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Décisions | Chambre de surveillance

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C/6985/2023

DAS/17/2024 du 18.01.2024 sur DTAE/5181/2023 ( PAE ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6985/2023-CS DAS/17/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU JEUDI 18 JANVIER 2024

 

Recours (C/6985/2023-CS) formé en date du 12 juillet 2023 par Monsieur A______, domicilié ______ (Genève).

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 25 janvier 2024 à :

- Monsieur A______
______, ______.

- Monsieur B______
______, ______.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance DTAE/5181/2023 du 5 juin 2023, communiquée pour notification aux parties le 7 juillet 2023, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection) a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______, né le ______ 1963, originaire du C______ (GE) (ch. 1 du dispositif), désigné B______ aux fonctions de curateur, lui confiant la mission de représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques, de gérer ses revenus et biens et d'administrer ses affaires courantes, de veiller à son bien-être social et de le représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre et de veiller à son état de santé, de mettre en place les soins nécessaires et, en cas d’incapacité de discernement, de le représenter dans le domaine médical (ch. 2 et 3), autorisé le curateur à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites du mandat, et, si nécessaire, à pénétrer dans son logement (ch. 4) et arrêté les frais judiciaires à 500 fr., mis à la charge de la personne concernée (ch. 5).

En substance, il a considéré que l'état de santé de la personne concernée l'empêchait totalement d'assurer la sauvegarde de ses intérêts, celle-ci étant frappée par diverses atteintes cognitives à ce point graves que son médecin a informé le Tribunal de protection qu'il ne pouvait pas être valablement entendu, aucune personne proche, suite au décès de l'épouse du concerné, n'étant capable ou volontaire pour lui apporter l'aide nécessaire.

B. Par courrier adressé à la Cour le 12 juillet 2023, A______ a conclu à l'annulation de l'ordonnance attaquée au motif qu'il n'est frappé d'aucune déficience mentale et qu'il gère son administration correctement sans aide extérieure, comme il l'avait fait pour la succession de son épouse. Il estime n'avoir besoin d'aucun curateur.

Le 18 octobre 2023, le Tribunal de protection a exprimé ne pas souhaiter revoir sa position.

En date du 10 novembre 2023, D______, frère du recourant interpelé par la Cour, a relaté que la situation de son frère, qui lui permet en l'état encore selon lui de gérer ses comptes, était susceptible de se péjorer à l'avenir. Il a en outre exposé que l'opposition de son frère aboutissait à la situation que le curateur ne pouvait pas exercer sa mission, notamment en matière sociale et de santé, sauf à ce que la force publique soit requise. Il a informé la Cour également de ce que son frère touchera une rente d'invalidité à 100% dès le 1er janvier 2024.


 

C. Résultent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants :

a) Par requête formée le 27 mars 2023 par D______ au Tribunal de protection, celui-ci a sollicité l'institution d'une mesure de protection en faveur de son frère, A______, né le ______ 1963, originaire du C______.

b) Parallèlement, le 4 avril 2023, le Service social de l'Hôpital de E______ a fait parvenir un signalement au Tribunal de protection relatif à la personne concernée accompagné d'un certificat médical établi par un médecin interne au sein dudit hôpital.

Il ressort de ces actes que A______, veuf et sans enfant, vit seul à domicile, avec un encadrement de soins IMAD, soutenu par sa mère, nonagénaire, et son frère.

Il souffre d'un syndrome MELAS récemment diagnostiqué, à savoir une maladie génétique touchant plusieurs organes, dont le cerveau, à l'origine d'épisodes vasculaires mimant des ischémies cérébrales, une épilepsie, des troubles de l'équilibre et principalement des troubles cognitifs dans tous les domaines, associés à une anosognosie. En raison de sa maladie, sa capacité de discernement est très limitée, il est dépendant pour les actes de la vie quotidienne et incapable de gérer ses affaires administratives et financières. En raison de ses atteintes cognitives, le médecin a attesté que l'intéressé ne pouvait être valablement entendu par le Tribunal de protection.

c) L'IMAD a confirmé au Tribunal de protection, lors de son instruction de la cause, sa prise en charge depuis le 27 mars 2023, relevant que le recourant vivait seul depuis plusieurs mois suite au décès de son épouse, n'était pas toujours compliant dans les soins, refusait l'augmentation des prestations et rejetait toute proposition pouvant améliorer sa situation. L'IMAD faisait en outre état du fait que son appartement était très encombré, son accessibilité étant mauvaise. Le frère du recourant était très présent et pouvait être sollicité en cas de besoin, selon l'IMAD.

d) Aucun mandat pour cause d'inaptitude n'a été enregistré dans la banque de données centrale de l'Etat civil. Le recourant ne fait l'objet d'aucune poursuite, ni acte de défaut de biens.

e) Selon le dossier du Tribunal de protection, les revenus annuels du recourant et sa fortune mobilière sont de respectivement environ 100'000 fr. et 155'000 fr., la fortune de sa défunte épouse étant de plus de 280'000 fr.

f) Interpellé par le Tribunal de protection, D______ n'avait pas souhaité être désigné aux fonctions de curateur, au vu de l'anosognosie de son frère et des difficultés à l'aider en découlant.

Sur quoi la décision attaquée a été rendue.

EN DROIT

1.             1.1 Les décisions de l’autorité de protection peuvent faire l’objet d’un recours (art. 450 al. 1 CC) dans les trente jours à compter de leur notification (art. 450b CC), auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 53 al. 1 LaCC).

En vertu de l'art. 450 al. 2 CC, ont qualité pour recourir les personnes parties à la procédure (ch. 1), les proches de la personne concernée (ch. 2) et les personnes qui ont un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (ch. 3).

Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

1.2 En l’espèce, le recours a été interjeté dans le délai et la forme utiles, par la personne concernée, dans le délai légal. Sa motivation, certes succincte, est suffisante, de sorte qu’il est recevable.

2. 2.1 Les mesures prises par l'autorité de protection garantissent l'assistance et la protection de la personne qui a besoin d'aide (art. 388 al. 1 CC). Elles préservent et favorisent autant que possible leur autonomie (art. 388 al. 2 CC).

A teneur de l'art. 389 al. 1 ch. 1 CC, l'autorité de protection de l'adulte ordonne une mesure de protection lorsque l'appui fourni à la personne ayant besoin d'aide par les membres de sa famille, par d'autres proches ou par des services privés ou publics ne suffit pas ou semble a priori insuffisant. Cette disposition exprime le principe de la subsidiarité (art. 389 al. 1 ch. 1 CC).

Une mesure de protection de l'adulte n'est ordonnée par l'autorité que si elle est nécessaire et appropriée (art. 389 al. 2 CC).

L’art. 389 al. 1 CC exprime le principe de la subsidiarité. Cela signifie que lorsqu’elle reçoit un avis de mise en danger, l’autorité doit procéder à une instruction complète et différenciée lui permettant de déterminer si une mesure s’impose et, dans l’affirmative, quelle mesure en particulier (HÄFELI, CommFam Protection de l’adulte, ad art. 89 CC, n. 10 et 11).

Selon l’art. 390 CC, l’autorité de protection de l’adulte institue une curatelle, notamment lorsqu’une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d’assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d’une déficience mentale, de troubles psychiques ou d’un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle (ch. 1).

Les notions de "déficience mentale" et de "troubles psychiques" ne se confondent pas avec les notions correspondantes retenues en médecine. Si la personne concernée présente généralement un trouble au sens médical de ces termes, seul est juridiquement déterminant pour l'institution d'une curatelle la conséquence que cet état médicalement reconnu a sur son besoin de protection (STEINAUER/FONTOULAKIS, Droit des personnes physiques et de la protection de l'adulte, 2014, p. 42, N 131).

Une curatelle de représentation est instituée lorsque la personne qui a besoin d'aide ne peut accomplir certains actes et doit de ce fait être représentée (art. 394 al. 1 CC). Ces tâches concernent l'assistance personnelle, la gestion du patrimoine (art. 395 al. 1 CC) et les rapports juridiques avec les tiers (art. 391 al. 2 CC).

2.2 L'autorité de protection de l'adulte établit les faits d'office. Elle procède à la recherche et à l'administration des preuves nécessaires (art. 446 al.1 et 2 CC).

La personne concernée est entendue personnellement, à moins que l'audition personnelle ne paraisse disproportionnée (art. 447 al.1 CC, 36 al.2 LaCC).

2.3 Dans le cas d'espèce, bien que le recours soit très succinctement motivé, l'on comprend que le recourant fait grief au Tribunal de protection d'avoir considéré qu'il remplissait les conditions légales pour le prononcé d'une mesure de protection. En particulier, il lui fait grief d'avoir considéré qu'il souffrait d'une déficience mentale.

Force est d'admettre sur ce dernier point que les rapports médicaux fondent le diagnostic retenu par le Tribunal de protection, de sorte que l'affection dont souffre le recourant doit être tenue pour établie comme l'a retenu à juste titre le Tribunal de protection.

Reste à savoir si ce constat impliquait le prononcé d'une mesure de protection et si oui, si la mesure prononcée respecte les principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Il ressort du dossier que si certes le recourant est encore capable de gérer certains aspects de son administration, celui-ci, veuf depuis peu, était aidé par son frère qui a déclaré ne plus souhaiter être impliqué quotidiennement. Il ressort également de la procédure que la situation de santé du recourant est évolutive dans le sens d'une péjoration à venir de sorte qu'il s'agit de l'anticiper.

Il en découle dès lors qu'une mesure appropriée de protection apparaissait nécessaire à la sauvegarde des intérêts du recourant, quand bien même celui-ci est à l'heure actuelle encore en mesure d'en assumer certains aspects.

Le Tribunal de protection a cependant, d'entrée de cause et sans procéder à l'audition personnelle du recourant, ni à aucune audition de témoin, en particulier par hypothèse du frère, requérant, du recourant, institué une mesure de curatelle de représentation et gestion portant sur tous les aspects financiers et personnels de la personne du recourant.

Certes, un médecin avait déclaré dans un certificat médical produit (non signé) que son patient n'était pas susceptible d'être valablement entendu, ce dont on peut douter à la lecture du reste du dossier. Cela étant, le Tribunal de protection ne pouvait pas, sans violer le principe de subsidiarité (mesure sur mesure), retenir sur la base du seul dossier tel qu'il est constitué en l'état qu'une mesure aussi conséquente devait être imposée au recourant.

Par conséquent, la cause doit lui être renvoyée pour examiner sous l'angle de la proportionnalité et de la nécessité, l'ampleur de la mesure de protection à instituer en faveur du recourant, étant précisé, comme relevé plus haut, qu'une mesure est nécessaire.

3. Vu l'issue de la procédure, les frais seront laissés à la charge de l'Etat et l'avance versée restituée au recourant.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 12 juillet 2023 par A______ contre l’ordonnance DTAE/5181/2023 rendue le 5 juin 2023 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/6985/2023.

Au fond :

L'admet partiellement.

Renvoie la cause au Tribunal de protection pour suite d’instruction et nouvelle décision au sens des considérants.

Sur les frais :

Laisse les frais à la charge de l'Etat de Genève et invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer au recourant l'avance versée, soit 400 fr.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.