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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1619/2021

JTAPI/284/2022 du 22.03.2022 ( ICCIFD ) , ADMIS

ADMIS par ATA/38/2023

Descripteurs : CAPITAL PROPRE DISSIMULÉ;ACTIONNAIRE
Normes : LIFD.65; LIPM.12.letf
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1619/2021 ICCIFD

JTAPI/284/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 21 mars 2022

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par ECHO SA, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne la taxation 2018 de A______ SA (ci-après : la société), dont le capital-actions, d’un montant de CHF 300'000.- se divise en 300'000 actions nominatives liées d’une valeur de CHF 1.-. Son siège se trouve à Genève.

2.             Au passif de son bilan 2015, la société a fait état d’un prêt convertible de CHF 4 millions. Cet emprunt, qui figurait pour un montant de CHF 5.2 millions à son bilan 2017, a été entièrement amorti au 31 décembre 2018.

3.             Le 7 juillet 2015, la société et B______ (ci-après : B______) ont conclu un contrat de prêt convertible.

À teneur de cette convention, B______ a accordé à la société un prêt de CHF 5 millions (ch. 2.1 du contrat), dont les intérêts étaient inclus dans une prime de non-conversion de 12.1 % (ch. 3.1). B______ avait un droit de conversion en actions privilégiées de la société, jusqu’au remboursement complet du montant du prêt et de la prime de non-conversion (ch. 6.1). En garantie du prêt, B______ obtenait : premièrement un nantissement de toutes les actions nominatives de la société détenues par l’actionnaire (ch. 7.1 a) et, deuxièmement, une cession des créances de la société (ch. 7.1 b). Sauf dans le cas où B______ exerçait son droit de conversion, la société devait rembourser le prêt par tranches, multipliées par « un facteur prime de non-conversion » (ch. 8.1).

Un acte de nantissement a été conclu le même jour entre les deux parties ci-dessus, ainsi que quatre actionnaires de la société, MM. C______, D______, E______ et F______. La société et B______ ont également conclu une convention de cession de créances.

4.             Par contrat d’achat d’actions daté du 14 juillet 2017, G______ SA a acquis 52.3 % du capital-actions de la société (ch. 2.1). Les parties sont convenues que le prix d’achat et la valeur des actions seraient déterminés par elles sur la base des états financiers intermédiaires révisés de la société par H______ Zurich. En cas de désaccord sur le prix, chacune d’elles pouvait demander à un expert indépendant la détermination du prix (ch. 2.3). Il était prévu que les actionnaires susmentionnés, ainsi que G______ SA, accordassent des crédits à la société, qui devaient être formalisés dans des conventions séparées. Le montant des prêts des actionnaires correspondait à un pourcentage du prix de vente perçu par eux et celui consenti par G______ SA équivalait au solde des prêts à rembourser (ch. 4.3.1). En échange, les vendeurs devaient faire en sorte que B______ et les prêteurs tiers (Messieurs I______ et J______) libèrent les actions mises en gage conformément à l’acte de nantissement (ch. 4.3.2 a) et que la société rembourse le prêt accordé par les tiers et par B______, y compris la prime de non-conversion (ch. 4.3.2 k). G______ SA devait payer le prix d’achat moins le montant total de tous les prêts (ch. 4.3.3 a iv).

L’annexe 2.2 comprenait un calcul de la valeur de la société (CHF 24'424'000.-), dont il convenait de déduire la dette nette (CHF 5'598'000.-), ce qui aboutissait à une valeur des fonds propres de CHF 18'826'000.- et à une valeur par action de CHF 61.25.

5.             Par contrat du 28 février 2018, G______ SA a accordé un prêt de CHF 4'006'691.- à la société afin de financer le remboursement de B______ évoqué dans le contrat d’achat d’actions du 14 juillet 2017. Le taux d’intérêts était celui du LIBOR à trois mois, majoré de 4 % l’an.

Le même jour, MM. C______, D______, E______ et F______ lui ont consenti un crédit d’un montant respectif de CHF 1'591'149.-, CHF 1'034'878.-, CHF 33'281.- et CHF 228'998.-. Ces prêts avaient également pour but de financer le remboursement de B______, le taux d’intérêts étant celui du LIBOR à trois mois, majoré de 4 % l’an.

6.             Par bordereaux datés du 13 août 2020, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé la société pour l’année 2018 sur la base d’un bénéfice nul (la perte se chiffrant à CHF 5'035'702.-) et d’un capital imposable de CHF 3'029'551.-.

Ce faisant, elle a effectué diverses reprises au niveau de son bénéfice et de son capital imposables, en application de la circulaire n° 6 de l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) du 6 juin 1997 sur le capital propre dissimulé des sociétés de capitaux et des sociétés coopératives (ci-après : la circulaire n° 6).

Ces reprises se présentaient comme suit :

Mont. déclarés

Montants retenus

Capital propre dissimulé

217'389

2'729'551

Intérêts sur le capital
propre dissimulé

0

68'991

Intérêts excessifs

0

107'229

Total des intérêts non admis

176'220

Intérêts insuffisants

9

1'520

Le capital propre dissimulé se calculait de la manière suivante :

En fin d’exercice

Dettes envers les actionnaires, les associés et les proches

6'261'004

Dettes envers les tiers

7'909'767

Dettes totales

14'170'771

Endettement admis

-9'905'132

Réserves négatives nettes

-1'536'088

Capital propre dissimulé

2'729'551

Dans la rubrique « observations », l’AFC-GE a indiqué qu’elle n’était liée ni par le nouveau contrat de prêt, ni par les modalités conclues entre la société et ses actionnaires. Ce contrat devait être considéré comme nouveau et ne présentait pas de lien avec le précédent. Les conditions énoncées dans la circulaire n° 6, ainsi que dans les lettres-circulaires annuelles devaient être strictement respectées. Par ailleurs, puisque la preuve d’un financement de tous les actifs apportés par des tiers absolus dans des conditions identiques au moment de la conclusion du nouveau contrat faisait défaut, le calcul « classique » en matière de capital propre dissimulé devait s’appliquer.

La reprise pour intérêts excessif n’est actuellement plus litigieuse.

7.             Le 16 septembre 2020, la société a élevé réclamation à l’encontre de ses bordereaux en demandant d’être taxée sur la base des éléments qu’elle avait déclarés.

En 2015, sa situation financière était telle qu’elle n’avait guère trouvé d’institutions disposées à la financer et elle avait dû accepter les conditions quasi-usuraires imposées par B______, à savoir un taux de 12.1 % sur huit ans, ce qui revenait à un coût de près de 100 % sur une telle période. Souscrit auprès d’un tiers absolu, cet emprunt servait de référence objective de financement que la société pouvait obtenir dans sa situation prévalant en 2015.

En 2017, deux personnes physiques, également tiers absolus, à savoir MM. J______ et I______, lui avaient prêté CHF 200'000.- aux conditions prévues par le prêt susmentionné. La même année, elle avait négocié un nouveau financement de CHF 4 millions auprès d’un tiers absolu, G______ SA.

Les fondamentaux de sa solvabilité et sa capacité d’emprunt étaient demeurés essentiellement les mêmes, en fonction des critères retenus par les circulaires de l’AFC-CH, entre le moment de l’octroi du prêt par B______ et celui du financement par G______ SA. Le coût du financement des prêts sur le marché libre n’avait pas non plus varié entre 2015 et 2018, ainsi qu’il résultait des lettres circulaires de l’AFC-CH sur les taux d’intérêt admis fiscalement sur les avances ou les prêts en francs suisses. Dès lors, le prêt accordé par B______ représentait une transaction comparable pouvant servir à déterminer le taux d’intérêt appliqué.

En 2017, lorsqu’elle avait négocié l’emprunt avec G______ SA, cette société était encore un tiers absolu et elle n’aurait pas accepté d’acquérir une participation, si les conditions du prêt avaient été moins favorables. Le but du prêt accordé par G______ SA et par les actionnaires minoritaires était de rembourser B______.

8.             Par décisions du 31 mars 2021, l’AFC-GE a admis partiellement la réclamation en ce sens qu’elle a annulé la reprise pour intérêts excessifs et l’a rejetée pour le surplus. Ce faisant, la perte est passée de CHF 5'035'702.- à CHF 5'142'931.-.

Le redressement de CHF 2'729'551.- au niveau du capital correspondait à la requalification de ce montant en capital propre et s’inscrivait dans le cadre du financement et de l’endettement admis de la société, ainsi que dans celui de la double imposition économique. Le prêt de G______ SA devait être considéré comme un nouveau prêt. C’était la situation au 31 décembre 2018 qui était déterminante pour analyser la question de la sous-capitalisation.

La société reconnaissait que sa situation était telle qu’elle n’avait guère trouvé d’institutions disposée à la financer. Cela signifiait que le crédit lui avait été accordé en raison de la position des actionnaires à la date de bouclement. Une opération d’assainissement aurait dû être opérée lors du changement d’actionnariat afin d’éviter que la société ne se trouvât en situation de surendettement après coup. Un capital propre dissimulé étant constaté, il convenait d’effectuer une reprise au titre d’intérêts sur le capital propre dissimulé.

Le même jour, l’AFC-GE a notifié à la société des bordereaux de taxation rectificatifs pour tenir compte de l’admission partielle de sa réclamation.

9.             Par acte du 6 mai 2021, la société, sous la plume de son mandataire, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre des décisions du 31 mars précédent en concluant à l’annulation des reprises au titre de capital propre dissimulé, ainsi que des intérêts non admis, le tout sous suite de dépens.

Elle a repris, en les développant, les arguments exposés dans sa réclamation.

10.         Dans sa réponse du 13 août 2021, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le prêt accordé par B______ avait été garanti par les actionnaires de la contribuable. Or, selon la circulaire n° 6, il n’y avait pas de capital propre dissimulé à la double condition que le capital propre étranger soit fourni par des tiers étrangers et que ni les porteurs de parts, ni leurs proches, ne le garantissent. Le même raisonnement s’appliquait pour les prêts accordés par MM. J______ et I______, étant donné que la contribuable soutenait qu’ils avaient été consentis à des conditions identiques. La nature du crédit octroyé par G______ SA et par les actionnaires minoritaires était conditionné à l’existence du contrat d’achat d’actions du 14 juillet 2017. Même si en 2017, ils devaient accorder des prêts d’actionnaires à la recourante, ils étaient à tout le moins des proches de la société au 1er janvier 2018.

La succession de prêts accordés à la recourante, surendettée au 31 décembre 2014, constituait une situation inusuelle dans un marché entre tiers, qui ne pouvaient se justifier qu’en raison du fait que les actionnaires disposaient d’un intérêt particulier à la survie de la société. L’annexe aux comptes 2018 indiquait que la perte au bilan au 31 décembre 2018 était couverte par un prêt subordonné des actionnaires s’élevant à CHF 1'596'106.-. En conséquence, l’on ne saurait admettre l’existence de prêts « conformes aux conditions du marché » au sens de la circulaire n° 6. Enfin, la société n’avait fourni aucun moyen de preuve démontrant que des tiers absolus auraient conclu des contrats similaires.

11.         Par réplique du 20 septembre 2021, la société a maintenu son recours.

En cédant ses créances conformément au contrat de prêt convertible et à la convention de cession de créances, elle avait nanti, respectivement cédé, son actif principal, actuel et futur, afin de garantir ce prêt. Au 31 décembre 2015, la valeur des créances cédées s’établissait à CHF 3'261'000.-. Étant donné que la garantie portait tant sur ses créances actuelles que futures – sans limite dans le temps –, leur valeur s’estimait de manière cumulée par référence à son chiffre d’affaires. Ce dernier s’était élevé à CHF 6'039'000.- en 2014, à CHF 9'959'000.- en 2015, puis à CHF 14'816'000.- en 2016, ce qui représentait une valeur supérieure au prêt accordé par B______, à savoir CHF 5'000'000.-.

Selon la jurisprudence, une garantie de l’actionnaire ou d’un proche était assimilable au prêt reçu par l’actionnaire seulement si cette garantie jouait économiquement le rôle d’un prêt. En l’espèce, il convenait de tenir compte de l’ensemble de la garantie du prêt convertible et non uniquement d’une partie de celle-ci, dans le cadre de la détermination du capital propre dissimulé. En effet, le prêt convertible octroyé par B______ était garanti par les actifs propres de la recourante dont la valeur excédait largement la valeur des actions nanties par l’actionnaire, de sorte que la garantie avait un caractère superfétatoire et n’apportait aucun substrat économique additionnel par rapport aux créances cédées. Les actionnaires n’avaient pas fourni de garanties personnelles, ni non plus réelles, hormis leurs actions. Par ailleurs, la pratique du nantissement des actions d’une société obtenant un financement, en sus des garanties du prêt par les actifs sociaux, était largement adoptée dans le mode bancaire. Compte tenu de la convertibilité du prêt et de la faible valeur ajoutée du nantissement des actions en tant que garantie par rapport à la cession des actifs, l’objectif de cette garantie consistait plutôt à assurer la conversion de la créance en participation que le remboursement du prêt. En conséquence, le nantissement des actions ne pouvait être considéré comme une garantie d’actionnaire.

Contrairement à ce qu’alléguait l’AFC-GE, MM. J______ et I______ n’étaient jamais devenus ses actionnaires. Leurs prêts avaient été remboursés au moment de l’octroi du crédit par G______ SA.

L’AFC-GE invoquait l’existence d’une situation inusuelle sur un marché entre tiers, mais ne décrivait pas en quoi un tiers prêteur se serait comporté de manière différente que B______ ou G______ SA.

12.         Dans sa duplique du 5 novembre 2021, l’AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse. Il ne lui incombait pas de démontrer que la recourante était sous-capitalisée, mais au contraire, il revenait à cette dernière de démontrer le contraire.

Il convenait de déterminer si la garantie réelle était suffisante ou non, pour garantir à elle seule, le montant du prêt accordé. Étant donné qu’elle portait sur ses créances actuelles et futures, l’on voyait mal pour quelle raison son chiffre d’affaires constituerait un référentiel pertinent pour juger de l’importance des garanties. Les créances commerciales devaient être prises en considération individuellement et non de manière cumulée. Tenir compte du chiffre d’affaires reviendrait à étendre la garantie au-delà de ce qui avait été convenu contractuellement.

La garantie réelle ne suffisait pas à garantir le prêt octroyé par B______. L’AFC-GE était en droit de présumer que la part du prêt excédant le montant couvert par cette garantie avait été accordée en raison de la garantie personnelle fournie par l’actionnaire. Le nantissement d’actions pouvait être considéré comme une garantie d’actionnaire. La recourante n’apportait pas d’autres moyens de preuve démontrant que le financement dans le cas concret était conforme aux conditions du marché.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Le recours a été interjeté en temps, dans les formes prescrites et devant la juridiction compétente au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             À teneur de l’art. 60 let. a et b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir.

4.             Dans le domaine fiscal, ne revêt pas un intérêt actuel et pratique le recours du contribuable dont les conclusions, bien que tendant à l'annulation d'une décision de taxation, n'impliquent pas une diminution de l'impôt, en particulier lorsque la taxation est nulle (ATF 140 I 114 consid. 2.4.1). Un recours portant sur des reprises d’intérêts a été déclaré irrecevable, étant donné que ces reprises n’impliquaient pas une diminution de l’impôt sur le bénéfice, arrêté à CHF 0.- (JTAPI/1251/2018 du 17 décembre 2018).

5.             En l’occurrence, le bordereau d’IFD 2018 du 13 août 2020 arrête le bénéfice imposable de la recourante à zéro. Celle-ci ne dispose dès lors pas d’un intérêt actuel à le contester. Tel n’est pas le cas s’agissant de l’ICC, car le montant du capital imposable – qui fait l’objet du présent recours – n’est pas nul.

Au vu de ce qui précède, le recours doit être déclaré irrecevable en tant qu’il concerne l’IFD et recevable à l’égard de l’ICC.

6.             La recourante conteste la reprise au titre de capital propre dissimulé, ainsi que des intérêts y relatifs.

7.             Aux termes de l’art. 30 de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), le capital propre imposable de sociétés de capitaux et des sociétés coopératives est augmenté de la part de leurs fonds étrangers qui est économiquement assimilable au capital propre.

Selon les art. 12 let. f LIPM et 65 LIFD, les intérêts passifs imputables à la part de capital étranger économiquement assimilable au capital propre font partie du bénéfice imposable des sociétés de capitaux et des sociétés coopératives.

8.             Il peut y avoir un avantage important, pour une société de capitaux, à disposer des fonds nécessaires sous forme de prêt de l'actionnaire plutôt que de fonds propres, puisque les intérêts passifs dus sont déductibles du bénéfice imposable. Fiscalement, ce procédé n'est toutefois pas admis lorsque le prêt joue économiquement le rôle de fonds propres et qu'ainsi des intérêts passifs déductibles sont payés à l'actionnaire en lieu et place de dividendes (non déductibles) qui ne peuvent l'être. Ces fonds étrangers sont alors traités comme du capital propre dissimulé et les intérêts y relatifs ajoutés au bénéfice imposable. Le financement étranger est considéré comme économiquement assimilable au capital propre lorsque la société obtient l'apport des fonds en question d'un détenteur de parts ou d'une personne qui lui est proche, qu'elle n'aurait pas pu, par ses propres moyens, obtenir les fonds nécessaires de la part de tiers et qu'elle expose les fonds au risque inhérent à la marche des affaires dans une mesure inhabituelle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_419/2015 du 3 juin 2016 consid. 4.1.1, non publié aux ATF 142 II 355).

9.             Selon le Tribunal fédéral (arrêt 2C_814/2015 du 20 avril 2017 consid. 7.4), pour établir si et dans quelle mesure une société possède du capital propre dissimulé, la circulaire n° 6 prévoit qu'il faut partir de la valeur vénale des actifs et fixe sur cette base les fonds étrangers que la société peut obtenir par ses propres moyens sous la forme d'un tableau. Dans ce tableau, est attribué à chaque catégorie d'actifs un pourcentage de sa valeur vénale représentant le montant maximum que la société pourrait obtenir d'un tiers (circulaire n° 6, ch. 2.1). En particulier, les « stocks de marchandises » sont supposés permettre à la société qui en est propriétaire d'obtenir des fonds étrangers à concurrence de 85 % de leur valeur vénale, tout comme les « créances pour livraisons et prestations », les « autres créances » et les « autres actifs circulants », alors que, pour les « liquidités », ce pourcentage s'élève à 100 %. La différence entre le prêt (dette) au bilan et le montant maximum ainsi déterminé, dans la mesure où les moyens en question ont été fournis par des détenteurs de parts ou des personnes qui leur sont proches, représente le capital propre dissimulé. Concernant l'origine du financement étranger, la circulaire retient que « seuls les fonds qui proviennent directement ou indirectement de détenteurs de parts ou de personnes qui leur sont proches peuvent constituer du capital propre dissimulé. Il n'y a pas de capital propre dissimulé si le capital étranger est fourni par des tiers indépendants et que ni les détenteurs de parts ni des personnes qui leur sont proches ne le garantissent. Demeure réservée la preuve qu'un rapport concret de financement est conforme aux conditions du marché » (circulaire n° 6, ch. 2.1). 

10.         En pratique, la problématique du capital propre dissimulé concerne avant tout les prêts accordés directement par l'actionnaire ou un proche, dans une mesure qui excède ce qu'un tiers aurait fourni, cet écart s'expliquant par les liens de participation. L'existence de capital propre dissimulé peut néanmoins se poser lorsqu'un tiers fournit le prêt. La circulaire n° 6 envisage à cet égard deux cas de figure. Dans le premier, le prêt est accordé directement par le tiers, mais indirectement par l'actionnaire ou le proche. Cette situation se présente lorsque le tiers n'intervient que comme un intermédiaire, les fonds provenant en réalité du porteur de parts ou du proche. Dans le second cas de figure, le prêt est accordé par un tiers et est « garanti » par l'actionnaire / le proche. La circulaire n° 6 adopte à cet égard une formulation négative en indiquant qu'« il n'y a pas de capital propre dissimulé si le capital étranger est fourni par des tiers indépendants et que ni les détenteurs de parts, ni des personnes qui leur sont proches ne le garantissent » (circulaire n° 6, ch. 2.1), étant rappelé que la preuve qu'un rapport concret de financement est conforme au marché reste réservée (circulaire n° 6, ch. 2.1 in fine). Lu a contrario, ce passage signifie que la garantie fournie par l'actionnaire ou un proche pour un prêt accordé par un tiers doit être assimilée à un prêt de l'actionnaire ou du proche (ATF 142 II 355 consid. 7.1).

11.         L'assimilation de la garantie fournie par l'actionnaire / le proche à la mise à disposition de fonds par celui-ci est conforme à l'art. 65 LIFD si cette garantie joue économiquement le rôle d'un prêt. Tel peut être le cas si la fortune personnelle de l'actionnaire ou du proche est mise à contribution comme substrat de responsabilité (« Haftungssubstrat ») en contrepartie du prêt accordé par le tiers Dans une telle situation, la garantie peut être assimilée à un prêt du proche. La société peut toutefois apporter la preuve que le rapport de financement est conforme au marché (circulaire n° 6, ch. 2.1 in fine). Par ailleurs, si une société obtient le prêt par ses propres moyens (par exemple par la mise en gage de ses actifs d'une manière conforme au marché), il n'y a en principe pas de capital propre dissimulé, la garantie du proche apparaissant superfétatoire sur le plan économique (ATF 142 II 355 consid. 7.2).

12.         Il découle de ce qui précède que lorsqu'un prêt accordé par un tiers fait l'objet de garanties réelles portant sur des actifs de la société emprunteuse et qu'en sus, l'actionnaire ou un proche est débiteur solidairement responsable du prêt, il faut déterminer dans quelle mesure la garantie personnelle fournie remplit économiquement la fonction de capital propre. Tel peut être le cas lorsque la garantie réelle est insuffisante pour garantir à elle seule le montant du prêt accordé, car en pareille situation, il faut présumer que la part du prêt qui dépasse le montant couvert par la garantie réelle a été accordée en raison de la garantie personnelle fournie par l'actionnaire, la preuve que le financement concret est conforme aux conditions du marché restant réservée (ATF 142 II 355 consid. 7.3).

13.         En l’espèce, l’AFC-GE considère qu’au 1er janvier 2018, la recourante et G______ SA étaient des proches ; le prêt octroyé par cette société à la recourante devrait être qualifié de crédit d’actionnaire, car il était conditionné à l’existence du contrat d’achat d’actions du 14 juillet 2017. La succession de prêts octroyés à la recourante, surendettée au 31 décembre 2014, constituait une situation inusuelle dans un marché entre tiers, qui ne pouvaient se justifier qu’en raison du fait que les actionnaires disposaient d’un intérêt particulier à la survie de la société. En conséquence, l’on ne saurait admettre l’existence de prêts « conformes aux conditions du marché » au sens de la circulaire n° 6 de l’AFC-CH.

Le tribunal estime que c’est à tort que l’autorité intimée soutient que le contrat d’achat d’actions du 14 juillet 2017 aurait conditionné les crédits octroyés à la société le 28 février 2018, de sorte que ceux-ci doivent être qualifiés de prêts d’actionnaires. En effet, il résulte de ce contrat que le prix de vente des titres doit être déterminé par les parties, sur la base d’une évaluation des états financiers révisés de la recourante établis par H______ Zurich, dont aucune des parties ne remet en cause l’indépendance. En cas de désaccord sur le prix, les parties désignent un expert indépendant pour le déterminer. Au vu de son mode de calcul, le prix de vente est réputé représenter la valeur du marché.

Les montants des crédits que G______ SA, ainsi que MM. C______, D______ et E______ et F______ doivent accorder à la recourante étaient déjà déterminables lors de la conclusion du contrat d’achat d’actions. En effet, il découle du ch. 4.3.1 b de ce contrat que le montant des prêts des actionnaires représente un pourcentage du prix de vente perçu par eux et que celui consenti par G______ SA correspond au solde des crédits à rembourser. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier et aucune partie le ne prétend que G______ SA ou ses actionnaires ou encore ses administrateurs ou directeurs auraient été des proches de la recourante au moment de la conclusion du contrat d’achat d’actions. Enfin, ni le contrat d’achat d’actions, ni les contrats du 28 février 2018 ne prévoient que les actionnaires de la recourante, en sa qualité d’emprunteuse, soient tenus de fournir des garanties, personnelles ou réelles.

Il en résulte que les crédits dont il est fait état dans le contrat d’achat d’actions et qui ont été formalisés ultérieurement dans les contrats de prêt, ont été accordés par des tiers indépendants le 28 février 2018, ce qui exclut l’existence de capital propre dissimulé et donc, le prélèvement d’intérêts sur le capital propre dissimulé.

14.         Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis et le dossier, renvoyé à l’AFC-GE pour nouvelle taxation dans le sens de ce qui précède.

15.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui obtient partiellement gain de cause, est condamnée au paiement d’un émolument réduit s’élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l’avance de frais de CHF 400.- lui sera restitué.

Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

 


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 6 mai 2021 par A______ SA contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 31 mars 2021 en tant qu’il concerne l’IFD ;

2.             le déclare recevable en tant qu’il concerne l’ICC et l'admet ;

3.             renvoie le dossier à l’administration fiscale cantonale pour nouvelle décision de taxation cantonale dans le sens des considérants ;

4.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

5.             ordonne la restitution à la recourante du solde de l’avance de frais de CHF 400.- ;

6.             condamne l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, à verser à la recourante une indemnité de procédure de CHF 1'000.- ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Alia CHAKER MANGEAT et Laurence DEMATRAZ, juges assesseures.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière