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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4126/2022

JTAPI/1338/2022 du 08.12.2022 ( LVD ) , REJETE

Descripteurs : MESURE D'ÉLOIGNEMENT(EN GÉNÉRAL)
Normes : LVD.11
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4126/2022 LVD

JTAPI/1338/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 8 décembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Anik PIZZI, avocate, avec élection de domicile

 

contre

Madame B______, représentée par Me Virginie MORO, avocate, avec élection de domicile

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Par décision du 5 décembre 2022, prise en application de l'art. 8 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 (LVD - F 1 30), le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement d'une durée de dix jours - à savoir du 5 décembre 2022 à 06h00 au 15 décembre 2022 à 06h00 - à l'encontre de Monsieur A______, lui interdisant de contacter ou de s'approcher de Madame B______ et de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse privée située à la rue du C______ 1______, 2______ Genève.

Cette décision, prononcée sous la menace de la sanction prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et indiquant notamment que M. A______ devait, dans un délai de trois jours ouvrables, prendre contact avec l'association VIRES, dont les coordonnées étaient mentionnées, afin de convenir d'un entretien socio-thérapeutique et juridique (cf. art. 10 LVD), était motivée comme suit :

« Description des dernières violences :

Durant la soirée du 4 au 5 décembre 20022, l'intéressé s'est fortement emporté et il a injurié et menacé de mort son épouse.

Description des violences précédentes :

Durant l'été 2020, l'intéressé a cassé un doigt à son épouse et il lui a tiré les cheveux.

M. A______ démontre par son comportement violent qu'il est nécessaire de prononcer à son encontre une mesure d'éloignement administratif, afin d'écarter tout danger et empêcher toute réitération de tels actes ».

2.             M. A______ a immédiatement déclaré s'opposer à cette mesure devant le commissaire de police, lequel a transmis cette opposition au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le jour même.

3.             Il résulte du rapport de renseignements établi par la police le 16 janvier 2022 qu'une brigade est intervenue le 5 décembre à la rue du C______, 1______, suite au signalement d'un conflit entre Mme B______ et M. A______.

4.             Il ressort du procès-verbal d'audition de M. A______ que le soir du 4 décembre 2022, il avait été réveillé à 23 heures par sa fille puis par son épouse, laquelle était entrée dans sa chambre pour le provoquer et l'insulter. À ce moment-là une dispute avait éclaté et il avait dit à sa femme qu'il en avait marre et qu'il souhaitait divorcer. Elle l'avait alors injurié de tous les noms, principalement en espagnol. Ensuite, elle avait quitté le logement avec leur fils D______, âgé de 21 ans, puis avait fait appel à la police. Il contestait avoir menacé sa femme. D______ s'était interposé entre lui et son épouse afin de calmer la situation. Son fils avait demandé à sa mère de se calmer à plusieurs reprises.

À la question : avez-vous injurié votre épouse, il a répondu qu'il était très en colère et qu'il avait insulté son frère.

Il comptait déposer plainte contre sa femme, pour injures, menaces et diffamation, laquelle l'avait injurié à plusieurs reprises en espagnol. Elle l'avait également menacé en lui disant qu'il devait mourir. Il lui avait dit à plusieurs reprises qu'il ne souhaitait pas qu'ils se disputent en présence de leur fille E______, âgée de 3 ans.

5.             Il ressort du procès-verbal d'audition de Mme B______ que dans la soirée du 4 décembre 2022, elle était allée parler à son mari à propos de leur voiture. Il avait alors commencé à s'énerver et à l'insulter de « connasse de merde ». C'était le fait que sa mère et son compagnon étaient venus manger à la maison le même jour à midi qui avait énervé son mari. Elle n'avait pas répondu à ses insultes car elle n'avait pas voulu que sa mère comprenne. Son mari était ensuite allé jouer à des jeux vidéo sur son ordinateur puis était revenu au salon alors que la famille s'y trouvait avec les enfants. Ils étaient restés un moment sans dispute. Lorsqu'elle avait voulu lui reparler, en pensant qu'il s'était calmé, la dispute avait à nouveau éclaté. À ce moment, il l'avait menacée en disant qu'il voulait la tuer. Elle avait réellement peur que son mari finisse par la tuer. Il avait ensuite essayé de la frapper mais son fils D______ s'était interposé entre eux et il l'en avait empêché. C'était à ce moment qu'elle avait décidé de faire appel à la police. Elle avait décidé de sortir avec son fils et ses parents pour attendre la police en bas de l'immeuble. Son mari n'avait pas voulu laisser sa fille sortir et il était resté avec elle dans l'appartement.

Son mari avait déjà été violent envers elle, la première fois en 2010. Il lui avait donné un coup de poing avec sa main droite au niveau de l'œil gauche. Il y avait eu d'autres épisodes de violences, notamment quand elle était enceinte de sa fille. En 2019, il lui avait tiré les cheveux. En 2020, il lui avait tordu le doigt majeur et l'avait cassé. La police était intervenue suite à ce dernier épisode et une procédure avait été ouverte. La situation s'était un peu calmée après car, pensait-elle, il avait eu peur. Mais désormais cela recommençait. Les deux enfants avaient été témoins. Elle souhaitait qu'une mesure d'éloignement soit prononcée et déposait plainte pénale.

Pour le surplus, elle contestait avoir menacé son mari ou l'avoir insulté

6.             Monsieur D______, né le 26 janvier 2001, a été entendu par la police le 5 décembre 2022 en qualité de personne appelée à donner des renseignements dans le cadre de violences conjugales entre ses parents.

Lorsqu'il était rentré à la maison, le soir en question, il avait tout de suite remarqué que l'ambiance était tendue entre ses parents. D'ailleurs, son père s'était isolé dans la chambre. Il avait demandé à sa mère ce qu'il s'était passé et elle lui avait répondu qu'ils s'étaient un peu pris la tête pour des histoires de famille. Plus tard, il était allé demander à son père comment il souhaitait faire avec la voiture, car ils devaient aller chercher de nouvelles plaques d'immatriculation. À peine avait-il adressé la parole que son père avait explosé. Il avait commencé à dire qu'il n'avait pas envie de discuter car de toute façon, ils étaient une famille de « merde ». Voyant qu'il était très énervé, il avait quitté la chambre et l'avait laissé seul. Quelques minutes plus tard, il avait entendu que sa mère et sa grand-mère parlaient de la situation et cela l'avait encore plus énervé. Il était devenu incontrôlable. Il avait menacé sa mère de mort en disant qu'il allait la tuer et qu'il devrait la frapper et il leur avait demandé de prendre leurs affaires et de quitter l'appartement. Lui-même avait eu peur de la suite car il (son père) était vraiment très énervé. Il avait alors dit à sa mère et à sa grand-mère qu'ils allaient partir afin d'éviter l'escalade et pour qu'il (son père) puisse se calmer. Alors qu'ils étaient en train de partir, sa mère, sa grand-mère, lui-même et sa petite sœur, son père leur avait dit qu'il allait déposer plainte contre eux pour le kidnapping de cette dernière. Il avait donc dit à sa maman de lui laisser la petite si c'était ce qu'il souhaitait. Afin d'éviter que la situation ne dégénère, sa mère avait accepté de laisser sa petite sœur et ils étaient sortis tous les trois ; puis, ils avaient fait appel à leurs services.

Il a encore ajouté que lors de la dispute sa mère avait pris le téléphone en disant à son père qu'elle allait appeler la police. Son père lui avait alors arraché le téléphone des mains et tenté de le casser contre la table et il s'était avancé vers sa mère pour la frapper. C'était à ce moment qu'il avait saisi son père et qu'il l'en avait empêché.

Jusqu'en 2020 des conflits de ce genre survenaient régulièrement, environ tous les trois ou quatre mois. En 2022, son père avait eu affaire à la police pour des faits de violences conjugales et depuis, la situation s'était améliorée. Depuis 2020, il lui semblait que c'était la deuxième fois que cela arrivait. Avant 2020, il y avait eu des violences physiques à plusieurs reprises.

Dans l'état où son père se trouvait ce soir, il pensait clairement que son père aurait pu faire du mal physiquement à sa mère.

Son père avait été violent par le passé à son égard. Il avait toujours été très strict et s'emportait très facilement. Il l'avait poussé une fois contre le mur en août 2021 et il l'avait également poussé une autre fois, il y avait un ou deux ans. Il ne lui avait jamais porté de coups. Concernant sa petite sœur, il n'avait jamais été en violent envers elle.

Lors de la dispute, sa mère avait également injurié son père ; il ne se souvenait plus exactement des mots qu'elle avait employés. Quant aux menaces, il ne se souvenait pas mais il ne lui semblait pas qu'elle avait menacé son père.

7.             Lors de l'audience du 7 décembre 2022 devant le tribunal, M. A______ a confirmé son opposition à la mesure d'éloignement. Il contestait les accusations portées contre lui, en particulier les menaces de mort. Il reconnaissait avoir insulté son épouse mais niait toute violence physique. Il admettait les violences passées jusqu'à 2020. Depuis, il avait en effet entamé et poursuivi un long travail sur lui. Il n'avait pas été violent physiquement depuis 2020.

Lors de l'altercation du 5 décembre 2022, son épouse l'avait elle aussi insulté.

Depuis fin octobre 2022, il travaillait à 10 % en raison des difficultés de l'entreprise qui l'employait. Il n'avait pas droit au chômage, ne remplissant pas la condition des douze mois de cotisation.

Son salaire avait été de CHF 5'000.- par mois, avec lequel il avait assumé toutes les charges de la famille, loyer, assurance-maladie, frais de crèche etc. Il avait accepté un tel salaire malgré le fait que le travail qu'il effectuait était normalement rémunéré à hauteur de CHF 180'000.- par an environ.

Il demandait la levée de la mesure pour pouvoir s'occuper de leur fille E______, dont il s'était toujours beaucoup occupé. C'était ainsi lui qui l'amenait à la crèche, chez le pédiatre ou qui s'était soucié de son développement en sollicitant l'aide du service de la Guidance infantile. Il considérait que son épouse s'occupait parfaitement bien de leur fille.

Pour le bien de leur enfant, il souhaitait désormais une séparation. Dès le prononcé de la mesure, il avait contacté l'institut Vires, lequel l'avait aiguillé auprès de l'établissement Pharos (soutien aux hommes victimes de violences conjugales), qui lui avait trouvé une chambre dans laquelle il logeait. Lors du prononcé de la mesure, le policier ne lui avait pas expliqué qu'il pouvait l'accompagner pour aller chercher ses effets personnels. Il s'était ainsi retrouvé sans un sou et sans habits pour se changer. Ce n'était que le lendemain, après que la police lui ait indiqué qu'il pouvait contacter son fils aîné, qu'il avait demandé à ce dernier de lui procurer quelques habits.

Il a précisé qu'il pourrait dormir pendant trois nuits au Cénacle, de sorte que dès le lendemain, il ne savait pas où aller dormir. Il n'avait pas de famille à Genève ni d'ami qui pourrait le loger. Il était conscient qu'il devait trouver un nouveau logement mais il ne savait pas où ni comment.

Il a indiqué au tribunal que son épouse était co-titulaire, avec sa marraine, du bail de leur appartement, elle était également titulaire du bail d'un appartement à l'avenue de la F______, occupé par sa fille aînée et son compagnon. Elle avait également un frère qui vivait avec sa compagne dans un appartement de quatre pièces.

Le conseil de M. A______ a expliqué qu'en définitive, son client ne s'opposait pas à la mesure en ce qu'elle l'empêchait de cohabiter avec son épouse. En revanche, comme il souhaitait pouvoir continuer à s'occuper de E______, il demandait à pouvoir se rendre au domicile familial, lorsque sa femme travaillait ou ne s'y trouvait pas.

Mme B______ a déclaré qu'elle confirmait ses déclarations devant la police. Son mari l'avait insultée et menacée de mort. En tous les cas, elle l'avait compris comme ça. Elle n'avait plus vécu de violences physiques depuis 2020. En revanche, elle ressentait une violence d'ordre psychologique. Elle ne pouvait pas dire au tribunal depuis quand. Parfois les relations allaient mieux, parfois moins bien. Elle contestait avoir insulté son mari. En revanche, il était vrai qu'elle essayait de lui poser des questions. En effet, elle était inquiète dès lors que M. A______ ne travaillait plus et que leur situation économique la préoccupait. Elle-même travaillait à 80% pour un salaire de CHF 4'000.- brut. Elle avait également participé largement à l'entretien du ménage et de la famille et notamment durant les années pendant lesquelles son mari n'avait pas travaillé. La situation professionnelle de son époux la préoccupait car elle n'était pas régulière. Par périodes, il ne travaillait pas et il ne comprenait pas qu'elle lui pose des questions à ce sujet.

Il était exact que son époux s'occupait très bien de E______ et elle n'était pas opposée à ce qu'il continue de la voir. Elle travaillait comme assistante en soins auprès de l'G______. Ses horaires étaient irréguliers et elle devait parfois travailler le weekend. Compte tenu de la mesure prononcée, elle avait pu s'organiser pour accompagner E______ chez le logopédiste à son rendez-vous du lundi 5 décembre. Pour sa part, elle souhaitait désormais divorcer. Elle envisageait, elle aussi, de changer d'appartement car avec son salaire elle ne pourrait pas assumer le loyer de CHF 3'000.- par mois. Elle avait entamé des démarches pour retrouver un appartement moins cher mais il lui faudrait un peu de temps pour s'organiser compte tenu de son travail d'une part, et des besoins de ses enfants, d'autre part. Elle rappelait que leur fils D______ était à l'Université. Contrairement à ce que prétendait son mari, il ne lui serait pas possible d'aller habiter chez sa fille ou son frère avec ses deux enfants. Elle rappelait que son mari n'avait pas de salaire et qu'il ne serait dès lors pas en mesure de payer le loyer de leur appartement actuel.

Pour elle, la reprise de la vie commune était inimaginable. Elle était épuisée par cette situation. Elle craignait de nouvelles violences de la part de son époux. Elle ne comprenait pas sa réaction aujourd'hui où seul son logement le préoccupait. Il semblait souhaiter qu'elle quitte l'appartement tout en continuant à en assumer le loyer, ce qui n'était pas pensable pour elle. Elle avait l'impression que son mari n'avait pas pris conscience de ses actes et de ce qu'elle avait subi et continuait à subir.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des oppositions aux mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 1 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer dans les quatre jours suivant réception de l'opposition, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

2.             Déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, l'opposition est recevable au sens de l'art. 11 al. 1 LVD.

3.             La victime présumée doit se voir reconnaître la qualité de partie, dès lors qu'en tant que personne directement touchée par la mesure d'éloignement (art. 11 al. 2 LVD et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 - CEDH - RS 0.101), elle répond à la définition de partie au sens de l'art. 7 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

4.             La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).

Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).

Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).

Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.

Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de

a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;

b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.

La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de trente jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).

Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.

5.             En l'espèce, même si les déclarations des époux sont contradictoires sur certains aspects, il ressort néanmoins clairement de ces dernières, que la situation au sein du couple est conflictuelle et tendue, et ce depuis de nombreuses années. M. A______ a d'ailleurs admis des violences physiques à plusieurs reprises sur sa femme par le passé jusqu'en 2020. S'il conteste les menaces de mort lors de dispute du 4 décembre 2022, il a reconnu l'avoir insultée. En outre, il ne souhaite pas reprendre la vie commune et entend désormais entamer une procédure de séparation. Mme B______ a également reconnu avoir proféré des insultes à l'encontre de son mari. De tels comportements correspondent sans conteste à la notion de violence domestique, au sens défini plus haut, et les allégations à leur sujet de Mme B______ apparaissent crédibles. Elles sont d’ailleurs corroborées par les déclarations de leur fils à la police. La peur qu'elle dit ressentir à l’idée de se retrouver sous le même toit que son époux était palpable lors de l'audience et elle a clairement exprimé ne plus souhaiter reprendre la vie commune. Elle a du reste contacté un avocat afin d’engager des démarches dans ce sens sur le plan civil.

Par conséquent, étant rappelé que les mesures d'éloignement n'impliquent pas un degré de preuve, mais une présomption suffisante des violences et de la personne de leur auteur, le tribunal ne pourra en l'espèce que confirmer la mesure d'éloignement prononcée par le commissaire de police à l'égard de M. A______. En effet, il apparaît, compte tenu des circonstances, que le retour de ce dernier au domicile familial est pour le moment contre-indiqué.

Si la décision litigieuse, qui apparaît utile, nécessaire et opportune, comporte à l'évidence des désagréments pour M. A______, en particulier le fait qu'il ait dû inopinément quitter le domicile conjugal et soit contraint de trouver une solution d'hébergement dans l'urgence, l'atteinte à sa liberté personnelle en résultant demeure acceptable, étant observé qu'aucune autre mesure moins incisive ne serait envisageable pour atteindre le but fixé par la LVD (cf. ATA/619/2020 du 23 juin 2020 consid. 9 ; ATA/527/2020 du 26 mai 2020 consid. 10).

Enfin, la durée de la mesure ayant été arrêtée à dix jours, soit la période minimale prévue par l'art. 8 al. 3 LVD, cette dernière respecte, sous cet angle également, le principe de la proportionnalité.

S'agissant des enfants du couple, il est pris note que Mme B______ n'a pas d'objection sur le principe que son mari entretienne des relations personnelles avec E______, hors du domicile conjugal, étant rappelé que D______ est quant à lui majeur. Il appartiendra donc aux intéressés, par l'intermédiaire de leurs avocats ou avec l'aide de tiers, de convenir des modalités d'éventuels contacts et/ou visites, lesquelles échappent à la compétence et au pouvoir d'intervention du tribunal.

6.             Compte tenu de ce qui précède, l'opposition sera rejetée et la mesure d'éloignement confirmée dans son principe et sa durée.

7.             Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).

8.             Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 11 al. 1 LVD ; rapport rendu le 1er juin 2010 par la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 17).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable l'opposition formée le 5 décembre 2022 par Monsieur A______ contre la mesure d’éloignement prise à son encontre par le commissaire de police le 5 décembre 2022 pour une durée de dix jours ;

2.             la rejette;

3.             dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

5.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties. Une copie du jugement est transmise pour information au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant.

Genève,

 

La greffière