Aller au contenu principal

Décisions | Chambre de surveillance

1 resultats
C/14501/2022

DAS/68/2024 du 18.03.2024 sur DTAE/883/2024 ( PAE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14501/2022-CS DAS/68/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 18 MARS 2024

 

Recours (C/14501/2022-CS) formé en date du 1er mars 2024 par Monsieur A______, domicilié ______ (Genève).

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 18 mars 2024 à :

- Monsieur A______
______, ______.

- Maître B______
______, ______.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

Pour information :

- Me C______, avocate
______, ______.

- Docteure D______
Département de Département de santé mentale et de psychiatrie
Chemin du Petit-Bel-Air 2, 1226 Thônex.


EN FAIT

A.           a) Dans le cadre de la procédure de divorce (cause C/1______/2020) opposant A______, né le ______ 1951, originaire de F______ (Neuchâtel), et son épouse, G______, le Président de la 15ème Chambre du Tribunal de première instance a signalé, le 25 juillet 2022, au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection) le cas de l'époux, afin de déterminer l'opportunité du prononcé de mesures de curatelle en sa faveur et de sa représentation dans le cadre de la procédure de divorce, au vu du contenu des deux missives des 25 novembre et 8 décembre 2021, qu'il avait adressées au Tribunal, et en raison du fait qu'il n'avait comparu à aucune des six audiences auxquelles il avait été convoqué, déposant la veille de celles-ci un certificat médical pour solliciter leur renvoi, ce qui était de nature à lui causer un préjudice financier.

b) Par décision du 28 juillet 2022, C______, avocate, a été désignée en qualité de curatrice d'office dans le cadre de la procédure ouverte devant le Tribunal de protection.

c) A______, qui s'est excusé au moyen d'un certificat médical, ne s'est pas présenté à l'audience fixée le 10 février 2023 par le Tribunal de protection. Lors de cette audience, sa curatrice d'office a précisé n'avoir jamais pu le rencontrer, celui-ci lui ayant fait interdiction de se rendre chez lui. Elle constatait, au vu des différents courriers que l'avocate de son épouse avait adressés au Tribunal de protection, qu'il mettait sa situation financière en péril, ainsi que celle de son épouse, notamment en refusant de payer les charges de copropriété et de négocier les emprunts hypothécaires des biens dont ils étaient copropriétaires. Elle s'en rapportait à justice sur l'opportunité de la réalisation d'une expertise psychiatrique de l'intéressé.

A______ ne s'est pas plus présenté à la seconde audience fixée par le Tribunal de protection le 3 mars 2023, excusant de nouveau son absence par certificat médical.

d) Par ordonnance du 3 mars 2023, le Tribunal de protection a, sur mesures provisionnelles, institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______, désigné B______, avocate, aux fonctions de curatrice et lui a confié les tâches de représenter la personne concernée dans le cadre de la procédure de divorce pendante devant le Tribunal de première instance (cause C/1______/2020), de la représenter dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d'affaires administratives et juridiques, de gérer ses revenus et biens et d'administrer ses affaires courantes, et a autorisé la curatrice à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites du mandat.

Le Tribunal de protection relevait que, depuis le 30 août 2022, A______ lui avait adressé huit courriels et trois courriers, lesquels étaient parfois adressés à plusieurs personnes, dont des personnalités politiques, rédigés dans un style d'apparence structuré, mais très dense et parfois incompréhensible, et avaient pour thématique récurrente les services secrets de différents pays, les problèmes financiers qu'il rencontrait avec ses biens immobiliers, le fait qu'il s'estimait victime de tromperies et de manipulations de la part d'un notaire, de ses banques, de son épouse, ou encore de sa fratrie, les soupçons qu'il nourrissait, en général, à l'égard de ces personnes et les conflits qui l'opposaient à ses banques et à l'administration fiscale.

Il avait également fourni, le 8 février 2023, notamment, une copie de ses diplômes et un certificat médical du 13 juin 2022 faisant état d'un syndrome post-traumatique crânio-cérébal et d'un état dépressif.

L'épouse du concerné avait avisé le Tribunal de protection, le 1er janvier 2023, qu'il avait cessé de payer les charges hypothécaires, respectivement les charges de copropriété, des différents biens immobiliers que les époux détenaient en copropriété, puis, par courrier du 29 mars 2023, que la banque avait dénoncé le prêt hypothécaire d'une propriété des époux sise à H______ (Vaud). Le prêt du bien immobilier de la rue 2______ à Genève, occupé par le concerné, pourrait subir le même sort.

Bien que le Tribunal de protection ne dispose pas d’un certificat médical attestant d'un trouble spécifique chez l'intéressé, les éléments relevés évoquaient la paranoïa et la quérulence, lesquels constituaient des symptômes d’un trouble psychique, laissant fortement présager l'existence d'un tel trouble chez l'intéressé. En tout état, son fonctionnement global se trouvait fortement impacté et ses comportements mettaient gravement en péril ses finances, en raison de son refus de payer ses dettes, ainsi que le bon déroulement de la procédure de divorce et la préservation de ses intérêts dans ce cadre. Une expertise psychiatrique était envisagée. Cependant, dans l'attente du résultat de celle-ci et d'auditionner l'intéressé, il convenait d'instaurer en sa faveur une mesure de protection à titre provisionnel.

Le recours de A______ contre cette ordonnance a été déclaré irrecevable par la Chambre de surveillance, par décision du 26 avril 2023.

e) Le 25 avril 2023, la curatrice de la mesure s'est déclarée d'accord avec la réalisation d'une expertise psychiatrique de son protégé et a suggéré d'entendre d'ores et déjà le Dr I______, [neurologue] au service de neurologie des HUG, lequel avait établi un rapport le 13 juin 2022. A______ s'est opposé à l'expertise.

f) A la demande du Tribunal de protection, le Dr J______, médecin interne spécialiste FMH et consultant HUG, a, dans un écrit du 5 juin 2023, et après avoir reçu son patient en consultation afin de répondre aux questions qui lui étaient soumises, attesté du fait que A______ disposait de sa capacité de discernement. Il était son médecin-traitant depuis 2006. Celui-ci était également suivi par le Dr K______, angiologue, pour des problèmes de thrombose, mais ne l'était pas, à sa connaissance, sur le plan psychiatrique. Son patient souffrait d'un trouble psychiatrique de type "idées délirantes". Les troubles délirants de son patient lui étaient connus depuis plusieurs années. Il avait effectué un test Mini Mental STATE (MMS) le 5 juin 2023 avec un score de 30/30. D'autres MMS avaient été effectués les années précédentes par ses confrères avec un score également normal. Son patient était parfaitement collaborant mais présentait un déni de ses troubles psychiques. Il était capable d'assurer la gestion de ses affaires administratives et financières, de même que son administration courante au moyen des revenus limités dont il disposait, suite à la "décision de justice". Il était également capable d'assurer sa propre assistance personnelle et comprenait sa situation médicale au niveau somatique, prenant son traitement d'anticoagulants de manière correcte, mais ne reconnaissait pas avoir des troubles psychiatriques. Il ne semblait pas s'engager de manière excessive auprès de personnes mal intentionnées et disait ne pas procéder à des achats compulsifs ou déraisonnables. Il ne se mettait pas en danger et disait habiter avec son fils, avec lequel il entretenait une relation parfois conflictuelle. Une restriction de l'exercice de ses droits civils ne paraissait pas opportune.

g) Le Dr K______, angiologue, dans un certificat médical du 14 juin 2023, a attesté suivre A______ depuis le 18 septembre 2001. Il le voyait assez régulièrement pour un suivi de sa maladie thromboembolique veineuse. Le patient se rendait à ses rendez-vous, réalisait les contrôles nécessaires, comprenait les explications qu'il lui fournissait et suivait le traitement médical prescrit. Il était également suivi par le Dr J______ et avait consulté à certaines époques le Dr L______, psychiatre. Le Dr K______ ne disposait d'aucun document concernant une éventuelle affection psychiatrique, ni n'avait connaissance de la réalisation de tests neuropsychologiques sur son patient. Ce dernier avait toujours été collaborant et tout-à-fait à même de comprendre son problème de santé et de le traiter. Il l'avait consulté le 18 novembre 2019, sollicitant un constat médical, après une agression par son fils, selon ses dires.

h) Le 27 juin 2023, la curatrice provisoire a indiqué au Tribunal de protection ne pas avoir encore réussi à s'entretenir avec son protégé, ce dernier ne donnant aucune suite à ses réitérées demandes.

Elle avait cependant commencé à circonscrire le patrimoine de son protégé, lequel comportait un appartement de six pièces et un appartement de deux pièces communicants à l'avenue 2______ à Genève, en copropriété à parts égales avec son épouse, grevés d'une hypothèque de 600'000 fr. auprès de [la banque] M______, prêt dénoncé au remboursement le 17 avril 2023, non pas en raison du non-respect des échéances hypothécaires, mais du comportement de l'intéressé, soit ses longues missives au contenu attentatoire à l'honneur. L'épouse avait payé les intérêts hypothécaires des deux dernières années mais disait avoir épuisé ses économies et ne plus pouvoir poursuivre. La banque n'était pas opposée à revoir les conditions, pour autant que la curatelle soit pérenne et qu'elle reçoive une garantie du paiement des échéances.

Les époux étaient également copropriétaires à parts égales d'une maison à H______ (Vaud), grevée d'une hypothèque de 574'000 fr. auprès de la banque N______, prêt qui avait été dénoncé au remboursement le 6 mars 2023, sans que la banque n'accepte de revenir sur sa décision, une poursuite en réalisation de gage étant d'ores et déjà en cours, à laquelle la curatrice avait formé opposition.

A______ possédait également, en copropriété pour un-tiers chacun, avec son frère et sa cousine, un immeuble locatif sis à O______ [NE], laissant une marge bénéficiaire, toutefois sans distribution, en raison de gros travaux entrepris de 2022 à 2024, les deux autres copropriétaires ayant avancé une somme de 180'000 fr. au total pour compléter le financement des travaux, en raison de l'obstruction de A______ aux démarches visant à obtenir un prêt complémentaire notamment.

Il possédait également les parts d'une société P______ Sarl, dont la valeur était ignorée et ses comptes bancaires présentaient des soldes négligeables. Outre les prêts hypothécaires à rembourser représentant une somme de 1'174'000 fr. en capital, dont une demie à charge de l'épouse qui indiquait ne pas avoir la capacité de financer sa part, A______ avait accumulé des dettes chirographaires estimées à environ 159'000 fr., sans tenir compte des arriérés de contributions d'entretien dues à son épouse, lesquels n'étaient pas encore chiffrés. La plupart de ces dettes étaient au poursuite, à l'état de la saisie. La seule ressource de son protégé provenait de sa rente AVS de 2'450 fr. versée sur le compte Q______, sa rente LPP étant entièrement saisie. Il parvenait à payer ses primes d'assurance maladie, qui étaient quasiment à jour, et ses frais courants (téléphone, SIG, etc).

La curatrice proposait la vente du bien de O______, les autres copropriétaires le souhaitant depuis de nombreuses années, sans pouvoir mettre le projet à exécution compte tenu de l'opposition du concerné. Elle sollicitait l'autorisation de mettre en vente le bien de H______ en priorité, ce qui permettrait de rembourser le prêt y relatif et les dettes chirographaires, de même que de donner des garanties suffisantes à M______ pour qu'elle accepte de revenir sur la dénonciation du prêt.

Elle sollicitait également que l'accès de son protégé aux comptes Q______, N______ et M______ soit restreint, ce dernier pouvant conserver le libre accès au compte R______ qu'elle alimenterait, ce afin qu'il n'interfère pas dans le remboursement des dettes ; il convenait également de restreindre la capacité contractuelle de son protégé.

i) Par ordonnance du 26 juillet 2023, le Tribunal de protection a, sur mesures provisionnelles, limité l'exercice des droits civils de A______ en matière contractuelle et l'a privé de l'accès à toute relation bancaire ou à tout coffre-fort, en son nom ou dont il est l'ayant-droit économique, et a révoqué toute procuration établie au bénéfice de tiers, sauf en ce qui concerne l'accès à son compte privé ouvert auprès de [la banque] R______.

Le recours formé par A______ contre cette ordonnance a été déclaré irrecevable, par arrêt de la Chambre de surveillance du 25 août 2023.

j) Le Tribunal de protection a fixé une nouvelle audience le 25 août 2023, à laquelle A______ s'est excusé.

La curatrice provisoire a indiqué, en substance, ne pas être parvenue, malgré ses efforts, à s'entretenir avec son protégé. Elle n'avait toujours pas d'information concernant la société P______ SA mais avait fait expertiser l'immeuble de O______, lequel était estimé à une valeur comprise entre 5'090'000 fr. et 5'660'000 fr., soit supérieur à l'estimation première. La procédure de divorce était pour l'instant suspendue, le temps d'assainir au mieux la situation de son protégé. M______ refusait d'annuler la dénonciation du prêt hypothécaire mais les échéances étaient couvertes jusqu'à la fin de l'année, grâce au versement auquel elle avait fait procéder. Si le produit de la vente ne parvenait pas à couvrir toutes les dettes, elle solliciterait l'autorisation de vendre le grand appartement de l'avenue 2______ et de conserver l'appartement de deux pièces et la maison de H______, ce qui permettrait également de solder la liquidation du régime matrimonial.

La curatrice de représentation a précisé n'avoir jamais pu entrer en contact avec A______ et s'en rapportait à justice.

k) Par ordonnance du 25 août 2023, le Tribunal de protection a, statuant sur mesures préparatoires, ordonné l'expertise psychiatrique de A______, commis le Dr S______, médecin chef du Département de E______ des HUG, aux fonctions d'expert unique, en l'autorisant, sous sa responsabilité, à désigner un médecin de son choix pour réaliser l'expertise en ses lieu et place et l'a invité, notamment, à répondre aux questions de savoir si la personne concernée souffrait de déficience mentale, de troubles psychiques ou d'un autre état de faiblesse affectant sa condition personnelle et si cet état était durable ou non, et, dans l'affirmative, quelles en étaient les conséquences sur les actes de sa vie quotidienne, en matière administrative, financière, personnelle et médicale; si elle était capable d'apprécier le sens, la nécessité, les effets de ses actes et d'agir en conséquence et, dans la négative, dire pour quels types d'actes elle était incapable de discernement; si elle risquait d'être facilement influencée ou d'agir volontairement contre ses intérêts; était consciente du fait qu'elle avait besoin d'aide et l'acceptait et était capable de désigner un mandataire.

Le recours formé par A______ contre cette ordonnance a été déclaré irrecevable par arrêt de la Chambre de surveillance du 28 septembre 2023.

l) La Dre D______, médecin interne au service de psychiatrie gériatrique (SPG) – Centre ambulatoire de psychiatrie-psychothérapie de l'âgé (CAPPA), a été désignée pour réaliser l'expertise.

m) A______ ne s'est pas présenté aux rendez-vous fixés par l'experte les 27 septembre et 18 octobre 2023.

n) Par courrier du 17 novembre 2023, le Tribunal de protection a saisi la Commandante de la police cantonale genevoise, en application des art. 448 al. 1 CC et 45 al. 4 LaCC, afin de contraindre A______ à se soumettre à l'expertise et, dans cette perspective, à le présenter à la Dre D______, moyennant un rendez-vous préalable avec ce praticien.

o) La police a informé le Tribunal de protection avoir conduit A______ aux HUG le 19 janvier 2024 et en avoir avisé la Dre D______.

p) Le 23 janvier 2024, A______ a écrit au Tribunal de protection "être hospitalisée (sic) dans une institution psychiatrique sans raison autre que d'être tenu à disposition de la justice…".

q) Le Tribunal de protection a, par courriel du 25 janvier 2024, sollicité de la Dre D______ de savoir à quel titre A______ était hospitalisé, rappelant ne pas avoir ordonné le placement de celui-ci à des fins d'expertise. A défaut d'une hospitalisation volontaire ou sur la base d'un placement à des fins d'assistance médical, celui-ci devait être libéré.

r) A______ a quitté la Clinique de T______ le 26 janvier 2024.

s) L'expertise psychiatrique n'a pas pu être réalisée pendant le séjour de A______ en hospitalisation du 19 au 26 janvier 2024, en raison de l'indisponibilité de la Dre D______. Il ressort toutefois de l'avis de sortie des HUG du 25 janvier 2024 que A______ souffre d'un trouble délirant à type de persécution d'allure chronique, avec comme diagnostic secondaire, des symptômes cognitifs légers (concentration et exécutif), un trouble de l'équilibre d'origine multifactorielle sur un syndrome post-traumatique crânien cérébral léger, une atteinte vestibulaire et des troubles anxio-dépressifs avec composante délirante chronique.

t) A______ a été convoqué par l'experte le 7 février 2024 pour effectuer l'expertise psychiatrique ordonnée mais a adressé à cette dernière un courriel la veille afin d'annuler le rendez-vous. Celle-ci en a avisé le Tribunal de protection; elle considérait que le dossier contenait suffisamment d'éléments pour comprendre que l'expertise devait être réalisée soit avec un mandat PAFA-TPAE, soit sur dossier. Elle précisait que l'expertisé était dans l'incapacité de collaborer, ce qui décrivait déjà une partie de sa pathologie et de son état clinique actuel. Il connaissait les raisons de son expertise mais sa maladie psychiatrique, dont il était anosognosique, le faisait douter et changer d'avis, avec un sentiment de persécution envers les intervenants.

B.            Par ordonnance DTAE/883/2024 du 12 février 2024, le Tribunal de protection a ordonné le placement à des fins d'expertise de A______ (chiffre 1), prescrit l'exécution du placement en la Clinique de T______ (ch. 2), rendu attentive l'institution de placement au fait que la compétence de libérer la personne concernée, de lui accorder des sorties temporaires ou de transférer le lieu d'exécution du placement appartenait au Tribunal de protection (ch. 3), invité le Service de l'application des peines et mesures à exécuter la mesure (ch. 4), autorisé la police, en cas de besoin, à recourir à la contrainte et à pénétrer dans le logement de la personne concernée, si nécessaire par une ouverture forcée dudit logement (ch. 5), invité le Service de l'application des peines et mesures à aviser immédiatement le Tribunal de protection et l'expert dès la mesure exécutée (ch. 6), invité l'expert, après avoir auditionné l'expertisé, à aviser immédiatement le Tribunal de protection de son appréciation sur l'opportunité de prononcer un placement à des fins d'assistance à l'égard de la personne concernée (ch. 7), rappelé que l'ordonnance était immédiatement exécutoire nonobstant recours (ch. 8) et rappelé que la procédure était gratuite (ch. 9).

En substance, le Tribunal de protection a considéré qu'il avait ordonné l'expertise psychiatrique de l'intéressé il y avait près de six mois, considérant que sa situation nécessitait d'envisager l'instauration d'une mesure de protection en sa faveur afin, cas échéant, de confirmer, au fond, une mesure de curatelle instaurée sur mesures provisionnelles. Il ressortait des événements qui s'étaient produits et des nombreux écrits prolixes du concerné que ce dernier n'était nullement disposé à se présenter au moindre rendez-vous qui serait encore convoqué par l'experte, en invoquant divers motifs et pour des raisons tenant au trouble psychique dont il souffrait vraisemblablement, en rendant impossible la réalisation de la mission d’expertise de manière ambulatoire.

C.           Par acte du 1er mars 2024, A______ a recouru contre cette ordonnance, qu'il a reçue le 13 février 2024.

Il indique, notamment et en substance, qu'il a passé huit jours à la Clinique de T______ sans qu'aucun entretien n'ait eu lieu, la lettre de sortie, lacunaire, ne reprenant que les diagnostics des différents médecins auxquels il s'était confié, et dont il conteste la véracité. Il n'est aucunement anosognosique de son état et est parfaitement conscient des effets psychiques engendrés par les événements auxquels il est confronté, lesquels proviennent des dérives du système administratif et non de son état mental. Il regrette d'avoir dû rester à disposition de l'experte pendant une semaine, sans que l'expertise, qui nécessitait un entretien annoncé de deux heures, n'ait pu être réalisée. Il conteste le caractère indispensable de l'expertise psychiatrique préconisée, ainsi que la nécessité de la désignation de deux curatrices pour exécuter des tâches qu'il avait toujours réalisées seul auparavant. Il n'avait jamais manifesté de caractère agressif ou dangereux envers qui que ce soit et ne présentait aucun danger pour la société, lui-même ou ses proches. Un nouveau séjour à la Clinique de T______ dérogerait au principe de proportionnalité, ce d'autant qu'il n'était pas établi que les causes de son comportement, qui semblait préoccuper les instances judiciaires, ne puissent être établies autrement que par un placement à des fins d'expertise. Il rappelait enfin qu'il avait déposé des plaintes pénales contre ceux qui l'accusaient à tort de s'être engagé dans des opérations de blanchiment d'argent. Chacune des convocations qu'il avait reçues "constituait en réalité un piège pour qu'il soit déféré manu militari devant la justice fédérale américaine pour des faits qui ne le concernaient pas. A chaque fois, un avion américain était posté sur le tarmac de Cointrin pour évacuer la patate chaude que la Berne fédérale craint tant". Il sollicitait d'être libéré de toute expertise psychiatrique et de lui garantir l'accès à l'intégralité du dossier de procédure.

D.           Le juge délégué de la Chambre de surveillance a tenu une audience le 12 mars 2024.

A______ ne s'est pas présenté à l'audience, s'excusant la veille par l'envoi d'un courriel assorti d'un certificat médical établi par le Dr U______, médecin interne à l'Hôpital de V______, faisant état d'une incapacité de travail à 100%.

La curatrice de représentation a indiqué qu'elle n'avait jamais pu rencontrer son protégé et a "réservé sa position", son protégé semblant disposer de sa capacité de discernement.

La curatrice provisoire a considéré qu'il était impératif que l'expertise psychiatrique soit réalisée, les renseignements au dossier n'étant pas suffisants pour permettre au Tribunal de protection de se prononcer sur une mesure de protection au fond.

La Dre D______ a expliqué avoir convoqué à deux reprises le recourant, lequel ne s'était pas présenté aux rendez-vous fixés. Elle lui avait cependant parlé au téléphone. Il était logorrhéique. Il lui avait expliqué les raisons pour lesquelles il ne voulait pas se soumettre à une expertise, ni prendre de traitement. Il avait ensuite été amené à la clinique par la police sur ordre du Tribunal de protection mais elle n'avait pas pu le voir durant les quelques jours de son hospitalisation, son agenda étant complet. Il était sorti de la clinique le 26 janvier 2024, en l'absence d'un placement à des fins d'assistance. A ce moment-là, il ne s'opposait pas à la réalisation d'une expertise. Elle l'avait ensuite convoqué pour le 7 février 2024, mais il ne s'était pas présenté. Elle ne pensait pas qu'il accepterait de se soumettre à une expertise de manière volontaire. La lettre de sortie avait été rédigée par le Dre W______. Elle avait pris connaissance de ce document qui confirmait que A______ souffrait d'un trouble délirant persistant de type paranoïaque, ce qui ressortait déjà des éléments du dossier. Lors de son hospitalisation, il était très collaborant. Il n'avait été relevé aucun risque auto ou hétéro-agressif de sorte que les conditions d'un PAFA-MED n'étaient pas réalisées. Il avait refusé tout traitement psychotrope. Il passait son temps à effectuer des recherches sur les gens qui l'entouraient et à faire des interprétations de ce qu'il trouvait.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 CC; art. 72 al. 1 LaCC; art. 126 al. 1 let. b LOJ). Dans le domaine du placement à des fins d'assistance, le délai de recours est de dix jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 450b al. 2 CC; art. 72 al. 1 LaCC). Le recours formé contre une décision prise dans le domaine du placement à des fins d'assistance ne doit pas être motivé (art. 450e al. 1 LaCC).

En l'espèce, le recours a été formé par la personne directement concernée par l'ordonnance attaquée, dans le délai utile de dix jours et devant l'autorité compétente, il est donc recevable à la forme.

2.             2.1 A teneur de l'art. 449 al. 1 CC, si l'expertise psychiatrique est indispensable et qu'elle ne peut être effectuée de manière ambulatoire, l'autorité de protection de l'adulte place, à cet effet, la personne concernée dans une institution appropriée.

L'art. 449 CC complète en particulier l'art. 426 al. 1 CC. Il fournit la base légale permettant de placer une personne afin d'effectuer une expertise psychiatrique indispensable, qui ne peut se dérouler qu'en milieu institutionnel. Cela suppose qu'un placement à des fins d'assistance – le cas échéant, également une autre mesure de protection (art. 389 CC) - entre sérieusement en ligne de compte, mais que des éléments importants manquent encore pour une décision définitive à ce propos; il en va ainsi lorsque la cause du comportement constaté chez la personne concernée ne peut être soigneusement établie que dans le cadre d'un séjour en clinique psychiatrique. Pour placer à des fins d'expertise, il faut qu'il soit admis sur la base des circonstances du cas d'espèce qu'il existe un besoin sérieux (Leuba, Stettler, Büchler, Häfeli, Protection de l'adulte, 2013, n 8 ad art. 449 CC et les références citées).

Le placement ordonné dans ce but n'est dès lors admissible que lorsque le principe de proportionnalité est respecté. Cela suppose que toutes les alternatives pouvant entrer en considération et portant moins atteinte à la liberté de la personne concernée aient été déjà précédemment tentées ou qu'elles apparaissent d'emblée dépourvues de chances de succès compte tenu des circonstances (Leuba, Stettler, Büchler, Häfeli, op. cit., n 9 ad art. 449 CC et les références citées).

2.2 Dans le cas d'espèce, le médecin traitant du recourant, qui le suit depuis 2006, a posé un diagnostic de trouble délirant chez son patient, lequel a été repris dans le rapport de sortie des HUG du 25 janvier 2024. Il estime que le recourant dispose de sa capacité de discernement.

Il résulte de l'audition de la Dre D______ par le juge délégué de la Chambre de céans que le recourant s'est montré collaborant lors de son séjour à la Clinique de T______ en janvier 2024 et n'a présenté aucun signe de risque auto ou hétéro-agressif, de sorte qu'il ne remplissait pas les conditions d'un placement à des fins d'assistance médicale.

Le Tribunal de protection a, sur mesures provisionnelles, à teneur des différents éléments du dossier, estimé que les conditions d'une curatelle de représentation du recourant dans le cadre de la procédure de divorce étaient réunies et que celles de l'instauration d'une curatelle de représentation et de gestion en matière d'affaires administrative, financière et juridique l'étaient également, compte tenu du fait que l'intéressé mettait en danger ses intérêts financiers, notamment par son inaction et son comportement. Il a également restreint l'accès de l'intéressé à ses comptes bancaires, à l'exclusion d'un seul, et limité son pouvoir de conclure avec des tiers. La curatrice désignée a d'ores et déjà effectué de nombreuses démarches afin de sauvegarder les intérêts de son protégé et assainir sa situation financière.

Le Tribunal de protection a également, préparatoirement au fond, ordonné l'expertise psychiatrique de l'intéressé afin de savoir s’il souffrait de déficience mentale ou de troubles psychiques et mieux cerner ses besoins de protection. Celui-ci ne s'est cependant pas conformé aux convocations ambulatoires de l'experte désignée et, aux dires de celle-ci, qui n'a pu réaliser l'expertise malgré la présence de l'intéressé durant une semaine à la Clinique de T______, après y avoir été amené par la police, une expertise ambulatoire n'est dorénavant plus envisageable, l'intéressé refusant de s'y soumettre, alors qu'il disait y être prêt durant son séjour. Ce fait semble effectivement acquis.

Il reste à examiner, à teneur des éléments figurant au dossier, s'il est proportionné de placer l'intéressé à des fins d'expertise à la Clinique de T______.

Selon la doctrine précitée, un placement en vue d'effectuer une expertise ne peut être ordonné que si un placement à des fins d'assistance ou une autre mesure de protection entrent sérieusement en ligne de compte.

En l'espèce, la procédure ne fait pas ressortir d'éléments suffisants afin de retenir que le placement à des fins d'assistance entrerait sérieusement en ligne de compte. En effet, il n'apparaît pas que le recourant se mette en danger, ni qu'il présente un risque hétéro-agressif. Il assure son suivi médical pour ses problèmes somatiques, dont il comprend la nécessité, et prend son traitement médicamenteux.

S'agissant d'une autre mesure de protection, si certes les questions posées à l'expert sont pertinentes pour mieux cerner la mesure de protection envisagée, il semble disproportionné, alors que d'autres éléments figurent au dossier et que le Tribunal de protection a estimé qu'ils étaient suffisants pour permettre l'instauration à titre provisionnel d'une mesure de curatelle de représentation dans le cadre de la procédure de divorce et d'une curatelle de représentation et de gestion, de contraindre l'intéressé à la réalisation de cette expertise, en le privant de liberté à cette fin. Toutes les mesures probatoires, dont celles préconisées par la curatrice provisoire, n'ont pas encore été réalisées. Une expertise sur dossier, telle que suggérée par l'experte, non plus. Quoi qu'il en soit, l'expertise psychiatrique n'est qu'une mesure probatoire, certes importante, parmi d'autres, permettant de déterminer la nature et l'étendue d'une mesure de protection, le Tribunal de protection ayant clairement indiqué dans sa décision qu'il cherchait à savoir, par ce biais, s'il pouvait, sur le fond, confirmer les mesures de curatelle prises à titre provisionnel. Or, la réponse à cette question ne nécessite pas de priver l'intéressé de sa liberté.

Ainsi, le placement à des fins d'expertise ordonné par le Tribunal de protection ne respecte pas le principe de proportionnalité.

Il en résulte que les conditions d'un placement du recourant à des fins d'expertise fondé sur l'art. 449 al. 1 CC ne sont pas réunies, même si celui-ci n'a pas déféré aux convocations de l'expert désigné.

Le recours sera donc admis et la décision du Tribunal de protection sera annulée.

3.             La procédure est gratuite (art. 22 al. 4 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 1er mars 2024 par A______ contre l'ordonnance DTAE/883/2024 rendue le 12 février 2024 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/14501/2022.

Au fond :

Annule cette ordonnance.

Sur les frais:

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.