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Décisions | Chambre de surveillance

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C/8410/2023

DAS/247/2024 du 22.10.2024 sur DTAE/10180/2023 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8410/2023-CS DAS/247/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MARDI 22 OCTOBRE 2024

 

Recours (C/8410/2023-CS) formé en date du 29 décembre 2023 par Monsieur A______, domicilié ______ [GE].

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 28 octobre 2024 à :

 

- Monsieur A______
______, ______.

- Madame B______
c/o Me Camille MAULINI, avocate.
Boulevard de Saint-Georges 72, 1205 Genève.

- Madame C______
Madame D______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Route des Jeunes 1E, case postale 75,1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.       a) La mineure E______, née le ______ 2012, est issue de l’union conjugale entre B______ et A______.

Les parents de la mineure se sont séparés en août 2022 dans un contexte conflictuel, ayant nécessité l'intervention de la police.

Le couple a également un fils, F______, né le ______ 2005.

b) Par jugement de mesures protectrices de l’union conjugale rendu le 24 avril 2023, le Tribunal de première instance a, notamment, confié la garde de la mineure E______ à sa mère, fixé un droit de visite entre le père et sa fille au sein du Point rencontre à quinzaine, en modalité "un pour un", exhorté les parents à entreprendre une thérapie familiale avec leur fille, instauré une curatelle d’organisation et de surveillance du droit de visite, charge aux curateurs désignés d’informer le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après: le Tribunal de protection) de toute modification nécessaire et compatible avec l’intérêt de l’enfant, selon l’évolution de la situation, et levé les mesures d'éloignement prononcées à l'encontre du père, ordonnées sur mesures superprovisionnelles du 11 août 2022.

c) Le rapport du SEASP du 3 janvier 2023 rendu dans le cadre de cette procédure relevait que A______ restait dans le déni complet de ses actes et de leur aspect violent, ainsi que du fait qu'il mettait le développement de ses enfants en danger. F______ ne voulait plus voir son père. E______ était d'accord de le voir mais à son rythme. Le père ne différenciait pas les besoins de E______ des siens et, lorsqu'ils entraient en concurrence, ne donnait pas la priorité à ceux de sa fille. Il tentait de forcer les relations avec la mineure plutôt que de la préserver, et banalisait les actes qu'elle avait subis ou dont elle avait été le témoin. La mère avait mis en place un suivi psychologique pour ses deux enfants.

d) Par requête du 25 octobre 2023, A______ a requis du Tribunal de protection une extension des modalités de son droit de visite sur sa fille E______.

e) Dans son rapport du 7 novembre 2023, le Service de protection des mineurs (SPMi) a préavisé de suspendre les relations personnelles entre le père et sa fille au sein du Point rencontre et d’ordonner l’exercice de celles-ci, lorsque la mineure serait prête, au sein d’un lieu thérapeutique en modalité "un pour un", ce à raison d’une fois par mois, ainsi que d’instaurer des mesures d’éloignement du périmètre scolaire et du domicile de la mineure à l’encontre du père.

Il ressort de ce préavis que, avant la mise en place du droit de visite au Point rencontre, E______ avait exprimé au SPMi qu'elle se sentait mieux depuis que son père avait quitté le domicile; elle n'avait plus les maux de ventre qui la réveillaient la nuit lorsqu'il était encore à la maison. Elle avait également fait part d'événements qui l'avaient marquée, soit notamment lorsque son père avait renversé du café froid sur ses jambes et avait crié sur elle, ou encore lorsque la police était intervenue au domicile et qu'elle s'était cachée sous la table de la cuisine. Son père lui avait également tiré les cheveux, lançait des objets et frappait lorsqu'il vivait encore à la maison. Depuis que ses parents s'étaient séparés, elle avait vu son père à proximité de son école ou de son logement, ce qui l'effrayait; elle ne se sentait pas en sécurité. Elle n'avait pas envie de voir son père.

Le père avait exprimé son mécontentement lorsque le SPMi avait déplacé la première rencontre avec sa fille, en raison de la participation de celle-ci à un camp, et ce malgré les explications fournies par les intervenants sur l'intérêt de l'enfant à y participer. La mère avait expliqué que lorsque le père, qui résidait en Macédoine, venait à Genève, il tentait de prendre contact avec eux. Cette pression, exercée de manière directe ou indirecte, était constante.

Après la première rencontre avec son père, préparée avec la psychologue de son école, la mineure était revenue, selon sa mère, avec beaucoup de cadeaux, dont elle ne voulait pas; elle avait dit ne pas se sentir bien et était allée s'isoler dans sa chambre. La mineure avait, quant à elle, confié aux intervenants du Point rencontre que les visites étaient difficiles pour elle en raison de souvenirs douloureux en lien avec son père. Elle ne voulait recevoir de sa part ni cadeaux ni bisous.

Selon la mère, depuis le début de l’exercice du droit de visite, sa fille avait des difficultés à trouver le sommeil et ressentait de nouveau des maux de ventre, la veille des visites. Le père essayait toujours de les contacter, ce qui avait des répercussions néfastes sur E______, qui se levait de nombreuses fois durant la nuit pour vérifier que la porte était bien fermée et faisait des allers-retours aux toilettes.

Les curatrices ont exposé que le 23 août 2023, l'intervenante du Point rencontre avait dû interrompre la visite en cours. Le père avait adopté un comportement inadéquat; il avait "bombardé" la mineure de questions; il lui avait montré des sites internet qu'elle pouvait consulter et dont il lui avait noté le nom sur un papier, qu'il avait collé sous ses yeux; il avait sorti un album photos de son sac comportant des cryptogrammes qu'elle pouvait scanner sur son téléphone pour visionner des vidéos d'elle plus jeune; il avait encore extirpé toute une série de choses de son sac en faisant pression sur sa fille pour qu'elle les accepte, le tout dans un monologue, sans interaction avec sa fille. E______ était mal à l'aise et les tentatives de l'intervenante pour cadrer la visite n'avaient pas permis au père de se contenir. Au contraire, celui-ci avait haussé le ton et s'était mis à pleurer en vociférant qu'il avait le droit d'offrir des cadeaux à sa fille et qu'il ne savait pas quand il pourrait revenir de Macédoine, son épouse ayant bloqué son argent. La mineure avait demandé à aller aux toilettes puis n'avait plus voulu revenir dans la salle disant qu'elle ne se sentait pas en sécurité lorsque son père s’énervait. Suite à l'interruption de la visite, le père avait redoublé de pleurs et, sachant E______ dans une pièce voisine, avait quitté la salle en criant qu’il l'aimait. Il avait par la suite nié son comportement, puis expliqué avoir été stressé.

E______ préférait ne plus voir son père ou, si elle y était obligée, une seule fois par mois. La psychologue scolaire, experte en psycho-traumatologie, avait expliqué aux curatrices que la mineure présentait les signes cliniques typiques d'une enfant ayant grandi dans un contexte psychotraumatogène; elle avait besoin d’effectuer un travail sur les traumatismes qu'elle avait vécus, avant de pouvoir être confrontée à son père.

f) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 28 novembre 2023, lors de laquelle la mère s’est déclarée d’accord avec les propositions du SPMi, tout en précisant qu’elle était elle-même suivie par un thérapeute et qu’elle avait mis en place un suivi thérapeutique pour sa fille auprès de la Dre G______.

Le père a persisté dans ses conclusions. Il était d’accord avec le suivi mis en place pour sa fille. Il avait l’intention de vivre à plein temps à Genève. Il avait consulté [l'association] H______ de septembre à décembre 2022, sans toutefois avoir conscience de la personnalité des personnes qui étaient suivies au sein de cette structure. Il avait débuté ensuite un suivi auprès de la Dre I______, psychiatre, auquel il avait dû mettre fin, faute de moyens financiers. Sa fille souffrait d’un conflit de loyauté, selon ce que lui avait dit le Point rencontre. Il avait constaté en regardant l'un de ses dessins qu'elle avait un problème dans sa vie; elle devait gérer la perte de son frère (étudiant), de son père et de sa fonction de déléguée de classe, à laquelle elle tenait beaucoup. Elle fonctionnait en miroir de sa mère et se cachait derrière les activités de théâtre et d'opéra qu'elle pratiquait.

Les curatrices de la mineure ont persisté dans leur préavis et souligné que le Point rencontre n’était pas un lieu adapté au droit de visite entre le père et sa fille, mais également que la thérapie familiale était prématurée pour la mineure, qui devait d’abord effectuer un travail personnel de reconstruction. Il était également important que le père puisse travailler une modification de sa perception de la situation, sans quoi sa fille ne se sentirait pas libre de s'exprimer avec lui.

B.       Par ordonnance DTAE/10180/2023 du 28 novembre 2023, le Tribunal de protection, statuant sur mesures provisionnelles, a suspendu en l’état le droit de visite de A______ avec sa fille E______ (chiffre 1 du dispositif), ordonné à A______ d’entreprendre, dans les meilleurs délais, un suivi psychothérapeutique individuel sérieux et régulier auprès d’un lieu de consultation approprié et l’a invité à adresser au Tribunal de protection, d’ici au 30 avril 2024, une attestation circonstanciée de son thérapeute certifiant la mise en œuvre dudit suivi et décrivant les modalités de la prise en charge prodiguée, celles de l’éventuel traitement prescrit, de même que le niveau de compliance de son patient (ch. 2), ordonné la poursuite régulière des suivis thérapeutiques individuels mis en place en faveur de l’enfant (ch. 3), pris acte du suivi individuel effectué par B______ (ch. 4), ordonné la mise en place, dans un second temps, d’un travail thérapeutique familial, si possible auprès de la J______ [consultations familiales], invité le SPMi à s’assurer que les parents feront le nécessaire en temps utile en vue de la mise en place dudit suivi à l’automne suivant, sauf contre-indications des curatrices et précisé que les coûts dudit suivi non couverts par les assurances-maladie ou par des organismes dédiés seront mis à la charge des parents à raison de la moitié chacun (ch. 5), exhorté les parents à relever de leur secret professionnel les thérapeutes assurant les suivis prévus aux chiffre 2 à 5 du dispositif de leur secret professionnel, de manière à leur permettre d’échanger dans la mesure utile avec les curatrices de l’enfant au cours des mois à venir (ch. 6).

Il a également fait interdiction à A______, en l’état, d’approcher à moins de 200 mètres la personne de sa fille E______, de même que l’école et le domicile de celle-ci, sauf autorisation préalable contraire des curatrices, sous la menace de la peine prévue à l’art. 292 CP, dont la teneur a été rappelée (ch. 7), maintenu la curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles (ch. 8), invité les curatrices à faire parvenir au Tribunal de protection, d’ici au 15 novembre 2024 et après consultation des thérapeutes concernés, un point de situation, assorti de leur préavis s’agissant de l’éventuelle nécessité, au vu de l’évolution des circonstance, d’adapter le dispositif de protection, respectivement de prévoir les modalités de reprise des relations personnelles entre leur protégée et son père (ch. 9), rappelé que la décision était immédiatement exécutoire (ch. 10) et que la procédure était gratuite (ch. 11) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 12).

C.       a) Par acte expédié le 29 décembre 2023 au greffe de la Chambre de surveillance de la Cour de justice, A______ a formé recours contre cette ordonnance, qu’il a reçue le 22 décembre 2023, sollicitant l’annulation des chiffres 1, 4, 7 et 9 de son dispositif.

Concernant le chiffre 4, il a conclu à ce qu'il soit ordonné à la mère d'entreprendre un suivi psychothérapeutique individuel sérieux et régulier et que celle-ci soit invitée à adresser au Tribunal de protection, d’ici au 30 avril 2024, une attestation circonstanciée de son thérapeute certifiant la mise en œuvre dudit suivi et décrivant les modalités de la prise en charge prodiguée, celles de l’éventuel traitement prescrit, ainsi que le niveau de compliance de sa patiente.

Pour le surplus, il a conclu à la confirmation des chiffres 2, 3, 5, 6, 8, 10, 11 et 12 du dispositif et pris toute une série de conclusions relatives, en substance, à la mise en place d’un contact direct entre lui et la mère de l’enfant, un élargissement du temps des rencontres programmées entre sa fille et lui-même et la mise en place, dès que possible, d’une thérapie familiale. Il a également conclu à ce qu’il soit ordonné à la mère de se soumettre à une évaluation psychologique (à laquelle il acceptait également de se soumettre) et de lui ordonner de débloquer ses avoirs qui se trouvaient sur un compte gelé auprès de [la banque] K______. Il a sollicité qu’une nouvelle personne "impartiale" soit nommée au sein du SPMi en tant que " conservateur  supervisant nos interactions", à ce que des directives claires soient données à l’école de E______ lui permettant de participer activement à son éducation, à ce que la vie privée de E______ soit protégée en interdisant aux psychologues scolaires de s’occuper des affaires familiales et en fournissant à E______ une aide médicale professionnelle si nécessaire, à lui permettre ainsi qu'à la famille paternelle élargie d’introduire progressivement des méthodes de communication telles que le téléphone, Viber ou WhatsApp. Il a également conclu à ce que soient ordonnées des communications directes entre lui-même et la mère de la mineure concernant la vie et le bien-être de E______, à ce qu'il soit demandé à la mère de ne pas partager ses peurs et ses phobies avec leur fille, et à lui interdire de parler négativement de lui en présence de leur fille, sous suite de frais judiciaires.

Il a produit des photographies de la mineure E______ attestant selon lui du lien profond et de l’affection qui les unissaient, ainsi que différentes pièces nouvelles.

b) La requête d’octroi de l’effet suspensif au recours formé par A______ a été rejetée par arrêt de la Chambre de surveillance du 16 février 2024 (DAS/40/2024).

c) Par réponse du 1er mars 2024, B______ a conclu au rejet du recours et à la confirmation de l’ordonnance, sous suite de frais et dépens.

Elle a produit des pièces nouvelles, dont notamment un courrier du 13 mai 2023 de son conseil restituant au père un cadeau qu'il avait déposé en son Etude pour la mineure. Son conseil lui avait rappelé de ne pas déposer de cadeaux pour l'enfant, le dernier (soit un téléphone portable contenant de nombreux e-mails inadaptés à l'âge de l'enfant et une application de traçage) étant par ailleurs inapproprié et contraire aux mesures d'éloignement.

d) Le 17 mai 2024, le Tribunal de protection a fait parvenir à la Chambre de surveillance deux courriers de A______, ainsi qu’une attestation (non signée) de I______, psychiatre et psychothérapeute FMH, attestant de la reprise du suivi depuis janvier 2024 de manière régulière en son cabinet de A______ et faisant le point de la situation de son patient.

e) Par arrêt 5A_179/2024 du 21 juin 2024, le Tribunal Fédéral a déclaré irrecevable le recours formé par A______ contre l'arrêt de la Chambre de surveillance du 16 février 2024.

f) La cause a été mise en délibération le 8 août 2024.

EN DROIT

1.         1.1 Les dispositions de la procédure devant l'autorité de protection de l'adulte sont applicables par analogie aux mesures de protection de l'enfant (art. 314 al. 1 CC).

Les décisions de l'autorité de protection, rendues sur mesures provisionnelles, peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 53 al. 1 LaCC) dans un délai de dix jours à compter de leur notification (art. 445 al. 3).

En l'espèce, le recours a été formé dans le délai utile et selon les formes prescrites, par une personne ayant qualité pour recourir au sens de l’art. 450 al. 2 CC, de sorte qu'il est recevable.

1.2 Les pièce nouvellement déposées devant la Chambre de céans par les parties sont recevables, dans la mesure où l’art. 53 LaCC, qui régit de manière exhaustive les actes accomplis par les parties en seconde instance, à l’exclusion du CPC, ne prévoit aucune restriction en cette matière.

1.3 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2.         Le recourant s’oppose à la suspension de toutes relations personnelles avec sa fille, considérant que le Tribunal de protection a mal apprécié les faits et mal appliqué le droit, et sollicite l’élargissement desdites relations personnelles.

2.1.1 Le père ou la mère qui ne détient pas l'autorité parentale ou la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir des relations personnelles indiquées par les circonstances (art. 273 al. 1 CC).

Autrefois considéré comme un droit naturel des parents, le droit aux relations personnelles est désormais conçu à la fois comme un droit et un devoir de ceux-ci (art. 273 al. 2 CC), mais aussi comme un droit de la personnalité de l'enfant; il doit servir en premier lieu l'intérêt de celui-ci (ATF 127 III 295 consid. 4a;
123 III 445 consid. 3b). C'est pourquoi le critère déterminant pour l'octroi, le refus et la fixation des modalités du droit de visite est le bien de l'enfant, et non une éventuelle faute commise par le titulaire du droit (vez, Le droit de visite – Problèmes récurrents, in Enfant et divorce, 2006, p. 101 ss, 105). Le rapport de l'enfant avec ses deux parents est essentiel et peut jouer un rôle décisif dans le processus de sa recherche d'identité (ATF 127 III 295 consid. 4a; 123 III 445 consid. 3c; 122 III 404 consid. 3a et les références citées).

2.1.2 A teneur de l'art. 274 al. 2 CC, si les relations personnelles compromettent le développement de l’enfant, si les père et mère qui les entretiennent violent leurs obligations, s’ils ne se sont pas souciés sérieusement de l’enfant ou s’il existe d’autres justes motifs, le droit d’entretenir ces relations peut leur être refusé ou retiré. Le droit de visite peut aussi être restreint.

D'après la jurisprudence, il existe un danger pour le bien de l'enfant si son développement physique, moral ou psychique est menacé par la présence, même limitée, du parent qui n'a pas l'autorité parentale. La jurisprudence cite la maltraitance psychique ou physique (arrêt 5P.131/2006 du 25 août 2006 consid. 3 s., publié in FamPra.ch 2007 p. 167). Quel que soit le motif du refus ou du retrait du droit de visite, la mesure ne doit être envisagée que si elle constitue l'ultime moyen d'éviter que le bien de l'enfant ne soit mis en péril. Un refus des relations personnelles doit ainsi respecter les principes de subsidiarité et de proportionnalité, et ne saurait être imposé que si une autre mesure d'encadrement ne suffit pas à écarter efficacement et durablement le danger. En revanche, si le risque engendré pour l'enfant par les relations personnelles peut être limité grâce à d'autres mesures moins incisives telles que la présence d'un tiers ou l'exercice du droit dans un milieu protégé, le principe de la proportionnalité et le sens des relations personnelles interdisent la suppression complète de ce droit
(ATF 122 III 404, consid. 3b, JdT 1998 I 46; arrêts du Tribunal fédéral 5C.244.2001, 5C.58/2004; Kantonsgericht SG in RDT 2000 p. 204; Vez, Le droit de visite, problèmes récurrents, in Enfant et divorce, 2006 p. 122 et réf. citées; MEIER/STETTLER, Droit de la filiation, 6ème éd. n. 1014 ss).

2.1.3 La volonté de l'enfant est un critère parmi d'autres dans la décision relative aux relations personnelles. Le souhait de l'enfant doit être pris en compte, même si l'enfant n'est pas encore capable de discernement en ce qui concerne le droit de visite. Il est vrai que l'enfant n'est pas libre de décider si un droit de contact doit être accordé au parent qui ne s'occupe pas de lui; dans le cas contraire, la volonté de l'enfant serait assimilée au bien de l'enfant, alors que ces deux éléments peuvent tout à fait être contradictoires. C'est notamment le cas lorsque l'attitude de refus est essentiellement influencée par l'attitude de l'autre parent. Pour évaluer le poids à accorder à l'opinion de l'enfant, il est essentiel de tenir compte de l'âge de l'enfant, de la constance de la volonté exprimée et de sa capacité à former une volonté autonome. Cette capacité doit être considérée comme acquise à partir de l'âge de douze ans environ. Plus les manifestations de volonté sont exprimées de manière constante et étayées par des arguments compréhensibles et visant l'intérêt de l'enfant, plus elles peuvent être pondérées lors du jugement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_400/2023 du 11 janvier 2024 consid. 3.3.3).

2.1.4 Le juge n'est pas lié par les conclusions du SEASP. Le rapport de ces services (lequel constitue une preuve au sens des art. 168 et 190 CPC) est soumis, à l'instar des autres preuves, au principe de la libre appréciation consacrée par l'art. 157 CPC (HAFNER, Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2017, n. 4 ad art. 190 CPC; WEIBEL/NAEGELI, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2016, n. 8 ad art. 190 CPC). Cependant, une portée particulière peut être conférée au rapport d'évaluation sociale, qui prend en compte toute une série d'éléments objectifs, basés sur les déclarations d'intervenants scolaires, médicaux ou sociaux; il contient également des appréciations subjectives, lesquelles dénotent souvent une grande expérience en la matière, mais ne sauraient remplacer le pouvoir de décision du juge ACJC/1311/2017 du 11 octobre 2017 consid. 3.1.2).

2.2 En l’espèce, il ressort de la procédure qu'il n'est actuellement pas dans l'intérêt de la mineure E______ d'entretenir des relations personnelles avec son père. L'enfant manifeste une opposition à voir celui-ci, qui ne s'explique pas forcément par un conflit de loyauté, comme le soutient le recourant, mais semble plutôt trouver son origine dans les événements traumatiques que l'enfant a vécus ou dont elle a été le témoin durant la vie commune de ses parents. Face au mal-être de la mineure et aux divers maux somatiques et psychiques qu'elle développe lorsqu'elle est obligée de voir son père, la suspension de toutes relations personnelles est la seule solution possible, en l'état, afin de permettre à la mineure de retrouver une certaine sérénité en poursuivant son suivi psychothérapeutique individuelle.

Cette solution se justifie d'autant plus que la dernière visite, qui s’est déroulée au Point rencontre, s’est révélée être un échec total en raison de l'attitude inappropriée du père, qui n’est manifestement pas en capacité de comprendre et d'entendre les besoins et les craintes de sa fille ni d’y répondre de manière adéquate. Il n'est pas plus capable de contenir ses émotions qu'il exprime, même en présence d'un intervenant, par des cris et des pleurs, ce qui atteste d’une inadéquation totale dans la prise en charge d’une enfant de douze ans et renforce le sentiment d'insécurité que celle-ci ressent en présence de son père. Si la mineure doit travailler son vécu et ses peurs, objectives ou non, avec sa thérapeute avant toute reprise de relations personnelles avec son père, ce dernier doit également apprendre à se remettre en question, travailler sa vision des relations filiales et adopter une approche plus attentive et respectueuse des besoins de son enfant. Contraindre actuellement la mineure à entretenir des relations personnelles avec son père est ainsi contraire à son intérêt, comme l'ont relevé, à juste titre, sa psychologue et ses curatrices.

C’est ainsi à raison que le Tribunal de protection a suspendu, en l'état, toutes relations personnelles entre le recourant et sa fille.

Le chiffre 1 du dispositif de l’ordonnance sera ainsi confirmé.

3.         Le recourant s’oppose à l’interdiction qui lui a été faite de s’approcher à moins de 200 mètres de la personne de sa fille, de son école ou de son domicile.

3.1 Pour qu'une mesure au sens de l'art. 307 CC soit ordonnée, il faut que le développement de l’enfant soit menacé, que les parents n’y remédient pas d’eux-mêmes ou soient hors d’état de le faire et que cette menace ne puisse être écartée par des mesures plus limitées (arrêt du Tribunal fédéral 5A_65/2017 du 24 mai 2017 consid. 3.2). La mesure ordonnée doit en outre respecter le principe de proportionnalité. Ce principe est en effet la pierre angulaire du système de protection civile de l’enfant, la mesure ordonnée devant notamment être apte à atteindre le but de protection visé et nécessaire à cette fin (principe de proportionnalité au sens étroit; arrêt du Tribunal fédéral 5A_840/2010 du 31 mai 2011 consid. 3.1.2 et la doctrine citée). L’autorité qui ordonne une mesure de protection de l’enfant dispose à cet égard d’un large pouvoir d’appréciation (art. 4 CC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_656/2020 du 13 janvier 2011 consid. 3).

3.2 En l’espèce, la mineure a confié à ses curatrices ne pas se sentir en sécurité, et être perturbée en voyant son père à proximité de son école ou en sachant qu’il pouvait se rapprocher du domicile pour essayer d’entrer en contact avec elle ou sa mère.

Le recourant considère que les mesures d’éloignement prises à son encontre sont disproportionnées et non pertinentes. A nouveau, il n’entend pas la crainte exprimée pas sa fille de le voir surgir dans sa vie, sans qu’elle n’y soit préparée. Même si la crainte de l'enfant lui paraît démesurée, le recourant doit la respecter, afin de pouvoir regagner sa confiance. Compte tenu de son attitude intrusive, et afin d’assurer à la mineure une certaine sérénité, les mesures prises par le Tribunal de protection sont parfaitement adéquates et proportionnées à la situation, ce d’autant que le droit de visite du recourant sur sa fille étant pour l’instant suspendu, il n’a aucune raison de devoir s’approcher d'elle, de son domicile ou de son école. Le cadeau qu’il a voulu faire à sa fille, soit un téléphone portable contenant de nombreux e-mails inadaptés à son âge, ainsi qu’une application de traçage, ne sont pas de nature à rassurer sur l'adéquation de son comportement, de sorte que c’est à raison que des mesures d’éloignement assorties de la menace de la peine de l’art. 292 CP ont été prononcées à son égard.

Le chiffre 7 du dispositif de l’ordonnance sera ainsi confirmé.

4.         Le Tribunal de protection a pris acte du suivi individuel effectué par la mère de la mineure (ch. 4 du dispositif). Le recourant voudrait cependant l'y voire condamnée, de même qu'elle soit invitée, comme lui, à fournir une attestation circonstanciée de son thérapeute certifiant la mise en œuvre dudit suivi et décrivant les modalités de la prise en charge prodiguée, celles de l’éventuel traitement prescrit, ainsi que le niveau de compliance de sa patiente.

Le principe d’équité que semble invoquer le recourant et le fait que la mineure soit sous la garde exclusive de sa mère ne justifient pas d’exiger de telles mesures de la part de cette dernière. Le recourant semble occulter le fait que seul le droit de visite entre lui et sa fille pose problème, et non la garde de l’enfant par sa mère, sous réserve d’un éventuel conflit de loyauté, qu'il soulève, mais que la procédure n’a, pour l'instant, pas mis en évidence.

Le chiffre 4 du dispositif de l'ordonnance sera ainsi confirmé et le recourant sera débouté de ses conclusions.

5.         Le recourant formule par ailleurs toute une série de conclusions, qui, soit sont devenues sans objet compte tenu du résultat de son recours (comme l’élargissement du droit de visite notamment), soit ne sont pas de la compétence de la Chambre de céans (comme le déblocage de ses comptes bancaires, les injonctions diverses sollicitées ou le changement d'intervenant au SPMi), étant précisé que la Chambre de surveillance ne statue que sur les points du dispositif de l’ordonnance qui sont remis en cause.

Le recourant remet en question dans son recours, sur plusieurs pages, la position et la compétence de l’ensemble des intervenants médicaux, sociaux, juridiques, de même que les autorités judiciaires rendant les décisions concernant sa fille, voire le système tout entier, sans jamais se remettre en question lui-même, en se prévalant de toutes sortes de violations, inexistantes, sur lesquelles il n’est pas besoin de s’appesantir, au vu du résultat de son recours. Ce comportement manifeste de nouveau l’incapacité du recourant à prendre en considération les besoins de sa fille, point sur lequel il devra travailler en thérapie, afin que la situation puisse évoluer favorablement.

6.         Le recours sera ainsi entièrement rejeté et le recourant sera débouté de toutes ses conclusions.

7.         La procédure de recours, qui porte essentiellement sur l'élargissement des relations personnelles du recourant, n'est pas gratuite. Les frais judiciaires sont arrêtés à 800 fr., mis à la charge du recourant qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et partiellement compensés avec l'avance de frais de 400 fr., qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 CPC).

Le recourant sera ainsi condamné à verser à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire le solde de 400 fr.

Il n’est pas alloué de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 29 décembre 2023 par A______ contre l’ordonnance DTAE/10180/2023 rendue le 28 novembre 2023 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/8410/2023.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 800 fr., les met à la charge de A______ et les compense partiellement avec l'avance de frais de 400 fr. effectuée, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à payer 400 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Dit qu’il n’est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.