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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3536/2022

JTAPI/625/2023 du 01.06.2023 ( LCI ) , ADMIS

Descripteurs : AMENDE;TRAVAUX DE CONSTRUCTION;PRINCIPE DE CAUSALITÉ
Normes : LCI.137; RChant.1.al1; RChant.1.al2; RChant.1.al3; RChant.333
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3536/2022 LCI

JTAPI/625/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 1er juin 2023

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Marc OEDERLIN, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             A______ SA est une entreprise dont le but est la « budgétisation, planification, organisation et surveillance de travaux de construction pour le compte de tiers ».

2.             Courant janvier 2022, C______ a mandaté A______ SA et B______ SA pour assurer la direction des travaux, respectivement coordonner la sécurité du chantier, en lien avec l’APA 1______ du 26 novembre 2020 (ci-après : le chantier) ayant pour objet « rénovation de la superstructure - agrandissement / transformation de la superstructure – climatisation » de l’immeuble sis, 2______, rue ______.

3.             Monsieur D______, administrateur et employé de la société E______ SA est le mandataire professionnellement qualifié (MPQ) du chantier.

4.             A______ SA a débuté son activité sur le chantier le 28 février 2022.

5.             Le 9 juin 2022, un représentant du département de la sécurité et de l'économie
(ci-après : DSE ou le département) a participé à une réunion de chantier organisée par A______ SA et, à la suite de cette dernière, a validé son mode opératoire.

6.             Le 17 août 2022, à l’occasion d’un contrôle effectué sur le chantier, un inspecteur des chantiers a constaté que l'ouvrier qui utilisait le monte-charge/personnes n'était pas au bénéfice du permis de machiniste réglementaire.

7.             Par décision du 23 août 2022, le département a ordonné à A______ SA de rétablir une situation conforme au droit, soit la conduite d’un monte-charge/personnes par une personne au bénéfice du permis requis. Un délai de 10 jours lui était imparti pour ses observations quant à l’infraction constatée.

8.             Le 26 août 2022, A______ SA a fait part de ses observations, exposant l’ensemble des mesures de sécurité prises entre les 28 février et 17 août 2022. L’ouvrier en question avait été inscrit sur les listes afin de réaliser la formation et d’obtenir le permis considéré. L’ensemble des règles de sécurité, notamment celle du permis M1, étaient inscrites dans le livret d’accueil sécurité du chantier qui était transmis à toutes les entreprises à leurs arrivées. Elle rappelait également ces règles chaque semaine dans le PV de chantier.

9.             Par décision du 21 septembre 2022, le département a prononcé une amende de CHF 2000.- à l'encontre d’A______ SA, au motif que les prescriptions de sécurité en matière de chantiers avaient été enfreintes, soit en particulier l'art. 233 du règlement sur les chantiers du 30 juillet 1958 (RChant - L 5 05.03).

Cette amende lui était infligée au titre de personne morale employant des travailleurs exécutant des travaux se rapportant à l'activité du bâtiment ou du génie civil, au sens de l'art. 1 al. 2 RChant.

10.         Par acte du 21 octobre 2022, A______ SA a formé recours au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, concluant à son annulation sous suite de frais et dépens.

Contrairement à ce qu’avait retenu l’OAC, elle n’employait pas « des travailleurs exécutant des travaux ». Aucun rapport contractuel ou de subordination ne la liait aux ouvriers œuvrant sur le chantier C______ 2______, rue ______, contrairement à ce qui prévalait pour l’entreprise F______ SA. Par conséquent, fondée sur une constatation inexacte des faits, l’amende devait être annulée pour ce seul motif.

Chargée de coordonner l'intervention et les travaux des différentes entreprises sur le chantier, en collaboration avec B______ SA, elles avaient toutes deux pris les précautions commandées par les circonstances et les usages de la profession, pour s'assurer qu'F______ SA respecte les conditions de sécurité. Elles avaient notamment contrôlé que celle-ci remplissait les conditions pour l'utilisation du monte-charge, via un permis M1. Elles avaient également requis qu'F______ SA instruise l'ensemble de ses employés sur le contenu du livret d'accueil, lequel mentionnait de manière indubitable le comportement à adopter sur le site. Par sa signature, F______ SA, s'était engagée à respecter les conditions de sécurité, tel que la consigne « je porte toujours sur moi le permis correspondant à l'engin que j'utilise » (pièce 13, page 13). En outre, son rôle n'était pas d'être présente sur le chantier tous les jours pour contrôler ce qu'il s'y faisait. N’employant pas d'ouvriers sur le chantier et n'ayant pas la fonction de MPQ, elle n'avait pas à répondre d'une prétendue faute, ne serait-ce que par négligence. Elle n'avait pas minimisé la gravité des événements du 17 août 2022 puisqu’elle avait contacté l'entreprise concernée et a pris des mesures auprès de l'ensemble des intervenants sur le chantier afin d'éviter la survenance d'un nouvel incident. Enfin, elle ne comprenait pas pour quel motif une amende lui avait été infligée, ainsi qu’à F______ SA, mais pas à B______ SA. Cette différence de traitement ne respectait pas les art. 47 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

Par conséquent, n'étant pas conforme au droit, ni dans son principe ni dans sa quotité, la mesure devait être annulée.

11.         Dans ses observations du 3 janvier 2023, le département s'en est rapporté à justice quant à la recevabilité du recours, concluant à son rejet au fond, sous suite de frais et dépens.

La mention, dans la décision, qu’elle employait « des travailleurs exécutant des travaux » était malencontreuse mais ne saurait influencer la validité de cette dernière. Il connaissait son rôle sur le chantier et cette erreur n’avait eu aucune influence sur la sanction litigieuse et son montant. En tout état, les personnes chargées de la direction et de la surveillance des travaux, comme la recourante, étaient également soumises aux prescriptions du RChant (art. 1 al. 2 RChant).

Il s’ensuivait qu’elle était tenue de se conformer aux prescriptions légales sur la prévention des accidents sur les chantiers parmi lesquelles l'art. 233 RChant qui disposait que la conduite, notamment des monte-charges/personnes, était subordonnée à la possession d'un permis. Or, il n'était pas contesté que, dans le cas particulier, la personne qui conduisait cette machine sur le chantier était dépourvue dudit permis. L’art. 233 RChant avait ainsi été violé et, à défaut d'avoir fait respecter cette obligation, la recourante avait commis une faute, à tout le moins par négligence, dont elle était responsable. Pour ce motif, l'amende était fondée dans son principe.

Le fait qu’elle aurait instruit les entreprises sur les mesures à prendre ne saurait exclure sa responsabilité. Premièrement, l'engagement d’F______ SA dont elle se prévalait rappelait uniquement que les machinistes devaient porter leur permis sur eux mais non pas que la conduite des machines était soumise à l'obligation d'être au bénéfice d'un tel permis. Ensuite, il ressortait du dossier que si elle avait requis la liste des collaborateurs qui interviendraient sur le site ainsi que le permis feu, elle n'avait pas requis la production du permis machiniste. Or, la personne dépourvue de permis avait été dûment annoncée comme personne intervenant sur le chantier. Partant, en n’exigeant pas une copie des permis de machiniste, comme elle l’avait fait pour le permis feu, la recourante n'avait pas pris toutes les mesures commandées par les circonstances. Pour ce motif également, elle ne pouvait être suivie lorsqu’elle prétendait avoir contrôlé l'entreprise qui employait le collaborateur en question. De surcroît, ce dernier était vraisemblablement intervenu sur le chantier au mois d'avril déjà et avait probablement œuvré plusieurs mois, sans qu'aucune vérification sur son aptitude à conduire n'ait été effectuée. De jurisprudence constante, les rappels aux entreprises concernées sur le respect des principes de sécurité étaient insuffisants à démontrer l'adoption de mesures et instructions nécessaires. Le fait que sa présence n'était pas exigée de manière constante sur le chantier n’était pas plus de nature à la disculper.

Le montant de l'amende, qui n’était pas en soi contesté, était enfin proportionné et tenait compte du rôle de la recourante dans la direction et la surveillance des travaux.

12.         Par réplique du 27 janvier 2023, A______ SA a encore relevé que le montant de l’amende qui lui avait été infligée était identique à celui de l’amende infligée à F______ SA, qui employait l’ouvrier incriminé, ce alors même que son rôle était complètement périphérique. Le département avait en outre omis de prendre en considération le rôle du coordinateur de sécurité et de santé présent sur le chantier, lequel n’avait pas été interpellé et encore moins amendé. Le simple constat que la personne manœuvrant le monte-charges/personnes était dépourvue de permis était essentiellement une responsabilité de l’employeur à qui il incombait de donner des instructions idoines. Le département ne saurait la lui imputer, sans base légale, sauf à exiger qu’elle soit présente en permanence sur le chantier et qu’elle contrôle tous les ouvriers, respectivement qu’elle court-circuite le coordonnateur de sécurité. La comparaison avec le permis feu était irrelevante et les arguments du département quant à la durée durant laquelle le collaborateur aurait œuvré sans permis se fondaient sur des hypothèses. Ses conclusions visaient enfin à l’annulation totale de l’amende, dont tant le principe que la quotité n’étaient pas justifiés.

13.         Le département a dupliqué le 20 février 2023 persistant dans ses arguments et conclusions. La recourante n’apportait aucun élément nouveau. Le fait qu’il n’ait pas interpellé ni sanctionné le coordonnateur de sécurité n’était pas de nature à exclure sa responsabilité. Il avait pour le surplus détaillé les manquements commis.

14.         Par courrier du 5 mai 2023, faisant suite à une demande de renseignement du tribunal, le département a expliqué avoir prononcé deux autres amendes dans le cadre du chantier de l’APA 1______, l’une de CHF 2'000.- à l’encontre d’F______ SA et l’autre, du même montant, à l’encontre du MPQ du chantier.

15.         Il ressort du livret d’accueil « Bienvenue sur le chantier C______ » du 1er mars 2022, le point suivant : « 9. a) Machinistes : Je porte toujours sur moi le permis correspondant à l’engin que j’utilise ». Quant aux PV de chantier, ils stipulent : Permis MC : merci à toutes les entreprises utilisatrices du MC de fournir les permis des personnes compétentes ».

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

5.             La recourante conteste le principe de l’amende, faisant valoir l’absence de toute faute de sa part.

6.             Le Conseil d'Etat fixe par règlements les dispositions relatives à la sécurité et à la salubrité sur les chantiers (art. 151 let. d LCI).

7.             La prévention des accidents sur les chantiers et les mesures à prendre pour assurer la sécurité des travailleurs, du public, des ouvrages et de leurs abords sont réglées par les dispositions du RChant (art. 1 al. 1 RChant).

8.             Tous les participants à l'acte de construire, démolir, transformer, entretenir, c'est-à-dire toutes les personnes exécutant des travaux se rapportant à l'activité du bâtiment ou du génie civil, ainsi que les personnes physiques ou morales employant des travailleurs à cet effet et les personnes chargées de la surveillance des travaux, notamment pour le compte des bureaux d’ingénieurs, d’architectes, des entreprises générales et des coordonnateurs de sécurité et de santé, sont tenus de se conformer aux prescriptions légales sur la prévention des accidents sur les chantiers (art. 1 al. 2 RChant).

9.             Au même titre que, par exemple, la LCI dont il tire sa base légale, le RChant s'applique en tant que réglementation d'intérêt public sur tout le territoire cantonal, sur domaine public aussi bien que privé. Son art. 1 al. 2 mentionné ci-dessus indique clairement qu'il concerne toute personne impliquée dans l'acte de construire. La définition très large du cercle de ces personnes signifie que le critère d'application du RChant n'est pas la qualité dans laquelle elles exécutent ces travaux, mais le fait qu'elles participent à l'acte de construire, et que dans cette mesure, elles déploient une activité susceptible de faire courir des dangers à elles-mêmes ou à autrui. Pour les mêmes raisons, ce règlement ne s'applique pas uniquement dans les zones vouées à la construction, mais dans toute zone, dès lors que s'y déroule une activité de construction au sens de la LCI.

10.         Il découle de ceci qu'en l'espèce, le chantier visé par la sanction litigieuse tombait sous le coup du RChant et que la recourante, en sa qualité de personne morale chargée de la direction des travaux, était tenue de s'y conformer
(art. 1 al. 2 RChant).

11.         Selon l'art. 2 RChant, en tant qu'elles ne sont pas déjà incorporées dans son texte, les ordonnances du Conseil fédéral sur la prévention des accidents, au nombre desquelles figure notamment l'OTConst (cf. art. 1 OTConst), font partie intégrante du présent règlement dans le domaine de la prévention des accidents (al. 2).

12.         Le travail doit s'exécuter en prenant, en plus des mesures ordonnées par le règlement, toutes les précautions commandées par les circonstances et par les usages de la profession (art. 3 al. 1 RChant).

13.         A teneur de l’art. 233 RChant, la conduite des engins à moteur suivants est subordonnée à la possession d’un permis, notamment : ( ), monte-charges ; monte-personnes ( ).

14.         Le personnel assermenté du DT a le droit d'inspecter en tout temps les chantiers et de constater et signaler les infractions au RChant (art. 330 al. 1 RChant).

15.         Les contrôles de l'administration ne libèrent pas les intéressés de leurs obligations et de leur responsabilité (art. 331 RChant).

16.         Dans un arrêt du 16 avril 2019, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) a retenu que les architectes incriminés n’avaient aucunement démontré avoir pris les mesures et donné les instructions nécessaires, en leur qualité de personnes chargées de la direction et de la surveillance des travaux, relevant qu’il était insuffisant qu’ils aient prévu de manière générale, dans les conditions de soumission, que les lois, règlements et normes en vigueur concernant la sécurité des chantiers soient respectés par les entreprises exécutant les travaux (ATA/440/2019 du 16 avril 2019, consid. 4b).

17.         Aux termes de l'art. 137 LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à 150'000.- tout contrevenant aux règlements et arrêtés édictés conformément à l'art. 151 LCI, respectivement aux ordres donnés par le département dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (art. 334 RChant).

18.         Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/263/2016 du 22 mars 2016 ; ATA/163/2014 du 18 mars 2014 ; ATA/61/2014 du 4 février 2014 ; ATA/74/2013 du 6 février 2013 ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, op. cit., ch. 1.4.5.5 p. 160 s).

19.         En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du CP s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (comme notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 2 et 3 et 107 CP ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/147/2014 du 11 mars 2014 ; ATA/791/2013 du 3 décembre 2013 ; ATA/74/2013 du 6 février 2013 ; ATA/71/2012 du 31 janvier 2012).

20.         Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence (ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/147/2014 du 11 mars 2014 ; ATA/791/2013 du 3 décembre 2013 ; ATA/74/2013 du 6 février 2013 et la référence citée).

21.         En l'espèce, la recourante ne conteste ni qu'elle était responsable de la direction des travaux ni les faits constatés par le département lors du contrôle opéré le 17 août 2022, à savoir que la personne qui conduisait le monte-charges/personnes sur le chantier était dépourvue du permis utile. En revanche, elle considère avoir pris toutes les mesures nécessaires et n'avoir ainsi commis aucune faute, rappelant que la sécurité du chantier était coordonnée par B______ SA, ce dont le département était informé.

Selon la jurisprudence, un tel argument est recevable dans l'hypothèse très particulière d'une rupture du lien de causalité adéquate entre le comportement et/ou l’omission de la recourante et les éléments constitutifs des infractions commises, à savoir si ces derniers résultaient d'une autre cause concomitante constituant une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaissant si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre (ATF 131 IV 145 consid. 5.2 p. 148).

Or, tel est précisément le cas ici. Le fait d’avoir confié la sécurité du chantier, laquelle ressort en principe du mandat de la direction des travaux, à une entreprise spécialisée permet en effet de retenir une rupture du lien de causalité adéquate entre le comportement et/ou l’omission de la recourante et les éléments constitutifs des infractions commises. Ainsi, le fait, pour cette dernière, d’avoir instruit, de manière générale, les entreprises sur les mesures à prendre et à respecter doit être considéré comme suffisant dans la mesure où c’était ensuite au coordinateur sécurité qu’il incombait de s’assurer du respect des consignes de sécurité sur le chantier, son mandat portant précisément sur cela.

Force est dès lors d’admettre, sur la base du dossier et des explications fournies par la recourante, que cette dernière a pas pris toutes les mesures commandées par les circonstances dans le cas d’espèce, le respect des prescriptions relatives à la sécurité sur le chantier relevant, dans le cas particulier de l’engagement d’un coordinateur de sécurité, non plus de la direction des travaux mais de ce dernier, soit en l’espèce B______ SA. Les mandats spécifiques des entreprises précitées étaient au surplus connu du département.

C’est ainsi à tort que l’autorité intimée a retenu que la recourante avait commis une faute, à tout le moins par négligence, dont elle était responsable.

Dans ces conditions, sur le principe, l'amende n’est pas fondée.

22.         Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision querellée annulée.

23.         Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03) et l’avance de frais versée par la recourante à la suite du dépôt du recours lui sera restituée.

24.         Une indemnité de procédure de CHF 900.-, à la charge de l’État de Genève, soit pour lui le département du territoire, sera allouée à la recourante, qui obtient gain de cause (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 21 octobre 2022 par A______ SA contre la décision du département du territoire du 21 septembre 2022 ;

2.             l’admet ;

3.             annule la décision du département du territoire du 21 septembre 2022 ;

4.             dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

5.             ordonne la restitution à la recourante de son avance de frais de CHF 900.- ;

6.             condamne l’État de Genève, soit pour lui le département du territoire, à verser à A______ SA une indemnité de procédure de CHF 900.- ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Marielle TONOSSI, présidente, Patrick BLASER et Carmelo STENDARDO, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

Le greffier