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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/888/2022

JTAPI/883/2022 du 01.09.2022 ( DOMPU ) , REJETE

Descripteurs : DOMAINE PUBLIC;AMENDE
Normes : LRoutes.63.al2; RTSP.4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/888/2022 DOMPU

JTAPI/883/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 1er septembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

VILLE DE GENÈVE

 


EN FAIT

1.             Par décision du 10 mars 2022, le service de la police municipale (ci-après : le SPM) de la Ville de Genève (ci-après : la ville) a prononcé une amende de CHF 100.- à l'encontre de Monsieur A______. Le motif de l'amende était : salissure ou souillure d'un espace vert, d'un préau ou d'une place de jeux au parc B______ école, 1200 Genève-C______, le jeudi 17 février 2022 à 22h35.

2.             Par acte du 18 mars 2022, M. A______ (ci-après : le recourant) a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en contestant l'infraction retenue en raison de l'absence de base légale.

Le 17 février 2022 il était en soirée avec ses amis au parc B______, où ils étaient en train de discuter. Au cours de la soirée, une patrouille de police s'était approchée en raison d'un appel du voisinage se plaignant de nuisances sonores provenant du parc. Il s'agissait probablement de nuisances provenant d'un autre groupe de jeunes qui étaient déjà partis au moment de l’arrivée de la police. Pris d'une irritation pharyngée à la gorge et d'une envie de tousser, il avait craché devant un policier au cours du contrôle. Il reconnaissait que son comportement involontaire était irrespectueux. Ne parvenant pas à établir que son groupe était l’auteur du bruit, un agent de police lui avait dit qu’il serait dénoncé pour avoir craché. Cette réaction était mesquine et retors, car l'agent avait utilisé ce dernier argument pour le sanctionner.

Par courrier recommandé du 11 mars 2022, une amende de CHF 100.- lui a été infligé pour "souillure d'un espace vert, d'un préau ou d'une place de jeux". Il se demandait sur quelle base légale le service des contraventions avaient établi sa dénonciation alors qu'il s'agissait d'un crachat. Il avait effectué des recherches sur le sujet et aucun article de loi ne condamnait ce comportement à Genève. Il avait trouvé un reportage sur la Radio Télévision Suisse qui expliquait que seule la ville de Lausanne dénonçait et sanctionnait le crachat. De plus, les articles de loi et les motifs indiqués sur la décision étaient faux, il n'y avait pas de salissure ou de souillure, car il n'avait rien jeté, endommagé, dégradé ou taché. Pour autant, il reconnaissait que son attitude n'était pas défendable sur le plan éducatif et moral.

Enfin, il y avait des incivilités de toutes sortes bien plus graves qu'un crachat par terre consécutif à une irritation à la gorge, notamment : des déchets abandonnés à un pas des poubelles, des véhicules stationnés sur les pistes cyclables ou sur une ligne jaune, des personnes qui ne portaient pas le masque dans les transports publics. Il avait également joint des photographies d'incivilités dans son quartier qui n’étaient pas sanctionnées par les patrouilles de police. Il avait le sentiment qu’il devait faire face à un policier "frustré" de ne pas avoir pu le blâmer lui et son groupe et qui à défaut avait cherché un élément susceptible d’entraîner une contravention, allant même jusqu'à s'écarter des faits.

3.             Dans ses observations du 23 mai 2022, le SPM a conclu à la confirmation de l'amende sous suite de frais et dépens à charge du recourant. Il a joint le rapport de renseignements du 19 février 2022 de la police municipale, consécutif au constat d'infraction du 17 février 2022 à 22h35.

Le motif de l'amende consistait dans le fait qu'aux dates et heures précitées, le recourant avait souillé le domaine public, en crachant au sol devant un agent du SPM, lequel effectuait le contrôle d'un groupe de jeunes adultes, après avoir constaté un fort bruit de musique, dans le préau de l'école enfantine D______ se trouvant dans le parc de B______, rue de E______ 1______, Genève. Tel que cela ressortait dudit rapport, le recourant reconnaissait avoir craché sur le domaine public.

Le recourant affirmait que lors de ce contrôle, il avait été pris d'une irritation à la gorge qui lui aurait donné envie de tousser. Selon ses dires, il avait été contraint de cracher involontairement, ce qu'il reconnaissait comme n'étant pas défendable sur les plans moral et éducatif, mais non répréhensible. Selon l'agent verbalisateur, le recourant faisait preuve de mauvaise foi et n'avait pas été victime d'une quinte toux. Au contraire, il avait soudainement craché quasiment à ses pieds, juste devant l'entrée du préau de l'école enfantine et non pas dans le parc comme il le prétendait. De plus, selon ledit agent, il était également faux de dire que ce n'était pas lui et ses amis qui écoutaient de la musique, mais un autre groupe de personnes, lesquelles seraient parties entre temps. N'ayant pas été en mesure de déterminer qui était le possesseur de l'appareil reproducteur de sons, le personnel de police s'était abstenu de sanctionner ces nuisances sonores, ce qui ne l'avait nullement frustré ou dépité.

L'agent verbalisateur précisait que de nombreux déchets se trouvaient à terre, auprès du groupe de jeunes, déchets qu'ils avaient accepté de ramasser après deux ou trois requêtes. Il résultait de ceci que l'infraction en cause avait bien été réalisée et dûment établie, de sorte que l'argument de la quinte toux ne pouvait être valablement considéré. Par son crachat, le recourant avait souillé le domaine public, en lui donnant un aspect malpropre et en le couvrant de quelque chose qui le salissait. Du fait de son autonomie, la ville était fondée à agir par la législation lui donnant compétence à gérer son domaine public. Les bases légales et réglementaires invoquées figuraient sur l'amende querellée. Ainsi, c'était à bon droit dans le principe et à la forme que la ville avait verbalisé l'infraction en l'espèce. Enfin, s'agissant de la quotité de l'amende elle s'en tenait au montant légal minimal, si bien que le montant de CHF 100.- ne pouvait être sujet à critique.

4.             Dans sa réplique du 6 juin 2022, le recourant a persisté dans son recours.

Sa contestation était basée sur le fait qu'à Genève le crachat n'était pas puni par la loi. Si la loi devait le stipuler expressément, il accepterait la sanction, mais si tel ne devait pas être le cas, il ne comprenait pas pour quelles raisons il devrait être condamné pour ces faits.

Il s'abstenait de porter un avis sur les autres points mentionnés dans les observations du SPM, tant sur l'avis médical de l'agent, sur ses accusations sans preuves et le fait de devoir nettoyer contre son gré une place couverte de déchets abandonnés par des tiers non identifiés.

5.             Dans sa duplique du 12 juillet 2022, le SPM a confirmé l'amende tant dans son principe que dans sa quotité.

Le recourant reconnaissait avoir craché sur le domaine public, mais réitérait qu’une telle action n'était pas punissable par la loi. En l'occurrence, en crachant par terre dans le préau de l'école enfantine de D______, il avait clairement contrevenu aux prescriptions règlementaires de la ville, qui stipulait notamment que la police municipale était en charge de la surveillance des espaces verts, préaux et places de jeux ainsi que de la poursuite des infractions qui y étaient commises. Ainsi, la police municipale était en l'espèce parfaitement légitimée à sanctionner le crachat en question par le biais d'une amende administrative dont le montant, qui représentait le minimum légal, ne pouvait être sujet à critique.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par la ville en application de la loi sur les routes du 29 avril 1967 (LRoutes – L 1 10) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 93 LRoutes).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 1 let. a de la loi sur le domaine public du 24 juin 1961 (LDPu – L1 05) constituent le domaine public, les voies publiques cantonales et communales dès leur affectation par l'autorité compétente à l'usage commun et dont le régime est fixé par la LRoutes.

L'art. 12 LDPu indique que chacun peut, dans les limites des lois et des règlements, utiliser le domaine public conformément à sa destination et dans le respect des droits d'autrui.

L'art. 24 al. 1 et 2 LDPu précise que le Conseil d'Etat peut fixer par voie de règlement les modalités d'exécution de cette loi et qu'il peut également réglementer l'usage commun du domaine public.

4.             L'art. 1 LRoutes prévoit que conformément à la LDPu, les voies publiques cantonales et communales affectées par l'autorité compétente à l'usage commun font partie du domaine public.

Selon son art. 55 LRoutes chacun peut dans les limites des lois et règlements, utiliser les voies publiques conformément à leur destination et dans le respect des droits d'autrui.

D'un autre côté, l’art. 63 al. 2 LRoutes précise que quiconque a causé une usure anormale de la voie publique, l’a dégradée ou l’a souillée, est tenue de la remettre en état immédiatement.

Selon l'art. 85 al. 1 LRoutes est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60'000.- tout contrevenant à la présente loi (let. a) ainsi qu'aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la présente loi (let. b). L'art. 86 LRoutes précise que les amendes sont infligées par l’autorité compétente sans préjudice de plus fortes peines en cas de crimes ou délits et de tous dommages-intérêts (al. 1) et que les contraventions sont constatées par les agents de la force publique et tous autres agents ayant mandat de veiller à l’observation de la loi (al. 2).

5.             Le règlement des espaces verts, préaux et places de jeux de la Ville de Genève du 1er juin 2016 (règlement communal – LC 21 331) prévoit à son art. 1 que, notamment, les préaux et places de jeux de la Ville de Genève servent au repos, à la détente et aux loisirs de la population.

Son art. 5 stipule que la police municipale est en charge de la surveillance des espaces verts, préaux et place de jeux (al. 1) et qu'elle est habilitée à poursuivre les infractions au présent règlement dans les limites des compétences qui lui sont conférées par la législation cantonale et peut infliger des amendes administratives d'un montant de CHF 100.- à CHF 40'000.- en fonction de la gravité de l'infraction.

L’art. 10 al. 2 dudit règlement indique que les visiteurs-euses et utilisateurs-trices doivent se comporter de manière à respecter les espaces verts, préaux et places de jeux ainsi que le personnel en charge de leur entretien (let. a) et veiller à maintenir les lieux propres (let. d).

6.             Selon l'art. 5 al. 1 de la loi sur les agents de la police municipale, les contrôleurs municipaux du stationnement et les gardes auxiliaires des communes du 20 février 2009 (LPAM – F 1 07), les agents de la police municipale sont chargés en priorité de la sécurité de proximité, soit de la prévention des incivilités et de la délinquance par une présence régulière et visible sur le terrain de jour comme de nuit, notamment aux abords des écoles, des établissements et bâtiments publics, des commerces, des parcs publics et lors de manifestations ou d'évènements organisés sur le territoire communal. L'al. 2 let. e indique qu'ils sont en outre chargés de la prévention et de la répression en matière de propreté, notamment en ce qui concerne les détritus, les déjections canines, les tags et l'affichage sauvage.

7.             L'art. 1 al. 1 règlement sur la salubrité et la tranquillité publiques du 20 décembre 2017 (RSTP – E 4 05.03) (let. b) intitulé "domaine public" indique le domaine public comprend : les voies publiques (let. a), les promenades publiques (let. b), les édifices jouxtant les voies publiques (let. c) et les installations appartenant ou contigües aux voies publiques (let. d).

Sous le titre liminaire "substances corporelles", l'art. 4 RSTP précise qu'il est interdit de cracher, d'uriner ou de projeter quelque autre substance corporelle sur le domaine public.

8.             En l’espèce, le recourant ne conteste pas avoir craché sur le domaine public alors qu’il se trouvait dans le préau de l’école enfantine D______. La question de savoir si le recourant a craché par terre à la suite d'une quinte de toux, comme il l'affirme, ou par provocation envers les agents municipaux, comme ces derniers en ont la conviction, est sans objet, puisque même dans le premier cas, il aurait pu s'en abstenir et soit se servir d'un mouchoir, soit se rendre à une poubelle. Force est donc de constater que quoi qu'il en soit, le recourant a volontairement craché par terre.

Le recourant considère qu'il n'existe pas de disposition légale réprimandant spécifiquement le fait de cracher sur le domaine public. Cet argument ne s'accorde pas avec l'interdiction faite par l'art. 63 al. 2 LRoute de souiller la voie publique, ce qui inclut à l'évidence, notamment, toute déjection humaine susceptible d'entraîner une salissure visible, de représenter une gêne olfactive ou encore, par un contact involontaire, de salir d'autres usagers de l'espace public. On retrouve à l'art. 10 al. 2 du règlement des espaces verts, préaux et places de jeux de la Ville de Genève, cité plus haut, l'obligation qui s'impose à tout visiteur de respecter la propreté des espaces tels que les préaux d'école, pour des raisons qui tombent sous le sens vu que ces espaces sont principalement fréquentés par des enfants. Enfin, l’art. 4 RSTP, également cité plus haut, prévoit explicitement l'interdiction de cracher sur le domaine public.

C’est donc à bon droit que l’agent de police municipal, habilité à surveiller les espaces publics et en charge d’y réprimander certains comportements, a décidé d’amender le recourant en l’ayant vu cracher par terre. Ainsi, dans la mesure où elle résulte de la commission de l’infraction constatée plus haut, l’amende est fondée dans son principe.

S’agissant de la quotité de l’amende, l’autorité intimée a arrêté l’amende au strict minimum fixé par l’art. 5 du règlement communal, soit un montant de CHF 100.-. Partant le montant de l’amende querellée ne pouvait être fixée à un montant moins élevé et ne laisse aucune marge d'appréciation au tribunal.

9.             Il résulte de ce qui précède que la décision querellée est conforme au droit. Le recours, mal fondé, sera dès lors rejeté.

10.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 250.- ; il est couvert par l’avance de frais de même montant versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 18 mars 2022 par Monsieur A______ contre la décision de la Ville de Genève du 10 mars 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 250.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Bénédicte MONTANT et Julien PACOT, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière