteur de 95 % du prix d'acquisition faisait partie de sa fortune commerciale (cf. arrêt 2C_918/2021 du 18 février 2022). Il en va de même lorsque ce pourcentage s’élève à 89,72% (cf. arrêt 9C_81/2023 du 18 septembre 2023). Lorsqu'un contribuable conclut une transaction immobilière et indique qu'il achète un bien immobilier pour en faire sa résidence principale, mais qu'il est ensuite financé (presque) exclusivement par des tiers, on ne présume pas qu'il gère son patrimoine privé, mais qu'il s'agit d'une opération commerciale. Dans un cas particulier, le Tribunal fédéral a retenu que, compte tenu de l'importance du financement reçu, le fait que le contribuable ait eu l'intention d'utiliser un appartement comme domicile de son fils n'apparaissait pas déterminant. Ayant utilisé, pour l'achat, exclusivement des capitaux de tiers, le contribuable et son associé ne pouvaient prétendre avoir procédé à une simple administration de leur fortune privée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_346/2018 du 25 juin 2018 consid. 3.3).

Il convient donc d’admettre être en présence d’une activité lucrative lorsqu’un contribuable acquiert un bien patrimonial non pas seulement aux fins d’investir sa fortune privée ou pour profiter d’une occasion qui s’est présentée fortuitement à lui, mais dans l’intention manifeste de le revendre si possible rapidement avec un bénéfice. Il en va de même lorsqu’il s’efforce, comme un entrepreneur indépendant agissant dans le cadre d’une activité principale ou accessoire, d’utiliser le développement d’un marché pour réaliser un bénéfice. Un autre indice en faveur d’une activité lucrative au sens de la jurisprudence est le fait que le contribuable constitue, pour une transaction immobilière déterminée, une société simple (consortium de construction) avec une personne qui y participe dans l’exercice de sa profession et qui, à ce titre, dirige l’entreprise pour le compte des deux partenaires et d’entente avec lui. Un contribuable qui, dans un tel cas, ne participe qu’avec une mise de fonds à la réalisation du but lucratif commun doit se laisser imputer les activités effectuées à titre professionnel par le directeur des travaux pour le compte de tous les participants, comme s’il s’était agi de sa propre activité lucrative (ATA/983/2015 du 22 septembre 2015 consid. 9d).

14.         Ce qui est déterminant dans le cas de la distinction entre un gain privé en capital (non imposable sur le revenu) et un bénéfice commercial en capital provenant de l'exercice d'une activité lucrative indépendante (imposable sur le revenu), ce sont les circonstances concrètes du cas, telles qu'elles se présentent au moment de l'aliénation (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_918/2021 du 18 février 2022 consid. 3.2 et les références ; 2C_423/2019 du 25 novembre 2019 consid. 4.1 et la référence).

15.         En l’espèce, l’ensemble des éléments factuels figurant au dossier démontre un investissement typique d’une activité professionnelle, largement supérieure à ce qu’un simple particulier effectue dans le cadre de la gestion ordinaire de sa fortune privée.

Le recourant a certes procédé à une seule opération immobilière et n’a pas réinvesti le gain réalisé dans de nouveaux projets immobiliers. Il n’apparait ainsi pas qu’il ait exercé une activité immobilière suffisamment intense pour lui conférer un caractère systématique. En outre, la détention de l'immeuble a atteint environ treize ans, soit une période relativement longue. Toutefois, seuls ces deux éléments ne suffisent pas à contrebalancer les autres éléments ressortant du dossier permettant de considérer que le recourant a dépassé le cadre de l'administration courante de sa fortune privée.

En effet, tout d’abord, le recourant ne remet pas en cause la présomption posée par la jurisprudence selon laquelle la constitution d'une société simple constitue un indice de l'exercice d'une activité lucrative indépendante. Il s'est en effet associé, dans le cadre d'une société simple, aux trois personnes, dont deux étaient actives dans le bâtiment, et a disposé ainsi d'un réseau qu'il a pu mettre à profit dans le cadre de la gestion et de l’entretien des appartements. L'activité même de la société consistait précisément à unir les efforts et les ressources des associés pour l'achat et la vente des trois appartements. L’allégation selon laquelle il aurait pris part à la société simple afin d’acquérir les appartements pour loger les familles des associés n’est étayée par aucun élément objectif probant. Au contraire, elle est clairement contredite par les stipulations contenues dans l’acte d’achat du 23 mars 2005, selon lesquelles les associés s’étaient engagés à reprendre les baux en cours, s'interdisant de les résilier de manière anticipée, même s’ils devaient avoir un besoin urgent des locaux pour eux-mêmes ou leurs proches, cette interdiction étant imposée par la loi. Ainsi, au moment de l’achat, les associés savaient pertinemment ne pas pouvoir occuper personnellement les appartements. S’ils les avaient effectivement acquis en vue d’y loger leurs familles, ils devaient alors savoir, à tous le moins depuis que la Chambre des baux et loyers a rendu son arrêt du 3 décembre 2012, que ce but ne pouvait être réalisé. Ainsi, si cette acquisition était motivée uniquement par ce but, ils auraient alors dû vendre les appartements bien avant 2018, puisqu’ils ne pouvaient pas les occuper personnellement. Par ailleurs, il n’est pas établi que les deux résiliations notifiées à M. M______ ont été motivées par les besoins propres des associés. La contradiction des motifs invoqués laisse penser que les associés ont tenté de résilier ce bail plutôt parce qu’il leur rapportait un loyer annuel trop bas pour un appartement de six pièces (CHF 4'451,10), ce qui est tout à fait compréhensible s’agissant d’une activité commerciale. D’ailleurs, aucun des associés n’a occupé personnellement l’appartement qui était devenu vacant avant la vente de 2018. Compte tenu de tous ces éléments, on ne saurait parler d'une association qui aurait conduit à l'obtention d'un gain de manière fortuite, mais plutôt d'une entité économique visant l'obtention d'un gain. Dans ce contexte, il faut reconnaitre que l’opération immobilière a été planifiée. En effet, c’est en s’associant avec trois autres personnes que la recourant a acquis et géré les appartements. S’il s’agissait d’une simple gestion de sa fortune et de l’acquisition d’un logement pour sa famille, on ne voit pas pourquoi cette association était nécessaire pour y parvenir.

Pour le surplus, l’acquisition des appartements a été financée quasi-exclusivement par des fonds étrangers. En effet, d’une part, les quatre associés ont emprunté CHF 540'000.- auprès du I______ SA. D’autre part, il apparaît que les époux G______ et J______ se sont endettés de leur côté, auprès de la banque K______ SA, afin d’assurer un financement supplémentaire de CHF 100'000.-. Quoi qu’il en soit, les recourants indiquent eux-mêmes dans leur recours que « les quatre copropriétaires avaient ouvert une relation bancaire afin de concentrer les fonds en vue de l’achat, ce qui explique pourquoi les montants de CHF 71'000.- et CHF 29'000.- proviennent de » ladite banque. Ce faisant, ils ne démontrent aucunement qu’il est question des dépôts de fonds propres des associés. L'acquisition a donc été financée à hauteur de CHF 640'000.- par des fonds étrangers, ce qui représente 94,8 % du prix d'acquisition de CHF 675'000.-. Cela démontre que, à la différence d'une personne agissant à titre privé, les associés n'ont pas cherché à placer leur fortune privée de manière à la sécuriser et si possible à la faire fructifier en l'investissant. Ils ont cherché avant tout à réaliser un revenu, en investissant le minimum de fonds propres et en obtenant des crédits importants pour le solde du prix d’acquisition. En s'endettant dans une mesure dépassant largement leur propre investissement, ils ont agi comme s'ils investissaient dans leur entreprise. On ne saurait en effet admettre qu'un simple gestionnaire de sa fortune privée s'endetterait dans une telle mesure.

Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances, le bénéfice réalisé par le recourant lors de la vente des appartements ne peut être qualifié de gain en capital privé, obtenu de manière fortuite dans le cadre de la simple administration de sa fortune privée. Partant, en qualifiant l’opération litigieuse de commerciale, l'AFC-GE n'a pas violé le droit applicable, interprété à l'aune de la jurisprudence fédérale, étant au surplus rappelé que la notion d'activité lucrative indépendante s'interprète largement.

16.         Mal fondé, le recours sera rejeté.

17.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'000.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de 700.- versée à la suite du dépôt du recours.

18.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 28 avril 2023 par Madame A______ et Monsieur B______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 23 mars 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'000.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 700.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Gwénaëlle GATTONI, présidente, Laurence DEMATRAZ et Stéphane TANNER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière