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Décisions | Chambre de surveillance

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C/29795/2018

DAS/73/2024 du 27.03.2024 sur DTAE/1581/2024 ( PAE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/29795/2018-CS DAS/73/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MERCREDI 27 MARS 2024

 

Recours (C/29795/2018-CS) formé en date du 20 mars 2024 par Monsieur A______, p.a. EMS D______, ______ (Genève), représenté par Me I______, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 27 mars 2024 à :

- Monsieur A______
c/o Me I______, avocat.
______, ______ [GE].

- Monsieur B______
Monsieur C
______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

Pour information :

-       DIRECTION EMS D______
______, ______ [GE].


EN FAIT

A. A______, né le ______ 1952, de nationalité néerlandaise, est au bénéfice d'une curatelle de représentation et de gestion confiée à deux collaborateurs du Service de protection de l'adulte (SPAd) et étendue à tous les domaines de la protection.

Sa maison a été rendue inhabitable début 2023 par plusieurs incendies, dont il est soupçonné d'être à l'origine.

B. Par deux ordonnances du 10 mars 2023, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection) a ordonné le placement de A______ à des fins d'assistance au sein de l'Hôpital E______, ainsi que son expertise psychiatrique.

Par expertise psychiatrique du 13 mars 2023, F______, médecin psychiatre, a établi que l'expertisé présentait une dépendance à l'alcool avec une consommation excessive quotidienne d'au moins une bouteille de vin par jour, avec conséquences graves telles que des chutes, deux incendies et des troubles cognitifs, ainsi que la nécessité de mettre un sevrage en place pour éviter un delirium tremens. En outre, il présentait des troubles cognitifs légers, conséquence de ses consommations excessives et chroniques d'alcool, mais aussi liés à un processus dégénératif léger. Selon l'experte, A______ ne pouvait pas retourner dans son logement trop endommagé et donc inhabitable, la problématique de son lieu de vie devant faire l'objet d'une expertise plus complète.

Le 14 mars 2023, le Tribunal de protection a confirmé au fond le placement à des fins d'assistance au motif que A______ présentait une dépendance à l'alcool et des troubles cognitifs débutants susceptibles de représenter un risque pour sa vie ou son intégrité personnelle, respectivement celles d'autrui, le précité étant à l'origine de deux incendies survenus dans sa maison.

En outre, son placement à des fins d'assistance permettait au Tribunal de protection d'ordonner un complément d'expertise sur la question de son lieu de vie et la réalisation de celle-ci, tout en lui permettant de bénéficier d'un lieu de vie adéquat et nécessairement protégé dans l'intervalle.

Dans un certificat médical du 17 mai 2023 transmis au Tribunal de protection par le SPAd le 30 mai 2023, G______, médecin chef de clinique de l'hôpital E______, a exposé la nécessité d'envisager la prise en charge institutionnelle du patient.

Par décision superprovisionnelle du 13 juin 2023, le Tribunal de protection a prescrit l’exécution du placement à des fins d’assistance institué auprès de l'EMS D______, à H______ [GE], à compter du 16 juin 2023, et autorisé trois sorties hebdomadaires.

Dans son complément d'expertise rendu le 14 juin 2023, l'experte a considéré que A______ n'avait plus besoin d'une prise en charge hospitalière, dans la mesure où le sevrage à l'alcool et aux benzodiazépines avait pu être réalisé avec succès. Il convenait qu'il puisse quitter l'hôpital pour intégrer un lieu de vie à plus long terme. Il se montrait volontaire pour intégrer l'EMS D______, sans qu'il soit par conséquent nécessaire de maintenir le placement à des fins d'assistance ordonné. Elle relevait que la poursuite des soins pouvait s'effectuer en mode ambulatoire depuis l'EMS et concluait en déclarant soutenir "un transfert en mode volontaire à l'EMS D______".

Le Tribunal de protection a procédé à l'audition de l'experte, du curateur du SPAd, du curateur d'office et A______, qui a déclaré qu'il se plaisait au sein de l'EMS D______.

Par courrier du 22 janvier 2024, le curateur d'office a remis au Tribunal de protection le bilan neuropsychologique du 9 janvier 2024 auquel A______ s'était engagé à se soumettre. Il en résulte un déficit cognitif moyen, dont l'évolution doit être surveillée à intervalle d'un an, aucun traitement médicamenteux ou prise en charge non médicamenteuse à visée cognitive n'étant indiqué.

Dans ses dernières déterminations au tribunal de protection du 16 février 2024, le curateur d'office a principalement requis la levée du placement.

C. Par ordonnance du 6 mars 2024 (DTAE/1581/2024), le Tribunal de protection a rejeté la demande de mainlevée du placement à des fins d'assistance ordonné par décisions DTAE/1903/2023 et DTAE/2017/2023 des 10 et 14 mars 2023 en faveur de A______, né le ______ 1952 de nationalité néerlandaise (ch. 1 du dispositif), prescrit l'exécution du placement au sein de l'EMS D______ (ch. 2), rendu attentive l'institution de placement au fait que la compétence de libérer la personne placée, de lui accorder des sorties temporaires ou de transférer le lieu d'exécution du placement appartenait au Tribunal de protection (ch. 3), rappelé que l'ordonnance était immédiatement exécutoire et la procédure gratuite (ch. 4 et 5).

Contre cette ordonnance, dont il ne ressort pas à quelle date elle a été communiquée pour notification au recourant et qui en a eu connaissance le 18 mars 2024, A______ interjette recours, concluant à la levée de la mesure.

La Cour a procédé à l'audition du recourant lors de son audience du 27 mars 2024, lors de laquelle il a persisté dans sa demande de levée, souhaitant "retrouver sa liberté". Son curateur de représentation a appuyé cette demande. Le placement n'était plus proportionné. Un éventuel suivi pouvait être effectué ambulatoirement.

 

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent (art. 450 al. 1 CC). Dans le domaine du placement à des fins d'assistance, le délai de recours est de dix jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 450b al. 2 CC). Le recours formé contre une décision prise dans le domaine du placement à des fins d'assistance ne doit pas être motivé (art. 450e al. 1 CC).

1.2 En l'espèce, le recours a été formé dans le délai utile de dix jours, devant l'autorité compétente (art. 72 al. 1 LaCC), par la personne directement concernée par la mesure. Il est donc recevable à la forme.

1.3 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2.  2.1 Aux termes de l'art. 426 al. 1 CC, une personne peut être placée dans une institution appropriée lorsque, en raison de troubles psychiques, d'une déficience mentale ou d'un grave état d'abandon, l'assistance ou le traitement nécessaire ne peuvent lui être fournis d'une autre manière. Les cantons peuvent désigner des médecins qui, outre l'autorité de protection de l'adulte, sont habilités à ordonner un placement dont la durée est fixée par le droit cantonal (art. 429 al. 1 CC; art. 60 al. 1 LaCC). La personne concernée est libérée dès que les conditions du placement ne sont plus remplies (art. 426 al. 3 CC).

La loi exige la réalisation de trois conditions cumulatives, à savoir une cause de placement (troubles psychiques, déficience mentale ou grave état d'abandon), un besoin d'assistance ou de traitement ne pouvant lui être fourni autrement et l'existence d'une institution appropriée permettant de satisfaire les besoins d'assistance de la personne placée ou de lui apporter le traitement nécessaire (MEIER/LUKIC, Introduction au nouveau droit de la protection de l'adulte, p. 302, n. 666).

En cas de troubles psychiques, la décision de placement à des fins d'assistance doit être prise sur la base d'un rapport d'expertise (art. 450e al. 3 CC). Dans son rapport, l'expert doit se prononcer sur l'état de santé de l'intéressé. Il doit également indiquer en quoi les éventuels troubles psychiques risquent de mettre en danger la vie de la personne concernée ou son intégrité personnelle, respectivement celles d'autrui, et si cela entraîne chez lui la nécessité d'être assisté ou de prendre un traitement (ATF 137 III 289 consid. 4.5.; arrêt 5A_469/2013 consid. 2.4). Dans l'affirmative, il incombe à l'expert de préciser quels seraient les risques concrets pour la vie ou la santé de cette personne, respectivement pour les tiers, si la prise en charge préconisée n'était pas mise en œuvre (à propos de la notion de danger concret : arrêts 5A_288/2011 consid. 5.3; 5A_312/2007 consid. 2.3). Il doit encore indiquer si, en vertu du besoin de protection de l'intéressé, un internement ou une rétention dans un établissement est indispensable, ou si l'assistance ou le traitement nécessaire pourrait lui être fourni de manière ambulatoire. Le rapport d'expertise doit préciser également si la personne concernée paraît, de manière crédible, prendre conscience de sa maladie et de la nécessité d'un traitement.

La personne concernée est libérée dès que les conditions du placement ne sont plus remplies (art. 426 al. 3 CC).

2.2 En l'espèce, le recours doit être admis.

En effet, il ressort du dossier que les conditions au maintien du placement, sans qu'il soit ici nécessaire d'examiner leur réalisation au moment du prononcé de la mesure, ne sont clairement pas réalisées.

D'une part, le recourant est conscient de son problème d'addiction à l'alcool, ce qui est un préalable à une prise en charge éventuelle volontaire. D'autre part, l'experte mise en œuvre par le Tribunal de protection a relevé qu'un traitement éventuel de ce problème pouvait avoir lieu de manière ambulatoire. En outre, si certes le recourant connaît un déficit cognitif moyen, notamment dû à l'excès d'alcool selons les avis médicaux au dossier, ce déficit, qui peut certes l'entraver au quotidien, est à surveiller médicalement annuellement seulement, sans qu'aucun traitement médicamenteux ne soit à prescrire à son propos.

Par ailleurs, la Cour relève que l'experte, dans son complément d'expertise portant spécifiquement sur la question du lieu de vie du recourant, a relevé qu'il n'existait plus de motif pour un placement à des fins d'assistance et qu'un placement volontaire dans l'EMS dans lequel il réside, et avec lequel il semblait d'accord, était à privilégier.

Certes, le recourant ne peut plus envisager de retourner vivre dans sa maison, ce qu’il n’a pas déclaré souhaiter, laquelle a été détruite et rendue inhabitable par les incendies subis. Il appartiendra aux curateurs, qui en ont la charge et dont c'est une mission, d'organiser le lieu de vie du recourant, en principe au sein d'une institution, que celle-ci soit celle où il vit en l'état ou une autre susceptible de l'accueillir. Ce seul fait ne justifie en aucun cas le maintien d'une mesure de placement, dont les conditions ne sont en l'état pas réalisées.

Le recours sera par conséquent admis dans la mesure de ce qui précède et le placement ordonné en faveur de A______ levé dès lors avec effet immédiat.

3.  La procédure est gratuite (art. 22 al. 4 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 20 mars 2024 par A______ contre l'ordonnance DTAE/1581/2024 rendue le 6 mars 2024 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/29795/2018.

Au fond :

Lève avec effet immédiat la mesure de placement à des fins d'assistance instituée en faveur de A______, au sens des considérants.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.