Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/2610/2022

JTAPI/1402/2022 du 19.12.2022 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : ÉCHANGE DE PERMIS;PERMIS DE CONDUIRE;INTERDICTION DE CIRCULER
Normes : OAC.41.al3bis.leta; OAC.42.al4; OAC.45.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2610/2022 LCR

JTAPI/1402/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 19 décembre 2022

 

dans la cause

 

Madame A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             En date du 30 juin 2022, Madame A______, née le ______ 1998, a sollicité de l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) la délivrance d’un permis de conduire sur la base d’un permis de conduire étranger, soit un permis délivré en France le 9 mars 2018.

2.             Dans un courrier du 15 juillet 2022, suite à son passage dans leurs locaux, Mme A______ a indiqué à l'OCV que sa mère, résidant en France, était tombée gravement malade en 2017 et qu'elle avait dû faire le va-et-vient entre la France et la Suisse jusqu'en 2021 pour pouvoir l'emmener chez les docteurs et les hôpitaux ainsi que pour s'occuper d'elle car elle souffrait de tremblements, paralysies, etc. Sa grand-mère lui avait payé son permis durant cette période difficile, raison pour laquelle il était français. Etant suisse, et sa situation actuelle ayant changé car une solution avait été trouvée concernant sa mère, elle avait repris ses études à Genève et c'était important pour elle de faire son changement de permis, raison pour laquelle elle demandait à l'OCV de bien vouloir, à titre exceptionnel, changer son permis.

3.             Par courrier du 19 juillet 2022, l’OCV a demandé à Mme A______ des informations complémentaires s'agissant notamment de ses séjours et résidences en Suisse et à l'étranger, indiquant que si elle ne donnait pas suite à la requête, l'usage de son permis de conduire étranger lui serait interdit sur le territoire suisse pour une durée indéterminée avec effet immédiat.

4.             Par décision du 11 août 2022, l'OCV a refusé d’échanger le permis de conduire étranger de Mme A______ contre un permis de conduire suisse et lui a fait interdiction de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse pour une durée indéterminée en application notamment des art. 42 et 45 de l'ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51). Cette décision était exécutoire nonobstant recours. Si elle entendait conduire sur le territoire suisse, elle devait déposer une requête tendant à la délivrance d'un permis d'élève-conducteur avec les droits et obligations qui en découlaient.

Le 15 juillet 2022, Mme A______ avait déposé une demande tendant à l’obtention d’un permis de conduire suisse pour catégorie B en échange d’un permis de même catégorie délivré en France le 9 mars 2018. Il ressortait de son dossier qu’elle était en Suisse depuis le 1er octobre 2008 et y avait légalement conservé son domicile depuis cette date. Elle avait donc éludé les règles de compétence.

5.             Par acte du 18 août 2022, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et demandant l'échange de son permis de conduire français contre un permis de conduire suisse.

Sa maman était tombée gravement malade en 2017 et elle était restée à ses côtés en France pour l'accompagner dans les hôpitaux. Elle ne disposait de la sorte d'aucun autre moyen pour aider sa maman à se déplacer que de passer son permis de conduire que sa grand-mère avait dû payer en urgence car ils habitaient dans un tout petit village en campagne. Elle avait même dû arrêter ses études durant cette période qui lui avait été très difficile. Etant franco-suisse et de parents divorcés - sa mère habitant en France et son père à Genève -, elle ignorait qu'il fallait annoncer ses départs en France à l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) car elle n'avait pas définitivement quitté la Suisse.

En 2021, elle avait repris ses études sur Genève (Bellevue) et la privation sans délai de conduire en Suisse constituait pour elle une grave menace pour ses études et son avenir.

6.             Le 20 octobre 2022, l'OCV a produit son dossier et ses observations, concluant au rejet du recours.

Selon le fichier de l'OCPM, la recourante était domiciliée à Genève depuis le 1er octobre 2008. En obtenant son permis de conduire le 9 mars 2018 sur sol français, alors qu'elle était tenue de l'obtenir en Suisse, la recourante avait éludé les règles de compétence en matière d'obtention du permis de conduire, de sorte que le permis de conduire français ne pouvait être reconnu par l'autorité suisse. L'attestation sur l'honneur produite par la recourante ne saurait suffire à l'autorité pour procéder à l'échange du permis. Il était rappelé que l'échange d'un permis de conduire obtenu à l'étranger par des personnes ayant leur domicile légal en Suisse n'était accepté qu'à des conditions restrictives qui n'étaient ici pas remplies.

7.             Par réplique datée du 26 octobre 2022, la recourante a exposé qu'elle ne s'était en aucun cas permise d'éluder la loi et les règles de compétence en matière d'obtention de permis de conduire mais elle n'avait pas eu d'autre choix que de s'occuper de sa mère avec une santé précaire. Elle estimait avoir répondu à la situation adéquatement en fonction de ce moment particulier et douloureux.

8.             Dans sa duplique du 28 octobre 2022, l'OCV a indiqué ne pas avoir d'observations complémentaires à formuler.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Conformément à l'art. 22 al. de la 1 loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), les permis sont délivrés et retirés par l'autorité administrative. Cette compétence appartient au canton de domicile pour les permis de conduire.

4.             L'art. 42 al. 3bis let. a OAC dispose que les conducteurs de véhicules automobiles en provenance de l'étranger qui résident depuis plus de douze mois en Suisse sans avoir séjourné plus de trois mois consécutifs à l'étranger, sont tenus d'obtenir un permis de conduire suisse.

Selon l'art. 42 al. 4 de l'OAC ne peut pas être utilisé en Suisse le permis de conduire étranger que le conducteur a obtenu en éludant les dispositions de la présente ordonnance concernant l'obtention du permis de conduire suisse ou les règles de compétence valables dans son pays de domicile.

À teneur de l'art. 45 al. 1 OAC, l'usage d'un permis étranger peut être interdit en vertu des dispositions qui s'appliquent au retrait du permis de conduire suisse. En outre, l'usage du permis de conduire étranger doit être interdit pour une durée indéterminée si le titulaire a obtenu son permis à l'étranger en éludant les règles suisses ou étrangères de compétence.

5.             Élude les règles de compétence, au sens de l’art. 45 al. 1. 2ème phr. OAC, non seulement celui qui obtient un permis de conduire à l’étranger, alors qu’il aurait pu l’obtenir en Suisse, et qui veut utiliser en Suisse le permis obtenu à l’étranger ; il en va de même si, compte tenu de circonstances objectives, on peut compter avec la possibilité que le détenteur en question utilisera illicitement son permis en Suisse (ATF 129 II 175 consid. 2.5 = JdT 2003 I 478 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_135/2017 du 7 juin 2017 consid. 2.3.1).

6.             En l’espèce, la recourante réside légalement en Suisse depuis 2008 et n’a jamais quitté ce pays, ayant, selon ses dires, effectué des va-et-vient entre 2018 et 2021 entre la France et la Suisse pour s'occuper de sa mère gravement malade en France.

Eu égard à ces éléments, c'est en violation de la loi que la recourante a décidé de passer son permis de conduire en France alors qu'elle résidait officiellement en Suisse, même si sa volonté de s'occuper de sa mère malade en France est tout à fait louable.

Au vu de ce qui précède, l'autorité administrative n'a pas outrepassé son pouvoir d'appréciation ou violé la loi en refusant d’échanger le permis de conduire français de la recourante contre un permis de conduire suisse en considérant que cette dernière avait obtenu son permis de conduire français en éludant les règles de compétence.

7.             L'OCV avait dès lors également l'obligation, en vertu de l'art. 45 al. 1 OAC, de prononcer une interdiction de conduire pour une durée indéterminée à l'encontre de la recourante.

8.             En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 18 août 2022 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 11 août 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Michèle PERNET

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière