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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4297/2023

JTAPI/3/2024 du 04.01.2024 ( LVD ) , REJETE

Descripteurs : PROLONGATION;MESURE D'ÉLOIGNEMENT(EN GÉNÉRAL);VIOLENCE DOMESTIQUE
Normes : LVD.8; LVD.11
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4297/2023 LVD

JTAPI/3/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 4 janvier 2024

 

dans la cause

 

Madame A______

 

contre

Monsieur B______, représenté par Me Olivier SEIDLER, avocat, avec élection de domicile

 


 

EN FAIT

1.             Par décision du 26 décembre 2023, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement d'une durée de dix jours à l'encontre de Monsieur B______, lui interdisant de contacter ou de s'approcher de Madame A______ et de s'approcher et de pénétrer à l'adresse privée, située ______[GE], 1206 Genève, et à celle du lieu de travail de Mme A______ et aux autres adresses connues du prévenu qui seraient fortement susceptibles d'être fréquentées par la lésée. Le séquestre de tous les moyens donnant accès au domicile susmentionné était également ordonné.

Les enfants mineurs, C______ et D______ n'étaient pas concernés par la mesure.

Cette décision, prononcée sous la menace de la sanction prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et indiquant notamment que M. B______ devait, dans un délai de trois jours ouvrables, prendre contact avec l'association E______, dont les coordonnées étaient mentionnées, afin de convenir d'un entretien socio-thérapeutique et juridique (cf. art. 10 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 ; LVD - F 1 30), était motivée comme suit :

« Description des dernières violences :

Déclarations de la lésée :

Avoir fait preuve de violences conjugales envers sa femme depuis la fin de l'année 2020, notamment en lui criant dessus à plusieurs reprises, en l'insultant, en la menaçant en levant le bras contre elle sans la frapper.

Avoir fait preuve de violences physiques envers sa femme le 10 décembre 2023 en repoussant la porte violemment contre elle, la blessant légèrement au bras.

Avoir fait preuve de violences physiques envers sa femme le 24 décembre 2023 en la frappant, poing fermé sur la nuque alors qu'elle se protégeait.

Avoir fait preuve de violences physiques envers sa femme le 26 décembre 2023 en lui donnant un coup de pied au niveau du ventre.

M. B______ démontrait par son comportement violent qu'il était nécessaire de prononcer à son encontre une mesure d'éloignement administratif, afin d'écarter tout danger et empêcher toute réitération de tels actes. »

2.             M. B______ a fait immédiatement opposition à cette décision auprès du commissaire de police, laquelle a été transmise par la police au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le 27 décembre 2023.

3.             Il résulte du rapport de renseignements établi par la police le 26 décembre 2023 que le jour en question, Mme A______ s'est présentée au poste de police de Plainpalais pour déposer plainte contre son futur ex-mari pour des faits de violences conjugales depuis la fin de l'année 2020.

Le couple était marié depuis 2016 et avait deux enfants mineurs âgés de 1 et 2 ans. Les deux protagonistes vivaient sous le même toit mais dormaient, l'une dans la chambre, l'autre dans le salon.

Deux interventions de police avaient déjà eu lieu à leur domicile, le 25 septembre 2023, à la demande de Mme A______ et le 18 novembre 2023, sur requête de M. B______. Sans élément probant et les parties ne souhaitant pas donner de suite, ces interventions n'avaient pas débouché sur l'ouverture d'une procédure.

4.             Lors de son audition par la police le 26 décembre 2023, Mme A______ a indiqué que la relation du couple avait commencé à se dégrader quand elle était tombée enceinte de leur premier enfant, en 2020. Son mari avait commencé à se montrer très exigeant et à lui reprocher énormément de choses. Elle ne pouvait pas aller aux toilettes trop souvent et elle devait lui imposer son envie d'aller aux toilettes en expliquant que si elle n'y allait pas, elle allait faire pipi dans son pantalon. Il lui reprochait également un manque d'énergie pour faire des choses à la maison. Vers le terme de sa grossesse, elle avait dû rester alitée. Son mari avait alors appelé sa mère au Brésil pour que celle-ci vienne l'aider car il ne savait pas quoi faire.

Après la naissance de C______ en août 2021, son mari s'était mis à beaucoup crier contre elle car il n'acceptait pas de lui apporter l'aide qu'elle lui demandait pour l'enfant. À cette période, elle avait demandé d'entreprendre une thérapie de couple. Un jour, alors que C______ devait avoir quelques semaines, la situation était tendue car son mari essayait de la convaincre de faire une thérapie avec sa mère. Elle avait répondu en lui tendant son téléphone que sa propre mère voulait également faire une thérapie avec lui. Il avait alors tapé sur son téléphone qui était tombé au sol. Dans son geste, il lui avait également heurté l'épaule ce qui avait déchiré sa chemise d'allaitement. Quand il avait fait ce geste, il portait C______ dans ses bras.

Alors que C______ avait six mois, son mari lui avait dit qu'il voulait qu'un train lui passe dessus ainsi que sur son fils. Cela lui avait fait peur. Elle avait appelé des amis ainsi que le frère de son époux pour qu'ils l'aident et le calment. Après cette histoire, elle avait à nouveau contacté la thérapeute. Celle-ci lui avait suggéré de lister les événements de violence de son mari. Elle possédait cette liste initiée en 2022.

Un mois plus tard, elle était tombée enceinte pour la deuxième fois. Son mari n'avait pas été content d'apprendre cette nouvelle et lui avait demandé d'avorter. Elle avait alors consulté son gynécologue et son rabbin pour leur expliquer que son mari voulait qu'elle avorte et qu'elle ne le voulait pas. Elle avait eu besoin de leur avis pour l'aider.

Un jour, après une histoire de délai par rapport au traitement d'une pilule pour avorter, son mari l'avait accompagnée à l'hôpital pour qu'elle avorte. Quant à elle, elle était convaincue de ne pas vouloir le faire. Son mari ne l'avait pas emmenée de force à l'hôpital. Arrivés sur place, elle avait été prise en charge et elle avait expliqué la situation. Le personnel médical leur avait suggéré de faire un suivi psychologique. Finalement, ils n'avaient pas fait ce suivi et elle avait gardé l'enfant. Durant cette grossesse, son mari n'avait pas cessé de lui crier dessus pour tout et n'importe quoi. Son père était venu du Brésil cinq ou six fois pendant cette grossesse pour l'aider et calmer la situation.

Depuis la naissance de leur fille, il n'avait cessé de lui crier dessus et de lui faire des reproches. Un jour, le 31 décembre 2022, il avait crié tellement fort qu'elle avait eu un acouphène. Elle s'était rendue à l'hôpital pour se faire ausculter. Elle possédait un rapport médical à ce sujet. Il avait crié car, alors qu'il voulait cuisiner, elle lui avait demandé de l'aide avec les enfants. Après cet événement, tout s'était peu à peu calmé jusqu'à la fin de l'été 2023.

Après être revenu de vacances du Brésil, son mari lui avait demandé le divorce, le 24 septembre 2023. Le lendemain, alors qu'il allait se rendre seul à une réunion à la crèche des enfants, comme ils l'avaient convenu, elle avait trouvé une baby-sitter pour pouvoir également s'y rendre. Elle avait fait cela sur le conseil de son avocat en lien avec leur futur divorce. Quand elle lui avait dit qu'elle viendrait aussi à la réunion, il s'était mis en colère et avait hurlé. Ne sachant pas comment gérer cette situation, elle avait appelé la police. Lorsque la patrouille était arrivée, la situation s'était calmée.

Le 18 novembre 2023, son mari faisait un appel vidéo avec ses parents. Elle se trouvait à côté de lui, avec les enfants avec qui elle était en train de jouer. Elle ne savait pas comment et ne pouvait pas l'expliquer, mais elle avait reçu un coup sur le nez. Son mari lui avait expliqué qu'il ne l'avait pas fait exprès, car il avait voulu prendre un des enfants. Elle s'était évidemment énervée, la situation s'était envenimée et elle avait reçu une nouvelle petite tape au menton. Elle avait alors répliqué en donnant une gifle à son mari. À ce moment, il avait appelé la police. Lorsque la patrouille était arrivée, ils s'étaient expliqués et ils n'avaient plus voulu déposer plainte.

Le 10 décembre 2023, deux jours avant une audience en vue de leur futur divorce, son mari avait voulu sortir avec les enfants. Elle ne se rappelait pas ce qui avait déclenché cela mais, à un moment donné, elle avait voulu fermer la porte d'entrée alors qu'ils étaient dehors. Elle ne savait pas comment mais il avait poussé la porte contre elle violemment ce qui l'avait blessée au bras. Elle avait toujours une marque à cet endroit. Ensuite, après cette histoire de porte, son mari s'était mis à lui courir après dans l'appartement. Elle se rappelait s'être jetée au sol pour se protéger. À cet endroit, il faisait semblant de la frapper le poing fermé mais arrêtait son geste avant de la toucher. Il avait fait ce geste une seule fois. La concierge qui habitait au même étage était venue ce jour-là car elle avait entendu son cri.

Le 24 décembre 2023, son mari lui avait dit qu'il allait regarder du football américain avec ses copains en lui expliquant que le match était à 19h00. Elle avait regardé sur le site du bar en question, mais il n'y avait aucun match à cette heure-là. C______ avait demandé d'accompagner son père, alors elle avait proposé d'y aller tous ensemble. À ce moment, il s'était mis violemment en colère et l'avait insultée. Il l'avait traitée de « cunt », « whore » « asshole », « piece of shit ». Il avait levé sa main, elle avait reculé en protégeant sa tête avec ses deux bras. Il l'avait alors frappée les poings fermés sur la nuque, à une reprise.

Sa mère avait assisté à cette scène et avait demandé à son mari de se calmer en lui disant qu'il ne fallait pas battre sa femme. Elle même avait quitté la pièce. Sa mère lui avait dit plus tard qu'il l'avait menacée en levant la main contre elle mais sans la frapper. L'événement s'était terminé lorsqu'il était parti pour son match.

Le 26 décembre 2023, vers 5h00, D______ pleurait pour son biberon. Elle avait alors demandé à son mari de le préparer mais il lui avait répondu que c'était mieux si elle le faisait elle-même. Elle lui avait demandé de se réveiller et de le faire. Il lui avait répondu en lui donnant un coup de pied au ventre au niveau de l'estomac. Elle lui avait alors dit qu'elle allait se rendre chez le médecin et à la police pour faire constater ce coup. Il lui avait répondu que c'était juste un peu rouge et que personne ne la croirait.

Les enfants avaient assisté à ces scènes à plusieurs reprises.

À la question de savoir si son mari avait déjà été violent envers les enfants, elle en avait parlé avec sa psychiatre, mais c'était difficile à expliquer. Il avait des gestes contradictoires envers C______ et D______ en les prenant très fort dans les bras, en les serrant fort tout en leur disant qu'il les aimait. D'un point de vue psychologique, ce n'était pas bon pour un enfant. Quand il faisait cela, les enfants essayaient de le repousser mais ils n'y arrivaient pas car il serrait très fort.

Il était déjà arrivé que son époux jette C______ ou D______ dans sa direction quand elle était couchée lorsqu'ils la réclamaient comme pour les lui imposer de manière violente.

Quant à elle, elle avait déjà crié contre lui en réponse à ses cris. Elle lui avait donné une fois une gifle pour répondre à cette tape sur son menton. Elle ne l'avait jamais insulté.

Elle ne se sentait pas en sécurité avec son mari. Elle avait peur et ne savait pas quelle serait la prochaine raison pour laquelle il allait la frapper. Elle ne pouvait même pas le réveiller pour qu'il s'occupe de la petite qui pleurait. Elle était dans une fatigue extrême ; elle ne dormait pas. Elle ne voyait pas d'avenir les concernant. Avec toutes ces agressions et toutes les choses qu'il lui cachait vis-à-vis des enfants avec la crèche quand elle n'était pas là, ou les demandes de la pédiatre qu'il n'exécutait pas. Elle ne savait pas comment ils allaient gérer ce divorce ni les enfants.

5.             Entendu par la police le 26 décembre 2023, M. B______ a expliqué que la situation du couple était devenue compliquée dès la première grossesse de sa femme. Au début, tout était trop pour elle et il fallait qu'il fasse tout. Après la naissance, elle n'avait jamais d'énergie pour jouer avec C______ par exemple, c'était toujours à lui de tout faire. En même temps, les choses qu'il faisait n'étaient jamais suffisantes pour elle, il se faisait toujours engueuler.

En 2022, sa femme était tombée enceinte de manière imprévue. Ils voulaient deux enfants mais pas aussi vite. Il se rappelait encore de ses propos lorsqu'elle avait appris qu'elle était enceinte. Elle avait dit quelque chose du genre « on est d'accord que l'on ne va pas garder le bébé ? ». Il avait confirmé cela en disant « oui absolument ». Quelques temps plus tard, elle avait changé d'avis et décidé de garder le bébé. C'est vrai que cela l'avait remonté. Il lui avait dit qu'il n'était pas prêt et que c'était déjà difficile avec le premier. Depuis la naissance de C______, elle avait pris pour cible ses parents, en les traitant comme la source de leurs problèmes. Comme elle n'acceptait pas sa famille, il avait essayé de la convaincre que ce deuxième enfant n'était pas une bonne idée. C'était une décision difficile.

La détérioration qui avait commencé avec la grossesse de C______ s'était accélérée avec la venue de D______.

À la fin du mois d'août 2023, il avait dit à sa femme qu'il voulait aller passer trois ou quatre jours aux USA, au mois de novembre, pour fêter les 70 ans de son père. Elle avait littéralement explosé en apprenant cela. Il lui avait expliqué qu'il était prêt à faire tout le nécessaire pour qu'elle puisse être aidée à la maison, en prenant une nounou par exemple. Elle ne l'avait pas accepté. Elle lui avait demandé de quitter l'appartement et lui avait dit qu'elle souhaitait qu'il quitte sa vie. Cela faisait longtemps qu'elle lui parlait de divorcer. Toutes leurs disputes finissaient d'ailleurs par un « je veux divorcer » venant de sa part. Cette fois-ci, après réflexion, il lui avait dit être d'accord avec le divorce.

En général les disputes avec sa femme commençaient par des reproches de la part de cette dernière. Il essayait alors de se défendre en se justifiant. La colère de sa femme montait et il arrivait dans ces moments qu'elle casse du mobilier. À ce sujet, elle avait cassé les deux portes coulissantes de leur armoire. La dispute s'envenimait jusqu'à ce qu'il doive reconnaître sa culpabilité.

Il se rappelait en particulier de la dispute du Nouvel An 2022. Il se trouvait alors à la cuisine pour préparer à manger. Il était vrai qu'il avait pris un peu plus de temps que d'habitude car il voulait faire quelque chose de plus élaboré. Sa femme s'était alors mise en colère, lui reprochant de prendre trop de temps, d'être un mauvais père puisqu'il était à la cuisine au lieu de s'occuper des enfants, qu'il était stupide et nul et qu'il ne savait rien faire. La colère était montée jusqu'à ce qu'elle lui demande de quitter l'appartement. Elle avait d'ailleurs menacé de ne pas allaiter D______ s'il ne quittait pas l'appartement. Il était vrai qu'il avait réagi fort car il s'était mis à crier très fort, près de sa femme. Tout s'était calmé mais elle était partie à l'hôpital. Il ne connaissait pas vraiment la raison mais elle l'avait appelé depuis là-bas pour lui demander un divorce. Finalement, elle était rentrée le lendemain et tout était rentré gentiment dans l'ordre.

Depuis sa demande de divorce en septembre 2023, les disputes étaient devenues de plus en plus fréquentes, fortes et intenses. Sa femme le frappait et n'hésitait pas à lui faire face à quelques centimètres de lui, pour l'affronter physiquement. Il reconnaissait qu'il lui était arrivé de lever la main pour faire mine de la taper mais il ne l'avait jamais fait. Quant à sa femme, elle l'avait déjà giflé à plusieurs reprises, dont une fois au visage et plusieurs fois aux fesses. Elle l'avait d'ailleurs tapé alors qu'elle portait D______ dans ses bras. De manière générale, le matin, quand il ne se réveillait pas car il avait le sommeil profond, elle venait et le réveillait en lui donnant un coup de pied, généralement, au bras, aux côtes ou aux jambes. Sa femme l'insultait constamment ainsi que sa famille. Elle le traitait de « sale pute » « idiot » et autres. Mais il reconnaissait que ça allait dans les deux sens quand il était très en colère.

Les enfants qui se trouvaient avec eux, assistaient à ces disputes. Il faisait tout son possible pour ne pas faire cela devant les enfants. Mais, comme il l'avait expliqué, les provocations et les affrontements verbaux étaient constants. Dès qu'il passait la porte de la maison dans un sens ou dans l'autre, il était constamment une cible. Sa femme disait d'ailleurs aux enfants qu'il ne les aimait pas, qu'il voulait les quitter et qu'il ne voulait pas passer de temps avec eux. Elle leur disait aussi combien ce serait mieux quand il partirait. Son fils avait commencé depuis peu à lui dire « stop maman » quand elle disait des choses de ce genre. Il avait entendu sa femme répondre à leur fils qu'elle était la boss à la maison et qu'elle arrêterait quand elle le voudrait et non quand lui le voulait.

Ses avocats lui avaient fortement déconseillé de quitter la maison, malgré une telle atmosphère, car cela serait perçu comme un abandon des enfants, et prétériterait sa demande de garde partagée. Cela le rongeait effectivement de voir leurs enfants souffrir autant. En octobre 2023, C______ avait passé une période de deux semaines durant laquelle il ne voulait pas dormir seul. Il s'était remis mais on voyait que les disputes le stressaient énormément. D______ était aussi affectée car elle ne mangeait pas beaucoup et avait des difficultés à dormir. En septembre ou octobre 2023, elle n'avait plus voulu jouer seule à la crèche et demandé à être portée par les éducatrices. Sa femme s'était opposée à consulter la guidance parentale et infantile des HUG.

Concernant l'épisode selon lequel, d'après son épouse, il aurait tapé violemment le téléphone qu'elle lui avait tendu et déchiré sa chemise d'allaitement, il était possible qu'il ait eu un geste vers le téléphone de sa femme mais sans volonté de la toucher et de lui faire du mal. Il se rappelait qu'il y avait eu une chemise endommagée lors de cette dispute. Il ne se rappelait pas s'il portait C______ dans ses bras à ce moment.

Il contestait avoir dit à sa femme, lorsque C______ avait six mois, qu'il souhaitait qu'un train passe sur elle et sur son fils. Il savait qu'elle répétait ces propos à tout le monde. C'était à l'époque où elle avait appris qu'elle était enceinte pour la deuxième fois, donc à une période de détérioration sévère entre eux. Il était exact qu'il s'était mis en colère durant cette période mais il n'avait jamais rien dit de tel. Elle avait toujours eu tendance à appeler ses amis ou sa famille comme stratégie pour faire de nouvelles alliances. D'ailleurs, lors de la dispute du 24 décembre 2023, elle avait appelé les amis avec qui il devait sortir pour leur dire qu'il était violent.

Il était exact qu'il n'avait pas été ravi de la deuxième grossesse de sa femme puisqu'ils n'étaient pas prêts, et pas dans de bonnes conditions pour accueillir un deuxième enfant. Elle avait été d'accord avec lui avant de changer d'avis. Ils s'étaient effectivement disputés et il y avait eu des cris mais de part et d'autre. Il n'était pas d'accord d'avoir un deuxième enfant dans une situation chaotique, donc il était exact qu'il avait été en colère.

Concernant la dispute du 31 décembre 2022, il avait crié contre sa femme non pas à cause de reproches formulés parce qu'il se trouvait en cuisine au lieu de l'aider avec les enfants mais parce qu'elle lui avait demandé de quitter l'appartement sans quoi elle refuserait d'allaiter D______.

Au sujet de l'épisode du 25 septembre 2023, alors que qu'il donnait à manger aux enfants tout à coup elle s'était mise à lui dire qu'il la menaçait. Elle s'était mise en colère et avait appelé la police.

Concernant l'épisode du 18 novembre 2023, il contestait avoir voulu frapper sa femme. Il avait juste eu un mouvement réflexe pour rattraper D______ qui tombait du matelas qui se trouvait par terre. Il contestait avoir donné une tape à sa femme au niveau du menton avant que celle-ci ne le gifle alors qu'elle tenait D______ dans ses bras. Toujours avec sa fille dans les bras, elle lui avait donné plusieurs gifles aux fesses.

Il se rappelait la dispute du 10 décembre 2023. Alors qu'il s'apprêtait à sortir avec les enfants, au moment de fermer la porte, sa femme l'avait retenu tout en l'insultant de « pute », « bâtard » « fils de pute » et autres insultes rabaissantes et méprisantes. Il avait repoussé la porte dans l'autre sens ce qui avait blessé sa femme. C'était involontaire, mais il reconnaissait avoir repoussé la porte violemment. Ensuite, alors qu'elle continuait de l'insulter, il avait fait deux ou trois pas dans sa direction, levé la main mais il s'était arrêté. Il s'était tourné et était sorti avec les enfants. Il était exact que la concierge était venue dans l'appartement en entendant la dispute.

Concernant la dispute du 24 décembre 2023, au sujet d'un match de football américain, il était exact qu'il s'apprêtait à sortir avec des amis pour quitter le climat délétère qui régnait à la maison. Lorsqu'elle avait proposé à C______ de l'accompagner, lequel aurait été déçu s'il n'avait pas pu venir, il était exact qu'il avait insulté son épouse et levé la main dans sa direction, sans pour autant la frapper. La mère de son épouse qui se trouvait sur le balcon avait entendu la dispute mais elle n'avait pas pu voir ce qui s'était passé.

Le 26 décembre 2023, au réveil de D______ à 5h00, sa femme l'avait réveillé pour qu'il prépare le biberon du bébé alors que selon la répartition des tâches entre eux ce n'était pas son tour. Elle s'était collée à lui alors qu'il était couché sur le matelas du salon. En se levant pour aller faire le biberon et mettre un terme à la dispute, sa jambe avait heurté le ventre de sa femme, mais ce n'était pas volontaire.

Il a encore indiqué que depuis la naissance de C______, sa femme faisait tout pour que ses parents ne voient jamais leurs petits-enfants. La mesure d'éloignement qu'elle demandait la veille de l'arrivée de parents qui venaient des USA étaient une coïncidence particulière.

6.             Le tribunal a tenu une l'audience le 28 décembre 2023.

a.    M. B______ a confirmé son opposition à la mesure d'éloignement. Il considérait cette décision disproportionnée même s’il était conscient que certains faits n'auraient pas dû se produire. Il s’engageait à demeurer chez ses parents qui se trouvaient actuellement à Genève jusqu'au 5 janvier 2024, mais estimait que s’il acceptait la mesure prononcée, cela prétériterait ses droits dans le cadre de la procédure de divorce qu’ils avaient initiée.

Il avait déjà entamé des démarches pour trouver un logement dans lequel il pourrait accueillir ses enfants, qui se situerait proche de la crèche et pas trop loin de leur domicile actuel. Il avait contacté des chasseurs d'appartements à cette fin. Il admettait avoir adopté des comportements inadéquats, notamment usé de paroles blessantes et rabaissantes qui n'avaient pas leur place au sein de la famille, ce pourquoi il s’était excusé et s’excusait encore auprès de sa femme et de ses enfants. Il faisait toutefois observer que de telles paroles avaient également été prononcées par sa femme à son encontre. Il avait pu constater qu’ils avaient beaucoup de difficultés à ne pas être d'accord entre eux sans se disputer.

Au début de l'audience, il avait indiqué au tribunal qu’il était d'accord de loger jusqu'au 5 janvier 2024 chez ses parents. En effet, il lui semblait important de calmer la situation et cette solution était pratiquement faisable sans l'empêcher de voir les enfants. Ses parents, qui étaient en vacances à Genève avaient pu venir chercher les enfants au domicile familial le matin même par l'intermédiaire de sa belle-mère.

Il a encore précisé qu’il avait contacté E______, lesquels devaient le rappeler pour fixer un rendez-vous.

Il n'envisageait pas de réintégrer durablement le domicile familial et espérait qu’il aurait trouvé une solution d'ici au 5 janvier 2024. Il se pourrait toutefois qu’il passe une ou deux nuits à ______[GE] le temps de trouver quelque chose.

Il a tenu à observer que c’était lui qui avait entrepris les démarches auprès d'un avocat visant le prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale. Sa femme avait attendu le mois de décembre pour trouver un avocat. Elle n'avait par ailleurs rien entrepris pour trouver un logement alors qu'elle disait avoir peur de lui.

Par ailleurs, le seul fait reconnu de violence était la gifle qu'elle lui avait donnée. Il a insisté sur le fait que les violences qui avaient pu avoir lieu au sein de leur couple étaient totalement réciproques.

b.    Mme A______ a confirmé les déclarations qu’elle avait faites à la police le 26 décembre 2023. Elle a reconnu avoir eu beaucoup de mal à gérer la situation pendant sa première grossesse, il lui semblait insurmontable d'avoir à gérer le quotidien, tel que les repas, les lessives, etc. ce d'autant plus vers la fin de sa grossesse où elle avait dû être alitée. Il était exact qu’elle s’était souvent emportée contre son mari lorsqu’elle avait le sentiment qu'il lui refusait son aide. Après l'accouchement, elle était encore très fragilisée et là encore, elle s’était souvent disputée avec son mari. Après la "chute des hormones", il lui avait semblé avoir plutôt arrêté de crier, mais son mari en revanche avait continué à s'énerver contre elle. C'était à ce stade qu’elle lui avait proposé de participer à une thérapie de couple.

Pour les raisons qu’elle avait déjà expliquées à la police et qu’elle confirmait à l’audience, l'annonce de sa seconde grossesse et son déroulement avaient généré de nouveau de nombreuses disputes avec son mari. Désormais, elle ne souhaitait plus continuer dans ces conditions et elle envisageait le divorce ou à tout le moins une séparation. Elle a précisé qu’elle souhaitait pouvoir rester dans l'appartement familial.

Son mari avait pour l'instant globalement respecté la mesure. Il avait toutefois essayé de la contacter par l'intermédiaire d'un groupe WhatsApp, regroupant sa mère, son mari et elle-même. Elle lui avait demandé de ne plus la contacter sur ce groupe, ce qu'il avait respecté.

Elle a fait observer que la situation de leur couple en était arrivée à ce point car après chaque dispute, son mari n'avait pas manqué de s'excuser. Pour sa part, il était inenvisageable que son mari revienne à la maison le 5 janvier 2024. Elle avait peur de lui. La dernière fois qu'il l’avait frappée, elle avait cru voir chez lui un sourire qui lui avait fait penser qu'il prenait plaisir dans cette situation.

Elle a conclu à la confirmation de la mesure contestée.

c.    Le conseil de M. B______ a indiqué que son client avait initié une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale le 10 octobre 2023. Il a confirmé que son mandant et Mme A______ avaient comparu devant le Tribunal de première instance le 12 décembre 2023. Lors de cette audience, les parties avaient été invitées à trouver des solutions de logements séparés et s’étaient engagées à entamer un travail parental.

Il a sollicité du tribunal qu'il admette l'opposition de son client, lequel s'engageait dans tous les cas à ne pas réintégrer le domicile conjugal d'ici au 5 janvier 2024, ce qui rendait inexistant tout risque de récidive. Son client s'engageait également à trouver une solution de logement après le 5 janvier 2024. Partant, il considérait que la procédure administrative en cours était inopportune.

d.   La représentante du commissaire de police a conclu à la confirmation de la mesure dès lors que contrairement à ce que soutenait l'intéressé, le risque de récidive de violences domestiques n'était pas nul. En effet, malgré le fait qu'il eût manifesté son désir de divorcer en septembre 2023, qu'il eût initié une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale, cela ne l'avait pas empêché de récidiver en décembre 2023.

e.    Le conseil de M. B______ a répliqué sur ce point en rappelant que son client n'avait fait l'objet d'aucune condamnation, de sorte que le mot de récidive employé était inapproprié. Pour le surplus, l'engagement de son client de ne pas réintégrer le domicile familial d'ici au 5 janvier 2024 et de trouver au plus vite un nouveau logement constituait une mesure suffisante et plus proportionnée que la décision contestée.

f.     La représentante du commissaire de police a persisté dans la décision contestée. Le mot « récidive » pouvait être remplacé par « répétition », ce qui s'était effectivement passé lors des événements de décembre 2023. La décision devait être confirmée dès lors que le couple allait mal et que des violences avaient été reconnues de part et d'autre.

7.             Par jugement du 29 décembre 2023, du tribunal a rejeté l’opposition de M. B______ (JTAPI/1461/2023).

Il a retenu en substance que même si les déclarations des époux étaient sur certains points contradictoires, il ressortait clairement de ces dernières que la situation au sein du couple était particulièrement conflictuelle depuis la première grossesse de Mme A______ en 2020 et que sa deuxième grossesse, prématurée aux yeux de M. B______, puis la naissance de l'enfant avaient généré beaucoup de tensions entre les époux et de fréquentes disputes d'une certaine violence. Il ressortait également du dossier que leur relation avait empiré depuis que M. B______ avait annoncé à son épouse, en septembre 2023 qu'il souhaitait divorcer, étant relevé qu'à deux reprises l'un ou l'autre des conjoints avait fait appel à la police et qu'à une occasion les cris de Mme A______ avaient alerté la concierge de telle sorte que cette dernière s'était rendue dans l'appartement familial. Il pouvait être retenu que des insultes avaient été échangées de part et d'autre et il paraissait plausible qu'il y ait eu également eu des violences physiques réciproques. L'essentiel était de séparer les conjoints en étant au moins à peu près certain que celui qui était éloigné du domicile conjugal était lui aussi l'auteur de violences, lesquelles pouvaient également être psychologiques. Il était au surplus tenu compte de la situation de plus grande vulnérabilité que présentait Mme A______, maman de deux très jeunes enfants, âgés de 2 ans, respectivement 1 an, lesquels au demeurant avaient assisté, à plusieurs reprises, aux altercations de leurs parents.

8.             Par courrier daté du 29 décembre 2023, posté le 29 décembre 2023 et reçu le 3 janvier 2024, Mme A______ a sollicité la prolongation de la mesure d’éloignement prise à l’encontre de M. B______.

9.             Vu l'urgence, le tribunal a informé les parties par téléphone à M. B______ du 3 janvier 2024 à 10h05, 11h15 et, à Mme A______ par téléphone du 3 janvier 2024 à 10h05, 11h15, 12h08 de l'audience qui se tiendrait le 4 janvier 2024 à 9h.

10.         Le tribunal a entendu les parties lors de son audience du 4 janvier 2024.

a.       Mme A______ a expliqué avoir effectivement déposé la demande de prolongation le jour où elle avait reçu le jugement du tribunal concernant l'opposition à la mesure d'éloignement. Son mari et elle avaient organisé que celui-là pourrait voir les enfants un jour sur deux par l'intermédiaire de sa mère.

Le 30 décembre 2023, son mari était entré dans l'immeuble pour ramener les enfants à sa mère, laquelle habitait dans son appartement jusqu’au 9 janvier 2024. Par ailleurs, ses beaux-parents avaient demandé à venir au domicile conjugal pour prendre les affaires de son mari, mais elle s'y était opposée. Son mari n'avait pas essayé d'entrer en contact par téléphone ou messagerie. Toutes ses affaires étaient encore dans l'appartement.

Elle avait une avocate qui était actuellement en vacances et qui ne lui a pas expliqué exactement les tenants et aboutissants de la mesure d'éloignement. Elle souhaitait que son mari soit éloigné jusqu'à ce qu'un jugement soit rendu sur mesures protectrices de l'union conjugale. Ils avaient une prochaine audience le 27 février 2024.

Elle avait peur de mon mari car la dernière fois qu'il l'avait frappée, soit quand il lui avait donné un coup de pied dans le ventre, elle avait vu qu'il avait du plaisir, ce qui n'était jamais arrivé auparavant.

Elle travaillait à 100% en qualité de juriste. Elle était disposée à organiser la prise en charge des enfants en tenant compte du fait que leur papa avait autant le droit de les voir qu’elle. Elle pouvait lui donner ses affaires au moment où elle lui donnait les enfants.

Elle avait effectivement donné son téléphone à sa mère pour qu'elle appelle son mari afin qu'il s'écarte de l'entrée du tribunal avant l'audience du 29 décembre 2023 et lui permettre ainsi de rentrer.

Elle a confirmé sa demande de prolongation.

b.      M. B______ a confirmé l’organisation des enfants. Comme il l’avait déjà indiqué lors de la dernière audience, il avait contacté E______, association qui lui avait indiqué reprendre prochainement contact avec lui, mais à ce jour, il n'avait rien reçu.

Il a confirmé avoir vu ses enfants régulièrement et il n’avait pas tenté d'entrer en contact avec son épouse. Vu l'ambiance conflictuelle et délétère au domicile depuis le dépôt de la requête en mesures protectrices de mesures conjugales, il avait décidé de ne pas rentrer au domicile conjugal et était actuellement à la recherche d'un appartement.

À partir de samedi, il allait loger dans un RB & B proche du domicile conjugal. Il avait déjà déposé deux dossiers pour des appartements qu’il avait pu visiter pendant les fêtes. Il avait également quelques contacts personnels avec des régies.

Il travaillait également à plein temps en qualité de conseiller dans une banque.

Il souhaitait qu'à partir du 9 janvier 2024, lorsqu’il aura pu emménager, les enfants puissent passer la moitié du temps avec lui.

Il devait récupérer un certain nombre d'affaires personnelles, notamment des vêtements, car il reprenait le travail lundi prochain.

Lorsqu’il avait reçu un appel du téléphone de sa femme le 29 décembre 2023, il discutait avec son avocat et n'avait pas répondu à l'appel.

c.       Le conseil de M. B______ s’était interrogé sur la recevabilité de la requête en prolongation de la mesure.

 

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des demandes de prolongation des mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 2 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer avant l'échéance de la mesure, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

2.             Déposée en temps utile- la demande ayant été postée le 29 décembre 2023 - et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, la demande de prolongation est recevable au sens de l'art. 11 al. 2 LVD.

3.             La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).

Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).

Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).

Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.

Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de

a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;

b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.

La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de trente jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).

Elle peut être prolongée pour trente jours au plus. Depuis le prononcé initial de la mesure, sa durée totale ne peut excéder nonante jours (art. 11 al. 2 LVD).

En vertu de l'art. 12 LVD, la mesure d'éloignement est assortie de la menace des peines prévues à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), qui prévoit que « celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni d'une amende ».

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).

Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.

4.             En l'espèce, Mme A______ a expliqué en audience que deux événements s’étaient produits qui fondaient notamment sa demande de prolongation, soit que son mari était entré dans l’immeuble pour ramener les enfants à sa mère le 30 décembre 2023 et qu’il avait dit à cette dernière qu’il souhaitait que ses propres parents viennent dans l’appartement pour récupérer ses affaires et qu’en cas de refus il appellerait la police.

Force est de constater que ces eux évènements ont eu lieu après le dépôt de la demande prolongation, laquelle a été postée le 29 décembre 2023.

Si certes M. B______ n’aurait pas dû entrer dans l’immeuble du domicile conjugal, il n’a aucunement tenté d’entrer en contact avec sa femme. Par ailleurs, il apparait qu’il a souhaité que ses propres parents viennent récupérer ses affaires et qu’au cas cela ne pouvait se réaliser il n’avait d’autre choix que d’indiquer appeler la police afin qu’elle l’accompagne au domicile conjugal.

Il doit être retenu de ce qui précède que M. B______ a respecté la mesure depuis le rejet de l’opposition jusqu’à ce jour - à l’exception du fait qu’il était entré dans l’immeuble sans toutefois que cela ait porté préjudice à son épouse - et qu’au moment du dépôt de la demande de prolongation, aucun élément permettant de retenir qu’un risque de récidive existait, ni même à ce jour. M. B______ a par ailleurs respecté son obligation de contacter une institution habilitée à un entretien thérapeutique et juridique.

Mme A______ indique également avoir peur de son mari et du retour de celui-ci au domicile conjugal, et qu’elle souhaitait que l’éloignement soit prononcé jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu sur la demande de mesures protectrices de l’union conjugale, précisant qu’une audience était prévue le 27 février 2024.

Le tribunal rappelle que la prolongation de la mesure d’éloignement ne peut être envisagée que sous l’angle de la prévention de violences domestiques et n’a pas pour vocation de se substituer à des mesures prises sur le plan civil, telles que l’attribution exclusive du domicile.

M. B______ a confirmé au tribunal les propos tenus lors de l’audience du 28 décembre 2023 à savoir qu’il n’avait pas l’intention de revenir au domicile conjugal : il a depuis lors trouvé une solution de logement temporaire et est à la recherche d’un appartement afin de lui permettre de s’installer de manière plus définitive. Cette situation permettra ainsi aux époux de ne plus se retrouver dans le même appartement et ainsi d’éviter de nouveaux conflits.

Au vu de ce qui précède, le tribunal ne peut pas retenir un risque de réitération des violences domestiques qui justifierait une prolongation de la mesure.

5.             Par conséquent, la demande de prolongation sera rejetée et la mesure d'éloignement prendra fin le 5 janvier 2024 à 17h00.

6.             Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).

7.             Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (cf. rapport du 1er juin 2010 de la Commission judiciaire et de la police du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi 10582-A du Conseil d'État modifiant la LVD, in MGC 2009-2010/IX A, D. Examen de détail, ad art. 11 al. 1 LVD).


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande formée par Madame A______ le 29 décembre 2023 tendant à la prolongation de la mesure d'éloignement prononcée par le commissaire de police le 26 décembre 2023 à l’encontre de Monsieur B______ ;

2.             la rejette ;

3.             dit qu’il n’est pas perçu d’émoluments ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

5.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au commissaire de police et au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour information.

 

Genève, le

 

La greffière