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Décisions | Chambre de surveillance

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C/14812/2022

DAS/64/2024 du 12.03.2024 sur CTAE/2952/2023 ( PAE ) , ADMIS

Normes : CC.404.al2; LOJ.104.al1
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/14812/2022-CS DAS/64/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MARDI 12 MARS 2024

 

Recours (C/14812/2022-CS) formé en date du 20 novembre 2023 par Monsieur A______, domicilié c/o B______, ______ [GE].

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 12 mars 2024 à :

 

- Monsieur A______
c/o B______,
______, ______ [GE].

- Maître C______
______, ______ [GE].

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.           a. Le 25 juillet 2022, A______ a porté plainte auprès du Ministère public à l’encontre du dénommé D______. Le premier a exposé être sous-locataire d’une arcade située no. ______, rue 1______ et avoir hébergé le second, qui se trouvait dans une situation précaire, à la fin du mois de mai 2022. D______ avait toutefois envahi les lieux, ainsi que les escaliers de l’immeuble et avait laissé pénétrer des tiers dans l’appartement. A______ lui avait signifié son impossibilité à continuer de l’héberger et D______ l’avait menacé, refusant de partir. A______ a décrit dans sa plainte une situation de stress l’empêchant de vivre et de travailler (il indiquait être écrivain) correctement, ce qui avait un impact sur sa santé. La plaignant sollicitait d’urgence qu’une décision soit prise, contraignant D______ à quitter les lieux, tout en soulignant que lorsque ce dernier serait informé de ses démarches, son comportement agressif risquait de s’aggraver.

Une copie de cette plainte a été transmise au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le Tribunal de protection), le Ministère public ayant considéré que le contenu de celle-ci pouvait laisser penser que A______, âgé de 75 ans et atteint dans sa santé, pouvait nécessiter une mesure de protection.

Sur la plainte, A______ mentionnait comme première adresse le no. ______, rue 2______ et comme seconde le no. ______, rue 1______.

b. Il ressort d’un extrait du Registre des poursuites du 5 août 2022 que A______ ne fait l’objet d’aucune poursuite, ni acte de défaut de biens.

c. Le 16 août 2022, le Tribunal de protection a convoqué l’intéressé à une audience fixée le 5 septembre 2022, par pli recommandé envoyé à l’adresse no. ______, rue 1______. Ce pli a été retourné au Tribunal de protection, au motif que l’intéressé était introuvable à l’adresse indiquée.

Le Tribunal de protection a adressé la même convocation par pli simple à A______, également à l’adresse no. ______, rue 1______.

d. A______ n’était ni présent, ni représenté à l’audience du 5 septembre 2022.

La suite de la procédure a été réservée.

e. Par décision DTAE/6032/2022 du 14 septembre 2022, le Tribunal de protection a désigné C______, avocat, en qualité de curateur d’office de A______, son mandat étant limité à la représentation de ce dernier dans la procédure pendante devant ce même Tribunal.

f. Le 14 septembre 2022, le Tribunal de protection a invité le curateur à prendre connaissance de la procédure et à fournir, dans un délai d’un mois, un bref rapport sur la situation de la personne concernée, dans le but de « se faire une idée » sur l’éventuel besoin de protection de la personne concernée.

Le même jour, une copie de la décision du 14 septembre 2022 désignant le curateur de représentation a été adressée à A______ à l’adresse no. ______, rue 1______. A nouveau, le pli n’a pas pu être distribué, le destinataire étant introuvable à l’adresse indiquée.

g. Par courrier du 9 novembre 2022, le curateur a informé le Tribunal de protection de ce qu’il avait rencontré quelques difficultés à entrer en contact avec A______ ; son adresse était le no. ______, rue 2______. L’intéressé venait par ailleurs de partir à l’étranger pour quelques semaines.

h. Par courrier adressé au Tribunal de protection le 14 novembre 2022, A______ mentionnait une adresse « officielle », soit le no. ______ rue 3______ (adresse officielle auprès de l’Office cantonal de la population) et une adresse générale pour le courrier, soit le no. ______, rue 2______. Il indiquait être retenu en Belgique en raison d’obligations familiales et n’avoir appris l’existence d’une procédure ouverte devant le Tribunal de protection que le 5 novembre 2022, par le curateur, aucun courrier ne pouvant l’atteindre au no. ______, rue 1______, de sorte qu’il n’avait pas reçu le pli du 14 septembre 2022. Il « imaginait » que le délai pour recourir contre la décision du 14 septembre 2022 n’avait commencé à courir que le 5 novembre 2022 et il demandait à pouvoir consulter son dossier dès son retour à Genève, soit à partir du 23 novembre 2022.

i. Par réponse du 18 novembre 2022, le Tribunal de protection a informé A______ de ce que le dossier resterait à sa disposition pendant sept jours à compter du 23 novembre 2022.

j. Le 30 novembre 2022, le curateur a adressé son rapport au Tribunal de protection. Il était parvenu à la conclusion qu’il n’existait aucune nécessité d’instaurer une mesure de protection.

L’intéressé, retraité, avait conservé une activité de « web designer » pour le compte de deux clients. Il écrivait, éditait des ouvrages et s’adonnait par ailleurs à la photographie. Il était en contact avec divers membres de sa famille, soit un frère et trois enfants. Il avait perdu la vue de l’œil droit, mais était en pleine possession de ses capacités mentales et était suivi sur le plan médical. Il vivait grâce à ses rentes AVS et LPP et disposait, selon ses dires, d’économies à hauteur de plusieurs dizaines de milliers de francs. Les difficultés qu’il avait rencontrées avec le dénommé D______ n’avaient duré que quelques semaines, mais la situation était désormais réglée. Le bail de sous-location dont bénéficiait A______ sur l’arcade en question était par ailleurs arrivé à son terme. Ce dernier était opposé à toute mesure de protection et considérait que le Tribunal de protection aurait pu tenter de l’atteindre de manière effective, ce qui aurait permis de clôturer la procédure, son adresse à la rue 2______ figurant sur la plainte pénale qu’il avait déposée.

k. Par décision DTAE/9189/2022 du 2 décembre 2022, le Tribunal de protection a informé A______ de ce que la procédure était classée, sous réserve de faits nouveaux.

B. a. Le 25 janvier 2023, C______ a fait parvenir au Tribunal de protection son état de frais, en 1'683 fr. Selon lui, la procédure ayant été classée, sa rémunération n’avait pas à être assumée par A______.

Le Tribunal de protection a été relancé le 13 juillet 2023.

b. Par décision CTAE/2952/2023 du 24 octobre 2023, signée par « E______, Secteur du contrôle », le Tribunal de protection a fixé l’indemnisation de C______ à 1'525 fr. (4h45 à 200 fr., soit 950 fr. + forfait courriers/téléphones 50%, soit 475 fr. + une vacation à 100 fr.). La décision indiquait que ce montant était provisoirement laissé à la charge de l’Etat et devrait être remboursé par la personne concernée dès qu’elle serait en mesure de le faire.

La décision indiquait un délai de recours de 30 jours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice.

c. Le 20 novembre 2023, A______ a formé recours contre cette décision.

Il a exposé que la décision de nomination d’un curateur de représentation avait été prise après l’audience du mois d’août 2022 (recte : septembre), à laquelle il n’était pas présent, la convocation ayant été envoyée à une adresse non valide. Aucune tentative pour le reconvoquer n’avait été faite. Or, il avait été atteint au no. ______, rue 2______ tant par le Ministère public que par le curateur. Si le Tribunal de protection l’avait contacté à cette adresse, il aurait été présent à l’audience du mois d’août (recte : septembre), de sorte que sa situation aurait été éclaircie et que la procédure aurait pris fin, ce qui aurait évité d’engendrer les frais d’un curateur.

d. Le Tribunal de protection n’a pas souhaité revoir la décision attaquée.

e. C______ a conclu à la confirmation du montant qui lui a été alloué et à ce que celui-ci soit exclusivement laissé à la charge de l’Etat, de même que les frais de la procédure de recours, renonçant à solliciter l’allocation de dépens.

f. La cause a été gardée à juger à l’issue de ces échanges.

EN DROIT

1.             1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours (art. 450 al. 1 CC) dans le délai de trente jours à compter de la notification de la décision (art. 450b al. 1 CC) devant la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 53 al. 1 LaCC).

1.2 En l’espèce, le recours a été formé en temps utile par la personne directement concernée par la décision rendue; il est par conséquent recevable.

2.             2.1.1 La nullité d'un jugement doit être relevée d'office, en tout temps et par toutes les autorités chargées d'appliquer le droit. Elle peut également être invoquée dans un recours et même encore dans la procédure d'exécution. Des décisions entachées d'erreurs sont nulles si le vice qui les affecte est particulièrement grave, s'il est manifeste ou du moins facilement décelable et si, de surcroît, la sécurité du droit n'est pas sérieusement mise en danger par l'admission de la nullité. Des vices de fond d'une décision n'entraînent qu'exceptionnellement sa nullité. Entrent avant tout en considération comme motifs de nullité l'incompétence fonctionnelle et matérielle de l'autorité appelée à statuer, ainsi qu'une erreur manifeste de procédure (ATF 117 Ia 202 c. 8 et JdT 1993 I 264; ATF 122 I 97 c. 3a/aa; ATF 127 II 32 c. 3g et réf., JdT 2004 I 131).

2.1.2 Le curateur a droit à une rémunération appropriée et au remboursement des frais justifiés ; ces sommes sont prélevées sur les biens de la personne concernée (art. 404 al. 1 CC). L’autorité de protection de l’adulte fixe la rémunération (art. 404 al. 2 CC). Les cantons édictent les dispositions d’exécution et règlent la rémunération et le remboursement des frais lorsque les sommes afférentes ne peuvent être prélevées sur les biens de la personne concernée (art. 404 al. 3 CC).

Le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant siège dans la composition d’un juge, qui le préside, d’un juge assesseur psychiatre et d’un juge assesseur psychologue ou d’un juge assesseur travailleur social ou autre spécialiste du domaine social (art. 104 al. 1 LOJ).

Dans les situations pouvant concerner des adultes ou des enfants, le juge du Tribunal de protection est compétent pour fixer la rémunération du curateur ou du tuteur (art. 404 al. 2 CC) (art. 5 al. 1 let. w LaCC).

2.1.3 Même si l’assistance juridique n’a pas été sollicitée ou accordée, l’Etat rembourse ses frais au représentant commis d’office et lui verse l’indemnité prévue par le règlement si l’intéressé refuse de l’en défrayer. L’Etat peut recouvrer auprès de l’intéressé le montant ainsi payé (art. 40 al. 3 LaCC).

2.2 En l’espèce, la rémunération du curateur a été fixée non pas par un magistrat du Tribunal de protection mais par une employée ou fonctionnaire du secteur du contrôle de cette juridiction, ce qui est contraire aux art. 404 al. 2 CC et 5 al. 1 let w LaCC.

La nullité de la décision attaquée, rendue par une personne incompétente, sera par conséquent constatée et la cause retournée au Tribunal de protection pour nouvelle décision.

2.3 Cela étant, si la décision avait été valablement prononcée, elle aurait été infondée en tant qu’elle a dit que les honoraires du curateur devraient être remboursés par le recourant dès qu’il sera en mesure de le faire et ce pour plusieurs raisons.

Il sera tout d’abord relevé que la décision attaquée ne mentionne aucune base légale et ne contient aucune motivation, de sorte qu’il n’est pas possible de comprendre le raisonnement suivi par son auteur. En particulier, il ne ressort pas de la décision que la situation financière du recourant aurait fait l’objet d’un quelconque examen, qui aurait permis de parvenir à la conclusion qu’il n’était pas en mesure d’assumer, en l’état, le paiement des honoraires du curateur.

Toutefois et quelle que soit la situation financière effective du recourant, rien ne justifie de mettre, in fine, les honoraires du curateur à sa charge, compte tenu de la manière dont la procédure a été instruite par le Tribunal de protection. Ce dernier a reçu copie d’une plainte que le recourant avait adressée au Ministère public, qui pouvait peut-être laisser penser qu’il n’était pas en mesure de défendre ses intérêts. Ladite plainte mentionnait en premier lieu l’adresse no. ______, rue 2______ et en second lieu le no. ______, rue 1______. Le Tribunal de protection a fait le choix d’adresser au recourant une convocation à cette seconde adresse, le pli recommandé lui ayant toutefois été retourné au motif que son destinataire était introuvable à ladite adresse. Le Tribunal de protection a cru bon d’envoyer la même convocation par pli simple à la même adresse, alors que le bon sens aurait commandé de tenter de joindre le recourant à la première adresse mentionnée sur sa plainte, soit le no. ______, rue 2______, à laquelle il a pu être atteint tant par le Ministère public que par le curateur. Si le Tribunal de protection avait procédé de la sorte, le recourant aurait vraisemblablement pu être entendu et sa situation rapidement éclaircie, ce qui aurait permis de constater qu’il était en mesure de gérer ses affaires, comme l’attestait d’ailleurs son absence de poursuites, et n’avait pas besoin d’une mesure de protection. Au lieu de cela, le Tribunal de protection lui a désigné un curateur de représentation, décision qu’il a, à nouveau, notifiée au no. ______, rue 1_______, alors même qu’il savait que le destinataire y était introuvable, sans se donner la peine de faire usage de l’autre adresse qui figurait pourtant au dossier.

Au vu de ce qui précède, les honoraires du curateur, qui auraient pu être évités, devront être définitivement laissés à la charge de l’Etat.

3.         Compte tenu de l’issue de la procédure de recours, les frais judiciaires, arrêtés à 400 fr., seront laissés à la charge de l’Etat et les Services financiers invités à restituer au recourant son avance de frais de même montant.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision CTAE/2952/2023 du 24 octobre 2023, rendue par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/14812/2022.

Au fond :

Constate la nullité de cette décision et cela fait :

Retourne la cause au Tribunal de protection pour nouvelle décision, dans le sens des considérants.

Sur les frais :

Laisse les frais de la procédure de recours, en 400 fr., à la charge de l’Etat.

Invite en conséquence les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ son avance de frais de même montant.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.