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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3509/2022

JTAPI/421/2023 du 20.04.2023 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : ASSISTANCE PUBLIQUE;AUTORISATION DE SÉJOUR;RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL)
Normes : ALCP.6; LEI.62.al1.lete
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3509/2022

JTAPI/421/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 avril 2023

 

dans la cause

 

Madame A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1968, est ressortissante d'Espagne.

2.             Elle réside en Suisse depuis le 14 août 2016.

3.             Par décision du 20 septembre 2022, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de renouveler son autorisation de séjour, la laquelle avait expiré le 13 août 2021.

À l'appui de cette décision, l'OCPM a retenu que Mme A______ était dépendante de l'aide sociale depuis le 1er février 2020 de manière continue pour un montant qui, au 20 août 2022, était supérieur à CHF 78'000.-. En outre, en date du 17 mars 2022, elle faisait l'objet de huit actes de défaut de bien pour un montant supérieur à CHF 9'000.-. Elle ne disposait actuellement d'aucune activité lucrative en Suisse. Au vu de ces différents éléments, elle remplissait les motifs prévus par la loi en matière de révocation d'une autorisation de séjour, étant précisé qu'elle ne pouvait attester d'une incapacité permanente de travailler et qu'elle n'avait jamais eu le statut de travailleur au sens de l'Accord sur la libre circulation des personnes. De plus, aucun motif important n'exigeait l'octroi d'une autorisation de séjour dans le cas d'espèce. S'agissant de son état de santé, l'Espagne disposait de tous les équipements médicaux permettant la prise en charge des pathologies dont elle disait faire l'objet.

4.             À cet égard, le dossier constitué par l'OCPM contient un courrier que lui a adressé Mme A______ le 19 avril 2022, dans lequel elle indique que ce sont les différents problèmes médicaux qui l'affectent qui l'ont rendue dépendante de l'Hospice général. Elle précise à ce sujet qu'elle est atteinte du VIH au stade A2, maladie pour laquelle elle suit un traitement journalier (GENVOYA). Elle ajoute qu'elle est diminuée sur le plan physique, ayant été opérée du coude et du poignet gauches, soit notamment en décembre 2020 pour un kyste tenospynovial. Elle en garde des séquelles qui la handicapent dans la vie de tous les jours, avec notamment une perte de force et de motricité importante. Elle sollicitait à cet égard un délai pour transmettre un rapport médical complet et détaillé. Elle souhaitait également approcher son médecin traitant afin d'étudier la possibilité de déposer une demande de rente d'invalidité. Enfin, elle devait être opérée de la thyroïde le 20 mai 2022, en raison d'une hyperparathyroïdie primaire. Cette opération et ses conséquences étaient également susceptibles de grandement impacter sa capacité de travail.

5.             Par acte du 21 octobre 2022, Mme A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre la décision du 20 septembre 2022 en concluant à son annulation.

Elle ne contestait pas être sans emploi et de manière continue à la charge de l'Assistance Publique. En revanche, l'OCPM n'avait pas correctement apprécié sa situation, en ce sens que c'était ses très importants problèmes de santé qui l'avaient empêchée de travailler et l'avaient poussée à demander l'aide de l'Hospice général. Elle produirait dans les meilleurs délais des documents médicaux détaillés au sujet de son état de santé.

6.             Par écritures du 15 décembre 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours, reprenant en substance les motifs de sa décision litigieuse.

7.             Invitée par courrier du tribunal du 20 décembre 2022 à déposer une éventuelle réplique, Mme A______ n'y a pas donné suite.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             La recourante étant ressortissante espagnole, le présent litige est a priori soumis à l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681).

4.             Selon l'art. 2 § 1 de l'Annexe I ALCP, un ressortissant d'une partie contractante (soit en l'occurrence l'Espagne) a le droit de séjourner en Suisse pour y chercher un emploi pendant une durée de six mois. Au-delà de cette période, si la personne concernée n'a pas trouvé d'emploi, la poursuite de son séjour en Suisse ne peut plus se fonder sur cette disposition et il convient alors d'examiner si les conditions d'une autre disposition de l'ALCP autorisent malgré tout la continuation du séjour.

5.             En l'occurrence, il n'est pas contesté que la recourante, qui est arrivée en Suisse en août 2016 et y séjourne donc depuis bientôt 7 ans, n'y a jamais exercé d'emploi et qu'elle ne peut donc pas, en l'état, se prévaloir de l'art. 2 § 1 de l'Annexe I ALCP.

6.             L'art. 6 ALCP garantit aux personnes n'exerçant pas d'activité économique le droit de séjourner sur le territoire d'une partie contractante, conformément aux dispositions de l'annexe I ALCP relatives aux non-actifs (art. 24 annexe I ALCP).

Selon l'art. 24 § 1 annexe I ALCP, une personne ressortissant d'une partie contractante n'exerçant pas d'activité économique dans l'État de résidence et qui ne bénéficie pas d'un droit de séjour en vertu d'autres dispositions de l'ALCP reçoit un titre de séjour d'une durée de cinq ans au moins, à condition qu'elle prouve aux autorités nationales compétentes qu'elle dispose pour elle-même et les membres de sa famille : de moyens financiers suffisants pour ne pas devoir faire appel à l'aide sociale pendant leur séjour (let. a) et d'une assurance-maladie couvrant l'ensemble des risques (let. b).

7.             En l'occurrence, la recourante dépend entièrement de l'aide sociale et ne peut donc plus se prévaloir d'un droit de séjour en Suisse au sens de l'ALCP. Son autorisation d'établissement ne se fonde dès lors que sur les dispositions de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et c'est donc uniquement sur la base de cette même loi que doit s'examiner la question du renouvellement de son autorisation de séjour, qui fait l'objet du présent litige.

8.             Selon l'art. 62 al. l let. e LEI, l’autorité compétente peut révoquer une autorisation, à l’exception de l’autorisation d’établissement, ou une autre décision fondée sur la présente loi, lorsque l’étranger lui-même ou une personne dont il a la charge dépend de l’aide sociale.

9.             Pour apprécier si une personne se trouve dans une large mesure à la charge de l’aide sociale, il faut tenir compte du montant total des prestations déjà versées à ce titre (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1122/2015 consid. 4.1 ; 2C_268/2011 consid. 6.2.3 ; 2C_210/2007 du 5 septembre 2007 consid. 3.1). Pour évaluer si elle tombe d’une manière continue à la charge de l’aide sociale, il faut examiner sa situation financière à long terme. Il convient en particulier d’estimer, en se fondant sur la situation financière actuelle de l’intéressé et sur son évolution probable, y compris au regard des capacités financières des membres de sa famille, s’il existe des risques que, par la suite, il se trouve à la charge de l’assistance publique (ATF 122 II 1 consid. 3c ; 119 Ib 1 consid. 3b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1122/2015 précité consid. 4.1 ; 2C_448/2007 du 20 février 2008 consid. 3.1). Dans ce cadre, il faut prendre en compte la disponibilité de chacun des membres de la famille à participer financièrement à la communauté et à réaliser un revenu. Celui-ci doit être concret et vraisemblable et, autant que possible, ne pas apparaître purement temporaire (ATF 122 II 1 consid. 3c ; 119 Ib 1 consid. 3c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_761/2009 du 18 mai 2010 consid. 7.2 ; 2C_210/2007 précité consid. 3.1).

La question de savoir si et dans quelle mesure la personne dépend de l'aide sociale par sa faute ne concerne pas le motif de révocation lui-même, mais est un critère entrant en considération au stade de l'examen de la proportionnalité de la mesure (arrêts du Tribunal fédéral 2C_837/2017 du 15 juin 2018 consid. 6.2 ; 2C_831/2017 du 4 avril 2018 consid. 4.2).

Le Tribunal fédéral a jugé que les critères de l’importance et du caractère durable de la dépendance à l’aide sociale étaient notamment réunis dans les cas d’une famille de cinq personnes ayant perçu plus de CHF 210’000.- d’aide sociale sur une période d’environ onze ans (arrêt du Tribunal fédéral 2A.692/2006 du 1er février 2007 consid. 3.2.1) ou d’un recourant à qui plus de CHF 96’000.- avaient été alloués sur neuf années (ATF 123 II 529 consid. 4).

La période déterminante pour évaluer si la dépendance à l’aide sociale est durable n’est pas limitée à deux ou trois ans. Au contraire, ce nombre d’années constitue en principe la durée minimale à partir de laquelle il peut être admis que l’autorité disposera de suffisamment de recul pour apprécier ou non le caractère durable et important de la dépendance de l’étranger à l’aide sociale (ATF 119 Ib 1 consid. 3b p. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_268/2011 précité consid. 6.2.4).

Il convient également de tenir compte des pronostics quant à l'évolution probable de la situation sur le long terme au moment de statuer sur une éventuelle révocation. « De plus, l'autorité ne saurait passer comme chat sur braise sur des circonstances particulières, comme par exemple la situation spécifique dans laquelle se retrouvent des mères élevant leur enfant seules et dépendant, malgré elles, de l'aide sociale » (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, 2017, Vol II : LEtr, p. 601).

10.         Les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEtr). Ainsi, lorsqu'une mesure serait justifiée, mais qu'elle n'est pas adéquate, l'autorité compétente peut donner un simple avertissement à la personne concernée en lui adressant un avis comminatoire (art. 96 al. 2 LEtr).

11.         En l'espèce, il n'est pas contesté par la recourante qu'elle dépend depuis plusieurs années de l'aide sociale, pour un montant qui, en août 2022, dépassait déjà un total de CHF 78'000.-. La recourante allègue que ce sont les différentes atteintes à sa santé dont elle dit souffrir qui la mettent durablement en incapacité de travailler, à tel point qu'elle a d'ailleurs indiqué envisager de requérir des prestations de l'assurance-invalidité. Indépendamment du fait qu'elle ne produit aucune preuve quant à la réalité de ses atteintes à la santé, elle n'en produit aucune non plus concernant le fait que lesdites atteintes provoqueraient également une incapacité complète de travailler. Par conséquent, en l'état du dossier, on ne peut qu'arriver à la conclusion que la recourante dépend durablement et dans une large mesure de l'aide sociale, sans que cela ne puisse s'expliquer pour des raisons indépendantes de sa volonté. Il n'y a pas non plus de raison de considérer, à teneur du dossier, que cette situation serait appelée à se modifier prochainement et de manière importante. À cet égard, le tribunal relèvera que la recourante n'a pas davantage documenté de quelconques démarches en vue d'obtenir des prestations de l'assurance-invalidité.

12.         Au vu de ce qui précède, il apparaît que c'est de manière parfaitement fondée que l'autorité intimée a refusé de renouveler l'autorisation de séjour de la recourante, le recours devant ainsi être rejeté.

13.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.-.

14.         La recourante étant au bénéfice de l'assistance juridique, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d'une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l'assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).

15.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

16.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 21 octobre 2022 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 20 septembre 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 700.- ;

4.             le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l'assistance juridique en application de l'art. 19 al. 1 RAJ ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière