Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/2035/2023

JTAPI/1215/2023 du 02.11.2023 ( DOMPU ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : AMENDE;ORDURE MÉNAGÈRE;PROPORTIONNALITÉ
Normes : LGD.10.al1; RGD.17; LGD.43.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2035/2023 DOMPU

JTAPI/1215/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 2 novembre 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Andreas DEKANY, avocat, avec élection de domicile

 

contre

COMMUNE DE VEYRIER

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ est domicilié au ______[GE].

2.             Selon le constat d'infraction du 15 avril 2023 [recte : 17 avril 2023] du service des routes et des espaces verts de la commune de Veyrier, divers déchets encombrants ont été déposés à la déchetterie B______, sise ______[GE], cela en dehors des installations prévues à cet effet et hors des jours de levées.

3.             Selon le rapport d'infraction du 30 mai 2023 de la commune de Veyrier (ci-après : la commune), soit de son service de la police municipale, le visionnage de la vidéosurveillance des lieux a permis d'identifier M. A______ comme auteur du dépôt. En effet, son véhicule, immatriculé GE 1______, était visible sur les images. Ces dernières ont révélé qu'il était venu à trois reprises le 15 avril 2023, entre 18h30 et 19h, pour déposer des déchets encombrants (tv, meuble, tapis, skis, cartons et chaises). Joint par téléphone le 20 avril 2023, il avait reconnu les faits qui lui étaient reprochés.

4.             Le 21 avril 2023, M. A______ s'est déterminé sur ces faits. Il pensait avoir agi dans le respect des règles en vigueur, car la déchetterie était encore ouverte au moment de ses passages et d'autres déchets encombrants se trouvaient déjà sur place.

5.             Par décision du 30 mai 2023, la commune a infligé une amende administrative de CHF 1'000.- à M. A______ pour « dépôts de déchets encombrants à la déchèterie en dehors des installations prévues à cet effet et hors des jours de levées ».

Il lui était reproché d'avoir déposé divers objets encombrants à la déchetterie B______ en trois venues le 15 avril 2023 entre 18h30 et 19h.

6.             Par acte du 14 juin 2023, M. A______ (ci-après : le recourant) a formé recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation.

Il reconnaissait avoir déposé des déchets encombrants à la déchetterie B______ le 15 avril 2023. Il les avait déposés sur d'autres déchets dont la présence était antérieure à ses passages. De plus, l'accès à la déchetterie était ouvert. Il déplorait le manque de compréhension de la commune et le montant de l'amende.

7.             Le 16 août 2023, la commune a fait parvenir ses observations au tribunal.

Elle avait remplacé dès 2022 la collecte porte-à-porte des encombrants et de la ferraille par la mise en place d'une « déchetterie-mobile » qui se tenait sur le grand parking jouxtant la déchetterie B______ tous les deuxièmes samedis du mois de 8h à 16h, ainsi que six vendredis supplémentaires de 12h30 à 16h30. Cela avait été largement communiqué aux habitants de la commune, que ce soit par le biais d'informations publiées sur le site de la mairie ou d'envois postaux. De plus, ce changement de pratique avait également été mis en exergue sur les panneaux à l'entrée de la déchetterie.

Le jour des faits, le samedi 15 avril 2023, la « déchetterie-mobile » était bien installée sur le parking jouxtant la déchetterie, de 8h à 16h, comme l'indiquait les différents supports de la commune. Les images de la vidéosurveillance montraient que M. A______ s'était longuement attardé devant le panneau apposé à l'entrée de la déchetterie sur lequel figurait les dates et horaires des levées de déchets encombrants, ainsi que l'interdiction de déposer hors conteneurs. Partant, il ne pouvait ignorer la pratique en vigueur.

Il était pour le surplus relevé qu'au vu de l'importance du volume des déchets déposés, leur débarras ayant nécessité le travail de plusieurs employés communaux et la mise à disposition d'un véhicule utilitaire, le montant de l'amende était pleinement justifié, voire clément, en considération de la tabelle des amendes administratives communales.

Pour ces raisons, la commune concluait au rejet du recours, sous suite de frais et dépens. Elle a produit son dossier, lequel contient notamment une « tabelle de prix amendes administratives déchets ».

8.             Le 13 septembre 2023, M. A______, sous la plume de son conseil, a fait parvenir sa réplique au tribunal.

Il faisait valoir que d'autres personnes avaient également déposé des objets à la déchetterie au même endroit et à la même période que lui : des cartons et des skis étaient déjà présents à son arrivée. La déchetterie était ouverte et sa fonction principale était de pouvoir y déposer des déchets encombrants. Dans ces circonstances, l'amende prononcée était contraire au droit, injustifiée et totalement disproportionnée.

Pour ces raisons, il maintenait sa conclusion en annulation de l'amende, sous suite de frais et dépens.

9.             Le 3 octobre 2023, la commune a fait parvenir sa duplique au tribunal, maintenant sa position.

10.         Les arguments des parties seront discutés dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par la commune en application de la loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (LGD - L 1 20) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 50 LGD).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a) ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi, non réalisée en l'espèce (art. 61 al. 2 LPA).

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2).

4.             La LGD a pour but de régler la gestion de l'ensemble des déchets résultant d’activités déployées sur le territoire du canton ou éliminés à Genève, à l'exclusion des déchets radioactifs ; elle constitue la loi d'application des dispositions prévues en matière de déchets par la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) et de ses ordonnances d'applications (cf. art. 1 LGD).

5.             Sont qualifiés de déchets toutes les choses provenant de l'activité ménagère, artisanale, commerciale, industrielle ou agricole dont le détenteur se défait ou dont l'élimination est commandée par l'intérêt public (art. 3 al. 1 LGD), étant précisé que sont qualifiés de déchets ménagers les déchets provenant de l'activité domestique, y compris les déchets organiques devant faire l'objet de collectes sélectives (art. 3 al. 2 let. a LGD).

6.             Il est interdit d'éliminer ou de déposer des déchets hors des installations publiques ou privées autorisées par le département ou des emplacements aménagés à cet effet et désignés par voie de règlement (art. 10 al. 1 LGD).

7.             Selon l'art. 17 du règlement d'application de la loi sur la gestion des déchets du 28 juillet 1999 (RGD - L 1 20.01), les communes peuvent édicter des règlements communaux sur le bon fonctionnement de leurs infrastructures de collecte et sur leur gestion des déchets ménagers (al. 1), ces règlements pouvant prévoir les sanctions et les mesures prévues par la loi (al. 2).

8.             Le règlement de la commune de Veyrier relatif à la gestion des déchets (LC-45.911, ci-après : le règlement communal) fixe les modalités de la collecte, du transport et de l'élimination des déchets urbains sur son territoire (art. 1 al. 1 et art. 2 al. 1 du règlement communal).

9.             Selon l'art. 25 du règlement communal, les déchets encombrants doivent, depuis le 1er mars 2022, être déposés à la déchetterie mobile installée sur le site B______ une fois par mois, selon un planning annuel envoyé à la population (al. 1), leur dépôt en bord de trottoir étant désormais interdit (al. 2).

10.         Enfin, l'art. 28 al. 1 du règlement communal stipule qu'il est interdit de déposer des déchets en dehors des installations de collecte agréées par la commune ou en dehors des endroits et des horaires définis.

11.         Conformément aux art. 43 al. 1 LGD et 41 al. 1 du règlement communal, est passible d'une amende administrative de CHF 200.- à CHF 400'000.- tout contrevenant à la LGD, au RGD, et au règlement communal.

12.         L'art. 41 al. 2 du règlement communal précise enfin qu'il est tenu compte, dans la fixation de l'amende, du degré de gravité de l'infraction et du cas de récidive.

13.         En l'espèce, bien que le recourant ait déposé des déchets encombrants dans l'enceinte de la déchetterie B______ pendant ses heures d'ouverture, il n'a pas respecté les prescriptions de la commune s'agissant du traitement de ce type de déchets. Il ne pouvait ignorer la pratique en vigueur, cette dernière étant disponible sur plusieurs supports dont le panneau devant lequel il s'est longuement attardé. De plus, il ne saurait valablement tirer argument des éventuels manquements d'autres personnes.

14.         Le principe de l'amende prononcée à l'encontre du recourant est en conséquence fondé.

15.         Reste à examiner la quotité de celle-ci.

Certes, la décision litigieuse motive le montant de l'amende en regard de la quantité non-négligeable de déchets encombrants déposés par le recourant lors de ses trois passages consécutifs, du déblaiement des déchets qui a nécessité la mobilisation des services de la commune, du temps de visionnage des bandes de vidéosurveillance pour identifier le responsable et du non-respect des prescriptions en vigueur en la matière. Cependant, le tribunal observera que le recourant n'est pas un récidiviste et que les dépôts ont tout de même eu lieu dans l'enceinte de la déchetterie pendant ses heures d'ouverture. Par ailleurs, le tribunal n'est aucunement lié par la tabelle mentionnée par la commune pour justifier le montant de l'amende. Enfin, le temps de visionnage de la vidéosurveillance, lequel n'est par ailleurs aucunement documenté, ne saurait être un élément pouvant être retenu pour déterminer le montant de l'amende.

16.         Au vu de ce qui précède, l'amende sera ramenée à un montant de CHF 500.-.

17.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui obtient partiellement gain de cause, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 150.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l'avance de frais de CHF 100.- sera restitué au recourant.

18.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 200.-, à la charge de la commune de Veyrier, sera allouée au recourant (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 14 juin 2023 par Monsieur A______ contre la décision de la commune de Veyrier du 30 mai 2023 ;

2.             l'admet partiellement en ce sens que le montant de l'amende est ramené à CHF 500.- ;

3.             confirme cette décision pour le surplus ;

4.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 150.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

5.             ordonne la restitution au recourant du solde de l'avance de frais de CHF 100.- ;

6.             condamne la commune de Veyrier à verser au recourant une indemnité de procédure de CHF 200.- ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Bénédicte MONTANT et Damien BLANC, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière