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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1156/2023

JTAPI/42/2024 du 22.01.2024 ( ICCIFD ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INTÉRÊT ACTUEL;IMPUTATION DES PERTES
Normes : LPA.60.al1.letb
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1156/2023 ICCIFD

JTAPI/42/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 22 janvier 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Me Olivier PECLARD, avocat, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne la taxation 2012 de Madame A______ et Monsieur B______.

2.             Par bordereau d’ICC du 15 juin 2021, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé les contribuables pour l’année 2012 sur la base d’une fortune et d’un revenu nuls ; ils n’étaient redevables que de l’impôt immobilier complémentaire. Ils n’étaient pas taxables en IFD pour cette période fiscale.

3.             Les contribuables ont élevé réclamation par lettres des 28 octobre 2021, 1er et 24 octobre 2022, contestant diverses reprises opérées par l’AFC-GE au niveau de leur revenu.

4.             Par décision du 27 février 2023, l’AFC-GE a déclaré la réclamation irrecevable pour défaut d’intérêt actuel, relevant qu’une admission de celle-ci n’aurait pas pour effet de diminuer les impôts dus par eux.

5.             Par acte du 30 mars 2023, les contribuables, sous la plume de leur conseil, ont interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant, préalablement à la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé dans les procédures en lien avec leurs taxations 2013 à 2019. Principalement, ils ont conclu à l’annulation de la décision du 27 février précédent et à la réforme de leur taxation en ce sens qu’une provision et qu’une perte soient admises, le tout sous suite de frais et dépens.

Ils n’étaient certes pas taxables pour l’année 2012. Toutefois, en même temps que la décision querellée, ils avaient reçu leurs bordereaux des années 2013 à 2019, qui ne tenaient pas compte de la perte résultant d’un arrêt du Tribunal fédéral. Dès lors, ils disposaient d’un intérêt à ce que cette problématique soit tranchée afin d’éviter que leurs taxations 2013 à 2019 ne fassent l’objet de longues procédures judiciaires. Par ailleurs, s’ils n’avaient pas contesté la décision du 27 février 2023, l’AFC-GE aurait pu leur reprocher d’avoir approuvé leur taxation 2012.

L’AFC-GE avait à tort extourné en 2012 une provision de quelque CHF 5.3 millions constituée en 2006. Elle avait par ailleurs indûment refusé la déduction d’une perte d’environ CHF 13.8 millions, pourtant régulièrement comptabilisée et effectivement encourue.

6.             Le 14 avril 2023, l’AFC-GE a fait part au tribunal qu’elle s’opposait à la requête de suspension.

7.             Dans sa réponse du 4 août 2023, l’AFC-GE a conclu à l’irrecevabilité du recours. Celui-ci portait sur la question des pertes à reporter. Une modification de ce montant n’aurait pas pour effet de réduire l’imposition des recourants, étant donné que leur revenu et leur fortune imposables étaient déjà nuls.

8.             Par réplique du 16 octobre 2023, les contribuables ont maintenu leurs recours, se fondant sur un avis de droit rédigé par Mes Alexandre FALTIN et Bénédicte MARIÉTHOZ CORNOLI, qu’ils produisaient en annexe.

9.             Dans sa duplique du 9 novembre 2023, l’AFC-GE a persisté dans les termes et les conclusions de sa réponse.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Le recours a été interjeté en temps utile, dans les formes prescrites et devant la juridiction compétente au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD. Sous cet angle, il doit être déclaré recevable.

3.             Les recourants sollicitent la suspension de la présente procédure jusqu’à droit jugé dans leurs taxations 2013 à 2019.

En l’espèce, le sort du présent litige ne dépend pas des montants de revenus, de fortune ou d’impôts afférents à leurs taxations 2013 à 2019. Il n’y a donc pas lieu de suspendre la cause en application de l’art. 14 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). La suspension de l’instruction de l’instance ne se justifie pas non plus sous l’angle de l’art. 78 let. a LPA, dès lors que l’AFC-GE s’y est opposée dans sa lettre du 14 avril 2023.

4.             La décision du 27 février 2023 est une décision d’irrecevabilité. En conséquence, le présent litige ne peut porter que sur la question de l’irrecevabilité et non pas sur la taxation des contribuables en tant que telle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2021 du 16 avril 2021 consid. 2.2).

5.             Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2).

Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2).

En matière fiscale, est sans intérêt actuel le recours du contribuable dont les conclusions, bien que tendant à l'annulation d'une décision de taxation, n'impliquent pas une diminution de l'impôt dû (ATA/170/2018 du 20 février 2018 consid. 3b).

Lorsqu’un contribuable reçoit une taxation sur un revenu nul et qu'il n'a en conséquence pas d'impôt à payer, le montant des pertes qui ont conduit à la taxation sur un revenu nul constitue uniquement un motif de la décision de taxation, de sorte que ce montant ne bénéficie pas de la force de chose jugée matérielle. Par conséquent, dans la mesure où un contribuable souhaite que le montant de la perte à reporter sur la période fiscale suivante soit arrêté, un intérêt actuel digne de protection lui fait défaut. Le montant du report de pertes doit être examiné dans les périodes subséquentes, lors desquelles un bénéfice imposable est taxé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_987/2020 du 22 juin 2021 consid. 1.3).

6.             En l’espèce, pour l’année litigieuse, à savoir 2012, l’AFC-GE a arrêté le revenu et la fortune des recourants à zéro. Ils ne disposent dès lors pas d’un intérêt actuel à ce que le tribunal examine la justification de la dissolution de la provision de CHF 5.3 millions, ni celle du refus de la déduction de la perte de CHF 15.8 millions.

En effet, donner droit aux concluions des intéressés sur l’un de ces deux points ou sur les deux n’aurait pour effet que d’accroître le montant des pertes reportées, mais non de réduire le montant d’impôts qui leur est réclamé, celui-ci étant déjà nul. Ces questions pourront, en revanche, être examinées une fois qu’ils réaliseront un revenu taxable. L’avis de droit qu’ils ont produit le 16 octobre 2023 ne leur est d’aucun secours en l’absence d’intérêt actuel à l’examen de la déductibilité de la provision et de la perte susmentionnées.

7.             Au vu de ce qui précède, le recours doit être déclaré irrecevable.

8.             En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 30 mars 2023 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 27 février 2023 ;

2.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

3.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Laurence DEMATRAZ et Philippe FONTAINE, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière