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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4031/2022

DITAI/577/2022 du 22.12.2022 ( OCPM ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4031/2022

DITAI/577/2022

 

DÉCISION

sur effet suspensif et mesures provisionnelles

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 22 décembre 2022

 

dans la cause

Monsieur A______, représenté par Me Luisa BOTTARELLI, avocate, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______1980, est ressortissant du Kosovo.

2.             Par jugement du 29 mars 2021 (JTAPI/1______/2021), le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) a constaté que M. A______avait fait l'objet le 13 août 2018 d'une décision de renvoi de Suisse prononcée par le service de la population du canton de Vaud, décision devenue définitive à défaut d'avoir fait l'objet d'un recours. Par décision du 15 juillet 2020, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) avait à son tour refusé d'entrer en matière sur une demande d'autorisation de séjour. Cette décision, qui faisait l'objet de la procédure judiciaire, devait être confirmée, car elle constatait à juste titre que M. A______avait fait un usage abusif de la procédure en déposant dans le canton de Genève une nouvelle demande d'autorisation de séjour alors que les autorités vaudoises s'étaient déjà prononcées. En tout état, la situation de l'intéressé ne correspondait pas à un cas individuel d'extrême gravité, car il n'avait pas prouvé qu'il avait séjourné de manière continue et ininterrompue en Suisse durant les années 2011 et 2012 ainsi que 2014 et 2015.

3.             Ce jugement est entré en force, faute d'avoir été contesté.

4.             Par décision du 24 octobre 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, l'OCPM a qualifié de demande de reconsidération une demande d'autorisation de séjour formulé par M. A______le 4 octobre 2022 et a refusé d'entrer en matière. Le seul élément nouveau invoqué par M. A______consistait dans l'arrivée en Suisse de sa compagne, Madame B______, ainsi que de leurs enfants C______, D______ et E______, en août 2021. Cette arrivée s'était faite illégalement, alors que M. A______se savait faire l'objet d'une décision de refus d'autorisation de séjour et de renvoi de Suisse. Il ne s'agissait pas d'un éléments nouveau et important au sens des dispositions régissant la reconsidération.

5.             Par acte du 24 novembre 2022, M. A______a recouru auprès du tribunal contre cette décision en concluant principalement à ce qu'elle soit réformée et qu'une autorisation de séjour lui soit octroyée. À titre préalable, il concluait à l'octroi de l'effet suspensif au recours.

Sur le fond, il soutient en substance que c'est à tort que l'OCPM avait refusé de considérer la demande qu'il avait formulée le 4 octobre 2022, pour lui-même et les quatre autres membres de sa famille, comme une nouvelle demande d'autorisation. Il développe par ailleurs les raisons pour lesquelles il s'agirait dorénavant de considérer qu'il remplit les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité.

6.             Sur effet suspensif, il soutient qu'il est en Suisse depuis plus de 15 ans et qu'il y vit avec sa famille et notamment ses trois enfants mineurs scolarisés à Genève. Un renvoi dans son pays d'origine impliquerait nécessairement qu'il soit séparé de sa famille, ce qui constituerait une violation des garanties de protection de la vie familiale. En outre, il ne présente pas le moindre péril pour l'ordre et la sécurité publique en Suisse.

7.             Par écritures du 2 décembre 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours. S'agissant de la restitution de l'effet suspensif, l'OCPM s'y oppose expliquant en substance une telle mesure reviendrait à consacrer la politique du fait accompli.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Selon l’art. 66 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours. Le tribunal peut restituer l'effet suspensif à la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose (art. 66 al. 3 LPA).

3.             Selon la jurisprudence et la doctrine, un effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision négative, soit contre une décision qui porte refus d’une prestation. La fonction de l’effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut dont la reconnaissance fait l’objet du contentieux judiciaire n’existait pas, l’effet suspensif ne peut être restitué car cela reviendrait à accorder au recourant d’être mis au bénéfice d’un régime juridique dont il n’a jamais bénéficié (ATF 126 V 407 ; 116 lb 344 ; ATA/354/2014 du 14 mai 2014 consid. 4.a et références citées ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 2011, n° 5.8.3.3 p. 814 ; Fritz GYGI, L’effet suspensif et les mesures provisionnelles en procédure administrative, in RDAF 1976 p. 217, 221 et 223).

4.             Dans le cas particulier, le recourant ne bénéficiant d’aucun statut légal en Suisse, la décision litigieuse a un contenu négatif. Compte tenu de l'impossibilité de restituer un effet suspensif à une telle décision, la requête du recourant doit être traitée comme une demande de mesures provisionnelles au sens de l'art. 21 LPA.

5.             A teneur de l’art. 21 al. 1 LPA, les mesures provisionnelles à disposition de l’autorité administrative ont pour objet de régler transitoirement la situation en cause, jusqu’à ce que soit prise la décision finale (Pierre MOOR, op. cit. p. 305, n° 2.2.6.8). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, reprise par la chambre administrative de la Cour de justice et le tribunal, les mesures provisionnelles ne sont cependant légitimes que si elles s’avèrent nécessaires au maintien de l’état de fait ou à la sauvegarde des intérêts compromis. En revanche, de telles mesures ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper sur le jugement définitif, ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, ni non plus aboutir à rendre d’emblée illusoire le procès au fond (ATF 109 V 506 ; ATA/354/2014 du 14 mai 2014 consid. 5 et références citées ; Isabelle HAENER, Vorsorglichen Massnahmen, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, in Les mesures provisoires en procédure civile, administrative et pénale, 1987, p. 26).

6.             En l'espèce, indépendamment de la question de savoir si l'on se trouve dans le cadre d'une demande de reconsidération et si, par conséquent, l'art. 48 al. 2 LPA, qui prévoit que de telles demandes n'entraînent pas d'effet suspensif, doit ou non s'appliquer, force est de constater que le recourant persiste à séjourner illégalement en Suisse alors qu'il fait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse entrée en force depuis maintenant plus de quatre ans et qu'il n'a jamais exécutée. Non seulement il n'a pas donné suite à cette décision, mais il a encore accueilli en Suisse sa famille de manière illégale, après que le tribunal de céans eu confirmé le refus d'entrer en matière prononcé par l'OCPM le 15 juillet 2020.

7.             C'est par conséquent à juste titre que cette autorité a constaté qu'en tout état, les éléments dont s'est prévalu le recourant dans sa demande du 4 octobre 2022 découlent de la politique du fait accompli et que dans ces conditions, l'intérêt public à vouloir faire respecter les décisions entrées en force l'emporte sur les intérêts privés du recourant.

8.             Il convient encore de rappeler que la protection de la vie familiale garantie par l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ne s'applique pas dans le cas d'espèce, étant donné qu'aucun des membres de la famille ne dispose d'un droit de séjour en Suisse (cf. notamment arrêts du Tribunal fédéral 2C_22/2009 consid. 2.2.2 du 5 octobre 2009; 2C_758/2007 consid. 5.1 du 10 mars 2008; 2C_80/2007 consid. 2.2 du 25 juillet 2007; 2A.421/2006 consid. 1.2 du 13 février 2007; 2A.621/2006 consid 4.1 du 3 janvier 2007: ATF 135 I 143 consid. 1.3.1 p. 145 ss; 130 II 281 consid. 3.1 p. 261; 126 II 335 consid. 2a p. 339s.)

9.             Par conséquent, la demande de restitution d'effet suspensif, traitée en tant que demande de mesures provisionnelles, doit être rejetée.

10.         La suite de la procédure est réservée.

11.         Le sort des frais de l'instance sera tranché avec le fond du litige (art. 87 al. 1 LPA).

12.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision sera communiquée au secrétariat d'État aux migrations.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

statuant sur effet suspensif et mesures provisionnelles

1.             rejette la demande d'effet suspensif et de mesures provisionnelles au recours formée par Monsieur A______ ;

2.             réserve la suite et le sort des frais de la cause jusqu’à droit jugé au fond ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. b et 65 LPA, la présente décision est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné de la présente décision et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de cette décision est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière