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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1307/2023

JTAPI/162/2024 du 26.02.2024 ( ICC ) , ADMIS PARTIELLEMENT

ATTAQUE

Descripteurs : TAXATION CONSÉCUTIVE À UNE PROCÉDURE
Normes : LPFisc.59.al1
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1307/2023 ICC

JTAPI/162/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 26 février 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Fiduciaire DUFAUX & MURY SA, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 


 

 

EN FAIT

1.             Selon le registre de l’office cantonal de population et des migrations (OCPM), Monsieur A______ (ci-après : le contribuable ou le recourant), venant du canton de Vaud, est arrivé à Genève le 1er janvier 2016. Dans la rubrique « profession » de ce registre, il a été inscrit comme une « personne sans activité économique ». Une attestation de séjour (pour les confédérés) lui a été délivrée le 25 janvier 2016.

2.             Jusqu’à fin juin 2016, le contribuable a exercé une activité salariée auprès des B______ à Genève, tout en étant domicilié dans le canton de Vaud. Le 1er juillet 2016, il a débuté une activité indépendante de médecin à Genève.

3.             Par courrier du 26 avril 2017, l’administration fiscale cantonale
(ci-après : l'AFC-GE) a rappelé au contribuable qu’il devait remplir sa déclaration fiscale pour l’année 2016 même s’il estimait ne pas être imposable, l’invitant à le faire « sans attendre ».

4.             Le contribuable n’ayant donnée aucune suite à cette demande, l'AFC-GE l’a réitérée par courrier recommandé du 31 mai 2017, précisant que s’il n’y répondait pas, il s’exposerait à une taxation d’office et une amende.

5.             Le contribuable n’a pas donné suite à cette requête.

6.             Le 22 juin 2017, l'AFC-GE a adressé au contribuable une lettre à la teneur suivante :

« Nous avons procédé à l'examen de votre situation et vous informons que nous renonçons à vous assujettir aux impôts genevois pour l'année 2016. Nous tenons à vous signaler que vous continuerez à recevoir chaque année une formule de déclaration d'impôt qu'il conviendra de nous retourner dans le délai fixé et dans laquelle vous devrez nous faire part de toute modification intervenue par rapport à la situation actuelle sur laquelle se fonde la présente ou, à l'inverse, nous confirmer que cette situation ne s'est pas modifiée. L'ouverture d'une procédure en rappel d'impôt au sens des articles 59 et suivant de la loi de procédure fiscale est réservée ».

A teneur d’un « décompte final » joint à ce courrier, relatif aux « impôts cantonaux et communaux / 2016 » (ICC), le contribuable devait verser à l'AFC-GE uniquement une « taxe personnelle » de CHF 25.-.

7.             Le 12 juillet 2017, le contribuable s’est acquitté de cette taxe.

8.             En février 2018, ce dernier a déposé auprès de l'administration fiscale vaudoise
(ci-après : l'AFC-VD) sa déclaration fiscale 2016, indiquant son revenu d’indépendant réalisé à Genève (CHF 172'978.- net).

9.             Le 7 juin 2018, l'AFC-VD a communiqué à l'AFC-GE une décision de répartition intercantonale des éléments imposables du recourant en 2016, selon laquelle le revenu de son activité indépendante de CHF 172'979.- était attribué au canton de Genève.

10.         Le 13 juin 2018, l'AFC-VD a taxé le contribuable pour l’année 2016.

11.         Le 11 novembre 2022, l'AFC-GE a informé le contribuable de l'ouverture de procédures en rappel et soustraction d'impôts pour la période fiscale 2016. Il avait débuté une activité indépendante à Genève le 1er juillet 2016 et réalisé un bénéfice net de CHF 172'978,80 qu’il n’avait pas déclaré. Ce revenu avait par ailleurs été indiqué dans sa comptabilité qu’il lui avait transmise dans le cadre de sa taxation pour l’année 2017. Il était invité à lui remettre, d’ici au 25 novembre 2022, une déclaration fiscale 2016 dûment remplie, faute de quoi son revenu imposable serait fixé au montant précité et imposé au taux de CHF 248'956,80 (compte tenu de ses autres revenus).

12.         Le 23 novembre 2022, le contribuable, par le biais de son mandataire, a répondu à l'AFC-GE n’avoir eu qu'un rattachement économique à Genève en 2016, de sorte qu'il n'était pas tenu d’y déposer une déclaration fiscale, mais tout au plus une copie de celle déposée auprès de l'AFC-VD, qui l’aurait d’ailleurs transmise à l'AFC-GE. Cette dernière connaissait le montant de son revenu 2016, puisqu’elle l’avait indiqué dans son courrier du 11 novembre 2022. De plus, ce revenu avait été indiqué dans sa comptabilité 2017 qu’il lui avait remise pour la taxation de cette année. Dans ces conditions, le droit de taxer la période fiscale 2016 était prescrit et les conditions d’ouverture des procédures en rappel et soustraction d’impôts n'étaient pas réunies.

13.         Le 5 décembre 2022, l'AFC-GE a notifié au contribuable un bordereau de rappel des ICC 2016 totalisant CHF 41'956,70 (plus les intérêts de CHF 5'281,65), et un bordereau d'amende pour la soustraction de ces impôts, au motif qu'en ne déposant pas sa déclaration fiscale, malgré deux rappels, il ne lui avait pas permis de déterminer son assiette fiscale. Sa faute était intentionnelle, à tout le moins sous forme de dol éventuel. Compte tenu de l’unicité de sa faute et du fait que ce fût sa première taxation à Genève et qu’il n’était pas un spécialiste en fiscalité, la quotité des amendes était fixée aux trois quarts du montant des impôts soustraits.

14.         Le 12 décembre 2022, le contribuable, sous la plume de son mandataire, a formé réclamation contre ces bordereaux.

Durant les périodes fiscales 2016 et 2017, il était domicilié dans le canton de Vaud où il avait déposé ses déclarations y relatives, tout en étant assujetti de manière limitée à Genève en raison de son activité indépendante.

L'AFC-GE avait été informée des éléments qu’il avait annoncés à l'AFC-VD pour l’année 2016. Pour l’année 2017, il lui avait remis une copie de sa déclaration vaudoise.

De bonne foi, le courrier de l'AFC-GE du 22 juin 2017 pouvait être considéré comme une décision de ne pas l’assujettir de manière illimitée à Genève, et non comme une décision de taxation.

Le droit de taxer pour l’année 2016 était prescrit depuis le 22 juillet 2022. A défaut d’une décision de taxation, une procédure de rappel d’impôt ne pouvait plus être introduite. En effet, depuis juin 2018, l'AFC-GE disposait des éléments lui permettant de l’assujettir de manière limitée à Genève et de procéder à sa taxation ordinaire, ce qu’elle n’avait pas fait. Elle ne pouvait corriger sa propre négligence par le biais de la procédure de rappel d’impôt. Ainsi, à défaut d’un fait nouveau, un rappel d’impôt et, par voie de conséquence, une amende étaient exclus.

Subsidiairement, l’élément objectif de la soustraction fiscale n’était pas donné dès lors qu’il avait déposé une déclaration complète et exacte dans le canton de Vaud. Dans un tel contexte, aucune faute ne pouvait lui être reprochée.

Sa faute de ne pas avoir remis à l'AFC-GE une copie de sa déclaration vaudoise avait largement été réparée par la communication de l'AFC-VD de juin 2018. En tout état, l’amende de CHF 37'467.- était sans rapport avec ce manquement, lequel ne pouvait être sanctionné que par une amende de CHF 1'000.- au plus (CHF 10'000.- dans les cas graves ou en cas de récidive) pour avoir violé des règles de la procédure de taxation. Cette sanction semblait également prescrite, dans la mesure où elle pouvait être infligée en 2017.

15.         Par décision du 29 mars 2023, l'AFC-GE a rejeté la réclamation.

Le 25 janvier 2017, elle avait adressé au contribuable une formule de déclaration fiscale 2016 à remplir [cet envoi n’est pas versé su dossier], puis, faute de réponse, lui avait envoyé deux rappels en 2017, auxquels il n’avait pas non plus donné suite.

Par courrier du 22 juin 2017, en le soumettant à la taxe personnelle de CHF 25.-, elle lui avait notifié une décision de taxation fondée sur un assujettissement limité. Par cette décision, elle avait renoncé uniquement à l’assujettissement illimité. Cette taxation était entrée en force.

A la lecture de la déclaration 2017 vaudoise, qui lui avait été remise le 9 janvier 2019, elle avait constaté que le contribuable exerçait son activité à Genève depuis le 1er juillet 2016, activité dont il n’avait pas annoncé les revenus. Il ne lui avait pas transmis sa déclaration 2016 vaudoise, malgré son assujettissement limité à Genève en raison de son activité indépendante. Il s’agissait ainsi d’un fait nouveau découvert après sa décision de taxation du 22 juin 2017. La procédure de rappel d’impôt avait ainsi été ouverte valablement dans le délai de 10 ans.

Il ne s’agissait pas en l’espèce d’une pénalité pour violation d’une règle de la procédure de taxation, mais d’une amende pour soustraction consommée. Le contribuable ne pouvait en effet pas ignorer devoir déclarer à Genève ses revenus d’indépendant. En ne retournant pas la formule de déclaration 2016, qu’elle lui avait envoyée le 25 janvier 2017, il s’était accommodé d’une taxation insuffisante.

16.         Par acte du 18 avril 2023, sous la plume de son mandataire, le contribuable a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et à celle des bordereaux y relatifs, sous suite de frais et dépens.

Jusqu’à fin 2017, son domicile fiscal principal se trouvait dans le canton de Vaud. L'AFC-GE lui avait envoyé une déclaration d’impôt 2016 parce qu’il s’était annoncé auprès « des autorités » genevoises. Elle avait ainsi considéré qu’il avait pris domicile principal à Genève, ce qui n’était pas le cas, puisqu’il n’y séjournait que pour exercer son activité indépendante.

Comme il n’avait pas donné suite à la formule de déclaration d'impôt 2016 puis aux deux rappels de l'AFC-GE, celle-ci avait dès lors décidé de renoncer à le taxer pour cette année 2016 et estimé que cette renonciation, notifiée le 22 juin 2017, valait décision de taxation définitive.

Il « aurait pu » éviter de déposer cette déclaration dès lors qu’il était possible de fournir une copie de celle vaudoise. Il ne pouvait toutefois le faire dans la mesure où il n’avait pas encore déposé cette dernière. Cela étant, il admettait qu’il aurait dû en informer l'AFC-GE, ce qu'il n'avait pas fait, contrairement à son obligation de collaborer. Si ce manquement constituait à l'évidence une violation des règles de procédure susceptible d'être sanctionnée par une amende au sens de l'art. 68 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17), tel n'avait toutefois pas été le cas et ne pouvait plus l'être en raison de la prescription du droit à la taxation ordinaire.

Pour un contribuable n’ayant pas satisfait à ses obligations de procédure, malgré sommation, la loi prévoyait une taxation d’office. En l’occurrence, l'AFC-GE n’avait entrepris aucun acte d’instruction en vue d’une telle taxation. Elle avait simplement renoncé à l’assujettir aux ICC, sans indiquer « d'éléments imposables ni montant de l'impôt, ni voies de droit ». Cette manière de faire ne respectait pas les règles de la procédure de taxation d’office, de sorte que la lettre du 22 juin 2017 ne pouvait être qualifiée de décision de taxation définitive. Même si cette lettre constituait un acte interruptif du délai de prescription du droit de taxer, celle-ci avait été atteinte le 21 juin 2022.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (cf. arrêt 2C_263/2018 du 11 février 2019), le fisc du domicile fiscal secondaire ne pouvait pas recourir à la procédure de rappel d’impôt en se fondant sur des faits ou des moyens de preuve qu'elle aurait déjà pu faire valoir dans la procédure de taxation ordinaire. Cela était particulièrement vrai lorsqu’une déclaration conforme à la vérité et complète était remise à l'autorité fiscale du domicile principal, dans le délai imparti par celle-ci. En l’occurrence, l'AFC-GE - qui avait reçu une copie de la répartition intercantonale 2016 en juin 2018, les comptes 2016-2017 en janvier 2019 et la décision de la répartition intercantonale 2017 en mars 2019 - disposait des informations nécessaires à une taxation ordinaire trois ans avant la prescription du droit de taxer.

Les conditions de rappel d’impôt n’étant ainsi pas remplies, tout comme celles d’une soustraction fiscale. N’étaient en particulier pas donnés la condition objective d’une perte financière pour la collectivité et le lien de causalité entre celle-ci et les actes illicites commis en vue de dissimuler des éléments de revenus, puisque sa déclaration 2016 déposée dans le canton de Vaud faisait état de ses revenus réalisés à Genève. Sur le plan subjectif, et sans vouloir excuser sa « désinvolture et le manque d'intérêts portés (…) à ses affaires administratives », l'AFC-GE avait renoncé de manière explicite à son assujettissement. Dans la mesure où il était domicilié dans le canton de Vaud depuis longtemps, il pouvait interpréter cet « avis » comme la fin de la procédure d'assujettissement illimité ouverte à Genève, d'autant plus qu'il devait également déposer une déclaration vaudoise pour la même année. On ne pouvait dès lors voir dans son absence de réaction à cet « avis » une intention, fût-elle par dol éventuel, de se soustraire à ses obligations fiscales.

Subsidiairement, contrairement à une taxation d'office valablement notifiée, passée en force et s'avérant après coup insuffisante, la seule absence de dépôt de déclaration d'impôt était une infraction d'ordre pouvant tout au plus donner lieu à une amende pour violation des règles de procédure.

17.         Le 19 juin 2023, l'AFC-GE a conclu à la réduction de la quotité de l’amende de 0,75 à 0,5 fois les impôts soustraits et au rejet du recours pour le surplus.

Le recourant n’avait pas annoncé exercer son activité indépendante de médecin à Genève, à partir du 1er juillet 2016. Or, bénéficiant d'une autorisation de séjour pour confédéré, il pouvait facilement se renseigner sur ses obligations fiscales sur le site internet de l'Etat de Genève, dont notamment celles d’y remplir une déclaration d'impôt et d'y payer une taxe personnelle. De plus, il ne lui avait pas communiqué sa déclaration fiscale vaudoise 2016.

Par un « message » du 7 juin 2018, l'AFC-VD lui avait transmis la répartition intercantonale 2016. Cet envoi était « passé inaperçu ».

Toute taxation incomplète, y compris celle rendue en vertu d'un assujettissement limité, devait être corrigée par la voie du rappel d'impôt. En l’occurrence, le 22 juin 2017, le recourant avait fait l’objet d’une décision de non assujettissement illimité à l'ICC et d’une taxation en raison d'un assujettissement limité, puisqu’il avait été soumis à la taxe personnelle de CHF 25.-, en raison de son séjour à Genève, en application des art. 374 ss de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05). En interprétant cette décision selon les règles de la bonne foi, on comprenait aisément que le canton de Genève avait renoncé uniquement à l'assujettissement illimité. Elle ignorait alors que le recourant y exerçait une activité indépendante qui aurait justifié un assujettissement limité à ce titre également. Le recourant avait ainsi fait l'objet d'une décision de taxation 2016 entrée de force et incomplète. Au début de l’année 2019, soit après avoir reçu une copie de la déclaration vaudoise 2017, elle avait découvert qu’il exerçait une activité indépendante à Genève et qu’il devait y être assujetti de manière limitée également en raison de son activité indépendante. Le fait nouveau avait ainsi été découvert en 2019, soit après l'entrée en force de la décision de taxation du 22 juin 2017, fondée sur un assujettissement limité. Le rappel d'impôt avait été valablement ouvert dans le délai de dix ans, ce même si l’on prenait comme point de départ la réception, en juin 2018, de la répartition vaudoise 2016.

Les conditions de rappel d’impôt étaient réunies, même si son courrier du 22 juin 2017 pouvait prêter à confusion. En effet, selon la jurisprudence, un contribuable ne pouvait qu'exceptionnellement se prévaloir du fait que l'insuffisance de la taxation serait due non pas à son comportement, mais à une négligence de l'autorité fiscale, seule une négligence grave de celle-ci entrant en ligne de compte. En l’occurrence, elle n’avait pas commis une telle négligence dès lors qu’en ne recevant pas de déclaration fiscale du recourant, elle avait considéré qu’il était salarié et ne percevait pas de revenus imposables à Genève. Il appartenait au recourant de remplir ses obligations et sa faute était prépondérante.

Dans la mesure où le recourant avait été un indépendant imposable à Genève, la violation de ses obligations devait être examinée sous l'angle de la soustraction fiscale, et non sous celui de la violation des règles de la procédure.

Disposant d’une large marge d'appréciation en matière d'amende, elle avait retenu que la soustraction avait été commise intentionnellement, à tout le moins par dol éventuel, et avait fixé la quotité à 0,75 fois le montant de l'impôt soustrait. La soustraction consommée n’ayant été commise que la première année d'activité indépendante à Genève et le recourant ne disposant pas de connaissances particulière en matière de fiscalité, elle considérait désormais que l'infraction aurait pu être commise par négligence. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances, l'amende « pourrait » être réduite à 0,5 fois le montant de l'impôt soustrait. Sa reconsidération en faveur du recourant devant le tribunal ne devrait toutefois pas conduire à l'allocation de frais de procédure ou de dépens.

18.         Par réplique du 30 juin 2023, sous la plume de son mandataire, le recourant a maintenu ses conclusions.

En 2015 et jusqu’à fin juin 2016, il avait exercé une activité salariée d’anesthésiste auprès des B______ de Genève et y avait déjà disposé d’un appartement notamment en raison ses horaires irréguliers [aucun document attestant de cette activité dépendante n’est versé au dossier].

Le courrier de l'AFC-GE du 22 juin 2017 ne pouvait être compris autrement que comme une renonciation à tout assujettissement, qu’il fût illimité ou limité. La taxe personnelle de CHF 25.- ne relevait pas des impôts directs, ni ne pouvait faire échec aux règles de procédure y relatives. Ce courrier ne pouvait dès pas être qualifié de décision de taxation en matière d'impôts directs. De plus, à cette date, il n’avait pas encore établi sa déclaration 2016 vaudoise, ni même consulté son mandataire en ce qui concernait son activité indépendante à Genève, de sorte qu'il lui était non seulement impossible de fournir les documents demandés, mais aussi de se prononcer sur l'ampleur et l'existence d'une imposition dans ce canton.

Pour le surplus, si l'AFC-GE l’avait taxé dès qu'elle disposait des renseignements donnés par lui-même ou par l'AFC-VD, comme elle aurait dû le faire, la situation juridique aurait été différente du point de vue pénal. En effet, si elle entendait lui infliger une amende, elle aurait dû retenir qu’il avait commis une tentative de soustraction et non une soustraction consommée. Or, la tentative n’était pas punissable en cas de négligence, qu’elle retenait finalement dans sa réponse.

Il avait remis spontanément à l'AFC-GE tant sa déclaration 2017 vaudoise que ses comptes 2016 et 2017, soit les documents qui lui avaient permis de se rendre compte qu’elle ne l’avait pas taxé pour l’année 2016, ce qui démontrait qu’il n’avait pas l’intention de commettre une soustraction d’impôt. Il s’était certes annoncé à Genève en 2016, pour y avoir pris une résidence en vue d’exercer son activité personnelle, tout en laissant à l'AFC-VD de décider si un for spécial devait ou non être admis dans ce canton. Une fois cette question tranchée par cette dernière, il avait satisfait à ses obligations en communiquant à l'AFC-GE une copie de sa déclaration vaudoise 2017 et de ces comptes 2016 et 2017. Dans ces conditions, les manquements de l'AFC-GE étaient prépondérant par rapports aux siens, de sorte que l’amende était injustifiée.

19.         Par duplique du 14 juillet 2023, l'AFC-GE a campé sur sa position.

C’était précisément parce que le recourant avait exercé une activité salariée jusqu’à fin juin 2016 qu’elle avait renoncé à l’imposer de manière illimitée, par décision du 22 juin 2017. Il n'y avait ainsi pas de raison d'instruire la cause en 2016, rien ne laissant supposer qu’il fût imposable à d'autres titres que du fait de son séjour à Genève. Dès qu’il avait entrepris une activité indépendante à Genève, il lui appartenait de se renseigner sur ses obligations fiscales. Il avait non seulement reçu la formule de la déclaration 2016, mais également deux rappels, ce qui aurait dû attirer son attention et le pousser, à tout le moins, à clarifier la situation. Lorsqu'il avait reçu la décision du 22 juin 2017, indiquant expressément que le rappel d'impôt était réservé, il aurait pu également se renseigner. A la lecture de cette décision, il pouvait aisément comprendre qu'il n'était imposé qu’en raison de son séjour à Genève et qu’elle ignorait l’existence de son activité indépendante à Genève. En tout état, il ne pouvait de bonne foi considérer que son revenu d’indépendant ne serait pas imposé. Lorsqu'il avait reçu la taxation vaudoise 2016 du 13 juin 2018 et avait eu la certitude que ce revenu devait être imposé à Genève, à nouveau, il n'avait rien entrepris. Ce revenu n'était ainsi imposé ni dans le canton de Vaud ni à Genève et il s'était accommodé de cette taxation insuffisante. Il aurait alors pu annoncer spontanément ce revenu et bénéficier de la non punissabilité. Contrairement à ce qu'il soutenait, elle n'avait jamais reçu sa déclaration fiscale vaudoise 2016. De plus, par le biais de la présente procédure, il cherchait à éviter de s'acquitter de l'impôt dû à Genève. Il ne lui avait remis une copie de ses comptes 2016 que dans le cadre de la taxation 2017, six mois après la taxation vaudoise du 13 juin 2018. Ce faisant, il n’avait rien mentionné concernant la taxation 2016. Il était donc exclu que le simple dépôt de cette pièce parmi d'autres soit considéré comme une dénonciation spontanée.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens de 49 LPFisc.

3.             Le recourant conteste la réalisation des conditions du rappel d’impôt, soutenant en particulier que l'AFC-GE n’était pas légitimée à procéder à sa taxation 2016 moyennant la procédure de rappel d’impôt, mais qu’elle aurait dû agir par le biais d’une taxation ordinaire ou d’une taxation d’office.

4.             Aux termes de l’art. 59 al. 1 LPFisc, lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus du département lui permettent d’établir qu’une taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou qu’une taxation entrée en force est incomplète, le département procède au rappel de l’impôt qui n’a pas été perçu, y compris les intérêts.

Le rappel d’impôt est le pendant, en faveur du fisc, de la révision en faveur du contribuable. Cette procédure porte sur la perception d’impôts qui n’ont pas pu être prélevés par l’administration fiscale au cours de la taxation ordinaire. Le rappel d’impôt n’est soumis qu’à des conditions objectives : il implique qu’une taxation n’a, à tort, pas été établie ou est restée incomplète, de sorte que la collectivité publique a subi une perte fiscale. Il suppose aussi l’existence d’un motif de rappel, qui peut résider dans la découverte de faits ou de moyens de preuve inconnus jusque-là, soit des faits ou moyens de preuve qui ne ressortaient pas du dossier dont disposait l’autorité fiscale au moment de la taxation. Le rappel d’impôt ne peut porter que sur les points pour lesquels l’autorité fiscale dispose de nouveaux éléments (ATF 144 II 359 consid. 4.5.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_116/2021 du 8 juillet 2021 consid. 6.1).

5.             Aux termes de l’art. 3 al. 1 de loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), les personnes physiques qui, au regard du droit fiscal, ne sont ni domiciliées ni en séjour dans le canton sont assujetties à l’impôt à raison du rattachement économique notamment lorsqu’elles y exercent une activité lucrative, les règles du droit fiscal intercantonal étant réservées (let. d).

6.             Selon l'art. 26 al. 1 LPFisc, les contribuables sont invités, par publication officielle ou par l'envoi de la formule, à remplir et à déposer une formule de déclaration d'impôt. Le fait de n'avoir pas reçu de formule de déclaration ne dispense pas du paiement des impôts, ni de l'obligation de faire une déclaration (art. 28 al. 1 LPFisc). Un avis est inséré chaque année dans la Feuille d'avis officielle et publié par voie d'affiches avisant les contribuables de l'obligation de payer les impôts directs et invitant ceux qui sont tenus de faire une déclaration et qui n'ont pas reçu de formule à la retirer auprès du département (art. 28 al. 2 LPFisc). D'après l'art. 26 al. 2 LPFisc, le contribuable doit remplir la formule de déclaration d'impôt de manière conforme à la vérité et complète ; il doit la signer personnellement et la remettre au département, avec les annexes prescrites, dans le délai qui lui a été imparti. Le contribuable doit retourner la formule de déclaration, même s’il n’est pas taxable ni imposable (art. 27 al. 3 LPFisc).

L’art. 35 LPFisc prévoit que toute personne qui, ayant reçu une formule de déclaration, estime ne pas être soumise à l’impôt dans le canton, comme ne remplissant pas les conditions prévues par la législation fiscale, doit la retourner au département, en exposant les motifs pour lesquels elle estime ne pas être astreinte à l’impôt (al. 1). Le département statue sur la demande (al. 2).

Le département procède à la taxation des impôts sur la base de la déclaration d’impôt et des justificatifs déposés par le contribuable, ainsi que des contrôles et investigations effectués (art. 36 al. 1 LPFisc). Il procède à une taxation d’office sur la base d’une appréciation consciencieuse si, malgré sommation, le contribuable n’a pas satisfait à ses obligations de procédure ou si les éléments imposables ne peuvent être déterminés avec toute la précision voulue faute de données suffisantes
(art. 37 al. 1 LPFisc).

7.             Le droit de procéder à la taxation se prescrit par cinq ans à compter de la fin de la période fiscale (art. 22 al. 1 LPFisc). Un nouveau délai de prescription commence à courir lorsque l’autorité prend une mesure tendant à fixer ou faire valoir la créance d’impôt et en informe le contribuable (art. 22 al. 3 let. a LPFisc).

8.             En l’espèce, le recourant confirme avoir reçu tant la formule de déclaration 2016 que les deux rappels de l'AFC-GE l’invitant à la remplir et à la lui retourner. Il ne l'a pas fait, alors qu'il exerçait dans le canton de Genève une activité lucrative indépendante depuis le 1er juillet 2016, de sorte qu'il y était assujetti de manière limitée à l'impôt à raison d'un rattachement économique et avait en conséquence l'obligation d'y déposer sa déclaration 2016, et ce jusqu’à la décision de l'AFC-GE du 22 juin 2017 de l’en libérer.

Force est en effet d’admettre que cette décision a mis fin à la procédure de taxation ordinaire 2016, qu’elle soit considérée comme une décision d’assujettissement, au sens de l’art. 35 LPFisc, ou comme une décision de taxation, au sens de l’art. 36 al. 1 LPFisc. Le recourant ne disposait alors certes d’aucun intérêt (actuel) à la contester, dans la mesure où elle ne fixait aucun impôt direct à sa charge. Il n’en demeure pas moins que cette décision est entrée en force, si bien que la taxation 2016 ne pouvait plus être effectuée que par le biais d’une procédure de rappel d’impôt. Dès lors, les questions de la prescription du droit à la taxation ordinaire (art. 22 LPFisc) et de l’obligation de l'AFC-GE de procéder par une taxation d’office (art. 37 LPFisc) ne se posent pas, cette dernière ayant précisément renoncé à ces taxations, par sa décision du 22 juillet 2017, parce qu’elle ignorait le fait que le recourant exerçait une activité indépendante à Genève depuis le 1er juillet 2016. Du reste, même si l’on devait admettre que le droit de taxer pour l’année 2016 était prescrit dès le 1er janvier 2021, ce n’est pas pour autant que l'AFC-GE ne pourrait plus ouvrir une procédure de rappel d’impôt. En effet, si un contribuable s’abstient de déposer sa déclaration d’impôt, comme en l’occurrence, il peut y avoir tentative de soustraction par omission à partir du moment où il laisse expirer en connaissance de cause le délai fixé pour remettre la déclaration d’impôt. Cette tentative perdure jusqu’à la prescription du droit de procéder à une taxation, moment à partir duquel elle devient une soustraction consommée
(cf. Pietro SANSONETTI, Danielle HOSTETTLER in Yves NOËL, Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, 2ème éd., 2017, art. 176, p. 2000 s, n. 3 et 7 et la jurisprudence citée).

Pour le surplus, l’existence de l’activité indépendante à Genève depuis le 1er juillet 2016 n’a été portée à la connaissance de l'AFC-GE qu’en juin 2018, par le fisc vaudois, ce qui représente forcément un fait nouveau au sens de l’art. 59 LPFisc. Le recourant ne remet au demeurant pas en question le principe de l’imposition à Genève de son revenu d’indépendant ni le taux de celle-ci.

Au vu de ce qui précède, les deux conditions objectives posées par l’art. 59 LPFisc sont réunies en l’espèce, à savoir une perte fiscale pour la collectivité et la découverte d’un fait inconnu par le fisc au moment de la taxation, de sorte que le bordereau de rappel d’impôt litigieux doit être confirmé.

Ainsi, ce grief est rejeté.

9.             Selon l'art. 69 LPFisc, est notamment puni d'une amende le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète (al. 1) ; en règle générale, l'amende est fixée au montant de l'impôt soustrait ; si la faute est légère, l'amende peut être réduite jusqu'au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (al. 2).

Pour que cette infraction soit retenue, il faut donc qu'il y ait soustraction d'un montant d'impôt, en violation d'une obligation légale incombant au contribuable, une faute de ce dernier, ainsi qu'un lien de causalité entre le comportement illicite et la perte fiscale subie par la collectivité (arrêts du Tribunal fédéral 2C_553/2018 du 17 juin 2019 consid. 4.2.1 ; 2C_444/2018 du 31 mai 2019 consid. 7 ; 2C_11/2018 du 10 décembre 2018 consid. 10.1 ; 2C_1018/2015 du 2 novembre 2017 consid. 9.2 et les arrêts cités).

10.         En l’espèce, un montant d'impôt, que le recourant n'a pas contesté en soi, a été soustrait. La première condition objective de la soustraction est ainsi réalisée. Alors qu'il exerçait à Genève une activité lucrative indépendante, de sorte qu'il était assujetti de manière limitée à l'impôt dans ce canton à raison d'un rattachement économique et avait en conséquence l'obligation d'y déposer une déclaration, le recourant n'y a pas remis sa déclaration pour l’année 2016, violant ainsi en particulier l’art. 26 al. 2 LPFisc. La deuxième condition objective de la soustraction est donc également réalisée. Comme il sera vu ci-après, le fait qu’il ait déposé sa déclaration vaudoise n’y change rien, d’autant moins qu’il l’a fait postérieurement à la décision de l'AFC-GE du 22 juin 2017, soit en février 2018, et qu’il n’en a jamais remis une copie à cette dernière.

11.         Le recourant remet en cause la condition du lien de causalité entre la perte fiscale et son comportement. Il avait rempli sa déclaration fiscale dans le canton de Vaud et les informations le concernant avaient été transmises par l'AFC-VD à l'autorité intimée, de sorte qu'il appartenait à celle-ci de le taxer sur cette base, sans lui infliger une amende pour soustraction fiscale.

12.         Les autorités fiscales se communiquent gratuitement toutes informations utiles et s'autorisent réciproquement à consulter leurs dossiers. Lorsqu'il ressort de la déclaration d'impôt d'un contribuable ayant son domicile ou son siège dans le canton qu'il est aussi assujetti à l'impôt dans un autre canton, l'autorité de taxation porte le contenu de sa déclaration et sa taxation à la connaissance des autorités fiscales de l'autre canton (art. 39 al. 2 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990
[LHID - RS 642.14] ; art. 13 LPFisc).

À teneur de l'art. 2 de l'ordonnance sur l'application de la LHID dans les rapports intercantonaux du 9 mars 2001 (OLHID - RS 642.141), visant les contribuables assujettis à l'impôt dans plusieurs cantons, ceux-ci peuvent y remplir leur obligation de déposer une déclaration d'impôt par la remise d'une copie de la déclaration d'impôt du canton de domicile ou du siège (al. 2) et l'autorité de taxation du canton de domicile ou du siège porte gratuitement à la connaissance des autorités de taxation des autres cantons le contenu de la taxation, y compris la répartition intercantonale et d'éventuelles modifications apportées à la déclaration d'impôt (al. 3). En cas d'assujettissement à l'impôt à raison du rattachement économique dans d'autres cantons que ceux du domicile ou du siège du contribuable, la procédure de taxation se déroule aussi dans ces autres cantons et est régie par le droit cantonal de procédure (al. 1 et 4).

Selon la circulaire n° 16 de la Conférence suisse des impôts du 31 août 2001 relative à l'OLHID (ch. 22), l'assujettissement à l'impôt dans un canton à raison du rattachement économique aux termes de l'art. 2 al. 1 OLHID ne dispense pas le contribuable des obligations de procédure de taxation prévues par le droit de ce canton. Toutefois, l'obligation de déposer la déclaration d'impôt peut être remplie dans ce canton par la remise par le contribuable d'une copie de la déclaration d'impôt de son canton de domicile ou de siège (art. 2 al. 2 OLHID). En principe, le canton du siège ou du domicile a un rôle primordial - ou de « leader » - dans le déroulement de la procédure de taxation et de répartition. Pour les personnes physiques, le canton du domicile du contribuable contrôle la déclaration fiscale. Il procède aux investigations nécessaires et requiert du contribuable les renseignements utiles à la taxation et à la répartition des éléments imposables. Il communique au canton du for spécial ou secondaire une copie de la taxation et répartition intercantonale. Chaque canton applique sa législation pour la détermination du revenu et de la fortune imposables. Le canton du for secondaire ou spécial peut demander au contribuable les renseignements utiles à la taxation. Il est toutefois recommandé qu'il fasse preuve de retenue lorsque le canton de domicile a déjà procédé à un contrôle.

13.         Dans une affaire concernant un avocat domicilié dans le canton de Vaud mais exerçant son activité indépendante dans le canton de Genève, à qui il était reproché de ne pas avoir déclaré l'ensemble de ses revenus auprès de l'AFC-GE durant les années 2010 à 2013, et qui remettait également en cause le lien de causalité entre la perte fiscale et son comportement, le Tribunal fédéral a considéré que la transmission d'informations entre cantons ne dispensait aucunement le contribuable de ses propres obligations. Celles-ci étaient certes allégées, en ce sens que l'intéressé aurait pu se contenter d'envoyer une copie de sa déclaration vaudoise aux autorités genevoises, mais elles n'étaient pas inexistantes. En outre, on ne pouvait reprocher à l'AFC-GE de ne pas avoir satisfait à ses propres obligations qu'à partir du moment où la première décision de répartition intercantonale lui avait été transmise par l'ACI-VD. Or, même si l'on retenait que l'AFC-GE avait ou aurait dû avoir connaissance de l'existence du contribuable et lui transmettre les déclarations à remplir à compter de cette date, on ne pouvait en tout état lui reprocher une négligence grave au point de reléguer à l'arrière-plan le comportement de celui-ci. Le lien de causalité n'avait donc pas été rompu et la troisième condition de l'infraction était réalisée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_553/2018 précité consid. 5.3.3).

14.         En l'occurrence, c'est en vain que le recourant prétend que les manquements de l'AFC-GE sont la cause du retard dans la taxation pour l’année 2016. En effet, d'une part, il résulte des dispositions citées plus haut que la transmission d'informations entre cantons ne le dispensait pas de ses propres obligations. Celles-ci étaient certes allégées, en ce sens qu'il aurait pu se contenter d'envoyer une copie de sa déclaration vaudoise à l'autorité intimée - ce qu’il n’a d’ailleurs jamais fait -, mais elles n'étaient pas inexistantes. D'autre part, il faut insister sur le fait qu’il était tenu, en vertu de l'art. 28 LPFisc, de déposer en 2017 déjà sa déclaration fiscale 2016 genevoise, sans attendre le dépôt de celle dans le canton de Vaud, qu’il n’a effectué qu’en février 2018. En outre, on ne pourrait reprocher à l'AFC-GE de ne pas avoir satisfait à ses propres obligations qu'à partir du moment où la décision de répartition intercantonale lui a été transmise par l'AFC-VD, à savoir en juin 2018. Or, même si l'on retient que l'AFC-GE avait ou aurait dû avoir connaissance de l'assujettissement du recourant à compter de cette date, on ne saurait en tout état lui reprocher une négligence grave au point de reléguer à l'arrière plan le comportement de ce dernier, d'autant que celui-ci était tenu de déposer sa déclaration fiscale genevoise bien avant cette date et que l'AFC-GE a eu connaissance de ce fait nouveau après l’entrée en force de la taxation 2016 et avant l’échéance du délai de prescription du rappel d’impôt. Il est certes regrettable que l'AFC-GE ait attendu le mois de novembre 2022 pour entreprendre les procédures en rappel et soustraction d'impôts pour l’année litigieuse, alors même qu'elle connaissait, ou aurait dû connaitre, l'existence de revenus devant être taxés dans le canton de Genève depuis juin 2018 déjà. Le manque de célérité de l'AFC-GE est toutefois sans conséquence dans la mesure où le recourant ne l’a jamais relancée afin qu’elle le taxe plutôt pour l’année 2016 et qu’elle l’a fait avant la prescription des procédures en rappel et soustraction d’impôt. Cela étant précisé, il convient de rappeler que le comportement du recourant et le lien de causalité entre son comportement et la perte fiscale subie par la collectivité doivent être analysés bien avant juin 2018. Celui-ci n'a en effet pas déposé sa déclaration fiscale 2016, alors qu'il lui incombait de le faire en 2017, et ce malgré plusieurs rappels de l'AFC-GE. Ce faisant, il a fautivement omis de remplir ses obligations fiscales. Il existe ainsi incontestablement un lien de causalité entre son omission et la perte fiscale subie par la collectivité.

Enfin, le fait pour le recourant de ne pas avoir déposé de déclaration fiscale pour l’année litigieuse, de ne pas s'être renseigné sur la question de son assujettissement à Genève et de ne rien avoir entrepris pour clarifier cette question est à tout le moins constitutif d'une négligence, étant au surplus relevé que le fait de se désintéresser des problématiques fiscales et d'avoir recours au service d'une fiduciaire n'est pas de nature à lui permettre de se soustraire à ses responsabilités ou à modifier ce constat (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.3).

Dès lors, toutes les conditions de la soustraction étant remplies, l’amende infligée est justifiée dans son principe. Par conséquent, il ne saurait être question uniquement d’une amende pour violation d’une règle de procédure, comme le prétend le recourant.

Ce grief sera dès lors également écarté.

15.         Le recourant n’ayant formulé aucun grief, ni conclusion, concernant la quotité de l’amende, il n’y a pas lieu d’examiner plus avant cette question.

Cela étant, dans ses écritures, l'AFC-GE ayant indiqué accepter de la réduire à 0,5 fois les ICC soustraits, il lui en sera donné acte.

16.         Au vu de ce qui précède, le recours sera admis très partiellement, dans la mesure reconnue par l'AFC-GE et par substitution de motifs. Il sera rejeté pour le surplus.

En conséquence, le dossier sera renvoyé à l'AFC-GE pour qu’elle établisse un nouveau bordereau d’amende ICC 2016 tenant compte d’une quotité correspondant à 0,5 fois l’impôt soustrait.

17.         En application des art. 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe dans une très large mesure, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1’500.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

18.         L’issue de litige ne justifie aucunement l’octroi d’une indemnité de procédure à titre de dépens, à charge de l’autorité intimée, celle-ci ayant accepté spontanément de réduire la quotité de l’amende (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 18 avril 2023 par Monsieur A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 29 mars 2023 ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             renvoie le dossier à l’administration fiscale cantonale pour l’établissement d’un nouveau bordereau d’amende ICC 2016, dans le sens des considérants ;

4.             rejette le recours pour le surplus ;

5.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 1’500.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 700.- ;

6.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Marielle TONOSSI, présidente, Jean-Marie HAINAUT et Yuri KUDRYAVTSEV, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier