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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2590/2021

JTAPI/1072/2022 du 13.10.2022 ( DOMPU ) , SANS OBJET

Descripteurs : CODE DE PROCÉDURE ADMINISTRATIVE;DÉPENS;PROCÈS DEVENU SANS OBJET
Normes : LPA.67.al2; LPA.87.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2590/2021 DOMPU

JTAPI/1072/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 13 octobre 2022

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Tatiana GURBANOV, avocate, avec élection de domicile

 

contre

VILLE DE B______

 


 

EN FAIT

1.             A______ SA (ci-après : la SA) est une régie qui assure la gestion de nombreux immeubles locatifs dans le canton de Genève.

2.             Le 30 novembre 2020, la Ville de B______ (ci-après : la Ville), soit pour elle son service de l'espace public, lui a adressé une amende de CHF 400.- pour des déchets déposés en dehors des jours de collecte et des horaires autorisés, à l'adresse 1______, Rue C______, 2______ B______.

3.             Pour les mêmes motifs, elle lui a également adressé une amende de CHF 400.- le 4 février 2021 s'agissant de l'adresse 3______, Rue D______, ainsi qu'une amende de CHF 800.- le 25 février 2021 s'agissant de l'adresse 4______, Rue E______.

4.             Le 16 juin 2021, la Ville lui a derechef adressé, toujours pour les mêmes motifs, une amende n° 5______ de CHF 1'600.-, s'agissant cette fois de l'adresse 6______, chemin de F______.

5.             Par courriel du 14 juillet 2021, le département gérance de la SA s'est adressé à la Ville en indiquant que la dernière amende susmentionnée semblait comporter une erreur de destinataire et de montant, puisqu'elle était adressée à la SA sans mentionner le propriétaire du fonds. Eu égard au montant de l'amende, le propriétaire n'avait aucun souvenir d'avoir déjà été sanctionné pour les motifs en cause.

6.             Par courriel du 24 juillet 2021, la Ville a répondu en substance que l'infraction en cause n'était pas imputable au propriétaire de l'immeuble, mais à la régie qui gérait le service de conciergerie. Par conséquent, l'amende était maintenue, étant relevé qu'elle était entrée en force faute de recours déposé à temps.

7.             Suite à un courriel de la SA du 26 juillet 2021, duquel la Ville était en copie, indiquant notamment que la concierge de l'immeuble était l'employée direct du propriétaire et non de la SA, la Ville a requis, par courriel du 3 août 2021, la copie du contrat de travail de la concierge.

8.             Ce contrat a été transmis à la Ville par la SA par courriel du même jour.

9.             Par courriel du 4 août 2021 adressé par la SA à son conseil, celle-ci a informé ce dernier que la Ville venait de lui confirmer téléphoniquement que l'amende de CHF 1'600.- adressée à tort à la SA allait être annulée et serait remplacée par une amende de CHF 200.- mise à la charge du propriétaire. Cela étant, le recours « ayant déjà été notifié par vos soins » et des zones grises restant toujours ouvertes au sujet de la pratique de la Ville considérant qu'il appartenait à chaque régie de s'assurer que chaque concierge respectait les consignes [en matière de déchets], il n'y avait pas d'autre choix que de maintenir le recours. Cela permettrait de valider ou non cette nouvelle pratique.

10.         Par acte du 4 août 2021 adressé au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), la SA a recouru contre les amendes susmentionnées des 30 novembre 2020, 4 et 25 février 2021, ainsi que contre l'amende n° 5______ du 16 juin 2021 (qu'elle avait reçue le lendemain), concluant à ce que le tribunal constate leur nullité, subsidiairement que le tribunal admettre le recours et annule l'amende n° 5______ du 16 juin 2021, et très subsidiairement à ce que le tribunal constate la nullité des quatre amendes et renvoie le dossier à la Ville pour instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants. En tout état, la SA a conclu également à ce qu'une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours lui soit octroyée et à ce que les frais et émoluments de la procédure soient mis à la charge de la Ville.

Elle relevait en substance que les dispositions légales réprimant les infractions qui lui avaient été reprochées visaient, selon la lettre de la loi, le contrevenant et qu'il incombait au propriétaire de déposer des conteneurs sur la voie publique selon certains horaires. Par conséquent, en amendant la gérance de l'immeuble qui n'avait aucun droit à l'égard des services de conciergerie, la Ville avait gravement excédé son pouvoir d'appréciation.

11.         Par courrier du 13 août 2021, la Ville a adressé au tribunal copie d'une lettre du même jour qu'elle avait envoyée à la SA et dont il découle, en substance, que dans la mesure où cette dernière avait démontré qu'elle n'était pas l'employeur de la concierge de l'immeuble situé à l'adresse 6______, chemin F______, l'amende n° 5______ était annulée. A sa place, une nouvelle amende serait notifiée au propriétaire.

Il apparaissait ainsi que le recours pendant devant le tribunal était devenu sans objet.

12.         Par courrier du 3 septembre 2021, sous la plume de son conseil, la SA, faisant état de discussions transactionnelles avec la Ville, a sollicité une suspension de procédure.

13.         Par décision du 7 septembre 2021 (DITAI/7______) le tribunal a prononcé la suspension de l'instruction du recours d'accord entre les parties.

14.         Par courrier du 13 septembre 2022 adressé à la SA, le tribunal l'a invitée à s'acquitter d'une avance de frais en précisant qu'un éventuel retrait du recours avant l'échéance du délai de paiement impliquerait qu'en principe, aucun émolument ne serait mis à sa charge.

15.         Par courrier du 26 septembre 2022, la SA a informé le tribunal qu'elle retirait son recours. Elle prenait note du fait qu'aucun émolument ne serait mis à sa charge. Cela étant, elle considérait qu'elle avait droit à une indemnité de procédure à la charge de la Ville. En effet, celle-ci avait refusé de reconsidérer sa décision, arguant à tort que celle-ci était entrée en force. Face à ce refus, la SA n'avait eu d'autre choix que de recourir. Ce n'était qu'après le dépôt de ce recours que la Ville avait daigné renoncer à l'amende litigieuse, décision qu'elle prétendait fonder sur des éléments factuels qui lui étaient inconnus jusqu'alors. Pourtant, en omettant d'un sur le dossier avant de rendre sa décision, l'autorité intimée avait violé la maxime inquisitoire, de sorte qu'elle était responsable de sa méconnaissance de la situation de fait. Ainsi, seule la saisine du tribunal avait permis l'annulation de l'amende indûment prononcée. Au besoin, il était rappelé qu'avant le dépôt du recours, tous les éléments factuels avaient été communiqués à la Ville, qui aurait donc dû revoir sa décision à cette occasion.

16.         Par écritures du 7 octobre 2022, la Ville a conclu à ce qu'aucun dépens ne soit mis à sa charge en faveur de la SA. Ses arguments seront examinés ci-après en droit en tant que de besoin.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par les communes en application de la loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (LGD - L 1 20) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 50 LGD).

2.            Selon l’art. 67 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), dès le dépôt du recours, le pouvoir de traiter l’affaire qui en est l’objet passe à l’autorité de recours.

L'autorité de première instance peut, en cours de procédure, reconsidérer ou retirer sa décision. En pareil cas, elle notifie sans délai sa nouvelle décision aux parties et en donne connaissance à l’autorité de recours (art. 67 al. 2 LPA).

Selon l’art. 67 al. 3 LPA, celle-ci continue à traiter le recours dans la mesure où la nouvelle décision ne l’a pas rendu sans objet.

3.            La recevabilité d’un recours présuppose que le destinataire de la décision ait un intérêt actuel et digne de protection à ce que celle-ci soit annulée ou modifiée (art. 60 al. 1 let. b LPA ; ATF 131 II 361 consid. 1.2 p. 365).

L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours. Si l'intérêt actuel disparaît en cours de procédure, le recours devient sans objet, alors qu'il est irrecevable si l'intérêt actuel faisait déjà défaut au moment du dépôt du recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1 p. 208 et la jurisprudence citée ; ATF 1C_495/2014 du 23 février 2015 consid. 1.2).

La condition de l’intérêt actuel fait défaut en particulier lorsque la décision contestée est annulée en cours d’instance (ATF 111 Ib 185 ; 110 Ia 140 ; 104 Ia 487).

4.            En l'espèce, le 13 août 2021, dans le cadre de ses compétences, l'autorité intimée a révoqué la décision faisant l'objet du présent recours.

Dans ces circonstances, la recourante ne dispose plus d’un intérêt actuel à l’annulation ou à la modification de la décision querellée, ainsi qu'elle l'a d'ailleurs reconnu dans ses écritures du 26 septembre 2022.

5.            Le recours est ainsi devenu sans objet. La cause sera par conséquent rayée du rôle.

6.            Vu l'issue de la procédure et conformément au courrier adressé par le tribunal à la recourante le 13 septembre 2022, aucun émolument ne sera mis à la charge de cette dernière (art. 87 al. 1 LPA).

7.            S'agissant de l'indemnité de procédure que la recourante réclame en vertu de l'art. 87 al. 2 LPA, elle serait due selon elle parce que l'autorité intimée s'était dispensée d'instruire l'affaire avant de prononcer la décision litigieuse et n'avait dès lors pas disposé d'une vision correcte de la situation.

Cette argumentation est correcte et il est évident qu'en avertissant simplement la recourante de son intention de prononcer une amende à son égard, c'est-à-dire en lui donnant l'occasion d'exercer son droit d'être entendu, l'autorité intimée aurait ensuite été nantie des informations sur lesquelles elle s'est fondée plus tard pour annuler sa décision.

Cela étant, la question de l'octroi d'une indemnité de procédure ne tient pas seulement compte du fait que la décision litigieuse était infondée, mais également du fait qu'il incombe à la partie recourante d'agir si cela s'avère véritablement nécessaire et de ne pas engager de frais inutiles en justice. Or, sous cet angle, il apparaît que la recourante a engagé des discussions avec l'autorité intimée dès le 14 juillet 2021, lui faisant savoir le 26 juillet suivant que la concierge de l'immeuble était l'employée directe du propriétaire. En réponse à ceci, l'autorité intimée a demandé, le 3 août 2021, la copie du contrat de travail de la concierge, indiquant par là qu'il était possible qu'elle prenne en considération l'argument de la recourante. C'est d'ailleurs déjà le lendemain, lors d'un contact téléphonique, que la recourante a eu confirmation du fait que l'autorité intimée allait annuler l'amende litigieuse et la remplacerait par une autre, adressée cette fois au propriétaire. Cette issue a été trouvée exactement deux semaines avant la fin du délai de recours qui, compte tenu de la suspension des délais du 15 juillet au 15 août, arrivait à échéance le 18 août 2021. Dans ces conditions, il apparaît que la recourante a engagé des frais d'avocat de manière largement prématurée, compte tenu de la faible complexité de la cause qui aurait permis de reporter quelque peu la rédaction d'un mémoire de recours. Il est d'ailleurs intéressant de relever que dans son courriel du 4 août 2021, tout en indiquant que l'autorité intimée allait annuler sa décision, la recourante a instruit son conseil de maintenir le recours afin que la question de principe soit tout de même tranchée par le tribunal. Cela démontre que de son côté, quand bien même le recours était appelé à perdre son objet dès le moment de l'annulation de la décision litigieuse, la recourante était déterminée à aller de l'avant.

8.            Au vu de ce qui précède, il ne se justifie pas d'octroyer une indemnité de procédure à la recourante.


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             constate que le recours interjeté le 4 août 2021 par A______ SA contre la décision de la Ville de B______ du 16 juin 2021 est devenu sans objet ;

2.             raye la cause du rôle ;

3.             dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière