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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/934/2021

JTAPI/276/2021 du 18.03.2021 ( LVD ) , ADMIS

Descripteurs : VIOLENCE DOMESTIQUE
Normes : LVD.11
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/934/2021 LVD

JTAPI/276/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 18 mars 2021

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Véra COIGNARD-DRAI, avocate, avec élection de domicile

 

contre

Monsieur B______, représenté par Me Patrick BLASER, avocat, avec élection de domicile

 


 

EN FAIT

1.             Par décision du 19 janvier 2021, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement d'une durée de dix jour à l'encontre de Monsieur B______, lui interdisant de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse privée de Madame A______ située, 1______, C______, et de contacter ou de s'approcher de celle-ci.

2.             Par acte du 25 janvier 2021, parvenu au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le 26 janvier 2021, Mme A______ a demandé la prolongation de la mesure d'éloignement pour une durée supplémentaire de trente jours, en expliquant qu’elle avait besoin de ce délai pour s’organiser et elle craignait qu’un retour de M. B______ soit extrêmement préjudiciable.

3.             Par jugement du 27 janvier 2021 (JTAPI/2______), le tribunal a admis partiellement la demande de prolongation de la mesure d’éloignement en prolongeant la mesure d'éloignement jusqu'au lundi 8 février 2021.

4.             Par décision du 28 février 2021, le commissaire de police a prononcé à l'encontre de M. B______ une mesure d'éloignement d'une durée de vingt jours, soit jusqu'au 19 mars 2021, lui interdisant de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse privée de Mme A______, située, 1______, C______, et de contacter ou de s'approcher de celle-ci.

5.             Par acte du 11 mars 2021, parvenu au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le 15 mars 2021, Mme A______ a demandé la prolongation de la mesure d'éloignement pour une durée supplémentaire de trente jours, en expliquant en substance qu'elle craignait la réitération d'épisodes de violence de la part de M. B______, dès lors que celui avait commis ces actes sous l'influence de l'alcool et que ce problème n'était de loin pas réglé.

6.             Lors de l'audience qui s'est tenue le 18 mars 2021 devant le tribunal, M. B______ a fait la proposition d'accepter un éloignement supplémentaire de trois semaines au-delà du 19 mars 2021. Mme A______ a accepté de revoir sa demande de prolongation en en ramenant la durée à trois semaines.

 

 

 

 

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des demandes de prolongation des mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 2 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer avant l'échéance de la mesure, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

2.             Déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, la demande de prolongation est recevable au sens de l'art. 11 al. 2 LVD.

3.             La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).

Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).

Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).

Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.

Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de

a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;

b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.

La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de trente jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).

Elle peut être prolongée pour trente jours au plus. Depuis le prononcé initial de la mesure, sa durée totale ne peut excéder nonante jours (art. 11 al. 2 LVD).

En vertu de l'art. 12 LVD, la mesure d'éloignement est assortie de la menace des peines prévues à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), qui prévoit que « celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni d'une amende ».

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).

Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.

4.             En l'espèce, il ressort clairement du dossier que M. B______ souffre d'une rechute de sa dépendance à l'alcool et que, nonobstant l'attitude de déni dont il n'est pour le moment pas parvenu à sortir, certains épisodes d'alcoolisation se sont accompagnés ces dernières semaines de violences tant verbales que physiques à l'encontre de sa compagne de vie, Mme A______.

5.             Dans ces conditions, il est évident qu'à moins d'une évolution importante dans les démarches que M. B______ semble en train d'entreprendre sur le plan médical, Mme A______, au contact de M. B______, reste soumise à un risque important pour son intégrité physique et psychique.

6.             Les conditions d'une prolongation de la mesure d'éloignement sont donc réalisées sur le principe.

7.             Quant à sa durée, les parties sont parvenues à se mettre d'accord pour la fixer à trois semaines, ce à quoi le tribunal peut adhérer sous l'angle du principe de la proportionnalité.

8.             Par conséquent, la demande de prolongation sera admise et la mesure d'éloignement prolongée pour une durée de trois semaines, soit jusqu'au 9 avril 2021 à 12h00 (midi).

9.             Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

10.         Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (cf. rapport du 1er juin 2010 de la Commission judiciaire et de la police du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi 10582-A du Conseil d'État modifiant la LVD, in MGC 2009-2010/IX A, D. Examen de détail, ad art. 11 al. 1 LVD).


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande formée par Madame A______ le 11 mars 2021 tendant à la prolongation de la mesure d'éloignement prononcée par le commissaire de police le 28 février 2021 à l’encontre de Monsieur B______ ;

2.             l'admet au sens des considérants ;

3.             prolonge la mesure d'éloignement pour une durée de trois semaines, soit jusqu'au 9 avril 2021 à 12h00, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, dont la teneur figure dans les considérants ;

4.             dit qu'il n'est pas perçu d'émolument;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

6.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au commissaire de police pour information.

Genève, le

 

La greffière