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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1918/2022

JTAPI/23/2023 du 12.01.2023 ( OCPM ) , REJETE

IRRECEVABLE par ATA/440/2023

Descripteurs : AUTORISATION D'ÉTABLISSEMENT;ACCORD SUR LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES;REGROUPEMENT FAMILIAL;ASSISTANCE PUBLIQUE
Normes : ALCP.6; LEI.43
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1918/2022

JTAPI/23/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 12 janvier 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Andrea VON FLÜE, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1972, est ressortissant d'Italie.

2.             Par décision du 11 mai 2022, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de faire droit à la demande d'autorisation de séjour dans le cadre du regroupement familial qu'il avait déposée le 29 juin 2021 pour pouvoir vivre à Genève avec son épouse, Madame B______, titulaire d'une autorisation d'établissement.

3.             À l'appui de cette décision, l'OCPM a retenu que M. A______ et son épouse s'étaient mariés à Genève le 23 juin 2021, après qu'il soit arrivé dans cette ville le 1er avril 2021. Selon extrait du registre des poursuites du 17 août 2021, il ne faisait l'objet d'aucune poursuite ni acte de défaut de bien auprès de l'office des poursuites de Genève. Par courrier du 18 août 2021 adressé à l'OCPM, M. A______ avait indiqué que son épouse bénéficiait actuellement de l'aide sociale, car elle souffrait de problèmes de santé qui influençait sa capacité de chercher un emploi. Lui-même était à la recherche d'un travail, mais s'était très vite trouvé limité dans ses postulations pour diverses raisons. Selon attestation d'aide financière de l'Hospice général du 3 mars 2022, Mme B______ bénéficiait de l'aide sociale depuis le 1er janvier 2021 et M. A______, conjointement avec son épouse, depuis le 1er juin 2021. Selon courrier de l'Hospice général du 17 mars 2022, il était totalement aidé financièrement par ce service. Selon les documents réunis par l'OCPM, les deux époux n'exerçaient par d'activité lucrative et leurs seuls moyens financiers provenaient de l'aide versée par l'Hospice général.

Dans ces conditions, M. A______ ne remplissait pas les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour pour regroupement familial.

4.             Par acte du 9 juin 2022, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à son annulation.

L'OCPM n'avait à tort pas tenu compte des nombreuses recherches d'emploi qu'il avait démontré avoir effectuées et des cours de français qu'il avait activement suivis pour favoriser son intégration à Genève. Il avait parallèlement entrepris de participer à des activités bénévoles. Il n'avait pas non plus été tenu compte de la demande de prestation d'invalidité déposée par son épouse en 2016, pour laquelle elle avait obtenu des mesures d'insertion professionnelle. Sa santé s'étant détériorée par la suite, une reconsidération était en cours actuellement. L'octroi d'une rente d'invalidité pourrait rembourser les avances faites par l'Hospice général et permettre au couple de sortir de sa dépendance à l'aide sociale. Il n'existait pas de risque de dépendance financière durable et la situation actuelle à cet égard n'était que temporaire. L'octroi d'un permis de séjour suisse lui permettrait plus facilement de trouver un emploi.

5.             Par écritures du 10 août 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours en renvoyant principalement aux motifs de sa décision.

6.             Sous la plume de son conseil, M. A______ a répliqué le 7 septembre 2022. La décision litigieuse l'obligerait à devoir quitter son épouse, ce qui n'apparaissait aucunement concevable. Il avait toujours exercé une activité lucrative avant son arrivée en Suisse et souffrait actuellement de ne pouvoir exercer un emploi. C'était en raison du fait qu'il était dépourvu d'un titre de séjour qu'il ne trouvait pas de travail.

7.             Par courrier du 5 octobre 2022, l'OCPM a indiqué n'avoir pas de remarques supplémentaires à formuler.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).

3.             Le recourant étant ressortissant italien, le présent litige est a priori soumis à l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681).

4.             Selon l'art. 2 § 1 de l'Annexe I ALCP, un ressortissant d'une partie contractante (soit en l'occurrence l'Italie) a le droit de séjourner en Suisse pour y chercher un emploi pendant une durée de six mois. Au-delà de cette période, si la personne concernée n'a pas trouvé d'emploi, la poursuite de son séjour en Suisse ne peut plus se fonder sur cette disposition et il convient alors d'examiner si les conditions d'une autre disposition de l'ALCP autorisent malgré tout la continuation du séjour.

5.             En l'occurrence, il n'est pas contesté que le recourant, qui est arrivé en Suisse en avril 2021 et y séjourne donc depuis bientôt deux ans, n'y a jamais exercé d'emploi et qu'il ne peut donc pas, en l'état, se prévaloir de l'art. 2 § 1 de l'Annexe I ALCP.

6.             Quant à l'épouse du recourant, il n'est pas non plus allégué qu'elle aurait conservé sa qualité de travailleuse au sens de l'ALCP, étant précisé qu'elle n'occupe plus d'emploi depuis plusieurs années (ayant déposé déjà en 2016 une demande AI, selon les indications du recourant).

7.             L'art. 6 ALCP garantit aux personnes n'exerçant pas d'activité économique le droit de séjourner sur le territoire d'une partie contractante, conformément aux dispositions de l'annexe I ALCP relatives aux non-actifs (art. 24 annexe I ALCP).

Selon l'art. 24 § 1 annexe I ALCP, une personne ressortissant d'une partie contractante n'exerçant pas d'activité économique dans l'État de résidence et qui ne bénéficie pas d'un droit de séjour en vertu d'autres dispositions de l'ALCP reçoit un titre de séjour d'une durée de cinq ans au moins, à condition qu'elle prouve aux autorités nationales compétentes qu'elle dispose pour elle-même et les membres de sa famille : de moyens financiers suffisants pour ne pas devoir faire appel à l'aide sociale pendant leur séjour (let. a) et d'une assurance-maladie couvrant l'ensemble des risques (let. b).

8.             En l'occurrence, l'épouse du recourant dépend entièrement de l'aide sociale et ne peut donc plus se prévaloir d'un droit de séjour en Suisse au sens de l'ALCP. Son autorisation d'établissement ne se fonde dès lors que sur les dispositions de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et c'est donc uniquement sur la base de cette même loi que doit s'examiner la question du regroupement familial qui fait l'objet du présent litige.

9.             A teneur de l'art. 43 al. 1 LEI, le conjoint étranger du titulaire d’une autorisation d’établissement ainsi que ses enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans ont droit à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité à la condition notamment qu'ils ne dépendent pas de l’aide sociale (let. c).

10.         En l'espèce, il est établi que le recourant dépend entièrement de l'aide sociale. Il n'a donc pas droit à l'octroi d'une autorisation de séjour pour regroupement familial, l'une des conditions cumulatives de ce droit faisant défaut.

Le recourant fait grief à la décision litigieuse de n'avoir pas suffisamment pris en compte, d'une part, l'évolution possible de la situation de son épouse, qui pourrait finalement obtenir une rente d'invalidité, et, d'autre part, le fait que sa situation de personne sans emploi découlerait de son absence d'autorisation de séjour en Suisse. Le tribunal ne peut cependant suivre aucun de ces deux arguments. S'agissant de l'octroi éventuel de rentes d'invalidité à l'épouse du recourant, il s'agit que d'une simple hypothèse qui ne change rien au fait qu'au moment où l'autorité intimée a rendu sa décision, le couple était entièrement dépendant de l'aide de l'Hospice général, et que tel semble actuellement être toujours le cas. Quant aux difficultés rencontrées par le recourant pour trouver un emploi, l'argument de l'absence de titre de séjour suisse n'est pas valable pour un ressortissant d'un Etat européen, tout employeur connaissant son droit d'embaucher une telle personne.

Enfin, les efforts d'intégration faits par le recourant, par son apprentissage du français et par ses activités bénévoles, n'ont pas de rapport avec la question de sa dépendance à l'aide sociale qui fonde la décision litigieuse.

11.         Au vu de ce qui précède, c'est de manière parfaitement fondée que l'autorité intimée a rendu cette décision. Le recours sera donc rejeté.

12.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.-.

13.         Le recourant étant au bénéfice de l'assistance juridique, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d'une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l'assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).

14.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

15.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 10 juin 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 11 mai 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.- ;

4.             le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l'assistance juridique en application de l'art. 19 al. 1 RAJ ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière