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Décisions | Chambre de surveillance

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C/17255/2002

DAS/119/2025 du 24.06.2025 sur DJP/585/2023 ( AJP ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17255/2002 DAS/119/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 24 JUIN 2025

 

Appel (C/17255/2002) formé le 11 septembre 2025 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève) et Maître B______, p.a. ______ (Genève), tous deux représentés par Me Bernard CRON, avocat.

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier
du 30 juin 2025 à :

- Madame A______
Maître B
______
c/o Me Bernard CRON, avocat
Rue Rodolphe-Toepffer 8, 1206 Genève.

- Madame C______
c/o de Me AD______, avocat
______, ______.

- Madame D______
c/o Me Michel VALTICOS
Rue de la Synagogue 31, CP 214, 1211 Genève 8.

- Madame E______
______, ______ [GE].

- Madame F______
c/o Me Rodolphe GAUTIER
Rue du Rhône 14, CP, 1211 Genève 3.

- Monsieur G______
______, ______ [France].

- Monsieur H______
c/o Me Dominique BURGER
Avenue Léon-Gaud 5, CP 490, 1211 Genève 12.

- Monsieur I______
______, ______ [France].

- Monsieur J______
c/o K______ SA
______, ______ [GE].

- JUSTICE DE PAIX.

 


EN FAIT

A.           a) L______, née le ______ 1910, originaire de M______ (France), veuve de N______, est décédée le ______ 2002 à O______ (Genève), commune dans laquelle elle était domiciliée.

b) Par testament public du 6 février 1996, instrumenté par P______, notaire à Genève, L______ a révoqué et annulé toutes dispositions testamentaires antérieures, et institué pour héritiers ses quatre enfants, Q______, né en 1933, C______, née en 1936, D______, née [D______] en 1939, et E______, née [E______] en 1942.

Aux termes de son testament, son fils Q______ devait recevoir en pleine propriété sa réserve héréditaire uniquement, soit le 3/16ème de sa succession. Par ailleurs, une somme de 3'000'000 fr., prise en premier lieu sur la part non réservataire de celui-ci et pour le surplus sur le solde de la quotité disponible de sa succession, devait être déposée auprès d'une grande banque suisse afin d'être placée en obligations de premier ordre, à l'entière discrétion de ladite banque, l'usufruit de ce placement devant revenir à son fils. La nue-propriété de ce placement irait par parts égales aux enfants de son fils Q______, jusqu'à concurrence de 1/16ème de la valeur nette de la succession au moment de son décès; pour le surplus, "soit la part de ladite somme de 3'000'000 fr. excédant le 1/16ème de la valeur nette de la succession, la nue-propriété irait par parts égales à ses filles", à défaut de l'une d'elles, à leurs descendants par parts égales. Si la somme de 3'000'000 fr. devait être inférieure à 1/16ème de la valeur nette de la succession, son fils Q______ recevrait, en sus de sa part réservataire, la différence entre le montant représentant 1/16ème de la valeur nette de la succession et le montant précité de 3'000'000 fr.

Elle a également légué une somme de 300'000 fr. à chacun de ses petits-enfants nés ou à naître, sous imputation de ce qu'elle aurait pu leur donner de son vivant et, si à son décès, ils n'avaient pas encore atteint l'âge de 27 ans, le legs leur serait remis le jour de leur 27ème anniversaire, les fonds devant être d'ici-là gérés et administrés par ses exécuteurs testamentaires.

Le solde de sa succession devait revenir à parts égales à ses filles C______, D______ et E______. Toute donation à ses enfants devait être rapportée à sa succession, sauf stipulation contraire, consignée par écrit.

Elle a, aux termes de ce testament, désigné aux fonctions d’exécuteurs testamentaires B______, notaire à Genève, et A______, chacun ayant la faculté d'agir séparément avec les pouvoirs de gestion, d'administration et de disposition les plus étendus.

Elle a donné des instructions précises aux exécuteurs testamentaires concernant la SI R______, dont les actions (ou les terrains et immeubles lui appartenant si celle-ci devait être entre temps liquidée) devaient être vendues dans un délai de 27 mois suivant son décès, et concernant la société S______ SA, dont les actifs devaient être progressivement réalisés, mais pas avant trois ans, afin de ne pas dévaloriser le stock. Après ce délai, elle laissait le soin à ses exécuteurs testamentaires de décider du moment opportun pour convoquer l'assemblée générale des actionnaires, appelée à approuver la dissolution de la société et sa liquidation, précisant qu'elle souhaitait qu'elle soit radiée du Registre du commerce cinq ans après son décès. A______ devait être désignée liquidatrice de S______ SA et, aussi longtemps que la société ne serait pas radiée du Registre du commerce, ses deux exécuteurs testamentaires seraient seuls habilités à prendre toutes les décisions relevant de la compétence de l'assemblée générale des actionnaires et à veiller à ce que la société soit administrée, gérée et liquidée au mieux des intérêts de ses héritiers. Elle a encore laissé des instructions concernant la rémunération de A______ au sein de S______ SA et l'a autorisée à exercer, une année après son décès, sa propre activité dans le même domaine professionnel que S______ SA (pierres précieuses, joaillerie, bijouterie).

La de cujus a consacré un paragraphe de son testament à préciser qu'elle avait conscience que la liquidation de sa succession allait prendre énormément de temps.

c) Un acte de partage partiel a été instrumenté le 16 septembre 2011 par T______, notaire à Genève, et signé par les quatre héritiers, Q______, C______, D______ et E______.

Il précise en préambule que la liquidation de la succession a duré un temps considérable car il a été nécessaire de réaliser des actifs peu liquides ou dont la valeur dépendait des "aléas de la conjoncture".

L'art. 1 de cet acte précise que "Mesdames C______, D______, E______ et Monsieur Q______ conviennent par accord mutuel d'arrêter la valeur nette de l'actif successoral au jour du décès de Madame L______ à 32'244'512 fr.". Il est précisé que ce montant reflète les ajustements nécessaires sur certains postes de l'actif successoral (mobilier et objets d'arts) et la prise en compte de divers passifs fiscaux supportés par la succession. La valeur de la succession comprend également la réintégration dans les passifs successoraux de la totalité de la provision constituée pour servir les rentes dues à U______ et V______ (dont le lien avec la de cujus n'est pas précisé).

De ce montant étaient donc déduits : les donations effectuées en faveur des petits-enfants (2'100'000 fr. pour les sept petits-enfants), les frais de liquidation de la succession (3'943'222 fr.), les liquidités supplémentaires à immobiliser pour le paiement des rentes (1'900'000 fr.), les objets non encore vendus et non attribués (141'220 fr.), "la participation S______ (liquidation à terminer)" (1'200'000 fr.), les liquidités restantes (571'566 fr.), l'actif transitoire (55'733 fr.) et le montant à bloquer pour assurer l'usufruit de Q______ (3'000'000 fr.), de sorte que le solde à partager au 31 mars 2011 s'élevait à 19'332'771 fr. (art. 2).

Q______ recevait ainsi, valeur 31 mars 2011, en pleine propriété, en espèces, une somme de 3'666'356 fr. et, en objets, une valeur de 639'054 fr., soit au total 4'305'410 fr. et, en usufruit placé auprès d'une banque, la somme de 3'000'000 fr. (art. 3.1).

C______, D______ et E______ recevaient chacune en pleine propriété, en espèces, une somme de 4'370'066 fr. et, en objets, une valeur de 639'054, soit 5'009'120 fr. et, en nue-propriété placée auprès d'une grande banque, la somme de 328'239 fr. (art. 3.2, 3.3 et 3.4).

G______, H______, I______ et J______ (petits-fils de la de cujus) recevaient en nue-propriété chacun un quart de 1/16ème de la succession de L______, soit une somme de 503'820 fr. (art. 3.5).

En plus des montants mentionnés ci-dessus, Q______, C______, D______ et E______ recevaient chacun un quart de la soulte figurant au passif de la succession pour un montant de 734'907 fr., découlant du partage de la succession de N______, soit chacun 183'726 fr. 75 (art. 4).

L'art. 5 de l'acte de partage précise que Q______, C______, D______ et E______ reconnaissent avoir reçu chacun au jour de la signature dudit acte les montants en pleine propriété et en usufruit mentionnés à l'art. 3. Demeuraient réservés leurs droits concernant les objets non vendus, les liquidités restantes et les autres immobilisations qui n'avaient pas pu être distribuées valeur 31 mars 2011.

L’art. 7 de cet acte de partage stipule : "Par la signature du présent acte, Mesdames C______, D______, E______ et Monsieur Q______ reconnaissent ne plus avoir aucune réclamation ou revendication à faire valoir les uns envers les autres en relation avec leurs droits de succession au titre de la liquidation de la succession de Madame L______. Demeurent réservés leurs droits concernant les objets non vendus, les liquidités et les autres immobilisations qui n’ont pas pu être distribuées valeur 31 mars 2011. Ils se donnent par conséquent réciproquement pleine et entière décharge pour toute prétention, revendication, ou réclamation de quelque nature que ce soit relative à la liquidation de la succession de Madame L______, au 31 mars 2011, moyennant la bonne et fidèle exécution du présent acte."

L’art. 8 de l’acte de partage intitulé "Décharge aux exécuteurs testamentaires" prévoit que "Mesdames C______, D______, E______ et Monsieur Q______ déclarent approuver sans réserve les opérations effectuées pour le compte de la succession ou pour leur compte par les exécuteurs testamentaires et leur donner pleine et entière décharge en ce qui concerne la bonne exécution de leur mandat, au 31 mars 2011, reconnaissant ainsi que les exécuteurs testamentaires se sont acquittés fidèlement de leur mission au mieux de leurs intérêts."

e) Q______ est décédé le ______ 2018 à W______ (Genève). Il a laissé pour héritiers légaux son épouse, F______, et ses fils G______, né en 1960, H______, né en 1962, I______, né en 1968, et J______, né en 1977. Il a désigné A______ comme exécutrice testamentaire de sa succession.

f) Le 8 novembre 2022, AD______, avocat, a adressé un courrier aux exécuteurs testamentaires de la succession de feu L______. Il expliquait avoir été consulté par C______, accompagnée de sa fille X______, et sur la base d'une note manuscrite retrouvée chez sa mandante, il sollicitait des renseignements pour le compte de C______, soit la liste des 104 œuvres d'art dépendant de la succession de sa mère (complétée de la liste des prix réalisés lors des ventes aux enchères, les lieux de ces ventes et les photos des œuvres), des informations relatives à la répartition du prix de vente de la maison de ses parents sur laquelle Y______, acheteur, avait réalisé (à une date non précisée) la promotion des "Z______", la répartition des stocks et des actions de la société S______ SA, la liste de tout le mobilier, luminaire, tapis, etc. vendus suite au décès de sa mère, ainsi que les prix réalisés et un décompte général de la succession de sa mère à ce jour, avec le détail des montants versés.

g) B______ lui a répondu que les questions posées concernaient une période de plus de vingt ans, L______ étant décédée en 2002, et que ses héritiers, dont C______, avaient signé le 16 septembre 2011 un acte de partage partiel reflétant la valeur au 31 mars 2011 des objets reçus par chacun d'eux, ainsi que les sommes qui leur avaient été versées à cette date. Les héritiers avaient par ailleurs reconnu ne plus avoir de réclamation ni de revendication à formuler entre eux et avaient donné décharge aux exécuteurs testamentaires. Il était prêt à rencontrer le conseil de la concernée pour lui fournir des renseignements sur la période postérieure à celle couverte par l'acte de partage du 16 septembre 2011.

h) Le 16 décembre 2022, AD______ a sollicité de B______ l'envoi d'une copie de l'acte de partage partiel du 16 septembre 2011, sa mandante ayant certainement reçu ce document mais ne le retrouvant pas, ainsi que, s'il en disposait, une copie de l'acte de vente de la propriété de O______, dans sa version signée.

i) Le 23 décembre 2022, AD______ a relancé par courriel tant B______ que A______.


 

j) Le 10 janvier 2023, B______ a adressé à AD______ une copie de l'acte de partage partiel du 16 septembre 2011. Il précisait que A______ allait réunir toute la documentation demandée concernant les ventes des œuvres d'art intervenues postérieurement à la signature de l'acte de partage partiel.

k) Le 24 janvier 2023, AD______ assurait B______ que la démarche de sa mandante ne visait pas à remettre en cause les accords passés, ni l'activité des exécuteurs testamentaires, mais à obtenir des informations complètes, auxquelles elle avait droit en sa qualité d'héritière réservataire de feu sa mère, sur le sort des biens dépendant de la succession. Il considérait que l'acte de partage partiel du 16 septembre 2011 ne comportait pas tous les renseignements, notamment pas quels actes de disposition avaient été effectués jusqu'au 31 mars 2011, ni la composition des différents postes qui y figuraient - tels que la composition des frais de liquidation de la succession -, ni des objets non encore vendus et non attribués, pas plus que la liste des objets attribués en pleine propriété aux héritiers.

Il sollicitait des détails et prenait bonne note de la transmission prochaine (2ème quinzaine de février 2023) des documents concernant la vente des œuvres d'art intervenue postérieurement au 16 septembre 2011. Il requérait également que l'exécuteur testamentaire l'autorise à obtenir de la banque sur lequel le compte de la succession était ouvert, une copie complète des relevés disponibles, à tout le moins sur les dix dernières années.

l) Le 26 janvier 2023, AD______ observait qu'aucun délai de réponse ne lui avait été donné concernant "toutes les autres questions soulevées", dont il reprenait la liste. Il menaçait de saisir la Justice de paix de cette situation.

m) Le 7 mars 2023, B______ a adressé à AD______ la liste des œuvres d’art vendues durant la période 2012 à 2021, soit dix-sept œuvres totalisant une somme de 12'297'365 fr. 12. Il précisait que sa mandante avait d’ores et déjà reçu une somme de plus de dix millions de la succession de sa mère.

n) Le 13 mars 2023, AD______ s'est plaint auprès de B______ du fait que la liste jointe au courrier du 7 mars 2023 était incomplète, en ce sens qu’elle ne contenait ni la date, ni la monnaie, ni le nom de l’acheteur, ni le détail des commissions versées pour chacune des œuvres vendues. La liste des objets non encore vendus ou attribués ne lui était toujours pas parvenue.

Il a également transmis des projets de courriers qu'il avait établis pour obtenir des informations directement auprès de AA______, AB______ et AC______, demandant aux exécuteurs testamentaires de les signer pour instruire ces institutions de répondre directement à ses interrogations. Il sollicitait une réponse à "ses autres questions" d’ici le 17 mars 2023. Il contestait par ailleurs avoir été mandaté par X______, comme cela lui était reproché, et certifiait l'être uniquement par C______.

m) Le jour-même, les exécuteurs testamentaires ont donné instruction à AA______ de fournir au conseil de C______ copie de l’ensemble des comptes (comptes courants, avis d’opérations, relevés de portefeuilles, etc.) dépendant de la succession de feu L______, ouverts ou clôturés, pour toute la période disponible dans leur système.

B.            a) Précédemment à cela, le 1er mars 2023, C______, par l'intermédiaire de son conseil AD______, a formé une plainte à l'encontre de A______ et B______ auprès de la Justice de paix. Elle a conclu à ce qu'ils soient rappelés à leurs devoirs et à ce qu'il leur soit ordonné de fournir divers documents.

Elle sollicitait la liste de 104 œuvres d’art dépendant de la succession de feu L______, complétée de la liste des prix réalisés lors des ventes aux enchères de ces œuvres, des lieux des ventes et des photos des œuvres ; les informations concernant la répartition du prix de vente de la maison de ses parents ; la répartition des stocks et des actions de la société S______ SA ; la liste de tout le mobilier, luminaire, tapis vendus, ainsi que les prix réalisés ; un décompte général de la succession de sa mère à ce jour, avec le détail des montants versés.

Elle a produit en annexe les échanges de correspondances susvisés entre son conseil et B______.

AD______ a justifié son pouvoir de représentation au moyen d'une procuration signée par C______ le 27 septembre 2022.

b) Le 22 mars 2023, C______ a encore écrit à la Justice de paix qu’elle considérait que les exécuteurs testamentaires n’avaient pas satisfait à leur obligation de reddition de comptes.

Bien qu’une liste des objets d’art vendus entre 2010 (recte : 2012) à 2021 lui ait été remise, elle la considérait comme incomplète, puisqu’elle ne mentionnait ni la date, ni la monnaie, ni le nom de l’acheteur, ni le détail des commissions versées pour chacune des œuvres en question. Par ailleurs, la liste faisait état des objets vendus mais non des objets non encore vendus ou non encore attribués. En outre, l’acte de partage ne faisait pas état des biens vendus et réalisés à la date de sa signature. Les courriers préparés par son conseil pour obtenir directement des informations auprès de AA______, AC______ et AB______ n'avaient jamais été retournés à celui-ci.

c) Par courriers du 2 mai 2023, H______, fils de feu Q______, a déclaré faire siennes les conclusions de la plaignante. Il reprochait une carence des exécuteurs testamentaires dans leur devoir d’information. Certains objets d’art vendus par l’intermédiaire de AB______ ne figuraient pas sur la liste fournie par le notaire B______. A______ avait produit une liste d’œuvres d’art, qui devaient encore être réalisées, comportant cinq objets. Selon lui, certains objets avaient déjà été vendus plusieurs années auparavant.

d) I______ et G______, fils de feu Q______, de même que F______, sa veuve, ont soutenu les conclusions de la plaignante.

e) J______, fils de feu Q______, s’en est rapporté à justice.

f) Les parties ont fait état d’une procédure connexe (C/1______/2018), concernant la succession de feu Q______, relative à une plainte formée à l’encontre de A______, qui avait également été désignée exécutrice testamentaire du prénommé, par testament public du 4 juin 2012.

g) Le 30 juin 2023, A______ a contesté le bien-fondé de la plainte dirigée à son encontre. Elle a soutenu que la procuration faite par C______ en faveur de AD______ n’était pas valable faute de capacité de discernement de celle-ci. Elle a produit deux correspondances émanant de E______ et D______ des 1er et 2 mai 2023 semblant être leur détermination, par lesquelles celles-ci considéraient que leur tante C______ n’était pas en capacité de comprendre ce qu’elle faisait.

Elle sollicitait que la procédure soit limitée à la question de la recevabilité de la plainte.

h) La Justice de paix a informé les parties, en date du 3 juillet 2023, de ce que la cause était gardée à juger.

i) Le 12 juillet 2023, D______ a répliqué et persisté dans son courrier du 2 mai 2023. Depuis l’acte de partage signé par les hoirs, aucun d’eux n’avait critiqué l’activité de A______, laquelle avait fait du bon travail selon elle. Son défunt frère, Q______, en était également satisfait puisqu’il l’avait lui-même désignée exécutrice testamentaire de ses dernières volontés.

j) E______ a repris les termes du courrier de sa sœur, D______, dans un écrit du 12 juillet 2023 et a persisté dans son courrier du 1er mai 2023 versé à la procédure par A______.

k) Dans ses déterminations du 14 juillet 2023, C______ a persisté dans ses conclusions et sollicité que la production des documents requis soit assortie d’une peine menace. Elle concluait également qu’il soit fait interdiction à A______ de mettre à la charge de la succession ses honoraires, ainsi que ceux de son conseil, "au vu de son attitude dilatoire et de sa mauvaise foi".

Le 27 juillet 2023, C______ a produit une décision du Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le Tribunal de protection) du 6 juin 2023, notifiée le 19 juillet 2023, constatant la validité du mandat pour cause d’inaptitude constitué par celle-ci en faveur de sa fille X______, couvrant les démarches effectuées antérieurement à cette décision par le conseil constitué en faveur de C______, dans le cadre de la procédure de plainte.

l) Le 28 juillet 2023, D______ a signifié à la Justice de paix qu’elle regrettait d’avoir signé la lettre du 12 juillet 2023, qui lui avait été soumise pour signature et envoi et, en conséquence, souhaitait annuler ce courrier.

m) Le 29 juillet 2023, E______ a adressé à la Justice de paix une copie de son courrier du 1er mai 2023, produit A______.

n) Le 8 août 2023, A______ a précisé, qu’au vu de la décision rendue par le Tribunal de protection le 6 juin 2023, il était évident que AD______ n’avait pas été initialement instruit par C______. Au surplus, au vu de l’acte de partage du 16 septembre 2021, toute action héréditaire en lien avec la succession de la défunte était prescrite, tout comme l’obligation de conserver les documents relatifs à ce partage, de sorte que le mandat pour cause d’inaptitude ne permettait pas qu’une action judiciaire soit intentée au nom de C______.

o) Le 8 août 2023, E______ a exprimé à la Justice de paix son incompréhension concernant le contenu de la lettre du 28 juillet 2023 de sa sœur D______.

p) Dans ses observations du 16 août 2023, H______ a conclu à ce que les frais d’avocat de A______ ne soient pas mis à la charge de la succession.

q) Par déterminations du 17 août 2023, C______ a persisté dans ses conclusions.

C.           Par décision DJP/585/2023 du 29 août 2023, la Justice de paix a, préalablement, déclaré recevable la plainte formée par C______ à l’encontre de A______ et B______, notaire, en leur qualité d’exécuteurs testamentaires dans la succession de L______, décédée le ______ 2002 (chiffre 1 du dispositif).

Au fond, elle a rappelé A______ et B______ à leur devoir de renseigner les héritiers (ch. 2) et leur a imparti un délai au 31 octobre 2023 pour remettre aux héritiers les documents suivants :

1) La répartition du prix de vente de la maison ayant appartenu à feu N______ et feu L______, vendue à Y______ ;

2) La répartition des stocks et des actions de la société S______ SA ;

3) S’agissant de l’acte de partage de 2011 :

* le détail des opérations ayant conduit à arrêter l’actif net de la succession à 32'244'512 fr. ;

* le détail de la composition des frais de liquidation de la succession pour un total de 3'943'222 fr.,

* la liste des objets et œuvres d’art vendus entre le décès et l’acte de partage (avec les détails pertinents, notamment les prix réalisés pour chacun des biens) ;

* la liste des objets attribués en pleine propriété aux héritiers pour 639'054 fr. chacun (avec les détails pertinents, soit pour chacun des biens, les photos et /ou descriptions, ainsi que les valeurs estimées) ;

* la liste des objets non encore vendus en 2011 et non attribués aux héritiers pour un montant de 141'200 fr. (avec les détails pertinents, soit pour chacun des biens, les photos et/ou descriptions, ainsi que les valeurs estimées, si des estimations ont été faites) ;

4) Concernant les ventes d’objets et d’œuvres d’art intervenues postérieurement à l’acte de partage de 2011 :

* la liste des objets et œuvres d’art vendus entre le 1er avril 2011 et ce jour (avec les détails pertinents, soit pour chacun des biens, notamment les prix, les monnaies des transactions, et les photos et/ou descriptions) ;

* la liste des objets et œuvres d’art non encore vendus ou attribués depuis le 1er avril 2011 jusqu’à ce jour (avec les détails pertinents, soit, pour chacun des biens, les photos et/ou descriptions, ainsi que les valeurs estimées, si des estimations ont été faites) ;

5) Un décompte général de la succession pour l’activité réalisée du 1er avril 2011 jusqu’à ce jour ;

6) Les relevés bancaires des comptes de la succession depuis le 25 juillet 2002 ;

7) La liste contenant le descriptif complet des meubles meublants, tableaux et autres œuvres d’art dépendant de cette succession vendus par l’intermédiaire de AB______ depuis le 25 juillet 2002 ;

8) La liste contenant le descriptif complet des meubles meublants, tableaux et autres œuvres d’art dépendant de cette succession vendus par l’intermédiaire de AC______ SA depuis le 25 juillet 2002 (ch. 3) ;

et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4), fixé un émolument de décision de 1'000 fr., et l’a mis, ainsi que les frais exposés par le greffe, conjointement et solidairement, à la charge de A______ et B______, à raison d’une moitié chacun.

D.           En substance, dans sa décision, la Justice de paix a admis la validité de la plainte déposée par C______ à l’encontre des exécuteurs testamentaires, au vu notamment de la décision du Tribunal de protection ayant validé le mandat pour cause d’inaptitude en faveur de la fille de la plaignante. Après avoir rappelé les devoirs des exécuteurs testamentaires envers les héritiers, elle a relevé qu’elle n’était pas compétente pour se prononcer sur la validité de l’acte de partage conclu en septembre 2011, sur l’étendue de la décharge qu’il contenait et sur les éventuelles prescriptions. Son rôle se limitait à examiner l’accomplissement par les exécuteurs testamentaires de leurs devoirs et de leurs actes, ceux-ci devant répondre en tout temps aux questions et demandes de renseignements des héritiers, conformément aux prescriptions légales applicables.

"Il avait été demandé" aux exécuteurs testamentaires de renseigner les héritiers sur différents points et rien ne dispensait ceux-ci de renseigner les ayants-droit, non seulement sur ce qui avait trait à la succession, mais également sur leurs activités. En outre, la Justice de paix relevait que les exécuteurs testamentaires ne s’étaient pas justifiés par rapport à leurs manquements à leur devoir d’information. Quand bien même la plainte n’aurait pas été recevable, cela ne dispensait pas les héritiers de leur devoir de renseigner les héritiers. A aucun moment, ils n’avaient expliqué pour quelles raisons les requêtes émises par l’un ou l’autre des hoirs étaient illégitimes, dénuées de substance ou infondées. Les arguments soulevés en lien avec la légitimation de la plaignante n’avaient jamais été soulevés avant le 30 juin 2023.

La Justice de paix constatait, à teneur des divers documents et informations en sa possession, que bon nombre des documents requis n’avaient pas été délivrés et certains documents fournis aux héritiers ne correspondaient pas à ce qui avait été demandé. Les documents produits contenaient des incohérences, ce qu’avaient soulevé "différents plaignants". La Justice de paix "s’interroge(ait)" sur le silence des exécuteurs testamentaires quant aux courriers que leur avait adressés le conseil de la plaignante, à l’attention de AA______ et des maisons AC______ et AB______.

Les exécuteurs testamentaires étaient donc rappelés à leurs obligations de renseigner les héritiers et devaient produire les documents requis, étant précisé que ni la doctrine ni la jurisprudence n’exigeait que le devoir de reddition de comptes soit totalement exhaustif dans la mesure où le transmission d’informations, qui pouvait en règle générale être faite oralement, avait pour but de permettre aux héritiers de déterminer leurs droits successoraux et leur indiquer les actions judiciaires qu’ils avaient la faculté d’exercer.

En revanche, il n’était pas nécessaire de connaître les détails des commissions versées lors des ventes des objets. Les documents à transmettre étaient donc listés dans le dispositif de la décision, les parties étant pour le surplus déboutées de leurs autres conclusions, notamment relatives à l’indemnité et aux honoraires des exécuteurs testamentaires, puisqu’elles n’étaient pas du ressort de la Justice de paix.

E.            a) Par acte du 11 septembre 2023, A______ et B______ ont formé appel de cette décision, qu’ils ont reçue le 31 août 2023.

Ils ont conclu préalablement, à titre principal, au renvoi de la cause à la Justice de paix en l’avisant, conformément aux considérants de l’arrêt, de suspendre la procédure et fixer un délai à C______ pour saisir le Tribunal de première instance d’une action en constatation de la validité/invalidité de l’acte de partage du 16 septembre 2011 et de sa clause de solde de tout compte, ainsi que de l’étendue de la clause de décharge y contenue donnée aux exécuteurs testamentaires et de la prescription des prétentions "barrant toute action, demande de reddition de comptes et demande d’informations au sujet de l’acte de partage du 16 septembre 2011 et de son contenu", et à ce qu’il soit ordonné à C______ et/ou X______, sa fille, de produire le mandat pour "cause d’incapacité" que sa mère lui avait conféré le 21 décembre 2017.

Préalablement, et à titre subsidiaire, ils ont conclu à la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé concernant l'action sus-évoquée, un délai de 30 jours devant être fixé à C______ pour introduire cette action devant le Tribunal de première instance. Ils ont également conclu à ce que C______ produise à la Cour le jugement exécutoire qui sera rendu sur ces questions et le mandat pour cause d’inaptitude confié à X______.

A titre principal, ils ont conclu à l’annulation de la décision rendue par la Justice de paix et à ce qu’un délai leur soit fixé afin de remettre aux héritiers les documents et informations suivants :

1) S’agissant des éléments exclus de l’acte de partage de 2011 :

* La répartition des stocks et des actions de la société S______ SA ;

* La liste des objets non encore vendus en 2011 et non attribués aux héritiers pour un montant de 141'220 fr. (avec les détails pertinents, soit pour chacun des biens, les photos et/ou descriptions, ainsi que les valeurs estimées, si des estimations ont été faites) ;

* La liste des objets et œuvres d’art vendus entre le 1er avril 2011 et ce jour (avec les détails pertinents, soit pour chacun des biens, notamment les prix, les monnaies des transactions et les photos et/ou descriptions) ;

2) Un décompte général de la succession pour l’activité réalisée du 1er avril 2011 jusqu’à ce jour.

C______, ainsi que tout autre éventuel intervenant, devaient être déboutés de leur conclusions.

b) Par réponse du 23 octobre 2023, D______ a conclu au rejet de l'appel, sous suite de frais et dépens.

c) J______ s'en est rapporté à justice le 23 octobre 2023.

d) H______ a conclu au déboutement des appelants de toutes leurs conclusions principales et subsidiaires sous suite de frais et dépens.

e) Dans sa réponse du 23 octobre 2023, C______ a conclu, sur conclusions préalables (principales et subsidiaires) au déboutement des appelants.

Sur conclusions principales, elle a conclu, en substance, au déboutement des appelants de leurs conclusions, mais à ce qu'il leur soit donné acte de qu'elle acceptait la production des documents qu'ils s'étaient engagés à produire dans leurs conclusions d'appel, sollicitant le prononcé d'une décision partielle sur ce point.

f) G______ n'a pas pris de conclusions mais considérait que les exécuteurs testamentaires avaient l'obligation de fournir tous les renseignements qui leur étaient demandés par les héritiers et ne devaient pas se soustraire à ces obligations.

g) Le 1er novembre 2023, F______ a déclaré se rallier aux conclusions de C______.

h) Le 27 octobre 2023, I______ a déposé des observations. Il n'a pas pris de conclusions formelles mais a précisé que les héritiers cherchaient des réponses claires et précises à leurs questions légitimes.

i) A______ et B______ ont répliqué le 1er décembre 2023, persistant dans leurs conclusions. Ils ont apporté en préambule des corrections à leur mémoire d'appel, ne concernant pas leurs conclusions.

Ils ont déposé un chargé de pièces.

j) Le 15 décembre 2023, D______ a déposé des observations, considérant que la réplique des appelants s'apparentait davantage à un complément d'appel, de sorte que sa recevabilité paraissait douteuse. Elle a cependant persisté dans ses conclusions du 23 octobre 2023 et a produit une pièce complémentaire.

k) Le 15 décembre 2023, C______ a déposé une duplique spontanée, concluant à l'irrecevabilité de la réplique et des pièces des appelants, qu'elle considère tardives. Elle a conclu également à "l'irrecevabilité de la tentative de modification des appelants", leur réplique tendant, selon elle, à modifier l'offre de preuves. Elle a persisté au fond dans l'intégralité de ses conclusions du 23 octobre 2023, avec la précision que le délai à impartir aux appelants pour fournir les documents et informations qu'ils annonçaient pour le 30 novembre 2023, qui n'avait été qu'imparfaitement ou pas fourni, devait être fixé à 10 jours suite à l'arrêt de la Cour leur donnant acte de leurs engagements, sous suite de frais et dépens.

Elle a produit des pièces complémentaires.

l) H______, par déterminations du 18 décembre 2023, a appuyé les conclusions de C______ et persisté intégralement dans ses propres conclusions du 23 octobre 2023.

m) Par courrier du 20 mars 2024, reçu le 2 avril 2024 par la Cour, I______, domicilié au Bahreïn, a indiqué ne pas avoir reçu le courrier de la Cour du 5 décembre 2023 et a fait élection de domicile à son adresse secondaire en France pour la suite de la procédure.

n) La cause a été gardée à juger à l'issue de ces échanges.

EN DROIT

1.             1.1 Les décisions du juge de paix, qui relèvent de la juridiction gracieuse et sont soumises à la procédure sommaire (article 248 let. e CPC), sont susceptibles d'un appel ou d'un recours à la chambre civile de la Cour de justice (art. 120 al. 2 LOJ), dans le délai de 10 jours (art. 314 al. 1 et 321 al. 2 CPC) selon que la valeur litigieuse est ou non d'au moins 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Les causes successorales sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 5D_133/2010 consid. 1.3).

En l'espèce, la cause est de nature pécuniaire et la valeur de la succession est supérieure à 10'000 fr., au regard notamment de la valeur des biens successoraux qui n'ont pas encore été partagés entre les héritiers et qui figurent dans l’acte de partage partiel du 16 septembre 2011.

La voie de l'appel est ouverte.

1.2 l'appel a été formé dans le délai et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142, 308 al. 1 let. a et 314 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.3 C______ conclut à l'irrecevabilité de la réplique des appelants. Elle fait valoir que ladite écriture serait tardive au motif qu’elle serait parvenue à la Cour le 5 décembre 2023, soit postérieurement à l’échéance du délai de réplique inconditionnelle de dix jours arrivant à échéance le 2 décembre 2023. Ce grief sera rejeté dans la mesure où la réplique des appelants a été expédiée à la Cour le 1er décembre 2023 et est, partant, recevable.

1.4 Selon l'art. 311 al. 1 CPC, il incombe à l'appelant de motiver son appel, c'est-à-dire de démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée. La motivation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément (ATF 138 III 374, 375). La motivation de l'appel est une condition de recevabilité, qui doit être examinée d'office; lorsque l'appel est insuffisamment motivé, l'autorité n'entre pas en matière (arrêts du Tribunal fédéral 5A_247/2013 consid. 3.1; 4A_651/2012 consid. 4.2).

C______ conclut également dans sa duplique à "l’irrecevabilité de la tentative de modifications des appelants".

En tant qu'elle renvoie en guise de motivation de cette conclusion au préambule de la page 2 du mémoire de réplique des appelants, le grief, insuffisamment motivé, sera rejeté.

1.5 La conclusion des appelants visant la production par C______, respectivement sa fille (non participante à la procédure), du mandat pour cause d'inaptitude, que C______ a octroyé à cette dernière le 21 décembre 2017, sera rejetée dans la mesure où elle est irrelevante, le Tribunal de protection ayant, par décision du 27 juillet 2023, constaté la validité de ce mandat, considérant qu'il couvrait également les démarches effectuées par AD______ en faveur de C______ dans le cadre de la présente procédure de plainte à l'encontre de B______ et A______.

2.             La plaignante conteste la recevabilité des pièces 10 et 13 produites par les appelants.

2.1 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération que s'ils ont été invoqués ou produits sans retard et qu'ils n'ont pas pu l'être en première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (art. 317 al. 1 let. a et b). Les deux conditions sont cumulatives (ATF 144 III 349 consid. 4.2).

S'agissant des vrais nova (echte Noven), la condition de nouveauté posée par la lettre b est sans autre réalisée et seule celle d'allégation immédiate doit être examinée. En ce qui concerne les pseudos nova (unechte Noven), il appartient au plaideur qui entend les invoquer devant l'instance d'appel de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le moyen de preuve n'a pas pu être produit en première instance (ATF 144 III 349 consid. 4.2; 142 III 413 consid. 2.2.2; arrêt du tribunal fédéral 5A_392/2021 précitées consid. 3.4.1.2).

2.2 En l'espèce, la pièce nouvelle 10 produite par les appelants est un article rédigé par un avocat datant du 29 octobre 2007, qui est irrecevable, les appelants n’expliquant pas les raisons qui les auraient empêchés de le produire plus tôt, étant relevé que cette pièce est, quoi qu'il en soit, irrelevante pour l’issue de l’appel.

Les pièces 11 (courrier de D______ à la Justice de paix du 12 juillet 2023), 12 (courrier de E______ à la Justice de paix du 8 août 2023) et 13 (courrier de E______ à la Justice de paix du 12 juillet 2023) ne sont pas des pièces nouvelles mais font déjà partie de la procédure de première instance, étant précisé que ces trois documents ont été adressés par la Justice de paix aux parties, de sorte qu’elles ont eu la possibilité de se déterminer sur leur contenu.

3.             Sans faire formellement grief à la Justice de paix d'avoir procédé à une constatation incomplète des faits, les appelants ont cependant complété l'état de fait de la décision contestée. La Cour a également complété, dans la mesure utile et sur la base des actes et des pièces de la procédure, l'état de fait retenu par la justice de paix, de sorte que l’éventuel grief des appelants en lien avec une constatation incomplète des faits est purgé.

4.             Les appelants concluent préalablement à la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé sur la validité de l'acte de partage signé le 16 décembre 2011, sur la clause de solde de tout compte et sur l'étendue de la décharge figurant dans ledit acte donné à A______ et B______, ainsi que sur les questions de prescription y relatives et sollicite qu’un délai soit fixé aux héritiers de la de cujus afin de déposer une action au Tribunal de première instance sur ces points.

4.1 A teneur de l'article 126 al.1 CPC, le tribunal peut ordonner la suspension de la procédure si des motifs d'opportunité le commandent. La procédure peut notamment être suspendue lorsque la décision dépend du sort d'un autre procès, en particulier si cette autre décision peut avoir une influence déterminante sur la procédure pendante (BOHNET, HALDY, JEANDIN, SCHWEIZER, TAPPY, Commentaire Romand CPC, ad art. 126, N 5).

4.2 En l'espèce, aucune procédure n'étant pendante devant le Tribunal de première instance portant sur la validité de l'acte de partage signé le 16 septembre 2011, il n'y a pas lieu de suspendre la présente cause comme dépendant d'une autre procédure, de sorte que les appelants seront déboutés de leurs conclusions préalables. De même, il n’y a pas lieu de donner un délai aux héritiers pour déposer une telle action, cette conclusion excédant la compétence de la Cour.

5.             La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 55 al. 2 cum 255 let. c CPC, 58 al. 1 et 310 CPC). Toutefois, la cause étant soumise à la procédure sommaire, sa cognition est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit.

Le juge établit les faits d'office (maxime inquisitoire; art. 255 let. b CPC). Les moyens de preuve sont limités à ceux qui sont immédiatement disponibles.

6.             Les appelants considèrent que la décision de la Justice de paix du 29 août 2023, dans la mesure où elle leur ordonne de renseigner, moyennant reddition de comptes et communication d'informations et de documents, sur les éléments de la succession de L______ définitivement réglée par acte de partage partiel du 16 septembre 2011, a été rendue en violation du droit, soit plus précisément en violation du principe pacta sunt servanda, des dispositions sur la prescription, de la nécessité de se fonder sur un intérêt légitime et de respecter le principe de la bonne foi.

6.1.1 Le disposant peut, par une disposition pour cause de mort, charger un exécuteur testamentaire d'exécuter ses dernières volontés (art. 517 al. 1 CC).

Si le disposant n'en a ordonné autrement, les exécuteurs testamentaires ont les droits et les devoirs de l'administrateur officiel d'une succession (art. 518 al. 1 CC). Ils sont chargés de faire respecter la volonté du défunt, notamment de gérer la succession, de payer les dettes, d'acquitter les legs et de procéder au partage conformément aux ordres du disposant ou suivant la loi (art. 518 al. 2 CC).

L'exécuteur testamentaire est tenu d'informer les héritiers sur les faits importants pour le partage de la succession et sur les activités déployées dans le cadre de sa mission. Il doit les renseigner sur l'état de la succession, les retraits effectués, les honoraires pour l'activité déjà déployée, les démarches entreprises ou envisagées et les événements importants (ATF 90 II 365 consid. 3a et 3b; LEU, ZGK ZGB II, 2023, n. 17 ad art. 518 CC et les références).

L'exécuteur testamentaire est investi d'une tâche de droit privé, dont le but est notamment de préparer le partage (cf. art. 518 al. 2 CC). A cet égard, il doit avant tout rechercher l'accord des héritiers, et en cas de divergences entre eux, offrir ses bons offices de conciliateur pour aboutir si possible à un partage amiable. Selon la jurisprudence et doctrine majoritaire, il ne peut en revanche imposer aux héritiers un projet de partage ni saisir lui-même le juge (arrêts du Tribunal fédéral 5A_672/2013 du 24 février 2014 consid. 3.3 et les références). Partant, même si après négociation, un ou plusieurs héritiers refusent le projet de partage, l'exécuteur testamentaire peut soit se limiter à l'administration de la succession jusqu'à ce que les héritiers aient trouvé un accord amiable ou attendre que l'un d'eux introduise une action en partage, soit résilier son mandat. En revanche, si tous les héritiers approuvent le projet de partage, celui-ci entre en force et il appartient à l'exécuteur testamentaire de le mettre en œuvre (arrêts du Tribunal fédéral 5A_707/2021 du 16 mars 2021 consid.6.1.

6.1.2 L'exécuteur testamentaire est soumis à la surveillance de l'autorité qui a notamment le pouvoir de prendre des mesures préventives (recommandations, voire directives), ainsi que des mesures disciplinaires, dont la plus grave est la destitution de celui-ci pour cause d'inaptitude ou de violation grossière de ses devoirs (arrêt du Tribunal fédéral 5A_488/2018 du 10 mai 2019 consid. 4.4.2.1; 5A_414/2012 du 19 octobre 2012 consid. 4.1 et les références; PILLER, Commentaire romand, Code civil II, 2016, n. 172 s. ad art. 518 CC).

L’autorité de surveillance n'intervient en principe que sur plainte, laquelle peut être déposée par les héritiers légaux, institués et potentiels, ainsi que par toute personne gratifiée par le disposant d'une libéralité testamentaire (KARRER/ VOGT/ LEU, Basler Kommentar, 4ème éd., 2011, n° 99 ad art. 518 CC, STEINAUER, Le droit des successions, 2006, n° 1185b p. 555 et références citées). L'héritier, le légataire ou le bénéficiaire qui dépose une plainte doit au surplus être intéressé au point critiqué (PIOTTET, Traité de droit privé suisse IV, Droit successoral, 2ème éd. 1988, § 20p. 111). En d'autres termes la plainte peut émaner de toute personne participant matériellement à la succession (ATF 66 II 148, arrêt du Tribunal fédéral 5A_713/2011 consid. 3.2).

6.1.3 Les fonctions de l'exécuteur testamentaire prennent fin ordinairement par l'accomplissement de la tâche qui lui a été confiée, c'est-à-dire sauf instructions particulières lorsque les dettes ont été payées, les legs délivrés et le partage de la succession clos (art. 518 al. 2 CC). La clôture de la succession intervient par l'exécution du partage manuel, du contrat de partage ou du jugement de partage. Ce n'est pas la conclusion du contrat ni le prononcé du jugement de partage qui sont déterminants, mais bien l'accomplissement des actes de disposition correspondants, tels le transfert de la possession des meubles, l'inscription au registre foncier des attributaires ou la cession des créances (PILLER, op. cit., ad art. 517 n. 62).

6.1.4 A teneur de l'art. 634 al. 1 CC, le partage oblige les héritiers dès que les lots ont été composés et reçus ou que l'acte de partage a été passé. Le partage conventionnel peut ainsi se présenter sous la forme soit d'un partage manuel (Realteilung), soit d'un acte de partage en la forme écrite (Erbteilungsvertrag; arrêt 5A_230/2007 du 7 juillet 2008 consid. 5.1: STEINAUER, Le droit des successions, 2ème éd. 2015, n° 1387; VOUILLOZ, in Commentaire romand CC II, 2016, n° 2 ad art. 634 CC; PILLER, op. cit., 2016, n° 86 ad art. 518 CC; WOLF/ HRUBESCH-MILLAUER, Grundriss des schweizerischen Erbrechts, 2017, n°s 1641 et 2021; SCHAUFELBERGER/ KELLER LÜSCHER, in Basler Kommentar, ZGB, II, 6ème éd., 2019, n° 1 ad art. 634 CC). Dans les deux hypothèses, l'unanimité des héritiers est nécessaire (VOUILLOZ, op. cit, n° 5 ad art. 634 CC; WOLF/HRUBESCH-MILLAUER, op. cit., n° 2023; SCHAUFELBERGER/ KELLER LÜSCHER, op. cit., n° 5 ad art. 634 CC; KARRER/VOGT/LEU, in Basler Kommentar, ZGB II, 6ème éd. 2019, ad art. 518 CC).

La composition et la réception des lots de l'art. 634 al. 1 i.i. CC (partage manuel) consiste dans la prise de possession par chaque héritier des objets formant son lot : le passage de ces choses dans sa maîtrise exclusive (STEINAUER, op. cit., n° 1391; SCHAUFELBERGER/KELLER LÜSCHER, op. cit., n° 5 ad art. 634 CC). Pour les meubles (meubles meublants, outillage, animaux, titres au porteur, etc.), l'acte de disposition consiste dans le transfert pur et simple de la possession. Pour les immeubles, il faut une inscription au registre foncier sur la base d'une réquisition émanant de tous les héritiers, le seul transfert de possession ne suffisant pas. Pour les créances et titres, le transfert s'opère par une cession écrite, voire un endossement, signés par tous les cohéritiers. Quant aux dettes, la reprise s'effectue par convention sans forme entre l'héritier reprenant et le créancier (…). Dans l'hypothèse d'un partage manuel, l'accord des héritiers se réalise par la réception matérielle des biens formant le lot de chacun d'eux; il ne lie ceux-ci qu'au moment où tous les biens composant la succession ont effectivement passé dans la maîtrise de l'héritier à qui ils sont destinés (arrêts du Tribunal fédéral 5A_707/2020 du 16 mars 2021 consid. 5.1; 4A_649/2012 du 13 mai 2013 consid. 3.1; ATF 102 II 197 consid. 3a; STEINAUER, op. cit. n° 1391b; VOUILLOZ, op. cit., n° s 7 et 15 ad art. 634 CC, PILLER, op. cit. n° 87 ad art. 518 CC).

Il en résulte que l'unanimité des héritiers nécessaire à la conclusion et à l'exécution d'un partage manuel est réalisée lorsque tous les biens à partager ont effectivement fait l'objet d'un acte de disposition des héritiers en faveur de son attributaire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_707/2020 du 16 mars 2021 consid. 5.2).

6.2 En l'espèce, la Justice de paix a considéré que les exécuteurs testamentaires avaient un devoir de reddition général envers les héritiers, de sorte qu'elle a ordonné que ceux-ci remettent à ceux-là toutes les informations sollicitées par eux, depuis le décès de la de cujus, soit depuis 2002.

Ce faisant, la Justice de paix n'a pas pris en considération l'existence et le contenu de l'acte de partage partiel, valant partage entre les héritiers et décharge des exécuteurs testamentaires à la date du 31 mars 2011. Si certes, la Justice de paix n’est pas compétente pour trancher la validité de cet acte, comme elle le souligne, elle ne pouvait ignorer son existence, ni considérer que sa validité était remise en cause, alors qu’aucun héritier de la de cujus n'a jamais invalidé cet acte de partage partiel signé devant notaire le 16 septembre 2011. En particulier, les héritiers de la de cujus n'ont jamais indiqué qu'ils auraient été dans l'erreur ou que les documents nécessaires à leur prise de décision n'auraient pas été en leur possession au moment où ils ont accepté de signer cet acte notarié. Non seulement aucune déclaration d'invalidation de cet acte n'a été formulée par l'un ou l'autre des héritiers, mais aucune procédure n'a été intentée par ceux-ci devant le Tribunal de première instance pour contester tout ou partie de cet acte de partage, de même que les clauses qu'il contient.

Cet acte de partage partiel déploie donc en l'état tous ses effets et oblige les héritiers, les lots qui en résultent ayant été composés et reçus par leurs soins. Les quatre héritiers légaux ont en effet convenu d'arrêter le solde net de la succession à 32'244'512 fr., duquel était déduites certaines dettes et charges, toutes détaillées et qu'ils ont acceptées, portant le solde à partager à 19'332'771 fr. Ce montant a été réparti entre les quatre héritiers, selon les termes du testament, et chacun a reconnu avoir reçu les montants qui lui étaient dus. Ainsi, la succession de feu L______ a été partagée entre ses quatre héritiers légaux, valeur 31 mars 2011, à l'exclusion de certains actifs, tous listés dans l'acte de partage, qui doivent encore être partagés.

Par conséquent le devoir de renseignement des exécuteurs testamentaires depuis la date du décès de la de cujus jusqu'au 31 mars 2011 s'est éteint, pour tous les biens faisant l'objet de l'acte de partage partiel. Les héritiers ne peuvent donc pas, par le biais d'une plainte à l'encontre de ces derniers, faire renaître leur droit à l'information concernant une période pour laquelle les exécuteurs testamentaires ont accompli et terminé leurs tâches, le partage sur l'ensemble des biens de la succession, hormis ceux qui sont mentionnés spécifiquement dans l'acte de partage partiel, ayant été exécuté. En conséquence, aucun document ou renseignement concernant cette période échue ne pouvait être exigé des exécuteurs testamentaires, contrairement à ce qu'a retenu la Justice de paix. Les héritiers légaux avaient d'ailleurs donné valablement décharge aux exécuteurs testamentaires à l'article 8 de l'acte de partage partiel pour le travail effectué par ces derniers au 31 mars 2011.

Par contre, les exécuteurs testamentaires sont toujours en charge de la succession de feu L______ pour les biens qui n'ont pas été distribués depuis 2011 et qui sont listés dans l'acte de partage partiel, soit les objets non vendus, les liquidités restantes et les autres immobilisations qui n'ont pu être distribuées, valeur 31 mars 2011.

Pour l'ensemble de ces biens, les exécuteurs testamentaires ont une obligation de renseignements envers les héritiers. Ils ne le contestent d'ailleurs pas dans le cadre de la présente procédure puisqu'ils ont offert de fournir aux héritiers les informations réclamées sur la période du 1er avril 2011 à ce jour, ce dont il leur sera donné acte, respectivement ce à quoi ils seront condamnés en tant que de besoin, étant précisé que la plaignante a accepté de recevoir les renseignements listés par les exécuteurs testamentaires pour cette période et n'en réclame pas d'autres.

Le chiffre 3 du dispositif de la décision attaquée sera par conséquent annulé et reformulé dans le sens de ce qui précède, un délai de 30 jours étant accordé aux appelants afin de faire parvenir aux héritiers de la succession de feu L______ les documents listés.

7.             Les appelants ont également conclu à l'annulation du chiffre 1 (recevabilité de la plainte), du chiffre 2 (rappel des exécuteurs testamentaires à leur devoir de renseigner les héritiers) et du chiffre 3 (fixation et répartition de l'émolument de première instance), sans toutefois motiver leurs conclusions sur ces points.

En conséquence, leur appel sera déclaré irrecevable concernant l'annulation de ces chiffres, faute de motivation (article 450 al. 3 CC).

8.             Les frais d'appel, arrêtés à 3'000 fr., seront mis, compte tenu du résultat de la procédure, à raison d'1/3 à la charge des appelants et de 2/3 à la charge de C______, partie plaignante, les autres participants à la procédure s'étant contentés de supporter ses conclusions.

Les appelants, compte tenu de l'avance de frais effectuée en 700 fr., seront condamnés, conjointement et solidairement, à verser la somme de 300 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

C______ sera, quant à elle, condamnée à verser 2'000 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Chaque parte supportera ses propres dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 11 septembre 2023 par A______ et B______ contre la décision DJP/585/2023 rendue le 29 août 2023 par la justice de paix dans la cause C/17255/2002.

Au fond :

Annule le chiffre 3 du dispositif de cette décision.

Cela fait, statuant à nouveau :

Donne acte à A______ et B______ de leur accord à fournir aux héritiers de feu L______ les documents suivants :

• la répartition des stocks et des actions de la société S______ SA ;

• la liste des objets non encore vendus en 2011 et non attribués aux héritiers pour un montant de 141'220 fr., avec les détails pertinents, soit pour chacun des biens, les photos et/ou descriptions, ainsi que les valeurs estimées, si des estimations ont été faites.

• La liste des objets et œuvres d'art vendus entre le 1er avril 2011 et ce jour, avec les détails pertinents, soit pour chacun des objets, notamment les prix, les monnaies des transactions et les photos et/ou descriptions.

• Un décompte général de la succession pour l'activité réalisée du 1er avril 2011 jusqu'à ce jour.

Les y condamne en tant que de besoin.

Leur fixe pour ce faire un délai de 30 jours dès la notification du présent arrêt.

Déboute les parties et autres intervenants de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du présent recours à 3'000 fr., les répartis à raison de 1/3 et 2/3 entre les parties, soit 1’000 fr. à charge de A______ et B______, pris conjointement et solidairement, sous déduction de leur avance de frais, et 2'000 fr. à charge de C______.

Condamne, en conséquence, A______ et B______ à verser la somme de 300 fr. aux Services financiers du Pourvoir judiciaire.

Condamne, en conséquence, C______ à verser la somme de 2'000 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Dit que chaque partie supportera ses propres dépens.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Monsieur
Cédric-Laurent MICHEL et Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.