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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2719/2022

JTAPI/1067/2022 du 13.10.2022 ( LCI ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : ACTE DE PROCÉDURE;INTÉRÊT ACTUEL
Normes : LPA.60.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2719/2022 LCI

JTAPI/1067/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 13 octobre 2022

 

dans la cause

 

A______ AG, représentée par Me Sidonie MORVAN, avocate, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             A______ AG est une société active dans le domaine immobilier et notamment la recherche, le développement, la planification, la commercialisation, l'administration, la liquidation et la réalisation de constructions de toute sorte.

2.             Le 17 mai 2019, elle a déposé auprès du département du territoire (ci-après : le département) une demande d'autorisation pour la construction d'un immeuble de logements avec parking souterrain sur la parcelle n° 1______ de la commune B______. Cette demande a été enregistrée sous la référence DD 2______.

3.             Par décision du 20 juillet 2020, le département, soit pour lui l'office des autorisations de construire (OAC) a refusé de délivrer l'autorisation requise.

4.             Par acte du 14 septembre 2020, A______ AG a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à son annulation et à la délivrance de l'autorisation en question.

En substance, elle a plaidé l'illégalité du refus conservatoire prononcé par le département, considérant en substance que son projet ne compromettait pas la planification envisagée par la commune.

5.             Ce recours a été enregistré sous la procédure n° A/3_____/2020.

6.             D'accord entre les parties, cette dernière a été suspendue pour une durée d'une année par décision du 24 novembre 2020 (DITAI/4______/2020), suspension renouvelée pour la même durée par décision du 23 décembre 2021 (DITAI/5______/2021).

7.             Par acte du 25 août 2022, A______ AG a derechef saisi le tribunal d'un recours contre une « décision » rendue à son égard par l'OAC le 16 août 2022 en concluant à son annulation et à la délivrance de l'autorisation en question, subsidiairement à l'annulation de la décision et au renvoi du dossier au département en vue de la délivrance de l'autorisation.

Elle explique que la commune B______ avait mis presque une année après le refus conservatoire du 20 juillet 2020 pour mettre à l'enquête publique un projet de modification de zone incluant la parcelle en cause. Par conséquent, le projet de loi du Conseil d'État modifiant les limites de zones n'avait pas pu être mis au vote et donc adopté par le Grand Conseil avant le 20 juillet 2022, date d'échéance du délai de deux ans au terme duquel le refus conservatoire ne pouvait plus déployer d'effet. En date du 21 juillet 2022, elle avait interpellé l'OAC pour lui signifier qu'elle avait repris la libre disposition de la parcelle (dont elle était devenue propriétaire le 17 décembre 2020) et qu'elle sollicitait la délivrance de l'autorisation de construire DD 2______.

Par courriel du 16 août 2022, l'OAC avait rendu la décision qui faisait l'objet du nouveau recours, répondant que, dans la mesure où le dossier avait fait l'objet d'un refus conservatoire, il convenait de redéposer une requête d'autorisation en bonne et due forme.

Interpellé sur la manière dont il convenait d'appréhender ce courriel, l'OAC avait répondu par un nouveau courriel du 22 août 2022 il ne s'agissait pas d'une décision, puisqu'il ne s'agissait que d'expliquer la procédure actuelle en cas d'écoulement du délai du refus conservatoire et qu'ainsi, cela n'avait aucune portée individuelle et concrète et s'appliquait à un nombre indéterminé de personnes et de cas. Il ne pouvait quoi qu'il en soit pas s'agir d'une décision finale, puisqu'elle ne mettait aucunement un terme à une quelconque procédure.

8.             Ce recours fait l'objet de la présente procédure.

9.             Par courrier du 1er septembre 2022 dans la procédure A/3______/2020, A______ AG a demandé la reprise de cette dernière en résumant les éléments qui découlaient de son recours du 25 août 2022. Dès lors que le délai de deux ans permettant de maintenir un refus conservatoire était écoulé, elle s'estimait fondée à obtenir l'autorisation de construire DD 2______, étant précisé que le dossier avait été entièrement instruit et en était au stade « en cours de décision » lorsque la procédure avait débouché sur le refus conservatoire.

10.         Par courrier du 26 septembre 2022 adressé au tribunal, la commune B______ a demandé à intervenir dans la présente procédure.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Parmi les questions que le tribunal doit dans tous les cas trancher lors de l'examen préalable de la recevabilité du recours, se pose celle de savoir si l'acte attaqué constitue une décision susceptible de recours, au sens des art. 4 et 57 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

En l'occurrence, selon les échanges qui ont eu lieu à ce sujet entre la recourante et l'autorité intimée avant le dépôt du recours, cette dernière semble considérer que l'acte du 16 août 2022 ne serait pas une décision.

3.             Cette question n'a cependant pas besoin d'être tranchée dans le cas d'espèce, le recours devant de toute manière être déclaré irrecevable pour un autre motif, sans instruction préalable (art. 72 LPA).

4.             Pour qu’un recours soit recevable, il faut notamment que son auteur soit touché directement par la décision et qu’il ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit annulée ou modifiée (art. 60 al. 1 LPA).

Le recourant doit ainsi avoir un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2). Un intérêt purement théorique à la solution d’un problème est de même insuffisant (ATF 144 I 43 consid. 2.1). Le juge est appelé à trancher des cas concrets, et son rôle n’est pas de faire de la doctrine ou de trancher des questions de principe (ATA/370/2022 du 5 avril 2022 consid. 2a).

Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation ou la modification de la décision attaquée (ATF 145 I 227 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_865/2019 du 14 avril 2020 consid. 3.2 ; ATA/370/2022 du 5 avril 2022 consid. 2b ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 459 n. 1367).

L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours. Lorsqu’une demande en justice ne répond pas à un intérêt digne de protection de son auteur, elle est irrecevable. Si l’intérêt s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle ou déclaré irrecevable si l’intérêt actuel faisait déjà défaut au moment du dépôt du recours (ATA/370/2022 du 5 avril 2022 consid. 2b et les références citées).

5.             En l'occurrence, dans la procédure A/3______/2020, la recourante a conclu à ce que la décision de refus d'autorisation DD 2______ soit annulée et à ce qu'il soit donné instruction à l'autorité intimée de délivrer l'autorisation en question. La reprise de cette procédure, conformément à la requête de la recourante du 1er septembre 2022, va permettre à l'autorité intimée de se déterminer sur les différents aspects de ce litige, à savoir non seulement sur la question de savoir si le délai du refus conservatoire est à présent effectivement échu, mais également, dans l'affirmative, sur les conséquences qu'il convient d'en tirer. Plus particulièrement, l'autorité intimée pourra, si elle s'y estime fondée, plaider, comme dans son courriel du 16 août 2022, que la recourante est à présent obligée de déposer une nouvelle demande d'autorisation de construire. Si c'est ce que l'autorité intimée est amenée à soutenir dans cette procédure, le tribunal devra trancher cette question, de sorte qu'elle fera partie du jugement qui sera rendu sur le fond et que la réponse donnée à ce sujet par le tribunal pourra ensuite être contestée par l'une ou l'autre partie devant les instances supérieures.

6.             En d'autres termes, le présent litige n'a pas d'objet distinct par rapport à celui qui fait l'objet de la procédure A/3______/2020, mais est au contraire englobé dans celui-ci, de sorte que la recourante n'a pas d'intérêt digne de protection à ce que le tribunal examine et tranche son recours dans la présente cause.

7.             Le défaut d'intérêt actuel du présent litige apparaît encore sous un autre aspect : si le tribunal devait donner raison à la recourante en annulant la « décision » du 16 août 2022, il lui resterait à trancher la deuxième conclusion principale de son recours, à savoir la délivrance de l'autorisation sollicitée, conclusion qui est identique à celle qu'elle a prise dans la procédure A/3______/2020. La recourante se retrouverait ainsi exactement dans la même situation que dans cette procédure-ci, sans que l'admission de son recours ne modifie soit ses intérêts de fait, soit la position juridique qu'elle occupe dans l'attente que le tribunal tranche sur le fond la procédure A/3______/2020.

8.             Le recours sera ainsi déclaré irrecevable.

9.             Le présent jugement sera notifié à la commune B______ pour information, compte tenu de sa demande d'intervention du 26 septembre 2022.

10.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 400.- ; il est couvert par l’avance de frais de CHF 500.- versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l'avance de frais lui sera restitué. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 25 août 2022 par A______ AG contre le courriel du département du territoire du 16 août 2022 ;

2.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 400.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

3.             ordonne la restitution à la recourante du solde de son avance de frais, soit CHF 100.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Patrick BLASER et Julien PACOT, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière