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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2253/2023

JTAPI/6/2024 du 08.01.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : OBLIGATION D'ENTRETIEN;DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL);CALCUL DE L'IMPÔT
Normes : LIFD.33.al1.letc; LIFD.36.al2; LIPP.33; LIPP.41
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2253/2023 ICCIFD

JTAPI/6/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 8 janvier 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne la taxation 2021 de Monsieur A______, célibataire et père de deux enfants mineurs, B______, né le ______ 2006 et C______, née le ______ 2010, fille de Madame D______.

2.             À teneur d’un accord de médiation daté du 14 janvier 2019, M. A______ s’est engagé à verser mensuellement à Mme D______, pour l’année 2019, CHF 1'200.- à titre de contribution pour l’entretien d’C______, ainsi que CHF 412.- représentant une participation au loyer de l’appartement de la mère de celle-ci.

3.             Dans sa déclaration fiscale 2021, le contribuable a fait valoir en déduction une demi-charge de famille pour sa fille.

4.             Par bordereaux du 17 février 2023, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé le précité pour l’année 2021 selon le barème personne seule (pour l’ICC), respectivement le barème de base (pour l’IFD) sans lui octroyer la demi-charge de famille revendiquée, au motif qu’il versait une contribution d’entretien.

5.             Le 18 mars 2023, le contribuable a élevé réclamation à l’encontre de ces bordereaux en demandant d’être imposé selon le barème marié avec une demi-charge de famille.

6.             Par pli du 5 avril 2023, l’AFC-GE a demandé au contribuable de lui remettre une convention réglant les modalités de garde d’C______ (pourcentage, nombre de jours), la répartition des frais et/ou le montant de la contribution d’entretien versée (accompagnée des justificatifs), ainsi que la date d’exécution de cet accord.

7.             Par lettre du 10 mai 2023, le précité a expliqué à l’AFC-GE que la garde partagée avait débuté en 2021 et avait cessé l’année suivante. En 2021, il avait versé CHF 7'400.- pour l’entretien de B______ et CHF 9'744.- pour celui d’C______. Il a joint des relevés de compte.

8.             Par décision du 26 mai 2023, l’AFC-GE a admis partiellement la réclamation en ce sens qu’elle a admis en déduction les montants de CHF 7'400.- et de CHF 9'744.- à titre de contributions d’entretien. Elle l’a rejetée pour le surplus. Le même jour, l’AFC-GE a notifié au contribuable des bordereaux de taxation rectificatifs.

9.             Par acte du 4 juillet 2023, le contribuable a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).

Les contributions qu’il avait versées en 2021, en CHF 17'144.- n’étaient déduites qu’à hauteur de 25 % de leur montant, soit quelque CHF 6'000.-, somme représentant la différence entre la taxation avec et sans les pensions versées. Le total des impôts et des pensions payées représentait plus de 30 % de son salaire brut. Puisque la mère d’C______ n’était pas taxable, l’octroi d’une charge de famille ne lui profitait pas, tandis que lui-même pâtissait de la perte de cette déduction. La pension alimentaire était taxée une seconde fois chez Mme D______ en tant que revenu.

Il demandait au tribunal de « réévaluer les lois en vigueur et leur interprétation ou de faire jurisprudence » afin que ses propositions puissent être étudiées : Premièrement, les pensions alimentaires devaient être intégralement déductibles de son revenu imposable en les assimilant à une dotation à sa descendance. Deuxièmement, une demi-charge devait être accordée lorsque le parent qui n’avait pas la garde de l’enfant exerçait une garde de celui-ci et participait à son train de vie par le versement d’une contribution d’entretien. Troisièmement, la charge de famille devait être attribuée par enfant et non par parent, car c’était le parent qui était bénéficiaire de la pension alimentaire. Cela permettrait que chaque enfant induise une déduction chez l’un de ses parents ou les deux et éviterait qu’elle ne soit perdue lorsqu’un de ces derniers n’était pas imposable. Enfin, quatrièmement, le revenu de la pension alimentaire ne devait être imposé qu’une seule fois.

10.         Dans sa réponse du 5 septembre 2023, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Lorsque la loi était claire, le principe de la légalité ne permettait pas aux autorités de l’interpréter, comme le souhaitait le recourant. Les contributions d’entretien qu’il avait versées en 2021, à savoir CHF 17'144.- avaient été entièrement admises en déduction de son revenu. Puisqu’il avait versé des contributions pour l’entretien d’C______, il ne pouvait bénéficier du barème réduit, ni d’une déduction pour charge de famille.

11.         Par réplique et duplique des 17 et 31 octobre 2023, le contribuable et l’AFC-GE ont campé sur leurs positions respectives.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Bien que le contribuable n’ait pas formulé de conclusions explicites en ce sens, l’on comprend à la lecture de son acte de recours qu’il conteste la décision du 26 mai 2023, le taxant comme une personne seule, sans lui octroyer de charge de famille.

4.             Conformément aux art. 33 al. 1 let. c LIFD, 33 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) et 9, let. c de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) sont déductibles du revenu, les contributions d'entretien versées à l'un des parents pour les enfants sur lesquels il a l'autorité parentale, à l'exclusion toutefois des prestations versées en exécution d'une obligation d'entretien ou d'assistance fondée sur le droit de la famille.

Pour qu’un versement de l’un des parents à l’autre puisse être considéré comme une contribution d’entretien au sens des dispositions légales précitées, il doit être effectué en mains de cet autre parent pour les enfants. Ce versement donne au parent qui l'effectue la possibilité de déduire le montant correspondant de son revenu. Il a en outre pour conséquence une taxation au titre du revenu auprès du parent qui en est bénéficiaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_380/2020 du 19 novembre 2020 consid. 4.5).

5.             L'art. 36 al. 2 LIFD prévoit un barème réduit, plus favorable, applicable aux époux vivant en ménage commun. L'art. 36 al. 2bis LIFD dispose que le barème réduit de l'art. 36 al. 2 LIFD s'applique par analogie aux époux vivant en ménage commun et aux contribuables veufs, séparés, divorcés ou célibataires qui vivent en ménage commun avec des enfants ou des personnes nécessiteuses dont ils assument pour l'essentiel l'entretien.

Aux termes de l’art. 41 al. 2 et 3 LIPP, qui institue le splitting, pour les contribuables célibataires, veufs, divorcés, séparés de corps ou de fait, qui font ménage commun avec leurs enfants mineurs ou majeurs ou un proche qui constituent des charges de famille et dont ils assurent pour l'essentiel l'entretien, le taux appliqué à leur revenu est celui qui correspond à 50 % de ce dernier.

6.             Lorsque les parents sont imposés séparément, la déduction pour la charge de famille relative à l’enfant est répartie par moitié s'ils ne demandent pas la déduction d'une contribution d'entretien pour l'enfant selon les art. 33 al. 1 let. c LIFD et 33 LIPP (35 al. 1 let. a LIFD et 39 al. 1 LIPP).

7.             Pour l’octroi du barème d’imposition réduit et des déductions sociales, telles que les charges de famille, l’importance de la garde des enfants n’est déterminante qu’en l’absence d’une contribution d’entretien. Lorsqu'une contribution d'entretien est versée, le parent qui la reçoit est imposé selon le barème réduit (ATF 141 II 338 consid. 4.4).

Le contribuable qui verse une contribution d'entretien n'est pas considéré comme celui qui assure l'essentiel de l'entretien de l'enfant et ne peut donc pas bénéficier du barème réduit. Le versement de la pension alimentaire constitue un déplacement des ressources : celui qui reçoit la pension alimentaire l'utilise pour les besoins de l'enfant en sus de ses propres ressources auxquelles cette pension est assimilée et sur laquelle il est imposé. Par conséquent, c'est lui qui, sur le plan fiscal, assure l'entretien, voire l'essentiel de l'entretien de l'enfant et qui a droit à la déduction sociale pour enfant, à celle liées aux assurances de l'enfant et au barème réduit (ATF 133 II 305 consid. 6.5 à 6.7).

8.             En l’espèce, en 2021 le recourant a versé à la mère d’C______ une contribution pour l’entretien de leur fille s’élevant à CHF 9'744.-. Ce montant a été admis en déduction par l’AFC-GE. Dans une telle constellation, s’agissant de l’octroi du barème et des charges de famille, l’existence d’une garde alternée n’est pas déterminante, seule compte le paiement d’une pension alimentaire. Il en résulte, selon la jurisprudence, que le recourant doit être taxé selon le barème de base pour l’IFD, respectivement selon le barème personne seule, pour l’ICC et qu’il ne peut prétendre à des déductions pour charges de famille.

Partant, c’est à bon droit que l’autorité intimée a refusé d’imposer le contribuable d’après le barème réduit, respectivement le splitting, ainsi que de lui octroyer une demi-charge de famille pour sa fille C______.

9.             Le recourant demande que le tribunal réévalue les lois en vigueur et les réinterprète. À cet égard, il formule plusieurs propositions.

Il est fort douteux que ces conclusions répondent aux exigences de recevabilité. Quoi qu’il en soit, supposées recevables, elles devraient être rejetées.

En effet, selon la jurisprudence, le Tribunal fédéral ne peut, sous peine de violer le principe de la séparation des pouvoirs, s'écarter d'une interprétation qui correspond à l'évidence à la volonté du législateur, en se fondant, le cas échéant, sur des considérations relevant du droit désirable (de lege ferenda ) ; autrement dit, le juge ne saurait se substituer au législateur par le biais d'une interprétation extensive (ou restrictive) des dispositions légales en cause (arrêt du Tribunal fédéral 5A_706/2014 du 14 janvier 2015 consid. 3.1). Par ailleurs, le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d’appliquer les lois fédérales et le droit international (art. 190 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. - RS 101). Il résulte de ce qui précède que le tribunal ne saurait réinterpréter la loi, dans le but de corriger des injustices dont le recourant serait victime.

10.         Le recours doit ainsi être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.

11.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 4 juillet 2023 par Monsieur A______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 26 mai 2023 ;

2.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

3.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Giedre LIDEIKYTE HUBER et Jean-Marc WASEM, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière