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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1043/2022

JTAPI/1106/2022 du 20.10.2022 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : REGROUPEMENT FAMILIAL;CHOSE JUGÉE;MAJORITÉ(ÂGE);RESPECT DE LA VIE FAMILIALE
Normes : LEI.44.al1; LEI.47.al1; OASA.73; LEI.47.al4; CEDH.8
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1043/2022 OCPM

JTAPI/1106/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 octobre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, Madame B______ et Madame C______, représentés par Me Gazmend ELMAZI, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______1976, est ressortissant du Kosovo.

2.             Il est marié et père de trois enfants, dont Madame B______, née le ______ 1997, et Madame C______, née le ______ 2000.

3.             Par requête du 26 juillet 2013 adressée à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), M. A______ a sollicité une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

4.             Entendu le 8 mai 2014 par l’OCPM, il a notamment indiqué qu’il avait son épouse, ses trois enfants, ses parents, deux sœurs et un frère au Kosovo.

5.             Par décision du 26 novembre 2014, confirmée le 5 juin 2015 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) (JTAPI/______), puis le 19 janvier 2016 par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) (ATA/______), l’OCPM a refusé de délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur en faveur de M. A______ et a prononcé son renvoi de Suisse.

6.             Le 7 mars 2017, M. A______, sous la plume de son conseil, a sollicité à nouveau la régularisation de ses conditions de séjour.

7.             Le 16 septembre 2019, suite au préavis favorable de l’OCPM, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a donné son approbation à l’octroi de l’autorisation de séjour requise.

8.             Le 15 juin 2020, M. A______ a obtenu une autorisation de séjour dans le cadre de l’opération « Papyrus ».

9.             Le 3 novembre 2020, Mme B______ a déposé une demande pour un visa de long séjour, au titre de regroupement familial, auprès de la représentation suisse de son lieu de domicile, précisant qu’elle était orthophoniste et sans emploi.

10.         Mme C______ en a fait de même le 3 ou le 5 novembre 2020 (tampon illisible), précisant qu’elle était étudiante.

11.         Par courrier du 16 novembre 2020 adressé à l’OCPM, M. A______, sous la plume de son conseil, a sollicité le regroupement familial en faveur de son épouse, de ses deux filles et de son fils.

12.         Par courrier du 15 avril 2021 l’OCPM a notamment sollicité des renseignements complémentaires. Il souhaitait savoir si la famille se trouvait toujours au Kosovo et les raisons qui avaient motivé la demande de regroupement familial en faveur des filles de l’intéressé, dès lors qu’elles étaient déjà majeures.

13.         Par courrier du 29 juin 2021, M. A______, sous la plume de son conseil, a répondu que la famille se trouvait toujours au Kosovo. Par ailleurs, cela faisait plusieurs années qu’il avait sollicité la régularisation de ses conditions de séjour et ses filles étaient alors mineures. Il avait clairement indiqué l’existence de ses enfants et le fait qu’ils le rejoindraient en Suisse. Or, si l’OCPM avait examiné sa demande dans des délais plus raisonnables, tous ses enfants auraient pu le rejoindre en Suisse avant d’atteindre leur majorité.

14.         Par courrier du 10 janvier 2022, l’OCPM a fait part à M. A______ de son intention de ne pas entrer en matière sur la demande d’autorisation d’entrée et de séjour déposée en faveur de ses filles et d’octroyer les autorisations requises en faveur de son épouse et de son fils car celui-ci était mineur au moment du dépôt de la demande.

La première demande déposée par M. A______ avait été traitée de manière tout à fait conforme au droit. Elle avait fait l’objet d’une décision de refus qui était entrée en force et ce n’était qu’en date du 15 juin 2020, dans le cadre de l’opération « Papyrus », qu’il avait finalement pu obtenir une autorisation de séjour, suite à l’approbation du SEM. Avant cette date, M. A______ ne pouvait pas solliciter le regroupement familial en faveur de son épouse et de ses enfants car il était démuni de titre de séjour et il n’avait pas non plus reçu la confirmation qu’il en obtiendrait un.

Par ailleurs, dans la mesure où ses filles étaient âgées de plus 18 ans, non seulement au moment du dépôt de leurs demandes en novembre 2020, mais également lorsque leur père avait obtenu son autorisation de séjour, le 15 juin 2020, soit la date à partir de laquelle il pouvait invoquer l’art. 44 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), le regroupement familial en faveur des intéressées n’était pas possible. Un délai de trente jour était accordé à M. A______ pour exercer son droit d’être entendu.

15.         M. A______ s’est déterminé le 10 février 2022, sous la plume de son conseil.

Il maintenait la demande déposée en faveur de ses filles. Elles étaient certes déjà majeures lorsqu’il avait sollicité le regroupement familial en leur faveur. Cela étant, il avait sollicité la régularisation de ses conditions de séjour le 7 mars 2017 et si l’OCPM avait examiné sa demande dans des délais raisonnables, elles auraient pu le rejoindre en Suisse avant d’atteindre leur majorité. De plus, elles avaient toujours vécu avec leur mère. Or, cette dernière comptait s’installer en Suisse la semaine suivante, si bien qu’elles se retrouveraient seules au Kosovo.

16.         Par décision du 28 février 2022, l’OCPM a refusé de faire droit à la demande d’entrée et de séjour déposée en faveur des filles de M. A______.

Il a repris les arguments avancés dans sa lettre d’intention du 10 janvier 2022, ajoutant qu’elles ne pouvaient pas se prévaloir de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Elles étaient majeures et n’avaient pas démontré se trouver dans une situation de dépendance, allant au-delà d'un sentiment d'attachement ordinaire, vis-à-vis de leur mère qui avait obtenu une autorisation d’entrée en Suisse. Elles n’étaient pas handicapées ni ne souffraient d’une maladie grave nécessitant la présence permanente de leur mère à leurs côtés. Le Tribunal fédéral avait d’ailleurs retenu, dans le cas d’un jeune adulte ayant toujours vécu aux côtés de sa mère qui l’avait élevé seule, qu’un tel lien était certes de nature à accroître le sentiment d'attachement et à rendre la séparation plus difficile, mais qu’il ne suffisait pas à créer une relation de dépendance, telle qu’exigée par la jurisprudence. Enfin, il appartenait à la famille de s'organiser pour sauvegarder les éventuels intérêts de ses membres qui ne pouvaient pas bénéficier du regroupement familial. Il revenait ainsi aux époux ______ de trouver d’éventuelles solutions pour leurs filles, afin qu'elles soient en mesure de rester seules au Kosovo, au besoin avec d'autres membres de la famille élargie.

17.         Par acte du 30 mars 2022, M. A______ (ci-après : le recourant), ainsi que Mme B______ (ci-après : la recourante 1) et Mme C______ (ci-après : la recourante 2), ont recouru contre cette décision auprès du tribunal, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à l’octroi des autorisations de séjour requises.

Après avoir rappelé l’historique du dossier, ils ont reproché à l’OCPM d’avoir rejeté la demande d’autorisation de séjour déposée par le recourant le 26 juillet 2013, alors qu’il remplissait tous les critères de régularisation de son statut de séjour. L’autorité intimée avait ainsi violé le principe de célérité. Si elle avait fait preuve de bonne foi, le recourant aurait obtenu un titre de séjour en 2014. Il aurait alors pu demander et obtenir le regroupement familial en application de l’art. 44 LEI en faveur de ses filles.

Cela étant, l’autorité intimé avait également violé l’art. 47 al. 4 LEI. Cette disposition autorisait le regroupement familial différé pour des raisons familiales majeures qui devaient, selon la jurisprudence, être interprétées conformément au droit au respect de la vie familiale garanti par l’art. 8 CEDH. Or, tous les autres membres de la famille des recourantes vivaient désormais à Genève et elles étaient très proches de leur mère et de leur frère. Elles se retrouvaient désormais seules au Kosovo, ce qui les « préoccupait » beaucoup. Elles souffraient d’anxiété et étaient livrées à elles-mêmes. Le recourant et son épouse devaient se rendre régulièrement au Kosovo pour soutenir leurs filles et cette situation était compliquée pour toute la famille. Seul le regroupement familial pouvait garantir le bien des recourantes.

18.         Dans ses observations du 1er juin 2022, l’OCPM a conclu au rejet du recours. Les recourantes étaient toutes les deux déjà majeures lorsque leur père avait sollicité le regroupement familial, si bien que les art. 44 et 47 LEI n’étaient pas applicables. Sous l’angle de l’art. 8 CEDH, elles ne se trouvaient pas dans un rapport de dépendance, tel que défini par la jurisprudence, vis-à-vis des membres de leur famille qui se trouvaient à Genève. Les conditions restrictives du cas de rigueur n’étaient pas non plus réalisées. Âgées de 21 ans et de 24 ans, les recourantes avaient passé toute leur enfance, leur adolescence et le début de leur vie d’adulte dans leur pays d’origine et elles étaient en mesure de vivre de manière autonome.

19.         Par courrier du 1er juillet 2022, les recourants, sous la plume de leur conseil, ont persisté dans leurs conclusions.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’OCPM relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Les recourants reprochent à l’OCPM de ne pas avoir fait droit à la demande d’autorisation de séjour déposée par le recourant le 26 juillet 2013, alors qu’il en remplissait toutes les conditions, et d’avoir ainsi violé le principe de la célérité et celui de la bonne foi.

4.             L'autorité de la chose jugée (ou force de chose jugée au sens matériel [materielle Rechtskraft]) interdit de remettre en cause, dans une nouvelle procédure, entre les mêmes parties, une prétention identique qui a été définitivement jugée (ATF 142 III 210 consid. 2.1).

Le réexamen approfondi d'une affaire qui a dû être effectué sur recours ou par la juridiction saisie d'une action justifie de reconnaître une plus grande portée à l'autorité de chose jugée : les points tranchés sur recours ou par une juridiction ne pourront être revus, en ce qui concerne les mêmes parties, les mêmes faits et les mêmes motifs, que si des motifs de révision (art. 80 LPA) sont présents (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 867 à 869).

5.             En l’espèce, par décision du 26 novembre 2014, l’OCPM a refusé de faire droit à la demande d’autorisation de séjour sollicitée le 26 juillet 2013 par le recourant, au motif qu’il ne remplissait alors pas les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Cette décision a acquis force de chose jugée, après avoir été confirmée par le tribunal de céans (JTAPI/______), puis par la chambre administrative (ATA/______). Dans ces circonstances, l'argumentation des recourants consistant, dans la présente procédure, à remettre en question la décision exécutoire du 26 novembre 2014 sans se fonder sur aucun motif valable frise la témérité.

Par conséquent, le tribunal n’entrera pas en matière sur les griefs des recourants en lien avec la décision de l’OCPM du 26 novembre 2014 qui est entrée en force.

6.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas en l'espèce.

Selon l'art. 44 al. 1 LEI, le conjoint étranger du titulaire d'une autorisation de séjour ainsi que ses enfants étrangers de moins de 18 ans peuvent obtenir une autorisation de séjour et la prolongation de celle-ci aux conditions cumulatives (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3721/2017 du 29 octobre 2018 consid. 5.2) suivantes : ils vivent en ménage commun avec lui (let. a) ; ils disposent d'un logement approprié (let. b) ; ils ne dépendent pas de l'aide sociale (let. c) ; ils sont aptes à communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile (let. d) ; la personne à l'origine de la demande de regroupement familial ne perçoit pas de prestations complémentaires annuelles au sens de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30) ni ne pourrait en percevoir grâce au regroupement familial (let. e).

Le moment déterminant du point de vue de l'âge comme condition du droit au regroupement familial en faveur d'un enfant est celui du dépôt de la demande (ATF 136 II 497 consid. 3.7; arrêt du Tribunal fédéral 2C_155/2019 du 14 mars 2019 consid. 3.1 in fine). Le droit au regroupement familial doit ainsi être reconnu lorsque l'enfant n'a pas atteint l'âge limite au moment du dépôt de la demande, même s'il atteint cet âge au cours de la procédure (ATF 136 II 497 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 2C_909/2015 du 1er avril 2016 consid. 3.4).

L’art. 44 LEI, par sa formulation potestative, ne confère pas un droit au regroupement familial (ATF 137 I 284 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_548/2019 du 13 juin 2019 consid. 4), l'octroi d'une autorisation de séjour étant laissé à l'appréciation de l'autorité (ATF 139 I 330 consid. 1.2 ; 137 I 284 consid. 1.2).

L'art. 47 al. 1, 1ère phr. LEI et l'art. 73 al. 1, 1ère phr. OASA posent le principe selon lequel le regroupement familial doit être demandé dans les cinq ans. Pour les enfants de plus de 12 ans, le regroupement familial doit intervenir dans un délai de douze mois (art. 47 al. 1, 2ème phr. LEI et art. 73 al. 1, 2ème phr. OASA). S'agissant de membres de la famille d'étrangers, le délai commence à courir lors de l'octroi de l'autorisation de séjour ou d'établissement ou lors de l'établissement du lien familial (art. 47 al. 3 let. b LEI et art. 73 al. 2 OASA).

Passé ce délai, le regroupement familial différé n'est autorisé que pour des raisons familiales majeures (art. 47 al. 4 LEI et art. 73 al. 3 OASA).

Les délais fixés par la loi sur les étrangers ne sont pas de simples prescriptions d'ordre mais des délais impératifs. Leur stricte application ne relève dès lors pas d'un formalisme excessif (arrêts du Tribunal fédéral 2C_289/2019 du 28 mars 2019 consid. 5).

L’art. 44 LEI pose les conditions de base qui doivent impérativement être remplies pour qu'une autorisation de séjour puisse être accordée dans ce cadre. L'examen du respect des autres conditions, en particulier de celles qui figurent à l'art. 47 LEI (plus précisément à l'art. 73 OASA pour ce qui est du regroupement familial invoqué en relation avec l'art. 44 LEI), n'intervient qu'une fois que les conditions de base sont réalisées (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-5031/2019 du 22 juin 2020 consid. 7.2 et la référence citée).

7.             En l'espèce, il importe de souligner tout d'abord que les recourants se plaignent en vain d'une violation des conditions posées par les art. 47 al. 4 LEI et art. 73 al. 3 OASA en matière de regroupement familial pour raisons majeures. En effet, comme leur lettre l'indique, ces dispositions ne sont applicables que lorsque la demande de regroupement familial a été déposée hors des délais prévus par l'art. 47 al. 1 et 3 LEI. En revanche, les dispositions légales sur le regroupement familial pour raisons majeures n'ont pas vocation à s'appliquer dans le cas où la demande de regroupement familial est déposée à temps, mais que les enfants concernés, déjà majeurs, ne remplissent pas la condition de base de l'art. 44 al. 1 LEI. Dans le cas d'espèce, les recourantes 1 et 2 sont devenues majeures, respectivement le 25 septembre 2015 et le 9 septembre 2018. Il apparaît ainsi qu’elles avaient déjà atteint leur majorité, le 16 novembre 2020, date à laquelle leur père, dans le délai prévu par l'art. 47 al. 1 LEI, a sollicité le regroupement familial en leur faveur. Elles étaient d’ailleurs déjà majeures lorsqu’il a obtenu son autorisation de séjour, le 15 juin 2020.

Force est ainsi de constater que la limite d'âge fixée par l'art. 44 al. 1 LEI était atteinte au moment déterminant, si bien que les recourants ne peuvent pas se prévaloir de cette disposition. Dans cette mesure, conformément à la jurisprudence précitée et aux développements qui viennent d'être faits, ils ne peuvent pas non plus se prévaloir de l’art. 47 al. 4 LEI.

8.             Sous l’angle du droit au respect de la vie familiale, d'après une jurisprudence constante, les relations visées par l'art. 8 CEDH sont avant tout celles qui concernent la famille dite nucléaire, soit celles qui existent entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (cf. ATF 144 II 1 consid. 6.1 p. 12). Un étranger ne peut exceptionnellement se prévaloir de cette disposition que s'il se trouve dans un état de dépendance particulier par rapport à un proche parent hors famille nucléaire (par exemple un enfant majeur) qui est au bénéfice d'un droit de présence assuré en Suisse, notamment en raison d'un handicap - physique ou mental - ou d'une maladie grave dont il souffrirait (ATF 144 II 1 consid. 6.1; 140 I 77 consid. 5.2). La simple dépendance financière n'entre pas dans les hypothèses citées par la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 2022 consid. 3.2.1 et les références citées). Il en va de même des difficultés économiques ou d'autres problèmes d'organisation qui ne rendent en principe pas irremplaçable l'assistance de proches parents et ne fondent donc pas un droit à se prévaloir de l'art. 8 CEDH pour obtenir le droit de séjourner en Suisse (cf. arrêts 2C_155/2019 du 14 mars 2020 consid. 7.5 ; 2D_10/2018 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; 2C_817/2010 du 24 mars 2011 et les références citées).

L’art. 8 CEDH peut ainsi conférer un droit de séjourner en Suisse aux enfants étrangers mineurs dont les parents bénéficient d'un droit de présence assuré en Suisse, voire aux enfants majeurs qui se trouveraient dans un état de dépendance particulier par rapport à ces derniers, en raison par exemple d'un handicap ou d'une maladie grave (ATF 140 I 77 consid. 5.2 p. 80 s.; 137 I 113 consid. 6.1 p. 118). Dans les situations qui précèdent, contrairement à ce qui prévaut s'agissant des demandes de regroupement familial fondées sur la LEI, le Tribunal fédéral se fonde dans la règle sur l'âge atteint par l'enfant au moment où il statue pour savoir s'il existe un droit potentiel à une autorisation de séjour déduit de l'art. 8 CEDH (ATF 145 I 227 consid. 3.1 et 6.7 p. 231 et 238 et références citées). Dans sa jurisprudence, la Cour de céans a néanmoins relevé qu'il était envisageable de déroger à la pratique qui précède dans certaines situations exceptionnelles. Il n'est ainsi pas exclu qu'un enfant devenu majeur en cours de procédure puisse se prévaloir devant le Tribunal fédéral d'un droit potentiel au regroupement familial au sens de l'art. 8 CEDH dans l'hypothèse où la procédure de traitement de la demande d'autorisation de séjour déposée à ce titre se serait avérée exagérément longue ou lorsque l'enfant serait devenu majeur juste après le dépôt de son recours (cf. arrêt ATF 145 I 227 consid. 6.8 p. 238 et références citées). Cette réserve prend en compte la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : la CourEDH) selon laquelle le processus décisionnel relatif aux demandes de regroupement familial doit présenter des garanties de souplesse, de célérité et d'effectivité afin de faire respecter le droit au respect de la vie familiale garanti par la CEDH (voir notamment arrêt de la CourEDH Tanda-Muzinga contre France du 10 juillet 2014, no 2260/10, § 75-82). Il serait paradoxal qu'un étranger se voie privé de la possibilité d'invoquer le bénéfice de l'art. 8 CEDH devant le Tribunal fédéral, alors même qu'il serait patent que les autorités précédentes ont violé les obligations procédurales découlant de cette disposition, ce dont l'intéressé pourrait se plaindre devant la CourEDH (arrêt du Tribunal fédéral 2C_325/2019 du 3 février 2020 consid. 2.2.4).

9.             En l’espèce, les recourantes 1 et 2 sont désormais respectivement âgées de 25 et 22 ans. Elles sont ainsi majeures depuis plusieurs années. Or, on peut généralement présumer qu'à partir de dix-huit ans, un jeune adulte est en mesure de vivre de manière indépendante, sauf circonstances particulières, non réalisées en l'espèce (cf. ATF 137 I 154 consid. 3.4.2; arrêt 2C_546/2013 du 5 décembre 2013 consid. 4.1). En effet, il n’a pas été démontré ni même allégué que les recourantes souffriraient d'un handicap physique ou mental, ou d'une maladie grave qui - en sus - nécessiterait une attention et des soins que seule leur mère serait en mesure de leur prodiguer.

Par ailleurs, ayant toujours vécu avec leur mère, s’il est certes compréhensible qu’elles soient affectées par le départ de cette dernière et de leur frère cadet, il n’en demeure pas moins que leur situation ne satisfait manifestement pas aux critères restrictifs de dépendance requis par la jurisprudence pour pouvoir déduire, dans une situation de regroupement hors famille nucléaire, un droit à séjourner en Suisse de l'art. 8 CEDH. Les recourants ne peuvent pas non plus se prévaloir à cet égard de problèmes d’ordre organisationnel.

Au demeurant, les recourantes ne se retrouveront pas seules car elles pourront, à tout le moins, compter l’une sur l’autre et, très probablement aussi, sur d’autres membres de leur famille. C’est le lieu de rappeler qu’en date du 8 mai 2014, le recourant avait indiqué qu’il avait ses parents, deux sœurs et un frère au Kosovo. Quoi qu’il en soit, les recourantes pourront maintenir des contacts avec leur famille en Suisse par le biais des moyens de communication actuels et de visites réciproques. Le recourant a d’ailleurs indiqué qu’il se rendait régulièrement au Kosovo avec son épouse pour soutenir leurs filles. En outre, selon les indications fournies en novembre 2020, la recourante 1 était orthophoniste, sans emploi, et la recourante 2 était alors étudiante. Aucun élément n’indique qu’elle ne serait pas en mesure de trouver un emploi à court ou moyen terme, leur permettant de s’assumer financièrement, au besoin avec le soutien du recourant.

10.         Au vu de ce qui précède, l'OCPM n'a violé ni le droit conventionnel, ni le droit fédéral, ni encore excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation (cf. art. 96 LEI) en refusant de délivrer les autorisations de séjour requises en faveur des recourantes.

11.         Intégralement infondé, le recours sera donc rejeté.

12.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, qui succombent, sont condamnés, pris solidairement, au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 600.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 500.- versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

13.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 30 mars 2022 par Monsieur A______, Madame B______ et Madame C______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 28 février 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 600.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière